De la mort à la vie : le cheminement du docteur Nathanson

Synthèse :

Bernard N. Nathanson, gynécologue américain, est né dans une famille juive en 1926. Ses parents, comme tout son environnement, sont totalement indifférents à la religion. L’enfant grandit sereinement dans ce milieu, sans jamais recevoir aucune éducation religieuse. L’adolescent, athée revendiqué, entreprend de très bonnes études de médecine à l’université Cornell, puis à l’université McGill de Montréal, où il soutient sa thèse en 1949. Il sert ensuite dans l’US Air Force, puis ouvre un cabinet privé à Manhattan.

Devenu interne au Women’s Hospital de New York au milieu des années 1950, Nathanson soigne des femmes démunies qui ont subi des avortements illégaux – « la première cause de mortalité chez les femmes enceintes », comme il le dira à plusieurs occasions. Convaincu de l’importance de rendre l’avortement légal, il soutient personnellement les initiatives politiques et législatives qui vont dans ce sens. À cette époque, il mène une existence très confortable aux côtés de son épouse.

Il pratique chaque jour un nombre toujours plus important d’avortements. Son engagement en faveur du mouvement « pro-choice », qui milite pour la liberté des femmes en matière d’interruption de grossesse, ne lui laisse que peu de repos. Il fonde bientôt, avec Betty Naomi Goldstein Friedan, célèbre féministe américaine, et Larry Lader, la National Assocation for The Repeal of Abortion Laws (Association nationale pour la révocation des lois relatives à l’avortement), qui vise à promouvoir la liberté de l’IVG. Il devient le conseiller médical de ce mouvement puis, l’année suivante, après la légalisation de l’avortement dans l’État de New York, il prend la tête du Center for Reproductive and Sexual Health, qu’il appellera ultérieurement « la plus grande clinique d’avortement du monde occidental ». Il dirige cette clinique de Manhattan pendant deux ans, puis devient chef des services d’obstétrique à l’hôpital St Luke de 1972 à 1978. Au cours de cette décennie, Nathanson estime qu’il a supervisé 75 000 avortements.

Nathanson continue de pratiquer des avortements pour des raisons médicales jusqu’à la fin de 1978 ou au début de 1979. Mais au fond de lui, quelque chose ne va plus. Des doutes sur ses pratiques professionnelles l’envahissent. Il sent en lui « quelque chose » qui l’invite à prendre du recul et à interrompre les avortements. « J’ai commencé à changer d’avis en 1973, lorsque la technologie de pointe s’est installée dans nos hôpitaux. Je parle maintenant de l’imagerie par échographie, de la surveillance électronique du cœur fœtal, de l’hystéroscopie, de la fœtoscopie – des choses qui nous ont donné une fenêtre sur l’utérus. Sur une période de trois ou quatre ans, j’ai réfléchi à ces technologies et à ce qu’elles révélaient », a déclaré Nathanson à The Interim, journal canadien pro-vie en 2009. Il se souvient que, alors qu’il était étudiant en médecine, on lui avait dit que la science ne pouvait pas répondre à la question de savoir si le fœtus était une vie humaine. En 1974, il écrit dans le New England Journal of Medicine : « Il n’y a plus de doute sérieux dans mon esprit que la vie humaine existe dans l’utérus dès le début de la grossesse, malgré le fait que la nature de la vie intra-utérine a fait l’objet de nombreuses controverses dans le passé. »

Sans savoir réellement pourquoi, il achète une Bible, qu’il se met à lire de manière régulière, et à s’intéresser à la spiritualité chrétienne. Alors que jusqu’ici toutes ses fréquentations partageaient ses convictions « pro-choix », des femmes et des hommes qui luttent contre l’avortement entrent spontanément dans sa vie.

De l’athée militant qu’il était, le docteur Nathanson devient un opposant décidé à l’avortement. Il abandonne ses fonctions et responsabilités diverses et se passionne pour la spiritualité. Il sent qu’il a fait fausse route jusqu’ici. En 1979, il publie Aborting America avec le journaliste Richard Ostling. En 1987, en partenariat avec l’organisationNational Right to Life Committee, il participe au film anti-avortement The Silent Scream (Le Cri silencieux), réalisé par Jack Duane Dabner, visant à montrer la réalité d’un avortement sur un fœtus de douze semaines – travail qui lui vaut des critiques acerbes de la part de ses détracteurs.

Il explique que c’est la science, avant même la morale, qui l’a transformé jusqu’à en faire un militant pro-vie : l’invention de l’imagerie par ultrasons, qui permet de visualiser le fœtus avec une précision confondante, a changé son regard sur ses actes passés. Ce fut le facteur déclenchant et très concret de sa conversion. « J’ai senti le poids du péché devenir plus lourd et plus insistant et j’ai un tel lourd bagage moral à traîner dans l’autre monde que ne pas y croire me condamnerait à une éternité, peut-être plus terrifiante que tout ce que Dante avait imaginé », écrit-il.

Mais il découvre chaque jour, émerveillé, la foi chrétienne et le pardon de Dieu. Le 19 décembre 1996, il est baptisé en la cathédrale Saint-Patrick de New York, des mains de Mgr O’Connor, cardinal-archevêque du diocèse.

Bernard Nathanson meurt d’un cancer le 21 février 2011, à son domicile de Manhattan, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.

Au-delà des raisons d'y croire :

Pour beaucoup, l’IVG est un droit fondamental sur lequel personne ne devrait revenir. Pourtant, il devrait être possible de discuter de cette question essentielle qui met en jeu des vies.

Aller plus loin :

Bernard Nathanson, The Hand of God. A Journey from Death to Life by The Abortion Doctor Who Changed His Mind, Regnery Club, 1996.

En savoir plus :

• Matthieu Lavagna, La raison est pro-vie : arguments non religieux pour un débat dépassionné, Artège, 2024.
• L’article du New York Times : « B. N. Nathanson, 84, Dies: Changed Sides on Abortion ».
• L’article du Lancet : « Bernard Nathanson ».
• Bernard Nathanson a également dirigé la production de deux films. Le Cri Silencieux (28 minutes), montre au moyen de l’échographie le déroulé d’un avortement en temps réel d’un fœtus féminin de douze semaines. De même, L’Éclipse de la raison décrit explicitement comment se déroulent les avortements tardifs.