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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les anges et leurs manifestations
n°270

Rome (Italie)

1384 – 1440

Françoise Romaine, le jeu du Ciel et de l’enfer

Francesca Ponziani est une épouse et mère très pieuse dont la vie fut remplie de drames : perte de la fortune familiale, grave blessure de son mari – qu’elle pense perdre, puis qui est banni cinq années durant –, remise en otage de son fils aîné au roi de Naples, mort de ses deux plus jeunes enfants, Gian Evangelista et Agnese... Dans chaque épreuve, Francesca cherche son réconfort en Dieu : elle prie et s’oublie toujours davantage pour secourir autrui. Dieu va avoir pitié d’elle. Un an après le décès de son fils Evangelista, alors qu’elle fait oraison toute la nuit dans sa chambre, la jeune femme de trente ans est éblouie par une extraordinaire lumière qui baigne la pièce. Dans cette clarté hors du monde, elle distingue deux jeunes garçons : l’un, sans aucun doute, est le fils qu’elle a perdu ; l’autre, un ange rayonnant.

Antoniazzo Romano, Sainte Françoise Romaine guérissant un mourant, 1468, Monastero di Tor de Specchi, Rome. / © CC0, wikimedia.
Antoniazzo Romano, Sainte Françoise Romaine guérissant un mourant, 1468, Monastero di Tor de Specchi, Rome. / © CC0, wikimedia.

Les raisons d'y croire :

  • L’apparition de Gian Evangelista Ponziani à sa mère n’est ni une illusion ni un rêve qu’elle aurait fait à l’occasion d’un assoupissement pendant ses prières. Francesca est parfaitement réveillée et mène avec son fils une conversation cohérente, dont le moindre détail se fixe dans sa mémoire.
  • Gian Evangelista annonce à sa mère le pire malheur qui puisse encore la frapper : « Ma mère, le Seigneur vous réclame ma petite sœur Agnese ; sa place est prête dans la Jérusalem céleste. Bientôt, elle me rejoindra, ne vous en affligez pas mais réjouissez-vous de savoir vos enfants parmi les anges du Ciel. » Si elle cherchait des consolations à son deuil en s’inventant des dialogues avec son fils disparu, ce n’est pas cela que Francesca inventerait. Un an après cette annonce, Agnese meurt d’une maladie infantile à huit ans, accréditant l’apparition reçue.

  • Francesca est habituée à prendre au sérieux les propos de son fils, mort ou vivant. Car, dès sa plus tendre enfance, Gian Evangelista possède un charisme de prophétie éclatant qui se manifeste pour annoncer des catastrophes. Ces prophéties se réalisent, même les plus improbables, comme le jour où le très jeune garçon met en garde un prêtre, invité à leur table, contre une ambition immodérée qui le conduirait à sa perte dans ce monde ainsi que dans l’autre. Devenu évêque, le prêtre fera très mauvais usage de son rang.
  • L’archange, qui accompagne l’enfant et qui désormais ne la quittera pas, n’est pas un « ami imaginaire » ou la projection d’une femme frustrée dans son amour maternel. Si Francesca est seule à le voir et à s’entretenir avec lui, plusieurs autres personnes (notamment don Giovanni Mattiotti, son confesseur) seront témoins de phénomènes spectaculaires prouvant la présence près d’elle d’un être, certes invisible, mais qui intervient dans son quotidien et interagit avec elle. De même, des témoins assisteront aux interventions d’autres êtres invisibles, les démons, qui ne cessent de persécuter Francesca, mais aussi sa belle-sœur et amie Vanozza, allant jusqu’aux tentatives de meurtre.
  • Don Mattiotti lui fait noter ses quatre-vingt-treize visions, et s’en porte garant lors de leur publication devant les autorités ecclésiastiques. Rongé d’angoisse devant les divisions de l’Église et les malheurs du temps, il témoigne avoir à plusieurs reprises fait demander à l’archange, par l’intermédiaire de Francesca, des avis et des conseils dont la teneur ne pouvait venir d’elle, car elle ne possédait pas les connaissances nécessaires pour les donner.
  • On ne peut supposer que Francesca mente ou invente ses interactions avec l’ange, tant sa piété est intense, tout comme son respect de Dieu. D’ailleurs, notre première source sur sa vie est la biographie qu’écrira son confesseur, et dont il défendra devant le pape l’authenticité parfaite et les innombrables miracles relatés.
  • Il est impossible de la croire dérangée sur le plan psychiatrique. Personne n’est plus équilibré que Francesca qui, les pieds sur terre, affronte difficultés, problèmes et drames avec un courage et un bon sens inaltérables. Elle est capable de mener de front toutes ses responsabilités d’épouse, de mère et de chef de famille – notamment dans la période délicate que représente l’absence de son mari, de son fils aîné et de son beau-frère –, ainsi que les œuvres caritatives dont elle s’occupe, comme la communauté religieuse qu’elle a fondée.
  • Plus elle vieillit, plus les charismes de Francesca, incontestables, se multiplient et démontrent la réalité de ses visions et de ses liens avec le monde invisible. Elle est stigmatisée, transverbérée – le cœur transpercé, à l’instar de celui du Christ – ; elle possède la capacité de distinguer une hostie consacrée de celles qui ne le sont pas ; elle lit dans les âmes et possède des dons de thaumaturge, qui font dire aux médecins, quand ils la voient, qu’ils « n’ont rien à faire là où Dieu travaille » ; elle obtient des fruits hors saison (des poires en mars et du raisin en janvier) pour donner des preuves de la véracité de ses dires ; elle est créditée de la résurrection d’un bébé mort-né et d’une fillette noyée dans le Tibre ; elle multiplie les vivres, intervient à distance pour empêcher le suicide d’une de ses amies ; elle a des visions et des extases constantes ; elle visite l’enfer et le purgatoire sous la conduite de l’archange Raphaël, etc.

  • L’ensemble de ces phénomènes, recensés par son confesseur, et qui, de son vivant, ont fait sa popularité, ont été repris dans sa bulle de canonisation du 29 mai 1606 par le pape Paul V, preuve que nul ne songeait à les mettre en doute.

Synthèse :

Francesca Bussa est née à Rome en 1384 dans une famille de l’aristocratie. Toute petite, elle est attirée par le cloître et la vie contemplative – avenir qui ne convient pas à ses parents, désireux de s’allier à la puissante famille Ponziani. Sur le conseil de son confesseur, qui lui intime l’obéissance, l’adolescente de douze ans se résout à accepter un mariage qui lui répugne.

Bien que Lorenzo soit un jeune homme charmant et pieux, avec lequel elle vivra quarante ans heureuse et aura trois enfants, devoir renoncer à son désir de se donner au Christ est pour Francesca un tel malheur qu’elle tombe malade. Alors qu’on la croit perdue, saint Alexis lui apparaît et lui demande, de la part de Dieu, si elle veut vraiment mourir ou si elle accepte de vivre et souffrir,afin de montrer ce qu’une vraie chrétienne engagée dans le mariage peut faire pour Jésus et le bien des âmes. Francesca accepte de se sacrifier et guérit instantanément.

Ce choix héroïque fait entrer dans son quotidien un monde invisible qu’elle n’avait encore qu’entrevu. Anges et démons ne la lâcheront plus. Le diable, redoutant le bien qu’elle fera, ne parvenant pas à la séduire par l’attraction des biens matériels, furieux de ses jeûnes au pain sec, à l’eau et aux légumes bouillis non salés, et plus encore de ses pénitences (cilice, chaîne de fer autour du corps), de sa discipline (elle se fouette pour mortifier sa chair et expier les péchés de luxure des autres) et de son humilité, qui la pousse à se vêtir en femme du peuple et à s’abaisser à des tâches ancillaires, essaye de la détourner de cette vie dévote par tous les moyens. Il prend l’aspect d’un religieux qui dresse un tableau répugnant de la piété et des gens d’Église, tentant de lui faire abandonner prières et sacrements. Une nuit que son mari est absent, Francesca est réveillée par le poids d’un corps sur le sien ; épouvantée, elle découvre qu’elle partage son lit avec un cadavre masculin en putréfaction dont la puanteur la poursuit longtemps… Le diable en vient aux vexations physiques, pousse Francesca dans les escaliers ou les cheminées allumées, la suspend au-dessus du vide en menaçant de la laisser tomber, et tente de la noyer dans le Tibre avec sa belle-sœur. Il s’en prend encore à cette dernière en la faisant chuter, lui occasionnant des blessures graves pour désespérer Francesca en la privant de sa meilleure amie et confidente.

Au début des années 1410, Francesca Ponziani est une épouse et une mère éprouvée. Ayant misé sur le pape Grégoire XII dans l’interminable querelle du grand schisme d’Occident, qui déchire la catholicité et voit maintenant trois pontifes se disputer la tiare, son mari, Lorenzo, a été banni de Rome. Son fils aîné, Gian Battista, a été donné en otage pour libérer son oncle, prisonnier du roi de Naples. Profitant de leur absence, leurs rivaux, les Colonna, mettent à sac le palais Ponziani et s’emparent de l’intégralité des biens, laissant Francesca, ses deux cadets, Gian Evangelista et Agnese, et sa belle-sœur Vanozza dans la misère. La peste sévit ensuite dans la ville et emporte Gian Evangelista, alors âgé de neuf ans ; Agnese rejoindra son frère un peu plus tard. Cette accumulation de malheurs ne fait que l’aider à avancer en sainteté.

Lors de l’apparition de son fils défunt et de l’arrivée de l’archange chargé de veiller sur elle, elle s’entend déclarer par son enfant : « Dieu vous l’envoie pour vous consoler et vous guider dans votre pèlerinage de la terre au Ciel. Il sera toujours auprès de vous. » Francesca le constate. Bien qu’il appartienne à un chœur angélique inférieur, le second, l’archange émet une telle clarté qu’elle ne peut la soutenir et qu’il doit la voiler lorsque, en certaines occasions, il l’autorise à le contempler. Elle trouve cela pratique car elle peut, le soir, se passer de lampe pour lire. Les interventions de l’esprit céleste sont toujours remarquables. Au cours d’un souper, Francesca, distraite, a laissé ses invités dire du mal de quelqu’un ; pour l’en punir, l’ange lui envoie une gifle magistrale que tous entendent claquer, avant de constater sur sa joue enflammée la marque de cinq doigts…

Quelques années après, alors que sa belle-fille lui inflige humiliations et méchancetés continuelles, lui tirant des larmes, l’ange, exaspéré des façons de la jeune femme, lui donne, en plein repas de famille et fort violemment, la correction qu’elle mérite. En une autre occasion, le diable essayant d’arracher des bras de Francesca son petit-fils de trois ans, l’archange intervient pour le recoucher dans son berceau. Toutes les personnes présentes, sidérées, même si elles ne voient pas l’ange, voient le bébé voler à travers la pièce, atterrir dans son lit et une main invisible le border.

En 1425, Francesca fonde une congrégation qui prend le nom d’Oblates de Saint-Benoît, qui deviendront les Oblates de Sainte-Françoise Romaine, dans laquelle elle se retire en 1436, à la mort de son mari, mais refuse d’en devenir supérieure, préférant aller mendier pour les pauvres ou s’acquitter des besognes les plus dures. Peu après, l’archange la quitte et cède la place à une puissance, ange d’un chœur supérieur qui saura mieux l’accompagner dans les voies de la perfection, et dont la présence écarte définitivement les démons. Une vision de saint Benoît la convainc d’accepter le supériorat, dernier sacrifice pour la grande dame que Rome appelait « la poverella del Trastevere » (« la petite pauvresse du Transtévère »).

Tombée malade début mars 1440 en soignant son fils, Francesca prédit qu’elle ne vivra pas plus loin que le jeudi suivant. Elle meurt quatre jours plus tard, le 9 mars, comme elle l’avait annoncé, entourée d’une telle vénération qu’elle devient la sainte de Rome par excellence. Ses derniers mots seront pour affirmer : « Je vois le ciel ouvert. L’ange est debout devant moi ; il m’appelle ! Ma tâche est achevée. »

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

Don Giovanni Mattioli, Vita della beata Francesca Romana.


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