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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Des juifs découvrent le Messie
n°125

France

1876 – 1944

Max Jacob : la conversion inattendue d’un artiste libertin

Max Jacob est une personnalité artistique brillante du XXe siècle : ami de Picasso, Apollinaire et Modigliani, il est aussi bien poète et romancier que peintre. Né en Bretagne dans une famille juive non pratiquante, Max Jacob se lance dans les fêtes parisiennes à 21 ans en menant une vie assez dissolue (drogues, aventures sexuelles, attrait pour l’astrologie). Le 22 septembre 1909, en rentrant chez lui, sur le mur de sa chambre, il voit Jésus qui se retourne pour le regarder. « Au lieu de femme, un jour, j’avais rencontré Dieu » (Le Laboratoire central, 1921). Il reçoit le baptême en 1915, ce qui ne l’empêche pas d’arborer l’étoile de David pendant l’occupation et d’être arrêté par la Gestapo en 1944. Rapidement après, il meurt d’une broncho-pneumonie dans le camp de Drancy.

Statue Notre Dame de Fleury dans l'abbaye Saint-Benoît-sur-Loire où se recueillait Max Jacob. / © CC BY-SA 4.0/Gaylussac8937
Statue Notre Dame de Fleury dans l'abbaye Saint-Benoît-sur-Loire où se recueillait Max Jacob. / © CC BY-SA 4.0/Gaylussac8937

Les raisons d'y croire :

  • Les livres écrits par Max Jacob, ainsi que sa correspondance abondante (près de 20 000 lettres), permettent de connaître de première main les détails de ses visions et son parcours de conversion (notamment Récit de ma conversion, 1939).
  • La rencontre du Christ, notamment à travers deux visions, bouleverse à jamais la vie de Max Jacob. Devenir chrétien implique pour lui beaucoup de changements et il n'en cache pas les efforts et les difficultés. Il demande le baptême, persévère malgré ses chutes et fait le choix de quitter Paris et ses tentations pour mener une vie plus conforme à sa foi, près de l’abbaye de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire). Cette décision radicale et exigeante ne peut pas être appuyée sur du vent.
  • Rien ne laissait deviner que Max Jacob allait devenir chrétien. Sa conversion est en premier lieu l’objet de railleries par ses amis, et de scepticisme chez les prêtres. Son amour du Christ est d'abord perçu comme une sorte de provocation artistique. Max Jacob les convainc pourtant de sa sincérité par sa constance et sa profonde contrition (voir La Défense de Tartuffe, 1919).
  • Mû par son attachement au catholicisme et sa conviction forte d’avoir trouvé la vérité, Max Jacob veut partager sa foi nouvelle avec tous. « Je n’attends plus le Messie comme mes coreligionnaires : je l’ai vu ! Le devoir de ceux qui croiront mes yeux est de m’imiter. » La foi très sûre de Max Jacob suscitera plusieurs conversions.

  • A partir de son baptême et jusqu’à sa mort, le désir de Max Jacob de conformer toujours mieux sa vie à sa foi est durable, alors que beaucoup d’autres aspects de sa vie ont été changeants et tourmentés. Dans le camp de Drancy, il explique à ses codétenus juifs vouloir « mourir en chrétien ».

Synthèse :

Max Jacob Alexandre est né le 12 juillet 1876 à Quimper dans une famille juive ashkénaze non pratiquante. Il fait des études brillantes, collectionnant les prix, avant de rejoindre Paris pour étudier l’administration à l’École coloniale et le droit à la Sorbonne.

Il est progressivement aspiré par le tourbillon des fêtes parisiennes et se rapproche du monde artistique. En 1907, il loge au Bateau-Lavoir, qui héberge plusieurs artistes sans le sou. Max Jacob mène plusieurs années une vie de bohème, entre aventures sexuelles, consommation de drogues, astrologie et mysticisme. Il fait partie d’une bande composée notamment de Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin et Juan Gris. Des désaccords amoureux ou artistiques causent régulièrement des dissensions au sein du groupe.

À l’âge trente-trois ans, un premier basculement s’opère. Au soir du 22 septembre 1909, en rentrant chez lui, Max Jacob voit quelqu’un – qu’il nommera « l’Hôte » – sur le mur de sa chambre : « Je suis revenu de la Bibliothèque nationale, j’ai déposé ma serviette, j’ai cherché des pantoufles et quand j’ai relevé la tête, il y avait quelqu’un sur le mur, il y avait Quelqu’un. Ma chair est tombée par terre ! Le corps céleste est sur le mur de ma pauvre chambre. Pourquoi, Seigneur ? Oh ! Pardonne-moi ! Il est dans un paysage que j’ai dessiné jadis. Mais Lui ! Quelle beauté, élégance et douceur ! Ses épaules, sa démarche ! Il a une robe de soie jaune et des parements bleus. Il s’est retourné et je vois cette face paisible et rayonnante » (Max Jacob, Récit de ma conversion, 1939). Il se plonge passionnément pour deux ans dans l’exégèse de l’Évangile, de l’Ancien Testament et des Pères de l’Église.

Dans une lettre à son cousin Richard Bloch, il raconte une seconde vision du Christ « le 17 décembre dernier à dix heures et demie du soir sur une toile de cinématographe Pathé, rue de Douai ». Max Jacob ne repousse alors plus son baptême, qu’il reçoit dans la chapelle des Sœurs de Notre-Dame de Sion (Paris) le 18 février 1915 – « Une hésitation nouvelle serait de l’ingratitude », explique-t-il. Pablo Picasso, son parrain, lui offre l’Imitation de Jésus Christ (ouvrage paru vers 1400, attribué à Thomas A. Kempis).

Débute une période difficile durant laquelle Max Jacob se définit lui-même comme « mystique et pécheur […] ballotté entre le monde qui l’a repris et Dieu qui ne le secourt pas encore, entre le remords et la débauche » (La Défense de Tartuffe). Ce cheminement prend la forme d’unequête inlassable – « Pécher, pécher, se repêcher ». Ses tendances homosexuelles sont notamment pour lui la source d’une souffrance morale aiguë qu’il ne cache pas.

La mort de Guillaume Apollinaire, en 1918, conduit Max Jacob à une seconde conversion. Au Sacré-Cœur, le lendemain du décès de son ami, il entend : « N’ayez pas peur » (Mt 17,7 ; parole du Christ transfiguré) ; et il dessine la vision qu’il a du défunt devenu ange « comme un oiseau à tête d’homme au-dessus. Était-il mort ? » (« Si la mort de Guillaume fut chrétienne », Derniers poèmes).

Max Jacob renonce alors fermement aux aspects de sa vie qui sont en désaccord avec sa foi. Pour s’éloigner des tentations, il s’isole à Saint-Benoît-sur-Loire, un petit village à 160 kilomètres de Paris, connu pour sa belle abbaye Notre-Dame-de-Fleury. Il est hébergé au presbytère par l’abbé Albert Fleureau. Dans ce lieu où il reste sept ans, il adopte une vie quasi monastique, rythmée par la prière et la messe quotidienne. La dévotion exemplaire de « Monsieur Max » est reconnue dans le village et provoque même des conversions. Les horaires stricts qu’il s’impose aident à sa créativité. Les longues méditations religieuses qu’il rédige durant cette période attestent d’une foi fulgurante. Il trouve dans le catholicisme « ce qu’il ne trouvait pas dans le mysticisme : la paix ! »

Il est convaincu qu’« un homme ordinaire ne peut se sauver tout seul […] il faut Dieu et l’Église » (lettre à Yvon Belaval, 1941). « L’Église ne rebute pas : c’est le démon qui inspire ces dégoûts. L’Église qui compte, c’est ton âme à toi, nettoyée, purifiée : il n’y a pas d’autre Église. On ne te demande pas de fréquenter des prêtres, mais d’aller à la messe qui répand le Sang de Dieu, lequel est Esprit, et de te confesser car c’est la seule manière d’examiner ta conscience » (lettre à Yvon Belaval, septembre 1927).

L’augmentation de l’antisémitisme durant l’occupation rend sa vie difficile (assignation à résidence, port de l’étoile jaune, moqueries, etc.). Max Jacob refuse pourtant les évasions qui lui sont proposées par le réseau résistant chrétien « La France continue ». Il écrit : « Je mourrai martyr. » Il est arrêté en février 1944 par la Gestapo, à peine six mois avant la libération de Paris. Sur le chemin du camp de Drancy, il écrit une dernière lettre au chanoine Fleureau, son curé de Saint-Benoît-sur-Loire : « J’ai confiance en Dieu. Je le remercie du martyre qui commence. […] Je n’oublie personne dans mes prières continuelles. » Avant de mourir de pneumonie, Max Jacob aura eu soin de demander à ses compagnons juifs, emprisonnés avec lui, de l’excuser de « mourir en chrétien ».

Solveig Parent


Au-delà des raisons d'y croire :

Max Jacob, bouleversé par son état de pécheur, a bien compris la portée extraordinaire de la confession. Il est profondément convaincu du pardon obtenu pour l’humanité par le sacrifice du Christ rédempteur et de la miséricorde du Père. « Quand on fait un pas vers Dieu, il en fait cent vers vous. »


Aller plus loin :

Renaissance de Fleury, bulletin trimestriel de l’association des Amis de Saint-Benoît, numéro 119, septembre 1981 : « Max Jacob, ou les chemins de la conversion ».


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