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Miracles eucharistiques
n°379

Lyon (France)

15 juillet 1274

La dernière communion de saint Bonaventure

Ce 15 juillet 1274 est jour de deuil pour l’Église : le cardinal d’Albano – bras droit du pape Grégoire X –, venu à Lyon seconder le souverain pontife dans les travaux du concile, agonise. Rien ne peut le sauver, sinon un miracle, mais un miracle, frère Bonaventure, dont la sainteté est fameuse, n’a pas l’intention d’en réclamer un en sa propre faveur. Son seul regret, dans les souffrances de la maladie, est de ne plus pouvoir communier depuis huit jours, de terribles nausées le lui interdisant. Aussi, pendant la messe que le pape célèbre à son chevet, regarde-t-il tristement l’hostie qu’il ne pourra recevoir une dernière fois… Soudain, s’arrachant des mains du pontife, le pain consacré vole jusqu’au mourant et, dans une grande lumière, se pose sur son cœur et y disparaît.

Saint François et saint Bonaventure, l'église franciscaine de l'Altardoir à Kosljun, Croatie. / © Shutterstock, Zvonimir Atletic.
Saint François et saint Bonaventure, l'église franciscaine de l'Altardoir à Kosljun, Croatie. / © Shutterstock, Zvonimir Atletic.

Les raisons d'y croire :

  • Toute la Curie et le pape Grégoire X en personne, qui vient de lui administrer les derniers sacrements, sont présents près du lit de mort de Bonaventure de Fidanza, cardinal d’Albano. Tous sont témoins du miracle, qu’ils attesteront : l’hostie, entourée d’une lumière surnaturelle, vole jusqu’à la poitrine de Bonaventure, non dans sa bouche, et y disparaît. Au même instant, l’agonisant se redresse sur son lit, extatique, et c’est dans la contemplation éblouie des splendeurs divines qu’il rend le dernier soupir.
  • Il semble impossible que tous les témoins de la mort de Bonaventure aient ensemble inventé l’histoire et l’aient fait connaître. Il faut donc admettre que nous sommes en présence d’un authentique miracle eucharistique.
  • Bonaventure a beaucoup médité sur le mystère de la messe, il éprouve envers lui une immense révérence qui s’accroît tandis qu’il en approfondit les splendeurs. Un moment vient où, à l’approche de son ordination sacerdotale, persuadé de son indignité, il pense ne pas mériter de devenir prêtre et même n’avoir pas le droit de communier, en raison de ses fautes et imperfections, qu’il imagine innombrables et terribles, alors qu’il se confesse chaque jour. En même temps, il est dévoré d’amour pour le Christ présent dans l’hostie et ne pas le rejoindre dans la communion est pour lui une souffrance atroce. Il s’en prive cependant tant il craint d’offenser Dieu.
  • Alors que le jeune religieux s’infligeait ce jeûne eucharistique, tandis qu’il assistait à la messe et, une fois de plus, n’osait communier, devant toute la communauté, l’hostie s’échappa des mains du célébrant et vient se poser sur les lèvres de Bonaventure. Il reçut en même temps une lumière d’en haut lui révélant qu’il offensait beaucoup plus l’amour divin par cette crainte exagérée que par les fautes légères dont il se rendait coupable. Il comprit que l’humanité n’est certes pas digne de ce don d’un Dieu qui s’offre en nourriture pour lui conférer la vie éternelle, mais qu’elle en a un besoin vital et qu’il est donc absurde de s’éloigner de l’Eucharistie. Ce miracle est attesté, lui aussi, et l’on en connaît d’autres exemples dans l’histoire de l’Église. Eu égard à la piété eucharistique de Bonaventure et à son enseignement sur le sujet, ni Rome ni l’ordre franciscain n’auraient raconté ces anecdotes si elles n’étaient vraies.
  • La dernière communion de Bonaventure sonne comme un merveilleux écho à l’une de ses méditations dans sa Vitis mystica, la vigne mystique, traité sur l’amour divin exprimé à travers le Sacré Cœur dont Bonaventure est (après saint Jean l’évangéliste, sainte Gertrude de Helfta et les mystiques de l’école de spiritualité rhénane) l’un des premiers dévots : « Ô Jésus qui, par excès d’amour, avez ouvert votre côté afin que nous puissions voir votre Cœur ! Aimable plaie, c’est par vous que je suis entré jusqu’aux entrailles les plus intimes de la charité de Dieu ! »

  • Il ne s’agit pas, d’ailleurs, de la première extase connue de Bonaventure, puisqu’en 1260, alors qu’à la demande de ses supérieurs, il rédige une Vie de saint François, fondateur de son ordre, il est surpris dans son bureau par saint Thomas d’Aquin et quelques étudiants. Ses visiteurs le trouvent lévitant au-dessus de son écritoire, perdu dans la contemplation des merveilles de Dieu. Thomas se retire sur la pointe des pieds en disant : « Laissons tranquille un saint qui travaille pour un autre saint ! » ; son témoignage peut difficilement être mis en doute.

  • À l’ouverture du tombeau lyonnais de Bonaventure, en 1430, l’on découvrira sa tête et sa langue intacts : la tête, parce qu’elle symbolise l’intelligence mise entièrement au service de Dieu ; et la langue, parce qu’elle a scrupuleusement respecté le silence monastique, n’a jamais servi à dénigrer le prochain et n’a parlé que pour chanter la louange divine.

Synthèse :

Giovanni de Fidanza, fils d’un riche médecin, est né à Bagnoregio, dans les États pontificaux, sans doute en 1221. À cinq ans, une maladie infantile le met aux portes du tombeau. Devant l’impuissance de la médecine, sa mère implore François d’Assise de sauver son enfant, qui guérit.

Quand elle comprend qu’elle est exaucée, elle s’écrie : « O buona ventura ! », ce qu’il faudrait traduire par « heureux événement » plutôt que par « bonne aventure », surnom qui reste au petit miraculé. Dès lors, l’enfant est voué à entrer chez les Frères mineurs et accepte cet avenir, bien que son père l’incite à poursuivre ses études universitaires. Giovanni préfère à un avenir brillant dans le monde la paix du couvent franciscain de sa ville, où il prend l’habit en 1243 sous le nom de Bonaventure.

Il s’initie à l’oraison, connaît ses premières grâces mystiques, qu’il cache par humilité – vertu qu’il cultive toute sa vie, fuyant les honneurs et ne les subissant que contraint et forcé. Seule l’obéissance le conduit à Paris poursuivre des études de philosophie et de théologie, puis à accepter la chaire de théologie de la Sorbonne. Là, une amitié parfaite naît avec Thomas d’Aquin, lui aussi présent à Paris à ce moment. Lorsqu’un jour, Thomas lui demande où il puise sa science, Bonaventure lui montre son crucifix : « Mon livre, c’est lui et, de lui, je tire tout ce que je dicte et écris. »

Le succès ne nuit en rien à sa vie de prières et de charité. Entre ses cours, ses oraisons, ses études, l’écriture de ses livres, Bonaventure passe son temps dans les hôpitaux et les léproseries à soigner les malades, ce qu’il continuera de faire, même parvenu aux plus hautes charges.

En 1261, il est élu supérieur général de l’ordre franciscain ; il a trente-six ans. Dès lors, il parcourt l’Europe, prêche, conseille papes et rois, appelle à la croisade, traite les affaires de l’ordre, apaise les querelles avec les Dominicains, défend l’idéal de pauvreté voulu par François et s’acquitte parfaitement des devoirs de sa charge de supérieur général.

S’il parvient, en 1265, à refuser l’archevêché d’York, il ne peut en faire autant en 1273, quand Grégoire X le nomme cardinal d’Albano. Les envoyés du souverain pontife le trouvent en train de laver la vaisselle communautaire. Sans s’interrompre pour les accueillir, il leur demande d’accrocher le chapeau cardinalice à un arbre et soupire : « Les emplois du cloître sont aisés et salutaires ; ceux attachés aux grandes dignités pesants et périlleux… »

Peu après, il part pour Lyon assister le pape dans les travaux du concile, convoqué afin de traiter de la libération de la Terre sainte, d’une réconciliation avec les orthodoxes et de la réforme des mœurs cléricales. Bonaventure comprend qu’il ne pourra mener de front cette tâche et ses obligations de général de l’ordre ; il démissionne de sa charge.

Le 7 juillet 1274, pris d’un malaise, il s’alite pour ne plus se relever et meurt le 15. Ses obsèques sont célébrées par le futur pape Innocent V. Les querelles au sein de l’ordre franciscain retarderont sa canonisation jusqu’en 1482, et il sera élevé au rang de docteur de l’Église en 1588.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

Appelé « le Docteur séraphique », comme son contemporain dominicain et ami saint Thomas d’Aquin est appelé « le Docteur angélique », le saint franciscain Bonaventure est l’une des plus grandes intelligences catholiques du XIIIe siècle.


Aller plus loin :

  • Jean-Charles Boule, Abrégé de la vie, des vertus et du culte de saint Bonaventure, 1747.

En savoir plus :

  • Luc de Wadding, Annales.
  • Abbé Louis Berthaumier, Histoire de saint Bonaventure, de l’ordre de Saint-François, 1858. Dernière édition, 2017.
  • Eusèbe Clop, Saint Bonaventure (1221 – 1274), 1922.
  • Léonard de Carvalho, Saint Bonaventure, le docteur franciscain, Beauchesne, 1923.
  • Jacques Guy Bougerol, Saint Bonaventure et la sagesse chrétienne, Seuil, 1963
  • Brother Hermenegild Tosf, Saint Bonaventure, 2014 (en anglais).
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