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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les docteurs
n°504

Empire romain, en particulier Milan (Italie)

Vers 340-397

Saint Ambroise de Milan, évêque malgré lui

C’est l’anniversaire de la consécration épiscopale de l’un des quatre docteurs de l’Église d’Occident que le calendrier rappelle à notre souvenir aujourd’hui, le 7 décembre. Ses ouvrages ont en effet contribué grandement au progrès de la science théologique, qui cherche à comprendre qui est Dieu et quels rapports il entretient avec les hommes. Né dans une famille de haute noblesse, vers 340, Ambroise est destiné à une brillante carrière administrative, comme son père avant lui. Mais, alors qu’il est préfet de Milan, l’évêque Auxence meurt et le peuple, partagé entre le parti arien et le parti catholique, le choisit comme arbitre en le contraignant à assumer la charge épiscopale. Après une vie dévouée au Christ et à ses fidèles, il meurt en 397.

Antoine Van Dyck, Ambroise et l'empereur Théodose, XVIIe siècle /© CC0, wikimedia.
Antoine Van Dyck, Ambroise et l'empereur Théodose, XVIIe siècle /© CC0, wikimedia.

Les raisons d'y croire :

  • La source la plus abondante et la plus autorisée de la vie de saint Ambroise a été rédigée par son secrétaire, Paulin. Il a vécu à Milan aux côtés de l’évêque pendant deux ou trois années complètes, et rapporte plusieurs fois des événements dont il a été le témoin direct. Quand il cite des témoignages de tiers, c’est de première main : l’évêque lui-même, sa correspondance épistolaire, la sœur de l’évêque, Marcelline, ou des amis et collaborateurs proches d’Ambroise. Le caractère objectif de ces sources orales est si important pour Paulin qu’il les cite au premier chapitre de son ouvrage. Les sources secondaires sont citées par l’auteur au cours de la rédaction. Paulin connaît l’honnêteté, la piété et la prudence de tous ces témoins, garants des informations qu’il rapporte. Enfin, il recoupe ses sources pour vérifier ses informations. Quand Paulin n’a pu vérifier un fait qu’il rapporte, il l’introduit par « fertur... » (« on raconte que... »). En tous points, il fait donc preuve d’esprit critique.

  • La Vie de saint Ambroise est écrite par Paulin durant les années 412-413, ou au plus tard en 422. Ambroise est alors mort depuis quinze ou vingt-cinq ans : les témoins oculaires des scènes rapportées par la biographie sont donc encore vivants pour la plupart, et leur acquiescement tacite prouve que rien dans la Vie n’est contraire à la vérité des faits.
  • Le style de rédaction est modeste, sec et dépourvu d’imagination, ce qui va dans le sens d’une objectivité des faits rapportés. La chronologie de la Vita Ambrosii est homogène et concorde avec les autres éléments historiques à notre connaissance. Certes, le genre littéraire de la Vita, comme attendu selon les mœurs du temps, est celui d’une hagiographie, mais Paulin ne s’y soumet pas en tous points. Il ne tait pas son ignorance sur tel ou tel fait, et rapporte telle prévision d’Ambroise qui se révélera être inexacte. Il est donc sincère.
  • Jean-Rémy Palanque a montré que près du quart de l’ouvrage expose le contexte politique de l’Empire et la situation historique de l’Église. Les trois cinquièmes de la Vita constituent une biographie au sens moderne du mot. Sans le vouloir, Paulin a donc fait œuvre d’historien, et sa Vita Ambrosii peut être regardée comme une source historique digne de foi selon les critères actuels. Ainsi, il y a tout lieu de considérer aussi les miracles qui y sont rapportés : la façon dont les démons fuient devant Ambroise, comment il fut défendu de celui qui venait pour l’assassiner, etc.
  • Le père d’Ambroise, de haute noblesse et de classe sénatoriale, assume à Trèves la charge de préfet du prétoire des Gaules – c’est dire l’importance de la famille d’Ambroise. Après une éducation soignée qu’il reçoit à Rome, il devient avocat, fait carrière dans l’administration impériale, puis est nommé administrateur des provinces de Ligurie et d’Émilie. On comprend aisément que l’avenir d’Ambroise, tout tracé depuis son enfance, se révèle toujours plus heureux au fil des années. A priori, une carrière ecclésiastique ne pouvait rien apporter davantage, alors qu’il concentrait déjà tant de pouvoir entre ses mains.
  • Quand en 374 Ambroise est élu évêque par acclamation du peuple, sa réaction  montre bien qu’il n’agrée pas cette élection. Paulin rapporte qu’Ambroise voulut « détourner l’assemblée de ce choix qu’elle avait fait de lui ». Même, « il conçut la pensée de prendre la fuite au milieu de la nuit. Et au moment où il se croyait sur le bord du Tessin, il se trouva, le matin, à une porte de Milan, appelée la porte de Rome. Quand on l’eut rencontré, il fut gardé à vue par le peuple » (Vie d’Ambroise). Il est évident qu’Ambroise aurait aimé éviter cette élection épiscopale soudaine et inattendue.

  • Ambroise se résigne et accepte cette charge. Il se dépouille de tous ses biens en les distribuant aux pauvres. Il se dévoue donc complètement au soin pastoral de ses diocésains. Il veut être pauvre comme Jésus-Christ, dont il tient la place auprès de son peuple. En effet, le Christ, homme-Dieu, a caché aux yeux de tous la gloire de sa divinité pour vivre parmi les hommes, comme eux, dans la faiblesse et la souffrance, qui sont les conditions de la vie d’ici-bas.
  • L’évêque Ambroise témoigne plusieurs fois d’un courage hors du commun pour défendre la foi chrétienne et l’Église face aux empereurs successifs. Lorsque Valentinien II hésite à accéder à la demande du sénateur Symmaque, qui souhaite que la statue païenne de la victoire soit remise dans la salle du Sénat, Ambroise n’hésite pas adresser deux lettres à l’empereur, par lesquelles il lui représente son devoir de chrétien de servir le vrai Dieu : « Tous les hommes soumis à la domination romaine sont là pour obéir, à vous empereurs et princes de la terre ; mais vous-mêmes vous devez servir le Dieu tout-puissant et la sainte foi » (Lettre 17, 1).

  • Ambroise exige aussi de Théodose, qui est devenu empereur en 379, de se soumettre à la pénitence publique à la suite du massacre de Thessalonique. En effet, la foule avait tué un général romain et Théodose avait alors ordonné des représailles qui firent plus de sept cents morts. L’empereur s’exécute, impressionné par l’audace et la fermeté d’Ambroise. « Je mets Dieu au-dessus de tout », lui écrit Ambroise pour expliquer sa conduite (Lettre 1, 17).

Synthèse :

Saint Ambroise est autant imprégné des lettres latines que de la Sainte Écriture. Aussi puise-t-il aux deux sources. De plus, il veut les concilier : c’est l’objet du De officiis ministrorum (Des devoirs des clercs). Le titre fait en effet référence à l’ouvrage éponyme de Cicéron. L’orateur romain, dans son De officiis, s’adresse à travers son fils à tous les jeunes gens qui prétendent accéder aux charges publiques : l’évêque de Milan, ancien avocat lui aussi, prodigue à son tour ses conseils aux clercs qui se destinent à entrer dans les ordres. Mais l’inspiration païenne de l’ouvrage s’efface peu à peu, au fil des chapitres, au bénéfice des exemples des saints, qui illustrent les citations scripturaires.

L’évêque assume aussi son rôle d’enseignant de la foi. Dans le De sacramentis (Des sacrements de la foi), il réunit pour les catéchumènes et les nouveaux baptisés des catéchèses destinées à leur apprendre les fondements de la foi au Christ, et ainsi les préparer à recevoir en connaissance de cause le baptême, par lequel l’homme est configuré, c’est-à-dire rendu semblable, en son être profond, à Jésus-Christ. Cela ne signifie pas que le chrétien agit nécessairement selon le bien depuis son baptême, mais qu’il a dès lors la capacité de le faire. Or, cette aptitude lui faisait défaut auparavant : Dieu est le but de la vie de tout homme, mais seule la réception préalable du baptême lui permet de se mettre effectivement en marche vers cette fin. Saint Ambroise enseigne aussi en cet ouvrage que Jésus-Christ est personnellement présent sous l’apparence du pain dans l’Eucharistie : ce n’est plus du pain, malgré ce que perçoivent les sens. C’est Jésus-Christ offert en sacrifice, mais aussi vivant et glorieux. Un autre écrit, le De mysteriis (Des mystères de la foi) propose également aux nouveaux baptisés des catéchèses sur le sacrement de baptême.

La connaissance des auteurs chrétiens alexandrins, qui complète et achève ses lectures de Plotin et de Philon, lui sont d’un grand secours : guidé dans sa découverte de la littérature grecque chrétienne par le prêtre Simplicien, qui catéchisera plus tard également le futur saint Augustin, Ambroise découvre les écrits d’Origène. Il lit le grec : il assimile donc rapidement la méthode d’interprétation allégorique du théologien d’Alexandrie. Le sens littéral conduit au sens spirituel, et c’est ce dernier que l’Esprit divin veut faire découvrir au lecteur de la Sainte Écriture. Saint Ambroise se fait l’écho dans ses catéchèses de ce procédé d’explication, pour la plus grande joie et le contentement de ses auditeurs. Saint Augustin, dans ses sermons, marchera ensuite à son tour sur ses pas.

Outre ces écrits traitant de liturgie pastorale, saint Ambroise rédige aussi des traités sur les divers livres de la Bible, ainsi que sur l’Évangile de saint Luc ; l’influence d’Origène, dans ce dernier commentaire exégétique, est très sensible.

Enfin, deux grands traités dogmatiques furent dédiés au jeune empereur Gratien, qui a hérité de concert avec son demi-frère Valentinien II de la partie occidentale de l’Empire, tandis que leur oncle Valens gouverne la partie orientale. Or, Valens est arien et Ambroise veut éviter qu’il influence Gratien qui n’a, à la mort de son père Valentinien Ier, en 375, que quinze ans. Quant à Valentinien II, c’est un enfant de quatre ans que Gratien prend sous sa protection. L’évêque Ambroise compose donc en 378 un De fide (Traité sur la foi chrétienne), dans lequel il expose la divinité de Jésus-Christ en tant que Fils éternel du Père. En 381, il rédige encore un ouvrage sur le Saint-Esprit qu’il dédie aussi à Gratien. Il y montre que l’Esprit Saint, c’est-à-dire la troisième Personne de la Sainte Trinité, est l’égal du Père et du Fils. Valens est en effet mort, et Gratien l’a remplacé en 381 par Théodose. Gratien quitte alors Trèves, qui était sa capitale, pour s’installer cette même année à Milan. Ambroise peut ainsi facilement instruire le jeune empereur et conseiller sa politique religieuse.

L’évêque Ambroise est surtout connu pour ses hymnes liturgiques. Saint Augustin rapporte dans les Confessions (IX, VI, 14) que c’est lui qui a inventé le chant choral alterné : lorsque la seconde épouse de Valentinien (et mère de Valentinien II), Justine, qui était arienne, veut enlever par la force militaire la basilique Porcienne pour la donner aux ariens, l’évêque s’enferme à l’intérieur avec le peuple et fait alterner les chants liturgiques pour demeurer en prière sans fatiguer les voix. « L’empereur n’est pas au-dessus de l’Église, il est dans l’Église », avait-il déclaré au peuple le dimanche des Rameaux. Une lettre à sa sœur Marcelline (Lettre 20) décrit toujours aujourd’hui pour les lecteurs les péripéties de cette semaine sainte originale de l’année 386.

Saint Ambroise meurt le Samedi saint 397. On porte son corps à la vigile pascale. La dépouille du saint évêque repose aux côtés de celles des saints Protais et Gervais, dans la crypte de la basilique Saint-Ambroise, que le saint avait faite construire sous le nom de « basilique des martyrs ». On peut aussi vénérer les restes de saint Satire, frère de saint Ambroise et décédé en 375 ou 378, dans la chapelle San Vittore in Ciel d’Oro. Sur un des murs de la chapelle, une mosaïque représente saint Ambroise. Sa fête est célébrée le 7 décembre, jour anniversaire de sa consécration épiscopale.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Aller plus loin :

Anne Bernet, Saint Ambroise, Étampes, Clovis, 1999.


En savoir plus :

  • Paulin de Milan, Vita Ambrosii : texte latin et traduction en italien dans Vite dei Santi, tome III, Milan, éd. A.A.R. Bastiaensen, 1975, p. 86‑87. Une traduction française a été réalisée par É. Lamirande, dans Paulin de Milan et la Vita Ambrosii. Aspects de la religion sous le Bas-Empire, Recherches en Théologie no 30, Paris-Tournai-Montréal, 1983.
  • Benoît XVI, audience générale du mercredi 24 octobre 2007. Disponible en ligne.
  • Saint Ambroise de Milan :
    • Des sacrements. Des mystères. Explication du symbole, Paris, Cerf, Sources chrétiennes (SC) n25 bis, 1961. Ce sont trois ouvrages au cours desquels l’évêque fait œuvre de catéchiste, sur les sacrements, les rites liturgiques et la foi chrétienne.
    • Traité sur l’Évangile de saint Luc, SC n45 (tome 1, 1956) et n52 (tome 2, 1958).
    • La Fuite du siècle, SC n576, 2015. Le thème de l’ouvrage est la fuite des vanités d’ici-bas pour pouvoir s’élever vers Dieu.
    • Jacob et la vie heureuse, SC n534, 201à. Ces sont différentes prédications de l’évêque de Milan, qui traitent de la sagesse pratique chrétienne.
  • Émilien Lamirande, « La datation de la Vita Ambrosii de Paulin de Milan », dans Revue d’Études augustiniennes et patristiques, volume 27, p. 44-55, 1981. Disponible en ligne.
  • Jean-Rémy Palanque :
    • « La Vita Ambrosii de Paulin : étude critique », dans Revue des Sciences Religieuses, 1924, tome 4, fascicule 1, p. 26-42. Disponible en ligne. Et « La Vita Ambrosii de Paulin (suite et fin) », ibid., fasc. 3, p. 401-420. Disponible en ligne.
    • Saint Ambroise et l’Empire romain. Contribution à l’histoire des rapports de l’Église et de l’État à la fin du IVe siècle, Paris, E. de Boccard, 1933.
  • Une courte vidéo du ministère italien de la culture accompagne une présentation écrite (en italien) de la basilique Saint-Ambroise à Milan. On voit sur le film les tombes des saints évêques Ambroise, Gervais et Protais, et les mosaïques qui les représentent.
  • Sur le site Internet du Collège des Bernardins, l’article « Saint Ambroise de milan : vie et œuvres ».
  • L’émission « La foi prise au mot » de KTO TV sur saint Ambroise de Milan.
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