Viterbe et Soriano nel Cimino (Italie, Latium)
1235 – 1252
Sainte Rose de Viterbe : comment la prière change le monde
La vie de Rose de Viterbe (1235 – 1252) montre de manière magistrale comment la foi peut transporter les montagnes : originaire de la province du Latium, elle a comme unique bien la foi transmise par ses parents. Malgré son dénuement, sans l’aide de quiconque hormis Jésus, elle parvient par sa prière à apporter une aide décisive au pape, qui discerne immédiatement en elle une amie de Dieu. Elle meurt avant d’avoir atteint l’âge de dix-huit ans.
Antonio Viviani, Sainte Rose de Viterbe, Galleria Nazionale delle Marche / © CC BY-SA 4.0, Mongolo1984.
Les raisons d'y croire :
- La diversité et l’étendue de ses dons mystiques sont époustouflantes : elle éprouve les souffrances morales et physiques des pécheurs refusant de se convertir ; elle voit la Vierge, qui lui dit que son Fils l’a choisie pour évangéliser les incroyants ; elle participe à la crucifixion de Jésus lors d’une extase…
- Elle jouit notamment du charisme de prophétie : huit jours avant l’événement, elle annonce en public le moment et les circonstances de la mort de l’empereur Frédéric II qui, à cette date, se porte encore très bien. Comme elle l’avait annoncé, il meurt le 13 décembre 1250 d’une crise fulgurante de dysenterie.
- Les dures pénitences auxquelles elle se livre n’affectent en rien l’état général de la fillette qui, malgré ses privations extrêmes, mène une existence hyperactive et féconde.
Exempte de déséquilibres mentaux ou de traits morbides, Rose fait montre d’une maturité, d’une sûreté du jugement et d’une maîtrise de soi bien supérieures à celles de n’importe quelle jeune fille au même âge. La sérénité exceptionnelle avec laquelle, malgré sa jeunesse, elle traverse les épreuves (jugement, maladie, exil) le prouve, ainsi que la réponse qu’elle adresse à quatorze ans au juge impérial, préfigurant celles de sainte Jeanne d’Arc à ses accusateurs : « Je parle sur l’ordre d’un maître plus puissant que vous. »
- À l’heure de son décès, le 6 mars 1252, les habitants de Viterbe sont surpris d’entendre les cloches sonner à l’unisson dans toutes les églises de la ville.
- Lors d’une première exhumation, six mois après sa mort, le corps de sainte Rose est retrouvé dans un parfait état de conservation, gardant toute sa souplesse, bien qu’il ait été enterré à même la terre. Le 4 septembre 1258, la dépouille de Rose est déplacée dans l’église de Sainte-Marie-des-Roses, à Viterbe, où il est encore aujourd’hui possible de vénérer son corps, incroyablement bien conservé et même sorti indemne d’un incendie en 1357.
- Des dizaines de miracles survenus sur la tombe de Rose ont été consignés dans des documents officiels au cours des siècles : ils concernent des gens de toutes conditions et tous rangs sociaux, des femmes et des hommes, des prêtres et des fidèles, des religieuses et des religieux.
- Le culte de sainte Rose est donc permanent depuis le XIIIe siècle : chaque 4 septembre, une procession spectaculaire célèbre sa mémoire à Viterbe. Cette fête solennelle est instaurée consécutivement à un miracle attribué à l’intercession de Rose, en 1664 : l’épidémie de peste qui ravage la région est stoppée contre toute attente à un jet de pierre de Viterbe, après que les autorités civiles, le clergé et les laïcs ont longuement supplié leur sainte d’intervenir.
Synthèse :
« Il faudra t’armer de courage, tu parcourras des villes pour exhorter les égarés et les ramener dans le chemin du salut » : tels sont les mots que la Vierge Marie dit à une fillette italienne encore inconnue, qui, dans sa brève vie, allait tenir tête aux adversaires de l’Église les plus acharnés et les plus puissants.
Rose vient au monde dans une famille pauvre de Viterbe (Italie, Latium), à soixante-cinq kilomètres de Rome, ville située à l’époque dans les États pontificaux. Sans argent, sans relations, sans culture, Rose, fillette soumise à une existence rude et sans grand avenir, n’avait – humainement parlant – rien qui puisse faire penser qu’elle deviendrait une force de résistance incroyable à l’ennemi juré du pape d’alors, l’empereur Frédéric II, par deux fois excommunié.
Au milieu du XIIIe siècle, en effet, les troupes du Saint Empire romain germanique assaillent une partie de la péninsule italienne et s’en prennent au pape manu militari. Ce dernier est contraint de fuir Rome, où il n’est plus en sécurité, et s’installe à Viterbe pour un moment.
C’est dans ce contexte troublé que Rose commence à mener une vie de prière, de renoncement et de don de soi, pour aider le successeur de saint Pierre et tous les fidèles. Ses parents ont une foi d’une solidité exceptionnelle et éduquent leur enfant selon leur idéal. La tradition populaire veut que les deux premiers mots que Rose ait prononcés fussent : « Jésus » et « Marie ».
Un premier miracle a lieu alors qu’elle a seulement trois ans : une tante, décédée peu auparavant, est portée au cimetière. La future sainte accompagne sa famille dans le cortège funéraire. Lorsque le corps de la parente est prêt à être inhumé, une voix suppliante retentit à l’intérieur du cercueil ; c’est celle de la tante qui, comme l’expliquera bien plus tard Rose, a été touchée par la prière que sa petite nièce adressa à Dieu à cet instant et fut ressuscitée alors qu’elle était sur le point d’être ensevelie.
À l’âge de cinq ou six ans, elle accompagne sa mère à toutes les cérémonies religieuses et éprouve une joie sans mesure à suivre les paroles et les gestes du prêtre. Parallèlement, elle se met à distribuer discrètement des bouts de pain aux pauvres de son quartier. Son père, inquiet, refuse qu’elle sorte seule ainsi parmi les passants. Un jour, il suit sa fille et observe de loin sa distribution de vivres à quelques nécessiteux. Il surgit devant elle et lui demande d’ouvrir son tablier pour voir ce qu’elle dissimule à l’intérieur. Des « roses vermeilles » apparaissent à la place du pain !
L’entourage de Rose est à la fois perplexe et captivé par l’enfant, qui passe de longs moments à contempler en souriant des images pieuses, ou à prier les mains jointes, les yeux fermés… Alors qu’elle n’a pas encore dix ans, elle fait une demande inattendue à ses parents : elle désire vivre dorénavant retirée dans une pièce de la maison, dans la solitude, pour prier Dieu et Marie, sans être troublée par la vie courante. Les siens acceptent et Rose s’enferme, non pour se retrancher d’eux et des gens, mais pour être, comme elle l’exprime, « au cœur de tous ».Son oraison devient ininterrompue et elle mène une vie franchement ascétique, dormant à même le sol. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle fait tout cela, elle répond humblement que c’est pour obtenir la conversion de ceux qui n’aiment pas assez Jésus.
Elle tombe ensuite gravement malade et on la croit condamnée. Une nuit, le Christ lui fait voir dans un moment de grande angoisse les tourments encourus par les pécheurs impénitents. Peu après, la Vierge lui apparaît, la console et l’informe que son Fils l’a choisie pour convertir les pécheurs les plus obstinés et aider l’Église alors en difficulté. Une autre fois, elle a la vision du Christ crucifié, le corps ensanglanté.
À compter de ce moment, Rose ne vit plus pour elle, mais pour le Seigneur et pour autrui, en qui elle voit l’image de Dieu. Elle se met à parcourir les places publiques de Viterbe, pauvrement vêtue, pieds nus, un crucifix à la main. Malgré son très jeune âge, elle exhorte d’une voix ferme et douce les habitants à se convertir et à obéir au pape. Des « miracles éclatants » viennent bientôt confirmer « l’autorité de sa parole ».
Informé de ces actions, le gouverneur de Viterbe, qui exerce à ce moment-là l’autorité locale au nom de l’empereur Frédéric II, craignant que les gens se retournent contre lui, ordonne à Rose de comparaître devant son tribunal. Il la menace de l’emprisonner si elle continue à « haranguer » les gens sur la voie publique. La jeune fille, qui a alors quatorze ans, lui rétorque : « Je parle sur l’ordre d’un maître plus puissant que vous, je mourrai plutôt que de lui désobéir. » La cause est entendue. La sainte est chassée de Viterbe avec ses parents. Nous sommes en plein hiver 1249.
Un peu moins d’un an plus tard, Rose, entourée des siens et d’amis, tous vivant dans une grande difficulté matérielle, prophétise la mort de l’empereur Frédéric II. Huit jours plus tard, le 13 décembre 1250, celui-ci est emporté par une épidémie de dysenterie, sans que rien – il était jusque-là en parfaite santé – ne le prédispose à cette issue fatale.
À cette nouvelle, les habitants de Viterbe accourent près de Rose et supplient ses parents de revenir en ville, ce qu’ils acceptent de bon cœur. La jeune fille est portée en triomphe et on voit désormais en elle la libératrice de leur cité. Le pape Innocent IV, revenu à Rome après la mort de Frédéric, rentre en possession de la ville de Viterbe.
« Maintenant, songe Rose, je vais enfin pouvoir accomplir mon vœu le plus cher : devenir religieuse. » Elle se présente au couvent des Clarisses de Sainte-Marie-des-Roses, où on la renvoie chez elle ! Il semblerait que les griefs retenus pour ne pas l’accepter auraient été : pas assez de discrétion et trop de phénomènes mystiques !
Dans une parfaite obéissance, Rose rentre au domicile familial, où elle reprend sa vie contemplative dans la petite chambre que son père a aménagée. Cette fois, elle est rejointe par plusieurs adolescentes qui admirent sa foi et son engagement. La maison familiale se transforme en un véritable couvent.
Rose meurt âgée de dix-sept ans et six mois, convaincue de l’immortalité de son âme : « Je meurs avec joie, puisque je vais être unie à mon Dieu. Il ne faut pas avoir peur de la mort, elle n’est pas effrayante, mais douce et précieuse. » Quelques semaines plus tard – fait rarissime –, le pape Innocent IV, sachant toute l’œuvre de Dieu en la personne de Rose, ouvre un procès de canonisation. La sainte apparaît plusieurs fois en songe à son successeur, Alexandre IV, qui ordonne la translation de son corps jusqu’au monastère de Sainte-Marie-des-Roses, où elle avait été refusée de son vivant. Six mois après le décès, le procès-verbal de la première exhumation mentionne une dépouille intacte, sans rigidité cadavérique, avec une peau fraîche et flexible. Elle est encore aujourd’hui dans un état de conservation remarquable.
Trois papes au moins ont pris fait et cause pour Rose : quelques semaines seulement après sa mort, Innocent IV ouvre son procès de canonisation ; son successeur, Alexandre IV, voit la sainte en songe à plusieurs reprises ; et, en 1457, Calixte III relance le procès de canonisation. Rose de Viterbe est finalement inscrite au martyrologe romain et reconnue comme sainte par l’Église catholique.