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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Une vague de charité unique au monde
n°333

Italie

1404

Rita de Cascia pardonne à l’assassin de son mari

En 1404, alors qu’il regagne son domaine de Roccaporena, près de Cascia en Ombrie, Paolo Mancini est assassiné, victime d’une vendetta sur fond de haines politiques, comme il s’en produit tant dans l’Italie de l’époque. Le seul témoin du drame est sa jeune épouse, Rita, qui, accourue à ses appels au secours, recueille le dernier soupir de ce mari tant aimé. Elle a parfaitement vu et identifié le meurtrier. La coutume voudrait qu’elle révèle son nom à sa belle-famille, afin qu’il soit tiré vengeance de la mort de Paolo. Mais, en dépit des pressions des siens, Rita se tait et refuse, en livrant le criminel à la justice expéditive de son clan, d’entretenir l’interminable et inexpiable cercle vicieux des représailles. Ses proches lui font payer ce choix héroïque en lui fermant l’accès au couvent des Augustines, où elle souhaite ensevelir son chagrin. Il faudra une intervention divine pour lui en ouvrir les portes.

© Shutterstock, Mario Andrioli.
© Shutterstock, Mario Andrioli.

Les raisons d'y croire :

  • La première biographie de sainte Rita, rédigée par un religieux augustin, le père Giovanni Giorgio Amici, écrite en 1515, soixante ans après son décès, est perdue, comme celle écrite en 1597 par un autre religieux de son ordre, le père Canetti. En 1610 paraît l’ouvrage du père Canucci, qui nous est parvenu.
  • Nous possédons également un objet d’époque d’un autre genre mais de très grande valeur historique : le cercueil historié, peint de scènes de sa vie, dans lequel la dépouille de Rita a été placée en 1457 afin que les fidèles puissent la vénérer. Les scènes représentées sur cet objet, tout comme l’inscription en dialecte ombrien, permettent d’authentifier un certain nombre d’événements de la vie de Rita.
  • Il faut y ajouter la copie, visible chez les Augustines de Cascia, d’une grande toile peinte, réalisée vers 1480, qui raconte en images les six épisodes jugés les plus marquants de son existence ; le deuxième évoque les étonnantes circonstances de son entrée au monastère Santa Maria Maddalena. Nombre de témoins étant encore en vie trois décennies après la mort de Rita, on peut croire que les événements évoqués étaient connus de tous et tenus pour véridiques.
  • Il a fallu à Rita une très grande détermination, un courage hors du commun et une charité extraordinaire pour ne pas donner le nom du meurtrier à sa belle-famille, malgré les diverses pressions auxquelles elle est soumise.
  • Il est vrai que Rita a déjà poussé très loin son refus de la vendetta. Ses beaux-parents, qui l’ont chassée de chez eux pour la punir de son silence, ont obtenu la garde de ses jumeaux, Gian Giacomo et Paolo Maria, afin de les élever dans l’obsession de la vengeance. Ils privent Rita de ses droits maternels sous prétexte qu’elle prêcherait l’oubli et le pardon. N’ayant plus aucune influence sur ses propres enfants et ne pouvant les empêcher de devenir à leur tour des tueurs, « effrayée de l’offense qu’ils feraient à Dieu […], elle supplia la Divine Majesté de plutôt lui enlever ses enfants s’ils devaient un jour venger la mort de leur père » (propos rapportés dans Il breve racconto, publié pour sa béatification, en 1628). Peu après, les deux garçons meurent de maladie, libérant leur mère des angoisses qui la rongeaient concernant leur salut éternel et lui permettant, n’ayant plus d’attaches en ce monde, de se consacrer à Dieu. Là encore, la véracité de l’épisode est attestée.
  • L’abbesse du monastère des Augustines connaît Rita de longue date et sait qu’elle était déjà attirée par le couvent à l’adolescence. Rita, jeune veuve, se voit pourtant refuser l’entrée de sa maison. Le prétexte allégué a été que la communauté n’acceptait que des vierges ; or, les archives prouvent que les Augustines recevaient des veuves, et même des femmes mariées séparées de leur époux. On a donc menti sur la véritable raison de ce refus : ce dernier s’explique plutôt par la présence au couvent de sa belle-sœur, Caterina Mancini, qui espérait, en opposant son veto, contraindre Rita à révéler l’identité de l’assassin de Paolo, sous peine de rester dans le monde. Les conditions dramatiques de son veuvage, les pressions familiales, la mort de ses fils ont constitué des épreuves terribles pour Rita. Se voir refuser l’accès au dernier asile qui lui restait est d’autant plus dur qu’il lui suffirait de livrer le nom de l’assassin pour mettre un terme à ses épreuves. Or, elle s’y refuse et s’en remet à Dieu seul, attendant qu’il lui vienne en aide. Cet abandon à la providence montre la foi de Rita et révèle une vertu d’espérance héroïque.
  • Il existe une preuve indirecte de ce choix héroïque dans une fresque de l’église San Agostino de Norcia, sur laquelle on voit une religieuse, identifiée comme étant Rita, suppliant la Vierge et son Fils pour un malfaiteur. Cette représentation date de 1462.
  • Rita se consacre à la prière et aux œuvres de charité. Par mortification, elle monte souvent au sommet du Schioppo, éminence rocheuse haute de cent vingt mètres, à la sortie de Roccaporena. L’ascension est pénible et, à l’époque, dangereuse. Devant les refus répétés des Augustines, Rita s’interroge sur le bien-fondé de son attitude. Alors qu’elle ne sait plus quoi faire, Rita voit lui apparaître saint Jean Baptiste, qui l’invite à monter à sa suite au Schioppo.
  • Bien qu’il fasse nuit noire et que le chemin soit périlleux, elle obéit et se hisse jusqu’à son oratoire. Elle éprouve en y arrivant une peur rétrospective qui la laisse « tout intimidée et anxieuse », mais le Précurseur qui l’a guidée jusque-là la réconforte et lui dit qu’elle va entrer au monastère. La réaction de panique de Rita est celle d’une personne raisonnable qui mesure les risques pris, ce qui démontre qu’elle n’est pas dans un état de confusion psychologique ni d’exaltation mystique.
  • Soudain, elle voit apparaître auprès du Baptiste saint Augustin, dont la règle canoniale est observée par les Augustines de Cascia, et Nicolas de Tolentino, qui sera quelques années plus tard le premier saint canonisé parmi les Augustins. Rita analyse cette triple apparition comme la confirmation qu’elle doit bien entrer dans cet ordre, et non dans un autre, afin d’y mener une vie de mortification.
  • Sans comprendre comment, Rita se trouve, en un instant, transportée du sommet du Schioppo à Cascia – devant la porte du couvent des Augustines, si l’on se fie à certaines représentations anciennes, ou directement à l’intérieur du cloître, si l’on suit la Tradition. Ce type de miracles est authentifié dans les vies de saint Martin de Porrès, du père Lamy ou de mère Yvonne-Aimée de Malestroit, de sorte qu’il n’est pas invraisemblable dans celle de Rita.
  • Ce qui ne peut être mis en doute, c’est qu’en 1407, quelles qu’en soient les raisons, l’admission de Rita chez les Augustines se fait finalement sans problème, soit que le Ciel leur a forcé la main au prix d’un miracle, soit que les prières de sa belle-sœur ont désarmé Caterina Mancini, qui aurait levé son veto ; ce miracle-là, de pardon et de réconciliation, serait peut-être plus grand que l’autre. Rita passera à Santa Maria Maddallena les quarante années qui lui restent à vivre.

Synthèse :

Rita Lotti est née le 13 mai 1380 ou 1381 à Roccaporena, en Ombrie, dans une famille de pacieri – juristes spécialisés dans le règlement des querelles, les procédures de conciliation et les réconciliations. Contrariant son désir de vie religieuse, ses parents, dont Rita était l’unique enfant, souhaitent lui trouver un mari riche et puissant afin d’assurer son avenir. Vers 1392, elle cède aux pressions de ses parents, par obéissance filiale, et épouse Paolo di Mancino, ou Mancini, fils d’une maison noble de Cascia.

Contrairement à ce que l’on a raconté, Paolo semble avoir été un mari amoureux et, pendant quinze ans, la vie conjugale de Rita fut heureuse. Sous l’influence de sa femme, Paolo se détourne des luttes politiques sanglantes qui minent la société italienne, à Cascia comme ailleurs, pour se retirer à Roccaporena. Mais l’on n’échappe pas facilement au système, et le retrait des affaires de sa famille du jeune Mancini ne suffit pas à le protéger. En 1401, une partie de l’aristocratie de Cascia se soulève contre le podestat de la cité, qui en tient pour les guelfes – le parti du pape –, ce qui déclenche une guerre civile, au cours de laquelle Paolo est assassiné. Gagné aux idées pacifiques de Rita, il avait renoncé à sortir armé, imprudence qui lui coûte la vie et que les Mancini ne pardonneront pas à leur bru, d’autant que Rita, désireuse de mettre un terme au cercle vicieux de la haine, refuse de dénoncer le meurtrier, bien qu’elle l’ait reconnu.

Veuve, privée de ses fils, qui sont séparés d’elle par la volonté de ses beaux-parents, puis qui meurent au seuil de l’adolescence, Rita demande son entrée chez les Augustines, et voit son admission refusée, en raison du veto de sa belle-sœur. Il faut une intervention céleste pour dénouer la situation.

L’entrée au couvent s’accompagne pour elle de violentes tentations charnelles et de regrets de sa vie amoureuse et familiale, contre lesquels elle lutte par les jeûnes et les mortifications, préférant se brûler cruellement que céder à la concupiscence. C’est à cette époque que, pour tester son obéissance, sa supérieure lui aurait ordonné d’arroser deux fois par jour un plant de vigne desséché, qui finit par se couvrir de feuilles et de fruits – miracle éclatant en l’honneur de l’humilité de la religieuse si parfaitement obéissante. Sa réputation de sainteté grandissant, et avec elle ses dons de pacificatrice et de consolatrice, elle devient pour beaucoup le recours dans les difficultés.

En 1432, alors que Rita médite la Passion, une épine de la couronne du Christ se plante dans son front, y formant un stigmate sanglant qui ne se refermera jamais, lui occasionnant des souffrances atroces et dégageant une odeur si terrible que même ses sœurs s’écartent d’elle avec dégoût, et que les contacts avec le monde extérieur deviennent impossibles. Très visible, ce stigmate le demeure après sa mort sur son corps incorrompu. Il ne s’effacera momentanément, à sa demande, que pour lui permettre d’accomplir un pèlerinage à Rome en 1446, à l’occasion de la canonisation de Nicolas de Tolentino, ce bienheureux qui était venu la conforter dans son choix d’entrer chez les Augustines de Cascia.

C’est là qu’elle s’éteint l’année suivante, le 22 mai 1447. Ses derniers mois sont entourés de faits miraculeux, commela floraison d’un rosier et l’apparition de figues sur un figuier en plein mois de janvier, ce qui convaincra que Rita est la sainte de l’impossible. La Tradition affirme qu’à l’instant de sa mort, les cloches de l’église voisine se sont ébranlées seules.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

La dévotion à Rita est immédiate. En 1628, Rome la béatifie dans les formes, puis, en 1900, elle est canonisée.


Aller plus loin :

  • Mgr Louis de Marchi, Vie de sainte Rita de Cascia, 1949.

En savoir plus :

  • L'article 1000 raisons de croire sur la vie et les miracles de sainte Rita.
  • Agostino Cavallucci, Vita della beata Rita da Cassia, del Ordine di San Agostino, 1610 (en italien). Disponible en ligne.
  • Summariolum della Vita, 1625, Archives de la Congrégation pour la cause des saints.
  • Augustines de Cascia, Breve racconto della vita e miracoli della beata Rita da Cascia, 1628 (en italien).
  • Henry Panneel, Sainte Rita, patronne des causes désespérées, Aubier, 1959.
  • Willy de Spens, Rita de Cascia, Plomb, 1960.
  • Agostino Trapè, Documentazione ritiana antica, 1968-1970 (en italien).
  • Alexandre Volta, Rita, la rose de Cascia, Œuvres de Sainte-Rita, 1983.
  • Agostino Trapè, Le Message de sainte Rita, Médiaspaul, 1994.
  • Yves Chiron, La Véritable histoire de sainte Rita, Perrin, 2001.
  • André Bonet, Sainte Rita, la grâce d’aimer, Le Rocher, 2001.
  • Michael di Gregorio, The precious pearl, the story of saint Rita of Cascia, National Shrine of Saint Rita, 2021 (en anglais).
  • Le film de Giorgio Capitani, Sainte Rita, SAJE Distribution, 2004.
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