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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les papes
n°17

Italie

Saint Célestin V, un ermite devenu pape

Le destin de Célestin V est unique : humble ermite, abbé et fondateur d’un ordre religieux, pape démissionnaire au bout de cinq mois et huit jours, ce saint est largement reconnu et vénéré. Comment ne pas voir, dans l’incroyable disproportion entre l’enfouissement de son existence et l’universalité de sa réputation, une intervention surhumaine ?

Les raisons d'y croire :

  • La vie entière de ce saint est très bien connue, aussi bien après son élection pontificale qu’avant.
  • Le fait que Célestin soit proposé par un cardinal comme candidat à l’élection pontificale est très étonnant. Cet ermite de 84 ans, vivant dans une grotte, ne correspond pas aux profils coutumiers de la curie de l’époque. Dans sa formation et son parcours, rien ne le destine à la papauté : carences scolaires, ignorance du droit canon, lacunes théologiques, jusqu’aux maladresses en latin ! Il est pourtant élu pape à l’unanimité en 1294.
  • De son vivant, sa popularité est grande, non du fait qu’il soit élu pape mais parce qu’il vit l’Évangile à un degré exceptionnel.
  • Sagesse, discernement spirituel, don des miracles, de guérison, etc. : autant de faits consignés par ses contemporains qui seront analysés lors de son procès de canonisation.
  • À la fin du XIIIe siècle, l’espérance de vie n’excède pas 30 ans. La quantité de travail qu’abat Célestin et ce qu’il accomplit jusqu’à l’âge de 85 ans est impensable.
  • Célestin est un instrument de paix : il parvient à réconcilier les cardinaux alors divisés en factions ennemies et œuvre pour la paix entre la France et l’Angleterre.
  • Depuis 1960, tous les papes ont honoré sa mémoire et l’Église italienne célèbre chaque année des fêtes liturgiques en sa mémoire.

Synthèse :

Pierre de Morrone vient au monde en 1209 près de Sant’Angelo Limosano (Molise), dans le sud de la péninsule italienne, région constituant à l’époque le royaume de Sicile, aux mains du roi Charles II d’Anjou.

Ses parents sont des paysans qui ne manquent de rien mais doivent travailler dur pour subvenir aux besoins de leurs douze enfants. L’éducation de Pierre est assez rudimentaire et, jusqu’à la fin de sa vie, il aura conscience de n’avoir pas suffisamment de savoir pour accomplir les tâches qu’on lui confie. Or, l’étonnant, c’est qu’il réussit parfaitement en tant qu’abbé, administrateur de trois monastères et constructeur d’églises, puis, in fine, comme pape.

À son vingtième anniversaire, il sait qu’il veut être ermite. Comme la tradition monastique le demande, il est d’abord moine bénédictin à l’abbaye Santa Maria di Faifoli, à Montagano. Dès 1231, il est autorisé à mener une existence solitaire : ses supérieurs ont noté son incroyable maturité spirituelle. Il s’installe dans une grotte du massif de la Majella (massif des Apennins, dans les Abruzzes).

Vers 1235, il s’installe cette fois sur le mont Morrone (Apennins) où il fonde une congrégation monastique d’un genre inédit, dont l’esprit est d’associer vie solitaire et vie en communauté : saint Benoît et saint Antoine réunis ! Ce projet comprend une nouveauté incroyable pour l’époque, que l’on peut appeler « démocratique » : l’abbé général de cette congrégation ne sera plus élu à vie, mais pour une période de trois ans !

Il fait ensuite construire une église dédiée à la Vierge Marie puis au Saint-Esprit. Ce chantier révèle ses talents de gestionnaire à une époque où l’édification de ce type de bâtiments pouvait prendre des décennies.

Ce n’est ni l’abbé ni le constructeur qui focalisent l’attention de ses contemporains, mais le saint, car il a déjà acquis la réputation d’être un ami de Dieu. On lui prête divers charismes et miracles dont les récits détaillés ont été incorporés pour une part dans les pièces du procès de canonisation.

Les Célestins se tiennent à l’écart des affaires publiques. L’unique préoccupation de Pierre est de tout mettre en œuvre pour suivre Jésus du mieux possible. Ses effectifs augmentent et, en 1264, l’évêque de Chieti (Abruzzes) incorpore la congrégation à l’ordre bénédictin. En 1273, à 64 ans (un vieillard à l’époque), il se rend à Lyon à pied pour faire confirmer les statuts de sa congrégation par le pape Grégoire X qui prépare un concile dans la capitale des Gaules.

Il aime à négliger le superflu et se débarrasse de « l’avoir » comme d’un poids encombrant. Il vit dans le dépouillement.

Ses capacités de résistance et de travail sont rarissimes : il faut attendre 1293, son 84e printemps, pour qu’il se retire dans une grotte à Sant’Onofrio (Sulmona). Il le dit lui-même : c’est un homme très âgé qui doit se préparer à une bonne mort. Avant cela, il enchaîne les charges d’abbés, les voyages à Rome et en Toscane et l’administration (matérielle et spirituelle) des Célestins.

Depuis la mort du pape Nicolas IV, le 4 avril 1292, le trône pontifical est vacant ; les cardinaux se déchirent et ne parviennent pas à départager un des leurs. Charles II d’Anjou pousse le Sacré Collège à choisir une fois pour toutes un pape dans des délais raisonnables. Or, le père de Charles II a connu Pierre lorsqu’il était ermite et fut au courant de ses miracles. Aussi le roi décide-t-il de lui rendre visite dans sa grotte afin d’obtenir son conseil quant à la situation romaine.

La rencontre entre les deux hommes est providentielle. Charles, puissant roi de Sicile, prie le vieil ermite de rédiger une lettre qu’il remettrait aux cardinaux en main propre : texte par lequel le saint leur demanderait de se réconcilier. Pierre accepte. Il l’ignore, mais il vient de faire un pas vers le trône pontifical. On peut raisonnablement affirmer que Pierre et Charles ont été les instruments de la Providence à cet instant de leur parcours.

À Rome, il vient une idée subite au cardinal Latino Malabranca Orsini, après qu’il a lu la missive de l’ermite : pourquoi ne pas proposer la candidature de ce dernier à l’élection pontificale ? Ce projet est radicalement différent des manières coutumières au sein de la curie de l’époque. Annoncer la candidature d’un ermite de 84 ans qui ne maîtrise même pas le latin ? C’est humainement inimaginable ! Et ce qui l’est encore davantage, c’est que Pierre est élu à l’unanimité le 5 juillet 1294.

Célestin désigne treize nouveaux cardinaux dont six moines, afin d’éviter les conflitsau sein du Sacré Collège lors de l’élection suivante. Il a également envoyé deux ambassadeurs, l’un à Paris, l’autre à Londres, afin d’œuvrer pour la paix entre la France et l’Angleterre.

Célestin règne cinq mois et huit jours, puis il démissionne, mais seulement après avoir consulté d’éminents juristes (dont son successeur, le futur Boniface VIII) pour ne pas causer de dégâts irréparables dans l’Église, et après avoir lui-même promulgué une constitution apostolique sur la renonciation des papes.

Évoquant avec une modestie confondante ses insuffisances humaines et ses difficultés physiques, il informe d’abord son entourage qu’il est incapable d’assurer ses fonctions puis, le 13 décembre 1294, il renonce définitivement à son ministère devant les cardinaux et meurt deux ans après.

Dès 1305, Philippe le Bel, roi de France, qui a déjà accueilli une communauté de Célestins à Paris, demande au nouveau pape Clément V d’enquêter sur la vie et les miracles de Célestin. Celui-ci est proclamé saint le 5 mai 1313, vingt-quatre ans seulement après sa disparition. Dès lors, sa popularité ne fera que grandir. Comment ne pas voir, dans l’incroyable disproportion entre l’enfouissement de son existence et l’universalité de sa réputation, une intervention surhumaine ?

En 1517, sa dépouille mortuaire est transférée dans l’église abbatiale du monastère de L’Aquila. C’est là que sont venus se recueillir successivement saint Paul VI, saint Jean-Paul II, Benoît XVI (il déposa le 28 avril 2009, sur le tombeau de Célestin, le pallium qu’il portait le jour de son intronisation le 24 avril 2005) et François.

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

Célestin est « grand sur le trône pontifical, plus grand au désert, sa grandeur dans les cieux dépasse toutes nos pensées » (Dom Prosper Guéranger).


Aller plus loin :

Peter Herde, « Célestin V », dans Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, 1994, p. 319-322.


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