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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Lacrimations et images miraculeuses
n°283

Couvent de Seidnaya (Syrie)

25 mars 1988

L’icône de Seidnaya exhale un merveilleux parfum

Fondé par l’empereur byzantin Justinien au VIe siècle, le couvent Notre-Dame de Seidnaya est un monastère orthodoxe féminin situé sur les hauteurs, à trente-cinq kilomètres au nord-est de Damas, en Syrie. Il abrite une des icônes attribuées traditionnellement à l’apôtre Luc, nommée la « Chaghoura » (la « très célèbre »). Plusieurs prodiges ont été attestés sur ces lieux et autour de cette icône, faisant du couvent de Seidnaya un lieu de pèlerinage important au Proche-Orient.

Le coeur de la Crypte, où se trouve l'Icône peinte par saint Luc, sous scellé. / © J-C Antakli.
Le coeur de la Crypte, où se trouve l'Icône peinte par saint Luc, sous scellé. / © J-C Antakli.

Les raisons d'y croire :

  • Le 25 mars 1988, jour de la fête de l’Annonciation, alors que trois personnes prient dans la chapelle du monastère de Seidnaya, qui abrite l’icône, une odeur délicieuse et pénétrante se fait sentir.
  • Les personnes dans la salle reconnaissent toutes les trois avoir senti le parfum, sans pouvoir toutefois expliquer sa provenance.
  • Je suis l’une de ces trois personnes. Une religieuse du monastère était également présente, ainsi que Fadi Thouma, que j’avais rencontré la veille. Cette odeur n’a pas pu être le fruit d’une manigance de l’un d’entre nous : nous pouvions nous voir mutuellement dans la chapelle.
  • L’odeur est si forte et si manifeste que l’on a cru qu’une personne portant un parfum très odorant venait d’entrer dans la pièce, mais ce n’était pas le cas. J’effleure de mon doigt un bord de l’icône : c’est humide et l’odeur s’accentue. C’est bien de l’icône que provient ce parfum si suave.
  • La mère supérieure confirme que ce phénomène, sans être commun, s’est déjà produit, le plus souvent lors de fêtes liturgiques.
  • Notre Dame de Seidnaya s’est illustrée tout au long de l’Histoire : il existe un registre tenu par les religieuses au sujet des prodiges qui sont attribués à son intercession. Il peut être consulté librement ; à titre d’exemple, on peut citer certains des derniers miracles répertoriés : la guérison de la cécité de Georges Sérafin, originaire de Mekarké, ou la guérison d’une jeune femme musulmane, atteinte d’une tumeur au sein en phase terminale. Accompagnées de dossiers médicaux étayés, ces guérisons sont irréfutables.
  • Les archives du monastère attestent la provenance de l’icône : lorsque le couvent, bâti en 547, a accueilli cette dernière, elle venait de la ville sainte de Jérusalem, où elle était déjà considérée comme « miraculeuse ».

Synthèse :

À la veille de la fête de l’Annonce faite à Marie, alors qu’il est de passage à Damas, le père Élias Zahlaoui, prêtre de l’Église grecque catholique-melkite de Notre-Dame et directeur spirituel de Myrna Nazzour, m’invite à un concert de sa chorale Chœur Joie de Damas, dont la renommée a dépassé les frontières du Proche-Orient. Le récital, entièrement dédié à la Vierge, me bouleverse par la qualité de l’interprétation et la ferveur des jeunes choristes. En félicitant le père, je lui demande quel est le meilleur moyen de transport que je pourrais utiliser pour me rendre le lendemain au monastère de Seidnaya (village situé à une trentaine de kilomètres de Damas), consacré à Marie et où, selon la tradition, repose son portrait peint par l’apôtre saint Luc.

 « Je t’envoie Fadi Thouma, un jeune de la chorale qui sera très heureux de t’accompagner en voiture », me dit-il immédiatement. C’est ainsi qu’en ce jour déclinant de l’Annonciation, Fadi et moi faisons connaissance, sur la route autrefois empruntée par l’empereur de Byzance Justinien Ier, qui traversait la Syrie pour aller attaquer les Perses.

« Tu connais naturellement, lui dis-je l’histoire que l’on raconte sur Seidnaya ? » Il hésite.
« Sais-tu d’où vient le nom "Seidnaya" ? De deux mots syriaques : Naya qui veut dire "Notre" et Seida qui signifie "Dame". Une autre étymologie le rattache à l’empereur Justinien, naya signifiant "lieu ou endroit" et seida "chasse"… On raconte qu’à un moment, les troupes s’étant arrêtées pour se reposer et se désaltérer, l’empereur s’en écarta. Tout à coup, il aperçut une magnifique gazelle. Pris d’une irrésistible envie de la chasser, il la poursuivit, jusqu’à ce qu’elle s’arrêtât sur une colline rocheuse. Elle semblait attendre l’empereur, puis se dirigea près d’une source et, là, soudain métamorphosée, elle apparut sous la forme d’une silhouette de la Vierge, dont la main se tendit vers lui, tandis qu’il entendait ces mots : "Non, tu ne m’abattras pas, Justinien, mais tu construiras ici une église pour moi sur cette colline". Puis la vision disparut... Justinien, troublé, ordonna à ses architectes d’établir un plan et on dit même que la Vierge guidait leurs mains. »

Fadi est étonné et, très simplement, alors que nous engageons la conversation, il me parle de ses doutes et de ses questionnements, notamment sur « les événements de Soufanieh », qui ont commencé six ans plus tôt par des apparitions, des écoulements, des messages, et des stigmatisations dépassant de loin le cadre de Damas et de la Syrie ! Je l’écoute en pensant que la foi est une grâce qui nous est donnée pour être partagée, un don reçu pour porter du fruit.

La route nous semble quasi désertique après les rues animées et bruyantes de Damas. Le ciel est d’un bleu très pur mais, au loin, un orage menace. Soudain, éclaboussant le pare-brise, un splendide arc-en-ciel se dessine au-dessus de l’éperon rocheux, détaché du massif montagneux nu et râpeux vers lequel nous nous dirigeons. Nous quittons l’autoroute, traversons le village, et arrivons au pied du monastère.

Une bourrasque d’une rare intensité, accompagnée de rafales de pluie et de giboulées, nous accueille, tandis qu’une religieuse, en bure et étroit capulet noir, tente de nous mettre à l’abri à l’intérieur du monastère. Construit sur un piton, il s’étage par paliers, légers, aériens, malgré ses dimensions impressionnantes. Nous suivons la moniale vers la grotte, creusée à même le roc, qui renferme le trésor devant lequel nous sommes venus nous recueillir.

Le monastère d’un blanc immaculé sert d’écrin à l’une des quatre icônes de la Vierge, que la tradition affirme avoir été peinte par l’évangéliste lui-même. Elle est désignée sous le nom d’« al Chaghoura », c’est-à-dire « la très célèbre ».

Au fond d’une cour, nous passons par une petite porte, tête baissée, déchaussés, dans une pièce qui apparaît ronde à la lueur tremblotante des cierges et des bougies. La religieuse, qui nous a précédés, disparaît dans un trou noir. Immobiles, dans un silence ouaté, nos yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité : le sol est recouvert de tapis, il y a un autel au milieu et un derrière, et un tabernacle à la porte grillagée, au fond duquel on devine la sainte icône.

Fadi et moi nous retrouvons côte à côte, à genoux, en prière. Il n’y a pas un souffle, mais une présence palpable, sensible, habite cet endroit hors du monde… Soudain monte une odeur si délicieuse et si pénétrante qu’il me semble que quelqu’un vient de répandre volontairement un parfum d’une extrême suavité. Je me tourne vers Fadi : « Sens-tu ce parfum, d’où vient-il ? » Il murmure : « Oui, je le sens, mais j’ignore d’où il provient. »

Je jette un regard vers la porte derrière moi : quelqu’un est peut-être entré ! Dans l’ombre, je distingue l’ovale plus clair du visage de la religieuse, immobile. Je risque un doigt entre les mailles du grillage, vers une petite pièce métallique de l’icône qui brille et que j’effleure. Elle est humide et, en retirant la main, l’odeur pénétrante s’accentue et nous enveloppe. Oui, c’est bien de là que vient ce parfum subtil et unique qui envahit maintenant toute la grotte. Fadi tremble et, ensemble, nous posons le front par terre sur le tapis. Il sort le premier et m’attend, très ému, au bord des larmes.

J’interpelle la religieuse qui me suit, impassible : « Avez-vous, vous aussi, senti ce parfum, ma sœur ? » Elle sourit, heureuse pour nous, et incline la tête, les mains cachées dans son manchon :

« Oui, dit-elle, je l’ai senti.
 Cela arrive-t-il souvent ici ?
— Souvent non, mais... cela se produit parfois ! Notre mère vous attend ; je vous conduis auprès d’elle.
 » Elle glisse jusqu’au grand salon et s’efface après avoir chuchoté à l’oreille de mère Christina, assise droite et altière sur un fauteuil en velours, les mains croisées sur un crucifix retenu par une lourde chaîne en or.

« Ainsi, donc, vous êtes de retour en Syrie ; le père Elias m’en a informé. Soyez les bienvenus.
— Merci de votre accueil, ma mère, et pardon de notre trouble et de notre émotion. Nous sommes venus en ce jour de fête pour honorer la Sainte Vierge, et elle nous a gratifiés d’un signe bouleversant.
— Vous avez reçu un signe, le 25 mars, une date qui rappelle la fusion du royaume du Ciel avec la Terre. En ce jour béni, nous rendons grâce à Dieu qui a fait irruption dans nos vies au début de notre ère, par deux femmes, Marie et Elisabeth, sa cousine, véritables prophétesses du Nouveau Testament, selon un programme qui va bien au-delà de toute intelligence. C’est cela que nous fêtons aujourd’hui, car ces enfants, qu’elles vont accepter de porter, sont l’avenir du monde.
 »

Mon jeune ami et moi nous rendons bien compte du mystère qu’est l’Incarnation, mais cette manifestation surprenante nous interroge. Mère Christina reprend :

« Croyez-vous que Marie, en entendant frapper à la porte, n’a pas été "troublée" ce matin-là, qu’elle ne s’est pas demandé de quelle Vierge, choisie parmi toutes les femmes de l’humanité, il s’agissait ? Était-ce Dieu qui avait trouvé en elle la plus pure, la plus belle, la plus immaculée ? Et de quel Fils était-il question ? Il est certain que l’ange Gabriel a dû hésiter lui aussi avant de frapper, de crainte d’intimider cette élue du Ciel, et surtout sans savoir si Marie allait accepter son annonce ? Dieu nous surprend toujours.
— Votre sœur nous a dit que cette exsudation arrivait parfois…
— Cela arrive le plus souvent lors des fêtes liturgiques, mais aussi dans un cadre privé. C’est toujours un moment très fort et bouleversant. Le premier usage qui a été fait du parfum portait le sceau du « sacré ». Aussi vieux que les origines du monde, invisible, précieux et tenace, le parfum reste entouré d’un halo de mystère. Dans toutes les cultures, dans l’Ancien et le Nouveau Testament, sa présence est rare et envoûtante. C’est à l’Enfant Jésus que les rois mages offrent l’encens et la myrrhe. De l’huile parfumée à l’onguent, il s’exhale, il brûle ou se mélange. Vous savez qu’en Orient ces signes olfactifs sont assez fréquents pour honorer, entre autres, celle qui a reçu la visite de l’Esprit Saint. Il arrive aussi, et j’en ai été témoin, que l’écoulement d’huile parfumée que vous avez constaté aujourd’hui soit si abondant que le sol de la grotte en est recouvert. Nous la recueillons précieusement et l’offrons aux malades quand ils viennent visiter la Chaghoura. Mais je me souviens aussi que, la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’icône a exsudé de l’eau et de l’huile noire, comme l’épaisse chape de plomb qui allait recouvrir le monde. Nous étions terrifiées. C’est un mystère profond que l’on se doit d’accueillir dans son cœur avec humilité, une invitation à se laisser aimer de Dieu et à l’aimer.

— Vivez-vous aussi d’autres manifestations, ici, au couvent ?
— Oui, bien sûr ! Nous recevons ici, dans ce petit village de quinze mille âmes, des pèlerins du monde entier, des milliers par an, de toutes confessions. Certains pour remercier, d’autres pour demander des grâces de guérisons spirituelles ou physiques et, avec eux, nous les obtenons… Notre Dame de Seidnaya s’est illustrée tout au long de son histoire : nous avons un registre que mes sœurs tiennent et que l’on peut consulter. Je pense aux trois derniers miracles, celui de Georges Sérafin un homme aveugle avec une cécité totale d’un œil, originaire de Mekarké (entre Alep et Hama), une jeune femme musulmane de Damas, de la famille d’Ayoubi, mariée et maman de trois enfants (un cas qui relevait de la psychiatrie), et d’une autre jeune femme, musulmane aussi, atteinte d’une tumeur au sein en phase terminale. Ces trois dernières guérisons sont irréfutables. J’ajoute que, bâti en 547, le couvent a accueilli l’icône qui venait de la ville sainte de Jérusalem, où elle était déjà considérée comme "miraculeuse" ». Nos archives disent que des voix célestes s’élevaient parfois de l’intérieur de l’icône, lorsqu’elle était exposée. Ce parfum qui vous a enveloppés vous interpelle personnellement et l’esprit de Dieu vous éclairera. »

Sur le chemin du retour, nous sommes peu loquaces. Pourquoi nous ? « C’était vraiment un parfum unique, celui de la Vierge, me dit Fadi, en rompant le silence. Je t’avoue que j’étais heureux que le père Elias me demande de t’accompagner à Seidnaya ; j’ai accepté sans hésiter. Auprès de toi, j’ai mis des mots sur un certain malaise, un questionnement après les événements de Soufanieh, si intenses qu’ils ont bousculé la vie de jeunes comme moi. Et la Sainte Vierge, par ce signe, a pris la peine de me répondre ! » Il pleurait comme un enfant et je rendais grâce dans mon cœur.

Geneviève et Jean Claude Antakli, écrivains et biologistes.


Aller plus loin :

Jean-Claude Antakli, Itinéraire d’un chrétien d’Orient, Éditions du Parvis, 5e édition actualisée et augmentée, 2022.


En savoir plus :

Jean-Claude Antakli, Le Silence de Dieu, Éditions du Parvis, 2012.

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