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Des miracles étonnants
n°276

Palais Massimo (Rome)

16 mars 1583

Saint Philippe Néri ressuscite un jeune mort

Chaque 16 mars, depuis plus de cinq siècles, le palais Massimo, via Corso Vittorio à Rome, est accessible, pour cette unique journée, aux fidèles qui se pressent à la messe commémorant l’extraordinaire miracle accompli par saint Philippe Néri en 1583, dans la pièce même où elle est célébrée : la résurrection momentanée, le temps pour lui de se confesser, de Paolo Fabrizio Massimo, l’un des fils de cette noble famille.

© Shutterstock, Francesco Cantone.
© Shutterstock, Francesco Cantone.

Les raisons d'y croire :

  • Il est de bon ton aujourd’hui de mettre en doute les miracles de résurrection, opérés par certains saints, en prétendant que la médecine, jadis, était incapable d’apporter la certitude d’un décès et que les prétendus défunts étaient en état de mort apparente ou dans le coma. Le retour à la vie de Paolo Massimo semble pourtant ne pas faire de doute : malade depuis deux mois et demi, ce garçon d’une quinzaine d’années est, en ce début mars, à l’agonie, et son décès, dans la matinée du 16 mars 1583, est attendu. Ni ses proches ni les médecins ne doutent qu’il a rendu l’âme, et c’est dans une maison en deuil, retentissant de sanglots, que Philippe Néri arrive en milieu de journée, alors que Paolo, dont il était le directeur de conscience, l’avait fait appeler en début de matinée, afin de se confesser une dernière fois.
  • Les Massimo vont d’ailleurs déplorer que Philippe, tenu de son vivant pour un saint thaumaturge, ne soit pas arrivé plus tôt, dans l’idée qu’il aurait empêché le décès de l’adolescent. Curieusement, le saint, attaché à Paolo et très soucieux du salut des âmes, surtout celles des jeunes gens exposés aux périls et tentations, ne semble pas outre mesure affligé de n’avoir pas été là pour lui donner l’absolution.
  • L’épisode rappelle la résurrection de Lazare où, pareillement, le Christ semble arriver trop tard pour sauver son ami, alors qu’il va accomplir un miracle plus grand, prouvant, à quelques jours de sa Passion, qu’il est le maître de la vie et de la mort.
  • Arrivé dans la chambre où repose Paolo, Philippe Néri prie brièvement, puis s’écrie : « Paolo, réveille-toi ! » et, aussitôt, l’adolescent reprend vie et se met à parler normalement, se confessant comme il le souhaitait.

  • Quand bien même Paolo Massimo ne serait pas cliniquement mort, l’on pourrait déjà s’étonner que Philippe Néri parvienne d’un mot à tirer quelqu’un d’un profond coma et qu’en émergeant, la personne dispose de tous ses moyens intellectuels.
  • Le jeune homme se souvient parfaitement de l’expérience qu’il vient de vivre de l’autre côté, au cours de laquelle il a retrouvé sa défunte mère et l’une de ses sœurs, morte elle aussi, qu’il aimait beaucoup. Il se rappelle leur avoir parlé à toutes les deux et se souvient de ce qu’ils se sont dit. Paolo aurait aimé rester en leur compagnie, délivré des souffrances endurées depuis des semaines, mais n’avoir pas pu se confesser le condamnait à passer par le purgatoire au lieu d’aller directement au paradis – raison pour laquelle, à l’appel de Néri, il revient à la vie.
  • Au cours de sa longue maladie, Paolo, qui souffrait beaucoup, n’a jamais sollicité de grâce de guérison auprès de son père spirituel, alors que Philippe Néri rend la santé aux malades, parfois par le simple contact d’un linge lui appartenant. Son retour à la vie ne constitue pas un prodige gratuit, aussi grand soit-il, mais un « miracle de répit » – un retour à la vie de ce monde momentané, le temps de recevoir baptême ou absolution. Son but n’est pas d’obtenir un sursis temporel, mais d’assurer la vie éternelle.
  • C’est ce que Philippe demande au jeune homme : veut-il, guéri, reprendre sa vie d’avant, sans savoir ce qu’elle sera, avec les périls spirituels qu’il rencontrera, ou préfère-t-il se rendormir aussitôt dans la mort avec la garantie d’aller en paradis ? Néri sait donc, par l’intermédiaire du Christ qui agit à travers lui, pouvoir lui laisser le choix. Paolo choisit la vie éternelle ; il se rendort dans la mort quelques minutes plus tard, définitivement, alors qu’il semblait guéri.
  • Nous sommes en pleine Renaissance et l’esprit de foi se perd. Un miracle aussi retentissant attirera sur lui une attention pas toujours bienveillante. On est donc assuré que l’événement, comme les nombreux autres prodiges de sa vie, a été passé au crible de la critique. Ces phénomènes étaient si nombreux et si étonnants – incendium amoris, extases, lévitations, prophétie, visions, bilocations, lecture dans les âmes, discernement, etc. – qu’ils en étaient presque dérangeants, en une époque qui commence à se vouloir rationnelle et scientifique. Ils ont pourtant tous été ratifiés et repris dans la bulle de canonisation, en 1622, soit moins de trente ans après la mort de Philippe, le 26 mai 1595 – délai remarquablement court pour l’époque.
  • Son premier biographe, le père Bacci, et le père Gallonio, son disciple et ami, témoigneront sous serment de la véracité de leurs dires et des événements.
  • Les liens d’étroite amitié unissant Néri à Charles Borromée, Ignace de Loyola, Camille de Lellis, dont il est le confesseur, – les plus grands saints de son temps – prouvent la véracité de ses charismes, car ils auraient démasqué un imposteur.
  • Un temps supprimée, dans les années 1970, la messe de commémoration du « grand miracle de saint Philippe Néri » a été rétablie du temps de Jean-Paul II, ce qui n’aurait pas été le cas si l’Église avait eu des doutes sur sa véracité ; elle se célèbre toujours.

Synthèse :

Filippo Néri est né à Florence le 22 juillet 1515. Son père compte faire de lui un commerçant mais, en 1532, alors qu’il est en apprentissage chez un oncle, le jeune homme connaît une expérience mystique si forte qu’elle bouleverse sa vie et le pousse à renoncer à l’héritage paternel et à toute satisfaction mondaine ou intellectuelle pour se consacrer entièrement à Dieu.

Dans un monde qui se déchristianise, le salut de ses frères, qui perdent de vue l’essentiel (leur salut), l’angoisse, tout comme la douleur de les voir mépriser le sacrifice du Christ et son amour. En 1533, il s’installe à Rome et se consacre à un apostolat de rues, entre autres auprès de jeunes, riches ou pauvres, en danger moral. D’un tempérament joyeux, il leur enseigne une spiritualité heureuse, gardant pour lui les pénitences et les incitant à profiter de la vie, pourvu qu’ils ne pêchent pas.

À la Pentecôte 1544, alors qu’il est en prière, le Saint-Esprit se manifeste à lui sous la forme d’un globe de feu qui entre dans sa bouche, et qui va désormais l’enflammer d’un tel amour de Dieu et du prochain qu’il en est dévoré de l’intérieur, consumé d’une telle joie spirituelle qu’il lui arrive d’implorer que ces transports s’apaisent.

Sous la pression de son confesseur, il accepte, à trente-six ans, d’être ordonné prêtre, malgré son « indignité », afin de pouvoir confesser et absoudre. Ses messes seront marquées par des extases et des lévitations qui l’embarrassent.

Entièrement abandonné à la providence, d’une humilité qu’il a réclamée à Dieu, il accepte avec la même sérénité la réussite de ses entreprises – à commencer par la fondation de l’Oratoire ou l’offre du chapeau cardinalice, qu’il refuse – que les nombreux outrages, blessures d’amour-propre ou rebuffades dont il est victime.

À son apostolat de rues, et au temps passé au confessionnal, Néri ajoute la fondation d’une école et d’un collège, et celle du premier asile d’aliénés romain.

Il meurt en odeur de sainteté, au sens propre et figuré, car son corps répand le parfum de ses vertus et de sa chasteté, le 26 mai 1595. Sa cause de béatification est presque aussitôt ouverte, tant les miracles se multiplient sur sa tombe en l’église de Chiesa Nuova.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

Actes des causes de béatification et de canonisation, deuxième et troisième procès, plus témoignages, Codice Vaticano 3798.


En savoir plus :

  • Padre Bacci, Vita di san Filippo Neri.
  • Louis Ponnelle et Louis Bordet, Saint Philippe Néri et la société romaine de son temps, 1929.
  • Marcel Jouhandeau, Saint Philippe Néri, Plon, 1957.
  • Antonio Cistellini, San Filippo Neri et la congregazione oratoriana, 1989 (en italien).
  • Abbé Bertrand Lelièvre (préface de Mgr Raymond Centène), Saint Philippe Néri, un cœur brûlant de charité, L’Emmanuel, 2010.
  • Louis Bouyer, Saint Philippe Néri, un Socrate romain, Ad Solem, 2015.
  • Le film de Luigi Magni, State buoni se poteve, 1984.
  • Le film de Giacomo Campiotti, Preferisco il Paradiso, distribué en France par SAJE sous le titre Saint Philippe Néri, 2010.
  • La conférence vidéo de frère Philippe Beyond, sur la chaîne YouTube Prier dans la ville : « Saint Philippe Néri le facétieux ».
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