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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Stigmates
n°351

Ombrie (Italie)

1685-1767

Florida Cevoli, la croix au cœur

Mère Florida, supérieure du couvent des Capucines de Città di Castello, en Ombrie, est connue pour ses charismes mystiques : elle est soupçonnée d’avoir reçu les stigmates, mais d’avoir obtenu du Ciel, par humilité, qu’ils ne soient pas visibles. Peu de temps avant sa mort, en 1767, elle confie à ses religieuses, après avoir annoncé la date prochaine de son décès, qu’à l’autopsie de son corps, on découvrira la preuve de sa transverbération, la trace visible laissée par la lance qui lui a, lors d’une extase, transpercé le cœur afin de mieux l’unir aux souffrances de la Passion du Christ, et bien d’autres merveilles encore. Elle précise cependant que l’on ne verra rien à première vue et qu’il faudra placer son cœur huit jours dans un vase d’eau pure avant que la preuve du miracle se révèle. Elle sera scrupuleusement obéie et chacun restera sans voix le huitième jour.

© Shutterstock, Daniel Jedzura.
© Shutterstock, Daniel Jedzura.

Les raisons d'y croire :

  • Sœur Florida est témoin des extases et des marques de la couronne d’épines sur le front de la supérieure du couvent de Città di Castello, Véronique Giuliani. Cinq ans après la mort de mère Véronique (1727), alors qu’elle lui a succédé, Florida contracte avec le Christ un mariage mystique, le 25 mars 1733, reçoit à son tour les stigmates et le don de prophétie, et bénéficie de nombreuses visions, comme si son rôle était de poursuivre la mission de la défunte. Sans être un copier-coller de ceux de Véronique, les charismes particuliers de Florida semblent poursuivre la mission de la défunte.
  • S’agissant des symptômes physiques, il ne peut s’agir d’autosuggestion, comme les milieux scientistes le prétendent. On peut reprendre à ce compte la réponse de Padre Pio à un médecin qui l’accusait de trop méditer la Passion, expliquant ainsi ses stigmates : « Essaie de penser très fort et longtemps que tu es un bœuf, puis reviens me dire s’il te pousse des cornes ! »

  • Florida tente d’ailleurs de cacher ses faveurs mystiques, demandant au Christ de lui laisser les souffrances de ses plaies, mais de les rendre invisibles afin de n’être pas vénérée. Une simulatrice en quête de reconnaissance chercherait au contraire à attirer l’attention. Pareillement, alors qu’elle a, par obéissance à son directeur spirituel, rédigé plusieurs cahiers racontant ses expériences mystiques et ses révélations, elle fait en sorte, à la mort de celui-ci, de les récupérer tous et de les détruire, par humilité.
  • Les grandes souffrances physiques et morales qu’elle commence à endurer au même moment ne sont pas jouées. Elle est atteinte de maladies étranges, de fièvres inexplicables et d’un herpès généralisé qui la couvre de plaies purulentes répugnantes, qui font d’elle un objet de dégoût.
  • Véronique Giuliani avait annoncé avant sa mort que l’on découvrirait à l’autopsie de son cœur la preuve de ses expériences et elle avait dessiné un plan représentant les symboles que l’on y trouverait, avec leur emplacement exact. Les meilleures instances médicales de l’époque ont assisté à l’autopsie, affirmant l’impossibilité d’une supercherie, et elles ont trouvé, précisément là où elle l’avait dit, les instruments miniaturisés de la Passion. Des médecins agnostiques ont qualifié ces stigmatisées de « cardiaques mystiques » et nommé le phénomène « épigraphie mystique par autosuggestion ». Il est inutile de souligner l’absurdité de cette affirmation, nul ne pouvant matérialiser des objets, même miniatures, dans son ventricule ou son aorte, et encore moins vivre presque normalement dans ces conditions si l’origine n’est pas surnaturelle.

  • L’on ne peut parler de troubles psychiatriques, qui ne produiraient pas davantage ce phénomène. Au demeurant, Véronique, et Florida plus encore, sont des femmes saines d’esprit qui gèrent les affaires de leur maison. Florida se montre dans ce rôle spécialement efficace, attentive aux autres et capable.
  • Au printemps 1767, Florida prophétise sa mort prochaine et annonce que l’on trouvera dans son cœur, comme jadis dans celui de Véronique, imprimés, gravés ou matérialisés, les symboles de ses dévotions les plus chères, qui ne seront pas les mêmes que pour son amie. Elle précise qu’ils ne seront pas visibles à l’autopsie et qu’il faudra attendre huit jours pour les voir, après avoir placé son cœur dans un vase d’eau pure, qui restera sous surveillance pour empêcher toute fraude.
  • Il en sera exactement comme elle l’a annoncé : à sa mort, le 12 juin 1767, les médecins n’avaient d’abord rien trouvé, mais l’on découvre ensuite dans le ventricule gauche écrits les mots « foi », « charité », « obéissance » et d’autres encore, ainsi que le dessin du Sacré Cœur lié au Cœur immaculé de Marie, transpercé de glaives, celui de la couronne d’épines, et les instruments de la Passion en miniature. Il n’existe évidemment aucune possibilité que tout cela apparaisse spontanément dans un cœur prélevé sur un cadavre puis plongé et laissé dans l’eau plus d’une semaine, de surcroît au début de l’été.

Synthèse :

Lucrezia Elena Cevoli naît à Pise le 11 novembre 1685. Elle est la onzième des quatorze enfants du comte et de la comtesse Cevoli, familiers de la cour du grand-duc Cosimo III. Elle reçoit une éducation soignée, apprenant le français, le latin et les arts d’agrément, comme il convient à une jeune fille destinée à contracter une haute alliance et à tenir sa place dans le monde. Mais, malgré sa beauté et sa fortune, Lucrezia a des ambitions plus élevées : se donner à Dieu.

La maîtresse des novices du monastère des Capucines de Città di Castello, en Ombrie, Véronique Giuliani, est une mystique visionnaire stigmatisée, modèle de sainteté, maîtresse dans les voies de l’oraison. Lucrezia rêve de la rejoindre au couvent et de se former sous sa direction. Les Cevoli craignent qu’habituée à une vie facile, leur fille ne se fasse pas aux rigueurs de cette branche réformée très exigeante des Clarisses. Le grand-duc Cosimo déclare en public que la jeune fille court à l’échec. De leur côté, les Capucines refusent cette aristocrate venue d’un milieu qu’elles pensent incompatible avec leur règle. Se souvenant que Véronique Giuliani a rencontré les mêmes obstacles autrefois, car l’évêque avait prédit qu’elle serait sainte et que cela inquiétait la communauté, Lucrezia ne se laisse pas décourager et fait jouer de puissantes relations afin d’être admise à l’essai.

Elle est reçue au couvent de Città di Castello le 7 juin 1703, jour de la Fête-Dieu, et reçoit le nom de religion de Florida, en l’honneur du saint patron de la cité. Elle se met à l’école de Véronique Giuliani pour vivre parfaitement la règle capucine. Florida accepte tous les emplois qui lui sont confiés pour la mettre à l’épreuve : tourière, cuisinière, pharmacienne – tâches de responsabilités confiées uniquement à des religieuses solides et prudentes, signe de l’estime en laquelle elle est tenue sans qu’on la lui manifeste. Entre Véronique et Florida naît une relation de confiance et d’amitié qui fera de la jeune fille la continuatrice de sa supérieure. L’on ne peut parler d’imitation servile, car Florida développe des charismes particuliers, et non de pâles copies de ceux de son amie. Elle se montre complémentaire de Véronique, qui était très centrée sur sa propre vie intérieure et qui, même devenue abbesse, en 1716, est restée détachée des préoccupations quotidiennes et presque étrangère aux besoins de la communauté.

Abbesse en 1727, Florida prend pour devise « fortiter et suaviter » (« courageusement et doucement »). Le courage et la vertu de force sont pour elle, la douceur pour ses filles, qu’elle entreprend de réformer sans jamais les brusquer. Refusant la moindre satisfaction personnelle dans l’ordre des choses terrestres, ne voulant plus avoir d’autre volonté que celle de Dieu, Florida se fait la servante de tous, se montre d’une charité exemplaire, vient en aide aux indigents et aux pauvres honteux, se confesse chaque jour. C’est par son exemple qu’elle transforme sa communauté,obtenant que ses religieuses s’approchent plus souvent de l’Eucharistie, passent moins de temps au parloir, respectent plus strictement la clôture, le silence claustral, la pauvreté et les austérités prescrites par la règle. Elle interdit entre elles l’usage de la troisième personne de majesté, la forme de politesse en italien, pour mieux vivre l’humilité et la fraternité. Elle les initie à ses dévotions personnelles favorites : Incarnation, Notre Dame des sept douleurs, anges gardiens, âmes du purgatoire et patrons de l’ordre, François et Claire d’Assise.

Si elle-même s’efforce de passer sous silence ses visions, extases, stigmates et révélations, elle travaille cependant inlassablement à faire connaître ceux de Véronique Giuliani, dont elle parvient à faire ouvrir la cause de béatification. Elle paie tout cela d’indicibles et constantes souffrances physiques, de sorte que sa vie se résume bientôt en deux mots : souffrir patiemment.

N’en pouvant plus, elle doit quitter sa charge abbatiale en 1764 et meurt le 12 juin 1767. Ses dernières paroles à ceux qui l’entourent dans son agonie, prononcées en montrant le crucifix, seront : « Aidez-moi à mieux l’aimer ! »

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

Les informations disponibles sur le site Internet du dicastère pour la cause des saints : la biographie et l’homélie de béatification de Florida Cevoli (en italien).


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