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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Une vague de charité unique au monde
n°129

France

1581-1660

Saint Vincent de Paul, apôtre de la charité

Au milieu du faste et des apparats du XVIIe siècle, « Monsieur Vincent » exerce et propage une charité exemplaire en faveur des malades, des galériens, des pauvres, des illettrés et des enfants abandonnés. Il vient d’une famille paysanne des Landes mais est amené à côtoyer les plus grands de son temps (notamment la reine Margot, la famille de Gondi, Pierre de Bérulle, saint François de Sales). Répandue dans le monde entier, son œuvre illustre à la perfection la réalité de la charité chrétienne portée à son sommet. Il est canonisé en 1737 par le pape Clément XII ; le pape Léon XIII le nomme même plus tard « patron de toutes les œuvres charitables ».

Saint Vincent de Paul au chevet du roi agonisant, église Saint-Séverin, Paris. / © CC BY-SA 3.0/GFreihalter
Saint Vincent de Paul au chevet du roi agonisant, église Saint-Séverin, Paris. / © CC BY-SA 3.0/GFreihalter

Les raisons d'y croire :

  • Les sermons et les 347 lettres que nous conservons de saint Vincent de Paul permettent de retracer sa vie et ses accomplissements.  C’est un corpus magnifique qui éclaire le sens et la profondeur de sa charité.
  • Jeune berger gardant les moutons de son père, Vincent devient aumônier de princesses et de rois ! Cette ascension est providentielle et Vincent utilisera sa position uniquement pour obtenir l’aide des élites de son temps et mettre en place les œuvres caritatives qui lui tiennent à cœur.
  • Diverses personnes ont concouru à la création des œuvres caritatives et des congrégations missionnaires fondées par Vincent. Même en prenant cela en compte, le nombre, l’ampleur et la postérité de ces réalisations dépassent largement ce que l’homme peut accomplir. Vincent fonde successivement les « Dames de la Charité » pour prêter assistance aux démunis (1617), la congrégation des Prêtres de la Mission pour l’évangélisation des campagnes françaises (1625), la Compagnie des Filles de la Charité (1634), l’Hôpital des Enfants-Trouvés (1638), l’Union-Chrétienne de Saint-Chaumond destiné à l’éducation (1652), l’Hospice du Saint-Nom de Jésus (1653), etc.
  • Pris individuellement, chacun de ses accomplissements est déjà un signe manifeste de l’action de Dieu, tant ils sont bénéfiques et durables. Pour ne prendre qu’un exemple, la Congrégation de la Mission a traversé les époques et est aujourd’hui présente sur les cinq continents, ce qui souligne la fécondité spirituelle remarquable du saint.
  • Pour autant, jamais Vincent ne tombe dans le piège de l’activisme car il subordonne chaque jour son action à la prière et aux sacrements. Cela montre parfaitement que c’est bien le Christ qui est la source première de toutes les actions de Vincent, dont la vie spirituelle et mystique a été exceptionnelle.
  • Reposant aujourd’hui dans la chapelle des Lazaristes à Paris, le corps de saint Vincent de Paul est resté totalement incorrompu plusieurs années après son trépas. Une première exhumation est ordonnée en 1712, 52 ans après la mort du saint. Ce jour-là, les témoins présents, ecclésiastiques, médecins et hommes de loi, n’en reviennent pas : le corps, retrouvé intact sauf les yeux et le nez, conserve un aspect de fraîcheur incompréhensible. La peau est souple et il n’existe aucun signe de rigidité cadavérique. En 1737, la seconde exhumation donne un résultat différent mais également troublant : une partie des chairs ont été réduites en cendres odorantes dont personne n’est capable d’expliquer l’origine et la suavité...
  • Cent-trente-cinq personnes ont témoigné sous serment pour la canonisation de Vincent de Paul, parmi lesquels des évêques, des médecins, des enseignants, des religieux, des responsables politiques et financiers : cinquante-six miracles lui sont attribués et font partie des nombreux éléments examinés.
  • Prenons à titre d'exemple un des miracles reconnus pour sa béatification. Un garçon âgé de sept ans, Alexandre-Philippe Legrand, est confié à l'Hôpital des Enfants trouvés ; il est handicapé des jambes et des bras. Déclaré incurable par les médecins, il est pris en charge par les Filles de la Charité. La Supérieure fait commencer une neuvaine pour lui et on porte le garçon tous les jours auprès du tombeau de Vincent de Paul. Alexandre-Philippe recouvra rapidement l'usage complet de ses membres.

Synthèse :

Vincent est né le 24 avril 1581 à la ferme de Ranquines, près du village de Pouy, non loin de Dax (France, Landes), lieu qui sera rebaptisé en sa mémoire Saint-Vincent-de-Paul au XIXe siècle. Sa famille est humble : le père, Jean, est laboureur et éleveur, mais à la maison tout le monde mange à sa faim. Vincent est le troisième enfant de la famille qui en comprend six : deux filles et quatre garçons. Chacun participe à la vie quotidienne du foyer. Le futur saint passe une bonne partie de son enfance à garder moutons, cochons et vaches. Il est scolarisé au collège des Cordeliers de Dax. A cette époque, rien ne laisse humainement présager de la trajectoire exceptionnelle de l’adolescent.

Cependant, la fréquentation de cet établissement scolaire révèle les capacités intellectuelles et les qualités humaines du jeune Vincent. Il fait une première rencontre providentielle en la personne Monsieur Comet, avocat au tribunal de Dax, qui apprécie ses dispositions. Vincent devient le précepteur des fils de l'avocat. En outre, Vincent a une foi à déplacer les montagnes et il entend servir Dieu d’une manière ou d’une autre lorsqu’il sera adulte. Le 20 décembre 1596, Mgr Salvat d’Iharse, évêque de Tarbes, lui confère les ordres mineurs ; il a 15 ans seulement.

Sa vocation mûrit. Il sait dorénavant que biens terrestres et soucis matériels, aussi importants qu’ils soient, passent en second, après le Christ et l’Évangile. D’ailleurs, il n’oppose aucunement le temporel et le spirituel mais considère que Dieu l’appelle à le servir en servant les hommes.

En 1597, il est envoyé à l'université de Toulouse pour y étudier la théologie, en vue du sacerdoce. Il va y rester sept longues années, montrant une puissance de travail incroyable. Enfin, il est ordonné prêtre le 23 septembre 1600 à Château-l'Évêque (France, Dordogne) par l’évêque de Périgueux, Mgr François de Bourdeilles. Nommé curé d’une paroisse, il peut poursuivre ses études jusqu’au baccalauréat en théologie.

Son dévouement envers les pauvres, son zèle pastoral et ses facultés humaines parviennent bientôt aux oreilles de la cour du roi de France et à celles du Saint-Siège. En 1609, Pierre de Bérulle, futur cardinal, devient son confesseur. Monté à Paris, la haute noblesse lui ouvre la porte de ses salons. L’année suivante, il est nommé aumônier de Marguerite de France, la « reine Margot », qui consacre une large part de ses revenus à des œuvres de charité, dont la Confrérie des frères de Saint-Jean-de-Dieu, mouvement caritatif et spirituel qui inspirera Vincent lorsqu’il fondera à son tour ses propres congrégations.

En 1612, il est nommé curé de Clichy (France, Hauts-de-Seine). Le « modeste porcher » comme Vincent se désigne lui-même, déploie alors une énergie inexplicable en faveur des âmes et des corps. Il rebâtit l’église menaçant ruine, devient précepteur dans la famille de Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères du roi. C’est une autre rencontre marquée au sceau de la Providence : non pas en ce qu’elle permet l’élévation sociale de Vincent (il ne se soucie aucunement de des honneurs) mais elle lui permet d’accéder au monde marginal, réputé maudit, des galériens. Sa charité envers les condamnés ira croissante jusqu’à la fin de sa vie. Louis XIII le nomme aumônier général des galères en 1619.

Confesseur de Madame de Gondi, il effectue plusieurs voyages en province à ses côtés. Il y fait la découverte de la misère paysanne qui le bouleverse. Il n’aura de cesse d’organiser des secours et des missions en leur faveur. 

Parallèlement à une vie spirituelle très intense, Vincent projette de mettre sur pied des institutions qui permettront de porter secours à un plus grand nombre de pauvres, d’enfants et de vieillards. Il sollicite inlassablement un nombre grandissant de personnalités de l’époque qui, toutes lui assurent leur soutien. Le 12 décembre 1617, il fonde à Châtillon-sur-Chalaronne (France, Ain) les « Dames de la Charité » pour prêter assistance aux démunis. C’est la première œuvre institutionnelle de Monsieur Vincent.

Grâce à l’appui et à l’aide financier de madame de Gondi, Vincent fonde en 1625 la congrégation des Prêtres de la Mission (les Lazaristes) pour l’évangélisation des campagnes françaises. Attentifs à la formation religieuse et humaine des futurs membres de la congrégation, il ouvre bientôt un séminaire de la Mission, dans la droite ligne des recommandations du concile de Trente. Le succès est immédiat. Les premiers lazaristes sont envoyés en Algérie, à Madagascar et en Pologne.

En 1634, c’est au tour de la Compagnie des Filles de la Charité de voir le jour, avec l’aide de Louise de Marillac, elle-même amie de la princesse de Condé, parente du roi. Le nombre des religieuses croît en quelques mois, marquant la fécondité spirituelle incomparable du saint. On ne compte plus aujourd’hui l’aide que ces religieuses apportent au fil des ans aux populations les plus démunies.

Les années suivantes constituent une période débordante d’activité : mais jamais Vincent ne tombe dans le piège de l’activisme car il subordonne chaque jour son action à la prière et aux sacrements. Sa charité est christologique. C’est en cela qu’il est le parfait représentant de l’École française de spiritualité du XVIIe siècle qui a redécouvert et actualisé l’amour envers les états de vie de Jésus.

En 1635, il envoie des secours aux populations lorraines. Plus tard, c’est aux habitants de Champagne, de Picardie et d’Île-de-France qu’il expédiera vivres et réconfort. Trois ans plus tard, il crée l’Hôpital des Enfants-Trouvés, structure pionnière à cette époque, chargée d’accueillir, de nourrir et d’accompagner les enfants sans domicile fixe ou abandonnés.

Lorsque la reine Anne d’Autriche, dont il est devenu le confesseur, le fait nommer en 1643 au Conscience de conscience, chargé des affaires ecclésiastiques du royaume, il se réjouit non d’une quelconque promotion personnelle, mais du fait qu’il a dorénavant accès aux plus grands seigneurs du pays à qui il peut expliquer le devoir de poursuivre les œuvres de charité.     

En 1648, on estime à environ un demi-millier d’enfants secourus grâce à l’initiative du saint. C’est à ses yeux déjà bien, mais largement insuffisant. Il fait appel à la générosité de la noblesse. Les dons affluent. Il n’en reste pas là. En moins deux ans à peine, il fonde avec Marie Lumague, l’Union-Chrétienne de Saint-Chaumond destiné à l’éducation des enfants et des jeunes filles puis l’Hospice du Saint-Nom de Jésus, centre caritatif de premier plan à Paris.

Il prend également conscience des lacunes spirituelles de son temps, y compris parmi les plus favorisés. Il imagine alors des retraites de plusieurs jours, qu’il dirige d’abord personnellement, où l’aristocratie côtoie les gens du peuple. Dernière réalisation, et non des moindres : il fonde trois ans avant de mourir un hospice pour les vieillards, promis à un bel avenir puisque celui-ci deviendra l’Hôpital de la Salpêtrière.

Vincent de Paul rend son âme à Dieu le 27 septembre 1660. Inhumé le lendemain dans l'église parisienne de Saint-Lazare, son corps va rester totalement incorrompu plusieurs années. Il est aujourd’hui exposé dans la chapelle des Lazaristes (rue de Sèvres, Paris), à l’intérieur d’une châsse en argent, à l’exception de son avant-bras et de son cœur, conservé, quant à lui, dans la maison-mère des Filles de la Charité.

Béatifié en 1729 par le pape Benoît XIII, Vincent est canonisé le 16 juin 1737 par Clément XII. En 1885, le pape Léon XIII a nommé le « pauvre porcher » « patron de toutes les œuvres charitables ».

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

Saint Vincent de Paul est à l’origine d’une œuvre de charité universelle dépassant de très loin les normes et les conceptions de son époque, œuvre qui a traversé les siècles et les crises et s’est répandue dans le monde entier. 


Aller plus loin :

Pierre Miquel, Vincent de Paul, Paris, Fayard, 1996.


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