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Inédies
n°534

Ermont (Val-d’Oise, France)

XXe siècle

La Passion de madame Rolande Lefebvre à Ermont, près de Paris, jusqu’en l’an 2000

Rolande Lefebvre est une mystique française contemporaine encore peu connue qui, toute sa vie, a voulu rester très cachée, mais qui a obéi à son directeur spirituel en acceptant d’écrire le récit de sa vie spirituelle extraordinaire, qui sera publié en 1993 sous le titre La Passion de Madame « R », journal d’une mystique assiégée par le démon. Après une enfance difficile, des vœux religieux non aboutis et de fréquentes maladies, Rolande est guérie en 1938 à Lourdes de manière étonnante. Elle se marie, a des enfants et vit très discrètement, en mère de famille, toutes les étapes de la vie mystique, jusqu’au mariage spirituel en 1972.

À partir de 1975, le Christ lui demande un jeûne total qui dure jusqu’à sa mort, le 12 janvier 2000. Dans cette dernière période de sa vie, Rolande se sent appelée à se donner sans limites et sans réserve pour la sainteté des prêtres et pour éviter l’enfer aux autres hommes. Dès lors, elle est fortement tentée par le diable, vivant une forme de déréliction à l’image du Christ à l’agonie. Cette époque de la vie de Rolande a permis à Mgr René Laurentin et au cardinal Coffy de théoriser une nouvelle étape de la vie mystique, au-delà des trois étapes : purgative, illuminative et unitive.

© Shutterstock/PUWADON SANG
© Shutterstock/PUWADON SANG

Les raisons d'y croire :

  • Le jeûne absolu de Rolande est contrôlé à l’hôpital pendant quarante-sept jours, du 22 avril au 7 juin 1980, notamment par le docteur Philippe Loron, médecin de la Pitié-Salpêtrière. Le jeûne total d’eau entraîne normalement la mort en six jours maximum. Le docteur Louis Callerot, cardiologue, constate que, malgré le jeûne absolu, Rolande a pris du poids et que plusieurs phénomènes observés chez elle se situent « en dehors de la physiologie normale ».

  • Le témoignage de Rolande Lefebvre, d’une force et d’une authenticité remarquables, convainc le cardinal Coffy et Mgr René Laurentin de la nécessité de publier son récit, pour une meilleure compréhension des étapes possibles de la vie mystique.
  • Lorsque Rolande lit le livre Je veux voir Dieu, écrit en 1947 par le père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, carme, elle reconnaît exactement tout ce qu’elle a vécu jusqu’en 1972, et toutes les étapes classiques de la vie mystique… mais elle est allée encore plus loin.
  • Durant la dernière période de sa vie, pendant laquelle elle veut se donner entièrement pour les prêtres et pour éviter l’enfer aux autres hommes, elle se retrouve sous l’emprise du démon. Les exorcismes du père René Chenesseau, son confesseur, qui est aussi le prêtre exorciste du diocèse de Pontoise (Val-d’Oise), la soulagent visiblement et beaucoup.

Synthèse :

Rolande Lefebvre est sans doute la personne la plus incroyable et la plus sainte que j’ai eu à connaître. Je l’ai rencontrée la première fois fin août 1994, à l’initiative d’Edmond Fricoteaux, notaire à Saint-Denis, qui est à l’origine de l’initiative de prière et de paix des « Vierges pèlerines ». Nous commencions tout juste à préparer ce projet, en vue d’un lancement en septembre 1995. À cette époque, je venais de me marier avec Laurence et nous étions un peu tiraillés, parce que nous aurions dû être tous les deux à Bruxelles pour nos études, mais j’avais finalement été refusé à Louvain (pour la poursuite de mon doctorat sur la doctrine sociale de l’Église, après ma licence de théologie), parce que je n’avais pas les diplômes requis en philosophie. J’allais donc devoir travailler souvent à Paris et faire régulièrement l’aller-retour à Bruxelles, ce qui n’était pas très réjouissant. J’ai confié tout cela à la prière de Rolande. En sortant de cette première entrevue, qui m’a marquée, j’ai vu l’un des plus beaux couchers de soleil de ma vie, et j’ai roulé ensuite dans la nuit jusqu’à Bruxelles, où je suis arrivé très tard. Le lendemain matin, sans que j’aie eu le temps de lui dire un mot, à la suite d’une série d’événements, mon épouse a pris la décision d’arrêter ses études d’optométriste et de rentrer avec moi en région parisienne, pour que nous nous lancions dans l’aventure des « Vierges pèlerines ».

Rolande a beaucoup soutenu de sa prière nos pauvres actions pour initier cette œuvre. Tout ce qu’elle nous a assuré ou promis, parfois dans le détail, s’est réalisé, comme cet article d’Henri Tincq en première page du journal Le Monde, auquel je ne croyais pas. Sa prière était d’une puissance étonnante et je l’appelais souvent par téléphone, dans les situations tendues, pour lui demander son aide. Lorsqu’elle disait : « Cela, on va le demander au Seigneur et il le fera », cela arrivait de manière étonnante, j’en ai été souvent témoin

Rolande Lefevre était en apparence une grand-mère qui semblait très ordinaire, mais elle avait la particularité d’être toujours alitée et de ne pas manger ni boire (hors l’eucharistie) depuis que le Christ lui avait demandé, « avec tant d’amour », un jeûne absolu, le 5 novembre 1975. Mais c’était en fait bien plus que cela : toute la vie de Rolande était extraordinaire et étonnante, avec une ascension spirituelle cachée au milieu des tâches domestiques, aboutissant en 1972 à l’union transformante qui est le sommet de la vie mystique, comme en témoigne le « journal spirituel » écrit par Rolande à la demande de son directeur spirituel. Les écrits de Rolande furent publiés dans le livre La Passion de Madame « R » (Plon, 1993), avec une préface du cardinal Robert Coffy, archevêque de Marseille, et une présentation de Mgr René Laurentin, théologien et spécialiste des apparitions mariales.

Le cardinal Coffy confie avoir longuement hésité à écrire cette préface, tant le récit de Rolande était « déconcertant » au-delà même de la question des charismes ou de l’inédie, car « à lire les manuels classiques et les grands témoins (Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix), la vie mystique progresse selon trois étapes : voie purgative (purification), illuminative et unitive. Le mariage spirituel qui en est le terme paraît être un point d’arrivée, un sommet, après lequel on ne semble pas envisager d’autres étapes. Or, après ce sommet, Madame R. retombe dans une quatrième voie surprenante, de souffrance, d’épreuves, de tentations et emprises graves du démon, qui ont appelé des exorcismes : une nuit plus épaisse que celle qui marque les étapes précédentes de la mystique. Au terme de ses recherches, l’abbé Laurentin est arrivé à la conclusion qu’il fallait intégrer cette quatrième voie, demandée par le Seigneur à certain de ceux qui veulent aller jusqu’au bout de l’amour, comme une quatrième et suprême étape », à l’image par exemple de saint François d’Assise, de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui ont connu l’épreuve après leur mariage mystique, et à l’image du Seigneur lui-même, qui, malgré l’union hypostatique, a fini sa vie dans la voie désolée de l’agonie, de la passion de la déréliction et de la descente aux enfers. Le témoignage de Rolande a donc permis de théoriser une nouvelle étape de la vie mystique, au-delà des trois étapes déjà connues.

Mgr René Laurentin signale aussi les stigmates reçus par Rolande, mais je n’ai jamais évoqué le sujet avec elle. Tous ceux qui venaient la voir lui racontaient leurs problèmes et lui confiaient leurs misères en sollicitant sa prière. Un jour, après avoir fait, moi aussi, devant elle, la liste de tous mes soucis, je lui ai demandé : « Mais, pour vous, Rolande, ce sont certainement de petites choses ; j’imagine que vous avez de bien plus gros problèmes, non ? ». Et elle a répondu : « Pas du tout, vos soucis seront dans ma prière et, pour ce qui concerne les miens, si j’y pensais, cela me désolerait, il ne faut pas que j’y pense. » Très curieusement, ses enfants n’étaient pas croyants et je lui ai demandé comment c’était possible. Elle m’a répondu que c’était comme ça, mais qu’ils se convertiront après sa mort. Rolande est partie le 12 janvier 2000, et son sourire, sa gentillesse, son accueil et sa prière nous manquent beaucoup, mais elle a promis qu’on pourrait encore l’appeler après sa mort, donc faisons-le. Et j’espère que nous pourrons un jour, avec ses enfants, travailler à son procès de béatification !

Olivier Bonnassies


Au-delà des raisons d'y croire :

Rolande a aussi écrit, dans son livre et à partir de son expérience mystique, des pages magnifiques qui donnent un éclairage jamais vu sur certains grands moments de la vie de Jésus et Marie. Par exemple :

« La Passion du Père était vécue en Marie

La Vierge Marie m’a fait comprendre ce que, jusqu’ici, je n’avais pas compris en profondeur. C’est que, pendant la Passion, le Saint-Esprit s’est comme incarné en Marie. Par Lui, le Père et Marie se rejoignaient intimement et ne faisaient qu’Un. La Passion de Jésus était aussi la Passion du Père, la Passion du Père était vécue dans Marie. Le Père, Lui, a emprunté, pour ainsi dire son cœur humain pour souffrir en Elle, avec Elle, par Elle, la Passion de leur Fils, de leur enfant, dans une seule fusion d’amour. La Passion du Père et la Passion de Marie n’étaient plus qu’une seule Passion humanisée, vécue en Marie dans un amour et une intensité infinie, celle du Père Lui-même. Pendant toute la Passion de Jésus, le Saint-Esprit était le lien, la communication entre Jésus et Marie et le Père en Elle. C’est la Trinité qui était en Passion avec Marie. Tout ce que Jésus souffrait, tout ce qu’Il ressentait dans Son corps, dans Son âme, dans Son cœur humain, le Saint-Esprit le transmettait dans Marie qui éprouvait aussitôt les mêmes souffrances, les mêmes sentiments de désolation, d’amour pour le Père, de pardon pour les hommes. Au pied de la Croix, Sa maternité, Son amour pour Jésus ont atteint le sommet de la plénitude car, en Elle, le Père vivait et lui faisait partager la plénitude, la perfection l’infini de Sa paternité à Lui. De même, pour nous, parents (combien est faible la comparaison), c’est à la mort d’un de nos enfants, ou dans sa plus grande souffrance, que notre amour pour lui atteint son plus haut degré. Alors le père et la mère se rapprochent l’un de l’autre, même si leur union humaine n’est pas parfaite, dans un seul et même amour, dans une seule et même douleur, dans une seule fusion de paternité et de maternité…

Il y avait aussi la présence invisible de saint Joseph qui partageait tout avec Marie. Marie avec Jésus, en même temps que Lui, disait, tout bas : "J’ai soif". Elle avait soif avec Lui, et pas seulement de cette soif physique, atroce, dans son corps meurtri, vidé de sang, brûlant de fièvre. Marie a sûrement essayé de soulager cette soif-là. Mais combien fortement elle éprouvait avec Jésus cette soif spirituelle, cette soif de nous tous qu’Il voulait sauver par Sa mort.

Ce que vivait Jésus, Marie le vivait avec Lui. Dans sa maternité, qui connaissait sa plus intense plénitude, Elle rassemblait en Elle ses enfants, absolument tous les enfants de Dieu, ses enfants de tous les temps depuis le commencement jusqu’à la fin du monde. Pas un seul ne manquait, bons et mauvais. Avec son Jésus bien-aimé, elle disait aussi : "Père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font".

Ce n’était pas seulement pour ceux qui, au Calvaire, faisaient souffrir Jésus. Mais pour les hommes pécheurs de tous les temps. Avec Lui, son cœur disait inlassablement : "Père pardon, Père pardon, Père pardon !"

Elle présentait aussi à son Fils tous ceux qui L’ont aimé, attendu, tous ceux qui L’aiment actuellement, nous étions là, présents, ainsi que tous ceux qui L’aimeront jusqu’à la fin des temps, rassemblés dans une même unité dans le cœur de la Vierge où brûlait le cœur du Père. Notre amour a été le suprême réconfort de Jésus mourant » (Rolande Lefebvre, La Passion de Madame « R », Plon, 1993, p. 207-208).


Aller plus loin :

Le livre La Passion de Madame « R », publié chez Plon en 1993, avec une préface du cardinal Coffy, archevêque de Marseille, et une présentation de Mgr René Laurentin, théologien et spécialiste des apparitions mariales


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