Don Luigi Orione, stratège de la charité

Prêtre italien qui consacra sa vie au service des plus pauvres, à la charnière entre le XIXe et le XXe siècle, don Luigi Orione fut un missionnaire infatigable et un fondateur d’œuvres sociales, notamment la Petite Œuvre de la Divine Providence. Cet homme, qui est un « modèle insigne de charité sociale » pour Benoît XVI et un « stratège de la charité » pour Jean-Paul II, se qualifiait lui-même simplement de « porteur de Dieu ». Don Orione meurt le 12 mars 1940 en soupirant : « Jésus ! Jésus ! Je viens vers toi. »

Les raisons d'y croire :

En 1888, Luigi est incertain quant à sa vocation. Il demande trois signes à Dieu pour savoir s’il doit entrer au séminaire diocésain : être accepté au séminaire sans en avoir fait la demande, recevoir une soutane à sa taille sans qu’on ait pris ses mesures et apprendre la conversion de son père Victor, éloigné de toute pratique religieuse depuis longtemps. Dieu répond à cette démarche de foi et les trois demandes se réalisent : en 1889, Luigi entre donc au séminaire du diocèse de Tortone.

Luigi est animé de l’amour divin, qui le pousse à entreprendre de multiples œuvres caritatives et à fonder plusieurs congrégations au service des plus pauvres. Très conscient des besoins sociaux de son temps, il ouvre sans fatigue et sans lassitude plusieurs collèges et orphelinats. Il organise aussi l’aide et l’assistance envers les plus démunis, notamment pendant les tremblements de terre de Sicile (en 1908 et 1915), ou en établissant des centres d’aide, d’éducation et de catéchisme dans les périphéries des grandes villes.

Son œuvre de charité ne s’arrête pas à l’Italie puisque les religieux de sa congrégation essaiment au Brésil, en Argentine, en Uruguay, en Palestine, en Pologne, à Rhodes, aux États-Unis, en Angleterre, en Albanie... en cherchant toujours à venir en aide aux personnes dans le besoin.

Au cours de l’hiver 1940, souffrant de problèmes cardiaques et de difficultés respiratoires, don Orione est envoyé prendre du repos dans la maison de Sanremo. « Ce n’est pas entre les palmiers que je veux vivre et mourir, mais entre les pauvres qui sont Jésus-Christ », proteste-t-il.

Après sa mort, don Orione intercède pour les hommes auprès du Père. Deux guérisons inexpliquées par la science ont été particulièrement étudiées dans le cadre de son procès de canonisation. Détaillons l’un deux. En octobre 1990, les médecins de l’hôpital d’Alexandrie, puis ceux de l’hôpital San Raffaele, de Milan, diagnostiquent chez Pierino Penacca un carcinome pulmonaire très avancé. Les médecins décident de ne pas garder le vieil homme à l’hôpital : « Ramenez-le chez lui, cela ne vaut pas la peine de tenter quelque thérapie que ce soit. » Vivant dans la région de Tortone, où a vécu don Orione, Pierino Penacca l’a connu personnellement et a pour lui une sincère dévotion. C’est pourquoi, lorsque la fille du malade descend à la chapelle de l’hôpital, elle prie pour l’intercession de Luigi Orione, avec une petite châsse contenant une de ses reliques. Pierino Penacca sort de l’hôpital sans avoir reçu de traitement anticancéreux, mais, à la surprise de ses enfants et des médecins, son état ne s’aggrave pas. Les examens prouvent que toute trace du cancer a disparu. La commission de médecins qui a analysé ce cas a pu déclarer unanimement que la régression du mal « n’est pas explicable en termes médicaux ».

Don Flavio Peloso, postulateur de la cause de Luigi Orione, a recueilli le témoignage de cette guérison miraculeuse et suivi les enquêtes médicale et théologique. Il a conclu que cette guérison miraculeuse est un « signe de Dieu [qui] se manifeste en dehors des lois naturelles » dans le but de « fortifier la foi ».

Lors de sa première exhumation, en 1965, le corps de don Orione est retrouvé parfaitement intact, vingt-cinq ans après la mort du prêtre italien. Par la suite, une inondation endommage gravement la crypte où se trouve la tombe, laissant supposer que la dépouille sera retrouvée dans un état de décomposition avancé. Pourtant, en 1980, à l’occasion de la béatification de Luigi Orione, on procède à une nouvelle exhumation de son corps et celui-ci est à nouveau retrouvé sans aucune trace de décomposition. Le corps incorruptible est placé dans une châsse de verre et exposé à la vénération des fidèles, dans le sanctuaire Notre-Dame-de-la-Garde, à Tortone.

Synthèse :

Luigi Orione est né le 23 juin 1872 en Italie, à Pontecurone, dans une famille de simples paysans. La mère de Luigi l’éduque, ainsi que ses trois frères, dans une foi chrétienne fervente et un amour des pauvres qui marquera profondément le jeune garçon. Studieux à l’école mais un brin bagarreur, Luigi aide son père comme paveur jusqu’à l’adolescence. À treize ans, toutefois, le garçon demande à ses parents d’entrer chez les Frères mineurs capucinset Luigi est reçu au couvent franciscain de Voghera, à Pavie. Un an plus tard, cependant, le jeune homme doit quitter le couvent pour des raisons de santé. En 1886, il intègre le patronage de l’Oratoire du Valdocco, à Turin, dirigé par le futur saint Jean Bosco. Ce dernier prend en affection le jeune Luigi : « Nous serons toujours amis », lui assure-t-il, devenant pour l’adolescent un véritable maître spirituel, au point qu’à la mort de celui-ci, le jeune Luigi hésite à devenir prêtre salésien, à la suite de Don Bosco. L’audacieux jeune homme fait alors un marché avec Dieu : il n’entrera au séminaire diocésain que s’il y est accepté sans en avoir fait la demande ; s’il reçoit une soutane qui lui aille sans qu’on ait pris ses mesures ; et si son père, Victor, éloigné de toute pratique religieuse depuis longtemps, se convertit.

Miraculeusement, Dieu répond à ces trois demandes étonnantes et, le 16 octobre 1889, Luigi quitte les Salésiens et entre au séminaire de son diocèse natal, celui de Tortone. Malgré son jeune âge, le séminariste se lance avec ardeur dans les œuvres de charité à la société de secours mutuel de San Marzano et à la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, se dévouant sans compter pour son prochain. Profondément conscient des problèmes que rencontrent les pauvres de son pays, en pleine révolution industrielle, Luigi écrit : « Il y a un besoin et un remède suprême pour guérir les blessures de ce pays pauvre, si beau et si malheureux : conquérir le cœur et l’affection du peuple et éclairer les jeunes. »

Un matin, Luigi rencontre un garçon en pleurs, chassé du catéchisme pour mauvais comportement, et il décide de lui enseigner lui-même la foi chrétienne, ainsi qu’à ses copains. Bientôt, le groupe atteint une cinquantaine de jeunes, et l’évêque du lieu offre son jardin pour réunir ce qui deviendra le premier patronage fondé par Luigi afin de s’occuper de l’éducation chrétienne des garçons. Le 3 juillet 1892, à Tortone, naît l’Oratoire Saint-Louis, dédié aux enfants des rues. L’année suivante, le 15 octobre 1893, Luigi Orione, âgé de vingt et un ans, récupère une maison abandonnée et ouvre dans le quartier San Bernardino un collège destiné aux garçons pauvres, composé d’une centaine d’enfants. C’est la naissance de la Petite Œuvre de la Divine Providence.

Le 13 avril 1895, Luigi Orione est ordonné prêtre. Célébrant sa première messe au milieu de ses jeunes, don Orione demande au Seigneur trois grâces pour tous ceux qu’il côtoiera : « Le pain, la paix et le paradis. » Dans la foulée, don Orione ouvre diverses maisons d’étudiants, dans toute l’Italie. Missionnaire inspiré par Don Bosco, pour les jeunes gens, et par don Cottolengo, pour les malades, Luigi déploie son apostolat dans toute l’Italie. « Il faut aller vers le peuple », explique-t-il. « Nous devons sortir et aller vers les gens. Il est urgent de se jeter dans le feu des temps nouveaux pour l’amour de Jésus-Christ, du peuple et de l’Église. » Né dans le dénuement, don Orione s’intéresse aux grands problèmes de son temps, à la question sociale et à l’évangélisation des masses ouvrières. Soucieux d’aider les pauvres et de donner aux milieux populaires l’amour de Dieu et de l’Église, Luigi brûle d’une charité qui le pousse à entreprendre de multiples œuvres et à fonder plusieurs congrégations, dans toute l’Italie.

Apôtre infatigable, Luigi fonde ainsi la Petite Œuvre de la Divine Providence, les Petites Sœurs missionnaires de la Charité, les Ermites de la Divine Providence, les Sœurs adoratrices sacramentines, l’Institut séculier et le Mouvement laïc Don Orione, ou encore les « Petits Cottolengo » pour les personnes abandonnées et souffrantes, à la périphérie des grandes villes... « Sans prière, on ne fait rien de bien », a-t-il coutume de dire : « Les œuvres de Dieu se font avec les mains jointes et à genoux. Même quand on "court", il faut rester spirituellement à genoux devant lui. »Animé d’une grande passion pour l’Église et le salut des âmes, don Orione est un « véritable volcan », organisant pèlerinages, missions, processions et autres crèches vivantes... Plein de dévotion pour la Vierge Marie, Luigi en encourage le culte par tous les moyens, bâtissant les sanctuaires de Notre-Dame-de-la-Garde à Tortone et de Notre-Dame-de-Caravaggio à Fumo. Confesseur et prédicateur zélé, don Orione recourt à l’écrit aussi bien qu’à la radio pour répandre l’Évangile. Son obsession ? « Sauver toujours, sauver tout le monde : sauver au risque de tout sacrifice, avec passion rédemptrice et avec holocauste rédempteur. »Viscéralement attaché à l’Église, en pleine crise moderniste, Luigi affirme sans cesse son amour pour le pape et sa fidélité envers lui : « Notre credo est le pape, notre morale est le pape ; notre amour, notre cœur, l’assise de notre vie est le pape. » Au cours de son ministère apostolique, don Orione connaît des épreuves et des souffrances aussi bien physiques que morales. Il écrit : « On aime et on sert le Christ, l’Église et les âmes si l’on est en croix et crucifié… ou bien on ne les aime pas et on ne les sert pas du tout ! »

Fondateur zélé de congrégations, prédicateur et organisateur hors pair, don Orione ne s’épargne aucun sacrifice quand il s’agit d’aider les plus pauvres… Proclamant que « seule la charité sauvera le monde », don Orione la met en pratique de façon héroïque en se précipitant au secours des populations sinistrées par les tremblements de terre dévastateurs de Messine, en 1908, et de la Marsica, en 1915. Organisant les premiers secours et la solidarité locale, Luigi vit dans une grande pauvreté, totalement consacré aux victimes, en particulier les orphelins. Croisant la route du roi d’Italie, don Luigi n’hésite pas à interpeller le souverain en personne pour aider des enfants miséreux : « Ces orphelins meurent de froid, Sire. Il faut qu’on les ramène au plus tôt à Rome », à la suite de quoi le roi acceptera de lui prêter une voiture.

Après la Première Guerre mondiale, don Orione multiplie dans toute l’Italie les œuvres au service de la population sinistrée : colonies agricoles, écoles, orphelinats, œuvres caritatives et d’assistance envers ceux qui ont tout perdu. Le prêtre répète à qui veut bien l’entendre : « La joie parfaite ne peut se trouver que dans le parfait dévouement de soi-même à Dieu et aux hommes, à tous les hommes. » À mesure qu’il découvre des besoins dans toute l’Italie et au-delà, don Orione étend progressivement ses œuvres de charité partout dans le monde. Des religieux missionnaires sont ainsi envoyés au Brésil, en Argentine, en Uruguay, en Palestine, en Pologne, à Rhodes, aux États-Unis, en Angleterre, ou en Albanie. Lui-même effectuera deux voyages missionnaires en Amérique latine.

Au cours de l’hiver 1940, souffrant de problèmes cardiaques et de difficultés respiratoires, don Orione est envoyé prendre du repos dans la maison de Sanremo. « Ce n’est pas entre les palmiers que je veux vivre et mourir, mais entre les pauvres qui sont Jésus-Christ », proteste-t-il pourtant. Seulement trois jours plus tard, le 12 mars 1940, don Orione meurt, entouré de l’affection de ses fils spirituels, en soupirant : « Jésus ! Jésus ! Je viens vers toi. »

Le 6 février 1978, le pape Paul VI reconnaît l’héroïcité des vertus de don Orione, et le déclare vénérable. Une guérison, obtenue par l’intercession de Luigi Orione, est ensuite reconnue comme étant inexpliquée scientifiquement, ce qui entraîne la béatification du prêtre italien le 13 avril 1980. En 1999, une nouvelle guérison, attribuée à l’intercession de don Orione, est déclarée inexplicable par une commission médicale. Jean-Paul II reconnaît le miracle comme authentique, et don Orione est solennellement proclamé saint le 16 mai 2004 par le pape : « Il [Luigi] s’est laissé guider seulement et toujours par la logique de l’amour !... Il eut la trempe et le cœur de l’apôtre Paul… »

Thomas Belleil, auteur de livres de spiritualité, diplômé en sciences religieuses à l’École Pratique des Hautes Études et en théologie au Collège des Bernardins.