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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Stigmates
n°408

Montefalco (Ombrie, Italie)

1268-1308

Jésus crucifié dans le cœur de sainte Claire de Montefalco

Au terme du XIIIe siècle, Jésus-Christ favorise Claire de Montfaucon (Chiara de Montefalco) de l’expérience mystique de la stigmatisation intérieure. En effet, depuis l’enfance, Claire vit avec des compagnes sous le regard de son Seigneur divin. Devenue religieuse sous la règle de saint Augustin en 1290, elle développe une spiritualité de la Passion du Christ, que les récits de ses contemporains ont fait connaître. Le pape Léon XIII l’inscrit au nombre des saints en 1881.

© CC BY 3.0 / Sailko
© CC BY 3.0 / Sailko

Les raisons d'y croire :

  • La première biographie de sainte Claire de Montefalco est rédigée soigneusement par Bérenger de Saint-Affrique à partir des nombreux documents qu’il avait recueillis entre 1308 et 1310, lorsqu’il était vicaire général de l’évêque de Spolète, Pietro Trinci. L’enquête diocésaine commence le 18 juin 1309 et s’achève l’année suivante ; elle est complétée en 1315 par un appendice sur quelques miracles. Nous sommes au lendemain de la mort de Claire : nulle erreur due à l’oubli, nulle falsification qui prendrait du temps n’est possible. Les témoins sont encore présents, et les événements sont frais dans leur mémoire.
  • À la fin de 1284, la communauté compte désormais une vingtaine de sœurs : les donations de certains parents ne peuvent subvenir aux besoins de toutes. La supérieure, Jeanne (Giovanna), décide de demander l’aumône au bourg et dans les hameaux environnants. Cet emploi est difficile et très pénible, parce qu’il expose aux rebuts et aux humiliations. Claire, jeune religieuse, se propose pour aller quêter. Accompagnée d’une autre sœur, Marine de Giacomo, elle tient le regard bas et mendie en se mettant à genoux. Certaines des personnes interpellées les accablent parfois d’injures ; Claire s’en réjouit, heureuse de ressembler plus ainsi à son Sauveur outragé. Elle témoigne ainsi d’une authentique humilité et d’un profond esprit intérieur qui va chez elle jusqu’à l’expérience mystique.
  • La religieuse qui accompagne Claire durant la quête rapporte à Jeanne que Claire demeure parfois transportée intérieurement, en extase dans sa prière, entre deux maisons. La supérieure craint que l’on s’en aperçoive : elle veut en effet que la communauté demeure humble et cachée. Aussi défend-elle à Claire de participer de nouveau à la quête. Cette dernière, d’abord consternée, se soumet. Rien donc en Claire de l’esprit d’indépendance qui accompagne souvent les personnes qui contrefont, volontairement ou malgré elles, la vie mystique.
  • Claire est sollicitée par des grands de son époque : les cardinaux Jacques et Pierre Colonna, Napoléon Orsini, le franciscain Ubertino da Casale lui demandent conseil en matière spirituelle. De nombreux visiteurs sont également attirés par sa réputation de sainteté et de sagesse. On lui reconnaît une intelligence spirituelle et des dons de prophétie. Claire n’en tire jamais orgueil. Elle ne prétend diriger personne, mais transmet les lumières dont la Sainte Trinité la gratifie.
  • Claire prend soin aussi durant tout son abbatiat que ces visites ne troublent pas la régularité de la communauté : son premier devoir est de veiller comme une mère sur ses religieuses. Elle fait ainsi preuve de bon sens, ce qui incite à reconnaître en elle la marque d’une authentique mystique. Elle montre de plus autant de prudence que de modestie.
  • À l’Épiphanie de l’année 1294, l’abbesse Claire, après avoir fait une confession générale devant ses sœurs, tombe dans un état d’extase qui perdure plusieurs semaines. On la nourrit avec de l’eau sucrée. Elle rapporte plus tard aux religieuses qu’elle s’est vue au Jugement divin.
  • Elle explique aussi avoir vu Jésus-Christ vêtu comme un voyageur, le visage accablé de lassitude et les membres de fatigue. Comme l’abbesse s’agenouille devant son Sauveur pour l’inciter à s’arrêter près d’elle, et qu’elle lui demande : « Mon Seigneur, où allez-vous ? », le Christ lui répond : « J’ai cherché partout dans le monde un endroit solide où planter fermement cette croix, et je n’en ai pas trouvé. » Claire étend alors les mains vers la croix pour signifier au sauveur qu’elle lui offre son assistance : « Claire,reprend-il,j’ai trouvé ici une place pour ma croix. » Jésus-Christ la fixe alors dans le cœur de l’abbesse.

  • Or, après la mort de l’abbesse le 17 août 1308, son cœur est retiré de son corps et l’on y découvre des symboles de la Passion du Christ : un crucifix, un fouet et une couronne d’épines. Trois cailloux extraits de son fiel sont interprétés comme le symbole de la Sainte Trinité.
  • Le vicaire général de l’évêque de Spolète, Bérenger de Saint-Affrique – futur évêque de Sutri, dans le Latium – est indigné : il soupçonne les religieuses d’avoir introduit les signes et entend punir les responsables de ce qu’il tient pour une fraude. Une commission composée de médecins, de juristes et de théologiens est réunie, qui écarte au terme de son enquête la possibilité d’un artifice. Convaincu, Bérenger de Saint-Affrique se fera le principal défenseur de la sainteté de Claire et son premier biographe.

Synthèse :

C’est dans la petite cité de Montefalco, dont on peut toujours admirer les murailles et les tours aujourd’hui, que Claire naît, probablement en 1269, dans une famille aisée, celle de Damiano et Iacopa Vengente. Le bourg a été saccagé par les troupes de l’empereur Frédéric II vingt années plus tôt, mais il est bientôt reconstruit. La sœur aînée de Claire, Giovanna, s’est installée avec une amie, Andreola, dans l’ermitage du nom de San Leonardo, que son père a bâti dans la bourgade. En 1274, l’évêque de Spolète autorise Jeanne à recevoir plus de sœurs. C’est à cette époque que Claire, qui a six ans, rejoint son aînée et prend sous sa direction l’habit franciscain.

Elles vivent comme des ermites, sous la règle que saint François d’Assise, aidé par son ami le cardinal Ugolino di Conti – qui deviendra pape sous le nom de Grégoire IX –, avait rédigée à l’intention des laïcs qui voulaient embrasser son propre état de vie mais ne le pouvaient pas parce qu’ils étaient mariés. Alors que certains ménages se séparaient pour vaquer au service de Dieu dans le premier ordre (masculin) et le second (féminin), d’autres formaient les rangs des frères et sœurs de la Pénitence : le tiers ordre. Il existe deux versions de la règle qui régit ce dernier : la première est peut-être antérieure à 1215, la seconde date de 1220. L’on voit que le mouvement spirituel auquel se rattachent la sœur de Claire et son amie est alors de fondation assez récente. La première de ces deux règles, appelée Exhortation antérieure, commence par cette invitation : « Tous ceux qui aiment le Seigneur de tout leur cœur, de toute leur âme et de tout leur esprit, de toute leur force et qui aiment leur prochain comme eux-mêmes, et qui ont en haine leurs corps avec les vices et les péchés, et qui reçoivent le corps et le sang de notre Seigneur Jésus-Christ, et qui font de dignes fruits de pénitence, oh ! comme ils sont bienheureux et bénis, ceux-là et celles-là, tant qu’ils font de telles choses et y persévèrent, car l’Esprit du Seigneur reposera sur eux et fera chez eux son habitation et sa demeure ; et ils sont les fils du Père céleste dont ils font les œuvres, et ils sont les époux, les frères et les mères de notre Seigneur Jésus-Christ. » La vie de pénitence est donc considérée comme un moyen par saint François, à la suite de l’invitation de saint Jean-Baptiste, dans l’Évangile (Lc 3,8), pour parvenir à se détacher du péché et à s’unir à Dieu. On comprend aussi ce qu’évoque pour des vierges la promesse de devenir ainsi l’épouse de Jésus-Christ : c’est dans ce but qu’elles ont quitté la maison paternelle et se sont réunies sous une règle religieuse. Cet esprit de pénitence n’a pu que marquer profondément la très jeune Claire, qui, à son tour, devenue adulte, le transmettra à ses sœurs.

L’agrandissement de la communauté des recluses de Montefalco les conduit à construire un ermitage plus grand, qui prend la forme d’un véritable monastère, sur la colline de Santa Caterina del Bottaccio. Mais la municipalité – à l’époque de Claire, Montefalco est une ville libre, sous la domination des familles nobles et marchandes qui la composent – n’envisage pas avec plaisir l’installation d’un quatrième couvent (Montefalco compte déjà trois communautés vivant de l’aumône : des bénédictins, des franciscains et des augustiniens). Aussi Jeanne demande-t-elle à l’évêque de Spolète, en 1290, de donner à sa communauté une règle de religieuses cloîtrées. La règle de saint Augustin, facilement adaptable, est retenue. Le nouveau monastère est constitué sous les patronages de la Sainte Croix et de sainte Catherine d’Alexandrie. Jeanne devient abbesse, sous la juridiction directe de l’évêque.

Au décès de sa sœur, en 1291, Claire, initialement contre son gré, lui succède à la tête de la communauté, à la demande de l’évêque. Elle gouvernera la communauté pendant seize années avec une grande bonté à l’égard de ses religieuses. En 1303, elle commande avec l’approbation de l’évêque de Spolète la construction de la nouvelle église du monastère, dédiée à la Sainte Croix, qui servira d’église conventuelle mais aussi paroissiale.

Quand, en 1307 Bentivegna da Gubbio, le chef du mouvement Spirito di libertà, qui s’est séparé des Fratelli dello libero Spirito, tente de convaincre l’abbesse Claire de rejoindre sa famille spirituelle, cette dernière lui reproche ses thèses morales erronées, sorte de quiétisme avant l’heure : l’âme humaine, quand elle est possédée par Dieu, arrive à perdre tout désir ; alors, devenue libre, elle demeure toujours unie à Dieu même si elle s’abandonne aux passions les plus viles. Devant son hypocrite entêtement, Claire le dénonce à l’autorité ecclésiastique et obtient qu’il soit condamné pour hérésie. Elle montre ainsi un sens théologique remarquable.

En août 1308, la maladie l’oblige à s’aliter. Elle se confesse, reçoit l’extrême-onction, et meurt le 17 août. Elle avait probablement quarante ans. Le procès de béatification commence en 1328, mais il n’aboutit qu’en 1737, sous le pape Clément XIII. C’est le pape Léon XIII qui a élevé Claire de Montefalco au nombre des saints le 8 décembre 1881.

Les ossements de la sainte abbesse sont conservés dans un sarcophage reliquaire en argent, vitré, dans la crypte de l’église de Montefalco. Son cœur est serré dans un buste reliquaire, tandis que le crucifix découvert en son cœur, ainsi que les trois pierres qui figurent la Sainte Trinité, reposent dans une croix reliquaire.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Aller plus loin :

Merlin, Une grande mystique ignorée ; Sainte Claire de la Croix de Montefalco, religieuse de l’ordre de Saint-Augustin (1268 – 1308), Paris, Spes, 1930.


En savoir plus :

  • Battista Piergilii da Bevagna, Vita della b. Chiara detta della Croce da Montefalco dell’ordine di s. Agostino, Foligno, Agostino Alterii, 1640. Disponible en ligne.
  • Berengario di Donadio, Vita di Chiara da Montefalcone, édité par Rosario Sala, o.s.a., notes de Silvestro Nessi, 3e éd., Rome, Città Nuova Editrice, 2009. Il s’agit du texte de la biographie rédigée par Bérenger de Saint-Affrique à partir des documents qu’il a réunis lorsqu’il était chargé de l’enquête sur les vertus de l’abbesse Claire de Montefalco.
  • Stephen M. Donovan, 1908 « Sainte Claire de Montefalco », dans Catholic Encyclopedia, Charles Herbermann(éd.), New York, Robert Appleton Company, 1913, vol. 4. Disponible en ligne.
  • Saint François d’Assise, Exhortation de saint François aux frères et sœurs de la Pénitence. Le texte est publié dans la Règle de l’ordre franciscain séculier, 2018, p. 5-6. Disponible en ligne.
  • Rosario Sala, Santa Chiara della Croce, Rome, Fédération des Moniales augustiniennes, 1977.
  • Lorenzo Tardi, Vie de sainte Claire de la Croix, abbesse du monastère de Sainte-Croix de Montefalco en Ombrie, de l’ordre de Saint-Augustin, primitivement tertiaire de l’ordre de la Pénitence de Saint-François, Paris, Librairie de l’Œuvre de Saint-Paul / René Haton, 1888. Disponible en ligne.
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