Lourdes (France, Pyrénées-Atlantiques) et Nevers (France, Nièvre)
1844 – 1879
Bernadette Soubirous, bergère qui vit la Vierge
Le 16 avril 1879 entre au Ciel sœur Marie-Bernard, plus connue sous le nom de Bernadette Soubirous, cette petite bergère qui vit la Vierge à dix-huit reprises en 1858 à la grotte de Massabielle. Née dans une famille lourdaise d’une grande précarité, elle fut pourtant à l’origine de l’édification d’un des plus grands lieux de pèlerinage du monde. Des guérisons inexpliquées et d’autres miracles s’y produisent encore régulièrement de nos jours. Après les apparitions, la « petite Bernadette » est entrée chez les Sœurs de la Charité, à Nevers, où elle vécut l’Évangile sur un mode héroïque.
La Vierge Marie de Lourdes et sainte Bernadette Soubirous, vitrail de l'église Saint-Nicolas, Trnava, Slovaquie. / © Shutterstock, Renata Sedmakova.
Les raisons d'y croire :
- Bernadette Soubirous a été béatifiée le 14 juin 1925 par le pape Pie XI, puis canonisée le 8 décembre 1933 par ce même souverain pontife. C’est évidemment une marque de confiance et de reconnaissance absolue de la part des plus hautes autorités de l’Église.
- Pie XII a promulgué une encyclique particulière pour le centenaire des apparitions (1958), dans laquelle il évoque les paroles successives de la Vierge et leur sens spirituel – message intégralement rapporté par Bernadette elle-même.
- En quelques mois, Bernadette doit répondre à une trentained’interrogatoires (police, clergé, évêque…) :c’est énorme pour une adolescente qui n’a jamais connu une telle situation ;safermetéest un signe tangible de l’authenticité des apparitions.
- Au regard de son absence d’instruction – y compris en matière religieuse –, on conçoit très mal de quelle façon Bernadette serait parvenue à inventer de tels récits, surtout à tout le monde, et à duper le curé de Lourdes (au départ hostile aux apparitions), l’évêque de Tarbes et les policiers, sans jamais se contredire ou déformer sa narration.
- En réalité,Bernadette n’avait aucune raison (humaine, spirituelle, économique, psychologique) d’imaginer quoi que ce soit : au contraire ! À l’époque, sa famille, connue pour son indigence, est dans le besoin comme jamais, et son père a eu affaire aux services de police (27 mars 1857). Dans ce contexte, prétendre voir la Mère de Dieu risque de vous marginaliser encore davantage.
- À l’issue de la première apparition (11 février 1858), les réactions sont toutes négatives : personne n’y croit. Les deux camarades de Bernadette reçoivent des coups de bâton et les Soubirous interdisent à leur fille de retourner à la grotte.
- L’immense documentation relative à Bernadette démontre son équilibre psychique, son sens aigu des réalités et l’absence d’une quelconque forme de délire ou d’hallucination. La vie cloîtrée qu’elle mène pendant treize ans à Nevers, où tout le monde apprécie sa modestie et son abnégation, n’a jamais mené à constater le moindre symptôme psychiatrique.
- Les extases de Bernadette ne sont ni des états hallucinatoires ni des marques d’hystérie ou d’épilepsie, ni dans leur déroulement ni dans leur évolution (elles naissent et disparaissent très précisément juste avant et après l’apparition, sans aucune récidive à un autre moment).
- Bernadette n’a jamais accepté le moindre argent ni le plus petit cadeau de quiconque, malgré la misère dans laquelle vivent les siens.
- De 1866 à 1873, Bernadette, nommée à l’origine aide-infirmière, assure en fait toute seule la charge d’infirmière au couvent de Nevers, sans qu’il lui soit fait une quelconque observation négative.
En 1879, le docteur Balencie, l’un des trois médecins ayant examiné Bernadette, dès la fin mars 1858, écrit : « J’ai été très frappé de la continuité des visions de Bernadette. Il y avait là une chose bien étonnante. Il était difficile d’admettre cette persistance d’illusions. »
- Les multiples guérisons (soixante-dix cas reconnus miraculeux par l’Église, auxquels on peut ajouter plus de sept mille signalements fondés) confirment la vérité des dires de Bernadette. Le Bureau des constatations médicales de Lourdes est une institution unique au monde, dont la rigueur scientifique absolue certifie l’authenticité des rétablissements corporels : au moins une dizaine d’années sont nécessaires entre l’enregistrement d’un témoignage et la conclusion des praticiens.
- Plusieurs analyses de l’eau de la source découverte par Bernadette sur les indications de la Sainte Vierge ont été réalisées pour tenter d’isoler de prétendues « vertus » thérapeutiques. Mais le liquide ne possède aucune originalité biochimique : les guérisons sont bel et bien des miracles, des prodiges inexplicables possédant un sens religieux, sans cause rationnelle connue.
- Le 25 octobre 1866, Mgr Forcade, évêque de Nevers, administre les derniers sacrements à Bernadette, tombée malade à l’infirmerie de la communauté de Nevers. Elle guérit quelques heures après, de manière totalement incompréhensible.
- Depuis 1858, les fruits des apparitions sont incalculables : guérisons, conversions, paix, accueil des plus faibles, des malades incurables, des marginaux… venus de tous les continents.
- Les messages recueillis lors des apparitions sont d’une limpidité parfaite et leur dimension évangélique saute aux yeux : prière, pénitence, pauvreté (de cœur).
Le 25 mars 1858, jour de l’Annonciation, la Vierge dit : « Que soy era Immucalada Councepciou » (« Je suis l’Immaculée Conception »). Cette formule, dite en patois pyrénéen, la langue maternelle de la sainte, ne peut être une invention de celle-ci : la bulle Ineffabilis Deus de 1854, qui proclame le dogme de l’Immaculée Conception, affirme seulement que « Marie a été dans le premier instant de sa conception préservée de toute souillure du péché originel », sans user de la formule « Immaculée Conception ». Bernadette est incapable de comprendre et de mémoriser cette bulle et l’immense théologie mariale qu’elle exprime, car son milieu social n’entretient aucun rapport avec les documents du Saint-Siège. Enfin, l’abbé Peyramale, jusqu’ici hostile aux apparitions, se convertit lorsque Bernadette prononce devant lui les mots de Marie.
- Du 11 avril à début juillet 1858, une cinquantaine de récits d’« apparitions » est collectée autour de Lourdes, à tel point que, le 12 juillet, Mgr Laurence, évêque de Tarbes, demande de traiter ces prétendus visionnaires comme des malades : l’ « épidémie » cesse aussitôt. Les apparitions à Bernadette ne peuvent être confondues avec celles des autres prétendus visionnaires.
Synthèse :
Bernadette (née en fait Marie-Bernarde, Bernadette étant un diminutif) vient au monde à Lourdes le 7 janvier 1844 dans une famille pauvre. Son père est meunier et elle est l’aînée des huit enfants, dont quatre seulement vont atteindre l’âge adulte.
Elle passe les deux premières années de sa vie chez une nourrice, non loin de Lourdes, puis revient chez ses parents. Souffrante dès l’enfance, elle est entourée de beaucoup d’affection.
À la maison, il n’est guère question d’école. Bernadette a la responsabilité d’une grande partie des tâches ménagères et doit s’occuper des frères et sœurs plus petits.
En 1854, la famille est contrainte de quitter son moulin pour s’installer à Lourdes dans le fameux « cachot », rue des Petits Fossés, l’ancienne prison municipale, surnommé ainsi tant l’endroit est misérable. C’est le début d’un cycle infernal de la misère.
Bernadette loge alors une partie de l’hiver chez une tante possédant un café, qu’elle aide également, y compris à servir les clients. En septembre 1857, elle est engagée comme bergère par son ancienne nourrice, qui lui promet d’aller au catéchisme pour préparer sa première communion car, à cette date, la sainte ne connaît que son chapelet.
C’est en allant chercher du bois le long des rives du Gave, avec deux camarades, que tout commence, le 11 février 1858. Après avoir entendu à deux reprises un grand bruit, comme un « coup de vent », son regard se tourne vers la grotte en face d’elle. Là, au creux du rocher, elle perçoit une belle lumière de laquelle surgit la forme d’une « dame » vêtue de blanc, avec une ceinture bleue, une rose jaune sur chaque pied et un chapelet autour du bras. Surprise, elle veut faire un signe de croix, mais son bras ne répond pas ; l’apparition fait elle-même un signe de croix, mais ne dit rien.
Dix-sept autres apparitions vont se succéder au même endroit jusqu’au 16 juillet suivant. La Vierge assure à Bernadette, qui tombe en extase, qu’elle ne peut lui promettre le bonheur dans cette vie, mais dans l’autre. Le jeudi 25 février 1858, en présence de trois cent cinquante personnes, une source d’eau est découverte : c’est le commencement d’une pratique, ininterrompue depuis cette époque, accomplie par des dizaines de millions de personnes, selon l’invitation de Marie ce jour-là : « Allez boire à la fontaine et vous y laver. »
Puis, le 2 mars, la voyante reçoit trois secrets et l’ordre d’aller dire aux prêtres de venir en procession à la grotte et de faire construire une chapelle. Le 25 mars 1858, l’apparition décline son identité : « Je suis l’Immaculée Conception. »
Déjà, les premiers miracles de guérison sont attestés. Des foules se précipitent à chaque apparition. Les pouvoirs publics ferment un moment l’accès à la grotte de Massabielle. On interroge et on ausculte Bernadette. Rien d’anormal n’est relevé. La science ne peut expliquer la cohérence parfaite des récits de la petite sainte.
Le 18 janvier 1862, Mgr Laurence, évêque de Tarbes, rend son jugement : « Cette apparition revêt tous les caractères de la vérité […]. Les fidèles sont fondés à la croire certaine. »
En 1866, Bernadette quitte Lourdes pour le couvent des Sœurs de la Charité de Nevers, où elle va passer le reste de ses jours. Contrairement à ce que l’on a pu prétendre, la sainte n’a pas été retenue prisonnière à Nevers, et sa vocation religieuse a été longuement mûrie : après les apparitions, elle reste encore huit ans à Lourdes. Admise le 16 juillet 1860 comme pensionnaire à l’hospice de la ville, tenu par les sœurs de Nevers, elle donne sa réponse positive le 4 avril 1864, mais ne fait son entrée au couvent de Nevers que le 7 juillet 1866.
Elle y exerce la charge d’aide-infirmière, mais gère en réalité toute l’infirmerie.
Elle prononce ses vœux perpétuels en septembre 1878. Mais elle tombe gravement malade. Elle offre à Dieu ses souffrances dans un esprit d’humilité invraisemblable.
Le 11 décembre 1878, elle est contrainte de s’aliter dans l’infirmerie qu’elle a tenue jusqu’ici. Le 16 avril suivant, elle rend son dernier soupir.
La petite voyante, souffreteuse dès l’enfance, inculte et obstinée à défendre la vérité de ses récits, est béatifiée en 1925 par le pape Pie XI. L’Église proclame sa sainteté le 8 décembre 1933. Son corps, resté intact, est vénéré dans une châsse, dans la chapelle du couvent de Nevers.
Au-delà des raisons d'y croire :
Bernadette Soubirous est un modèle d’humilité, de courage et de renoncement : ses vertus n’ont jamais été prises en défaut de 1858 à sa mort, alors qu’elle subissait une pression incalculable de la part de ses contemporains, de ceux qui refusaient de croire aux apparitions comme de ceux qui y croyaient, ce second groupe voyant en elle une « sainte » avant la lettre, une élue de Dieu qu’il aurait fallu exalter, combler de richesses, isoler du monde. Asthmatique depuis l’enfance, la « petite Bernadette » a vécu sa vocation et les rapports humains sur le mode de l’effacement d’elle-même, qui est l’autre nom de la grandeur chrétienne.
Aller plus loin :
Dom Bernard Billet, « Bernadette Soubirous (sainte, 1844 – 1879) », dans Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 98-100.