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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Guérisons miraculeuses
n°418

Nebraska (États-Unis)

1988

Du Ciel, Jeanne Jugan soulage encore les souffrances du prochain

Fin 1988, le docteur Edward Erwin Gatz, anesthésiste à l’hôpital d’Omaha, dans le Nebraska, va mal ; il souffre de troubles digestifs qui s’aggravent au point qu’il ne peut plus les ignorer. Surtout, des cloques étranges commencent d’apparaître sur ses mains. Ses confrères posent un diagnostic inquiétant : il s’agit d’un « symptôme paranéoplasique révélateur d’un cancer occulté » parvenu à un stade avancé puisqu’il métastase. Pour Gatz, cette annonce est un coup de massue ; il sait qu’il s’agit d’un verdict de mort à brève échéance. Il n’a que cinquante et un ans et ne veut pas mourir. Une série d’examens découvrent la tumeur primaire dans la partie inférieure de l’œsophage. Le pronostic est mauvais et devient pis encore après l’ablation de la tumeur, car la biopsie révèle un adénocarcinome au stade 3 incurable. Il reste à Gatz entre six et treize mois à vivre, au prix des nombreuses souffrances dues aux traitements. Alors que le malade refuse radiothérapie et chimiothérapie, les jugeant inutilement pénibles, un ancien aumônier des Petites Sœurs des Pauvres remet à sa femme une prière de neuvaine pour la canonisation de la fondatrice de la congrégation, Jeanne Jugan. Les effets vont être sidérants.

© Shutterstock/Piya_kiewkamjeen
© Shutterstock/Piya_kiewkamjeen

Les raisons d'y croire :

  • Des premiers examens à l’hôpital d’Omaha, fin 1988, jusqu’à l’opération chirurgicale pratiquée au centre de cancérologie de Rochester, le 18 janvier 1989, et aux contre-expertises qui suivront, le dossier médical du docteur Gatz est parfaitement documenté. Il ne peut y avoir aucun doute, ni sur le diagnostic ni sur la gravité de sa maladie.
  • Le pronostic est très mauvais, les cancers de l’œsophage récidivant quels que soient les protocoles médicaux employés ; l’issue fatale est inévitable à brève échéance.
  • Médecin, Gatz sait tout cela, tout comme il sait les traitements proposés inutiles et pénibles, pour un bénéfice quasi nul et une survie de quelques mois, ce qui l’incite à les refuser. On ne pourra donc attribuer sa guérison aux soins médicaux.
  • Catholique non pratiquant, il n’est pas soutenu par la foi ; mourir relativement jeune le désespère. De son propre aveu, le diagnostic l’a plongé dans un état dépressif et il n’espère plus rien. On ne pourra donc évoquer on ne sait quel mystérieux processus d’autoguérison induit par une volonté farouche de survivre, ni de l’autosuggestion d’ordre mystique.
  • C’est par hasard que Jeanne Gatz, bouleversée par la maladie de son mari et la certitude de son prochain veuvage, en quête d’un réconfort et d’un soutien spirituel, se confie à un jésuite, le père Richard Mc Gloin, dont elle ignore qu’il fut aumônier d’une communauté américaine de Petites Sœurs des Pauvres. Celui-ci, resté attaché à la congrégation, lui remet l’image pour la canonisation de Jeanne Jugan, incitant à demander des grâces et miracles par son intercession.
  • Madame Gatz ne connaît pas cette religieuse française et c’est à peine si elle a entendu parler des Petites Sœurs, avec lesquelles elle n’a aucune relation. Elle entame la neuvaine en désespoir de cause, parce que son mari et elle n’ont plus rien à perdre et que la médecine ne peut rien pour eux. Là encore, nulle exaltation mystique. Le couple n’attend rien de cette neuvaine.
  • Six semaines après l’intervention chirurgicale, le 8 mars 1989, le docteur Gatz passe ses premiers examens de contrôle. Étant donné qu’il a refusé tout traitement et souffre d’un cancer qui, à ce stade, récidive très vite, ses médecins et lui s’attendent à une reprise et une évolution catastrophique du mal. Or, à la stupeur générale, la tumeur n’a pas récidivé et semble avoir disparu. C’est tellement déroutant que l’on recommence les examens, aboutissant aux mêmes conclusions : le cancer n’est plus là. Il ne reparaîtra jamais et, hormis quelques troubles dyspeptiques, le docteur Gatz, qui reprendra son travail et poursuivra sa carrière jusqu’à la retraite, restera en excellente santé, comme il en témoignera souvent.
  • Le cas est si exceptionnel et médicalement incompréhensible que son assurance maladie pense que ce client médecin a monté une fraude audacieuse avec la complicité de ses confrères ! Elle mandate plusieurs experts afin de passer le dossier au crible et démasquer la supercherie. Ceux-ci, en dépit de leurs efforts et des sommes en jeu, ne pourront que constater l’incroyable : Gatz était vraiment très malade, condamné à brève échéance, mais il est guéri, sans explication rationnelle. Son cas va définitivement à l’encontre de toutes les connaissances scientifiques et toutes les statistiques. Médecins et experts concluent à un phénomène qui dépasse leurs compétences. Autrement dit, un miracle.
  • Curieusement, les Gatz ne font pas d’emblée le rapport entre cette guérison et la neuvaine à Jeanne Jugan. Il leur faut plusieurs années avant d’admettre qu’ils ont bénéficié d’un miracle. Comme Jeanne Jugan est la seule qu’ils aient priée, c’est à elle qu’il faut le créditer. S’ils savent que la guérison d’Edward pourrait être le miracle nécessaire à la canonisation de la religieuse bretonne, ils ignorent tout de la procédure et de la démarche à suivre pour signaler la grâce obtenue par son intermédiaire. On est alors en 2001, treize ans après les faits, que les Gatz ont jusque-là gardés pour eux.
  • Gênée de n’avoir rien dit, Jeanne Gatz, maintenant qu’elle prend conscience de l’aide reçue, demande au Ciel, si Dieu veut qu’elle révèle le miracle, de lui envoyer un signe en la mettant en relation avec des personnes susceptibles de l’aider à contacter les Petites Sœurs des Pauvres. Le lendemain, elle rencontre deux dames qui connaissent bien la congrégation, permettant aux Gatz de contacter la supérieure américaine et lui donner le dossier d’Edward, immédiatement transmis au Dicastère romain pour la cause des saints. Le miracle, reconnu, conduit à la canonisation de Jeanne Jugan le 11 octobre 2009.

Synthèse :

Jeanne Jugan, fille d’un marin pêcheur de Saint-Servan, près de Saint-Malo, naît le 25 octobre 1792 : elle grandit en pleine persécution religieuse révolutionnaire, dans une France où le catholicisme est proscrit et les prêtres clandestins voués à l’échafaud s’ils sont pris. La piété de sa mère lui permet pourtant de recevoir une solide éducation chrétienne. Elle a six ans lorsque son père disparaît en mer, laissant les siens dans une situation difficile. Mais la foi supplée à tout et Jeanne est fervente, au point de penser à la vie religieuse en un temps où celle-ci, détruite par la Révolution, semble ne devoir jamais renaître. Malgré les difficultés, elle croit assez à cet avenir pour, en 1816, renoncer au mariage, au désespoir du garçon qui la courtise, dans l’attente du signe du Ciel qui lui dira ce que Dieu attend d’elle.

Vingt ans plus tard, le signe n’est toujours pas venu, et Jeanne, proche de la vieillesse, qui vient tôt à l’époque, est une domestique célibataire dont l’avenir serait sombre si, en 1835, une de ses anciennes patronnes ne lui avait légué un petit héritage, lui permettant de s’installer dans un modeste logement partagé avec une autre « vieille fille », pieuse et charitable comme elle. Vivant de leur travail, qui devient plus rude avec le poids des ans, elles ne continuent pas moins à donner généreusement à plus pauvres qu’elles. Mais comment peut-il suffire face à une misère immense ? La Révolution a détruit les structures caritatives catholiques sans les remplacer. Dépouillée de ses biens, l’Église n’a plus les moyens de recommencer ses charités et les indigents restent abandonnés. Leur seul soutien vient d’œuvres catholiques, comme les Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul, ou d’initiatives individuelles courageuses, fruits des efforts de laïcs touchés par les souffrances du prochain, telle mademoiselle Jugan quand elle découvre la vieille Anne Chauvin, veuve sans famille, aveugle, paralytique, abandonnée dans un galetas où elle meurt de faim, de froid, de solitude.

Un soir, la colocataire de Jeanne la voit rentrer cette « petite bonne femme » dans les bras : Jeanne n’a pu abandonner la mère Chauvin à son triste sort et l’a ramenée chez elle, la couchant dans son propre lit. Peu après, une seconde vieillarde la rejoint, inaugurant l’interminable série de personnes âgées sans soutien auxquelles « la grande Jugan » et ses compagnes vont assurer un quotidien décent et les secours spirituels qui leur permettront de finir leurs jours dignement. Ainsi naît la congrégation des Petites Sœurs des Pauvres, qui essaimera dans le monde entier, soulageant partout ces vieux qui, sans valeur économique, ne méritent plus attention.

Pour les nourrir, mademoiselle Jugan, qui prendra en religion le nom de sœur Marie de la Croix, se mue chaque jour en « chercheuse de pain », en mendiant. Elle confiera aux jeunes de la communauté, en les formant à cette tâche de quêteuse : « Cela vous coûtera, et cela me coûtait, mais je le faisais pour le bon Dieu et ses pauvres. » Car, pour accepter de se laisser « greffer sur la croix », il faut aimer assez le Christ pour vouloir s’y coucher avec lui – vérité que Jeanne vit jusqu’à son dernier jour, dépouillée de son rôle et de son rang de fondatrice par un prêtre sans scrupules qui s’empare de son œuvre et l’en écarte pour s’en arroger le mérite. Cette mise à l’écart et cet oubli durent jusqu’à sa mort, le 29 août 1879. Jamais cette injustice ne lui arrachera une plainte, jamais elle ne protestera contre le sort qui lui est fait, le mépris dans lequel elle est tenue, assumant, malgré ses quatre-vingt-six ans, ses infirmités, ses fatigues, sa rude besogne. L’Église rendra à la pauvre Bretonne quasi illettrée le mérite d’une œuvre qui, partie de rien, a rempli le monde et permis à des milliers de vieillards indigents de terminer leurs jours dans la dignité restaurée d’enfants de Dieu.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

  • Ombline de La Villeon, Jeanne Jugan, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres, La Bonne Presse, 1939.

En savoir plus :

  • Arsène Helleu, Une grande Bretonne, Jeanne Jugan, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres, Nos chères provinces, 1938.
  • Mgr Francis Trochu, Jeanne Jugan, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres, 1960. Réédition en 2009, Via Romana.
  • Paul Milcent, Jeanne Jugan, humble pour aimer, Le Centurion, 1978. Traduit en anglais en 2009. Disponible en ligne.
  • Cardinal Garrone, Poor in Spirit : the Spirituality of Jeanne Jugan, Darton Longman Todd, 1975.
  • L’on peut aussi consulter en ligne les sites officiels des Petites Sœurs des Pauvres, disponibles en diverses langues.
  • Sur le site internet Notre Histoire avec Marie, l'article « Jeanne Jugan, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres ».
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