Région de Savone (Italie actuelle, Ligurie)
18 mars et 8 avril 1536
Savone, 1536 : la naissance d’un sanctuaire
Les samedis 18 mars et 8 avril 1536, Antonio Botta, travailleur agricole de Savone, voit la Vierge Marie près d’un ruisseau. L’apparition appelle les fidèles à la conversion, à la pénitence et à la miséricorde. L’évêque de Savone autorise le culte public dès l’année suivante. Le lieu des apparitions est devenu un sanctuaire qui n’a jamais disparu, bien au contraire. Signes de la bienveillance et de l’attachement des autorités ecclésiastiques à Notre Dame de la Miséricorde, la statue de la Madone est couronnée par le pape Pie VII et, en 2008, le sanctuaire de Savone est proclamé sanctuaire national des confraternités d’Italie. Cette même année, le pape Benoît XVI remet à la Madone la « rose d’or », signe exceptionnel offert par les souverains pontifes à certains sanctuaires.
La façade du sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Miséricorde près de Savone. / © Shutterstock, Fabio Lotti.
Les raisons d'y croire :
- La déposition officielle d’Antonio Botta est conservée depuis 1596 dans le sanctuaire Notre-Dame-de-la-Miséricorde, gravée sur une dalle de marbre.
- Tonio Botta, le voyant, est un homme simple, pieux et charitable, que tout le monde apprécie pour sa disponibilité, sa franchise, son honnêteté. Il n’existe aucune source qui permettrait d’affirmer qu’il fût, et à deux reprises, le jouet d’une illusion ou d’une hallucination.
Un critère qui permet de soutenir la vérité d’une apparition est sa capacité à convertir, à orienter les fidèles vers Jésus. Le mot « miséricorde », prononcé par la Vierge, dit en substance l’amour du Christ pour les hommes – certitude absolue portée par la foi de l’Église. Les invitations de l’apparition à la prière, la pénitence, la conversion, la pratique religieuse, sont en totale harmonie à la fois avec l’Évangile et avec l’enseignement de l’Église.
En 1536, un premier miracle survient après les apparitions : tandis qu’Antonio est interrogé par un dirigeant public, incrédule et intraitable, plusieurs pêcheurs, situés à quelques dizaines de mètres du rivage, voient « trois flammes hautes dans le ciel » au-dessus de la cathédrale de Savone et de la résidence où est retenu le voyant. Lorsqu’ils rapportent cet événement, ils ne savent pas que le voyant est interrogé précisément à cet endroit et au même moment.
- Dès 1537, le cardinal Agostino Spinola, camerlingue du pape et administrateur pontifical de Savone, entérinant les avis positifs du clergé diocésain, autorise le culte public de Notre Dame de la Miséricorde. Cette décision n’est pas prise à la légère ; elle fait suite à l’étude critique du témoignage du voyant et de sa probité.
- Le chantier de l’église du sanctuaire, mené sur les lieux mêmes des apparitions, touche à sa fin en 1540, seulement quatre ans après les apparitions. La rapidité de la construction et la grande capacité d’accueil de l’église expriment toutes deux l’engouement et la foi des personnes de la région pour les faits et le message de la Madone.
En 1645, un nouveau prodige relance le culte en l’honneur de Notre Dame de la Miséricorde : des hommes en train de s’injurier obéissent à « une voix mystérieuse », surgie de l’intérieur d’une statue figurant l’apparition, leur ordonnant de se calmer et de faire la paix entre eux.
C’est pourquoi, lorsque la même année une épidémie de peste frappe la république de Gênes, jusqu’en Corse, clergé et laïcs pensent à se tourner vers la Madone. Au bout de quelques jours, le mal incurable recule. Des statues de Notre Dame de la Miséricorde sont alors placées en plusieurs églises de la région pour remercier Marie de son intervention, attestant que le lien de causalité entre la prière à Notre Dame et le recul de la peste était évident pour les habitants de la région à cette époque. Quinze ans plus tard, Mgr Grégoire Ardizzone, évêque d’Ajaccio, désigne d’ailleurs la Vierge de l’apparition comme la « protectrice et patronne de la ville ».
- Chaque 18 mars, une fête diocésaine avec procession commémore, encore aujourd’hui, les apparitions et les multiples prodiges et protections de Notre Dame de la Miséricorde autour de Savone.
- Par la qualité humaine des protagonistes, la rigueur des enquêtes, la pérennité du pèlerinage, l’encouragement permanent des autorités diocésaines et le nombre de miracles recensés depuis le XVIe siècle dans la région, les apparitions mariales de 1536 constituent un phénomène spirituel de première importance dans cette partie du monde méditerranéen.
Synthèse :
Le samedi 18 mars 1536, Antonio Botta, originaire de San Bernardo, près de Savone (Italie, Ligurie), travaille dans sa vigne comme de coutume. Il fait chaud et l’homme se rend près d’un ruisseau pour se rafraîchir. Là, soudain, il voit une grande lumière descendre du ciel et se poser sur un rocher qui domine le ruisseau. Le brave homme n’a jamais rien vu de semblable. La clarté cède bientôt la place à une silhouette féminine dont les traits se précisent à mesure que la lumière s’estompe. C’est la Vierge, « couronnée d’or » et « vêtue de blanc », qui maintenant se tient debout sur le rocher dominant les eaux du torrent local.
La Reine des anges est d’une beauté inimaginable. Antonio s’agenouille, mais il n’a pas le temps de dire quoi que ce soit que déjà l’apparition prononce ces mots, les yeux levés au ciel, les mains tendues : « Levez-vous et ne doutez pas que je sois la Vierge Marie. Allez voir votre confesseur et dites-lui que vous annoncez à l’Église et au peuple de jeûner pendant trois samedis et de venir en procession en l’honneur de Dieu et de sa Mère. Vous vous confesserez et communiquerez ensuite. Le quatrième samedi, vous reviendrez à cet endroit. »
Pendant ce temps, Antonio entend des muletiers passer en contrebas sur le chemin ; pris de panique, il veut se cacher. Marie lui dit : « Ne bougez pas ! Ils ne pourront voir ni l’un ni l’autre ! » Puis elle disparaît.
Antonio court prévenir le curé de San Bernardo in Valle, franciscain, qui, à son tour, informe Mgr Bartolomée Chiabrera, vicaire général du cardinal Agostino Spinola au diocèse de Savone, qui ne formule aucune réserve sur le phénomène. Dans les semaines qui suivent, les prédicateurs franciscains évoquent publiquement l’apparition du 18 mars.
Seuls certains représentants des autorités civiles émettent des doutes. C’est le cas en particulier de Baldassarre Doria, régent de Savone au nom de la république génoise, qui craint un soulèvement des habitants contre Gênes. Il convoque Antonio pour l’interroger des heures durant sur les événements. Lors de cet échange, des pécheurs, au large de la côte de Savone, voient « trois flammes hautes dans le ciel » au-dessus de la cathédrale et de la résidence de Doria.
Le 8 avril suivant, veille du dimanche des Rameaux, Antonio, fidèle à l’appel de Marie, se rend sur le lieu de l’apparition. Le miracle se reproduit : une lumière magnifique se pose d’abord sur une grosse pierre, près du ruisseau, puis Notre Dame, les mains jointes, apparaît, très belle, majestueuse. Elle porte une couronne dorée identique à sa première venue. Au bout d’un instant, elle dit : « Vous irez chez ceux de Savone qui ont demandé des explications sur mon premier message, et vous direz qu’ils annoncent au peuple de jeûner pendant trois samedis et de faire faire la procession pendant trois jours par tous les religieux et les maisons de pénitence. Et en général qu’ils annoncent à tous les peuples de se racheter de leurs iniquités, et de quitter les vices et les péchés, parce que mon Fils est très en colère contre le monde pour les grandes iniquités qui y règnent à l’heure actuelle. » Ensuite la Madone lève par trois fois ses yeux et ses mains vers le ciel et prononce ces mots : « Miséricorde, mon Fils, et non la justice. »
Antonio ne saurait dire combien de temps a duré l’apparition. Mais il sait une chose : c’est vraiment la Mère de Dieu qui est venue jusqu’à lui pour lui confier une mission, que l’Église catholique ne va pas tarder à authentifier.
L’annonce de cette nouvelle apparition est accueillie dans toute la république de Gênes par des transports de joie. Sachant la probité et l’équilibre du voyant, et son inaptitude au mensonge, le clergé réserve un accueil positif au message de Notre Dame de la Miséricorde et au voyant.
En 1645, un nouveau prodige relance l’engouement pour cette affaire. Un marin, nommé Orto, dévot de la Vierge, fait le projet d’installer une statue de Notre Dame de la Miséricorde au-dessus du portail d’entrée de sa maison. Or, un jour, l’homme est pris à partie par des habitants d’alentour qui voient d’un mauvais œil l’arrivée d’une œuvre de cette sorte près de chez eux. Le ton monte et on est à deux doigts d’en venir aux mains, quand les uns et les autres entendent un ordre jaillir de l’intérieur de la statue, intimant à chacun de retrouver son calme et de faire la paix. Effrayés, les protagonistes s’arrêtent brusquement. Personne n’a jamais été capable d’expliquer l’origine de la voix ferme et tranquille, qui ne semblait provenir de personne. Le pieux Orto passe alors commande sur le continent d’une nouvelle statue, plus belle que la précédente.
À cette époque, une épidémie de peste frappe la république de Gênes, jusqu’en Corse. Clergé et laïcs se tournent vers la Madone et, au bout de quelques jours, le mal incurable recule. Pour remercier Marie de son intervention, on place des statues de Notre Dame de la Miséricorde en plusieurs églises de la région, comme dans la paroisse de Saint-Ignace d’Ajaccio et bien d’autres.
Le 18 mars 1660, Mgr Grégoire Ardizzone, évêque d’Ajaccio, décrète Notre Dame de la Miséricorde patronne et protectrice de la ville. Dès lors, l’église Saint-Ignace devient un sanctuaire marial, attirant chaque année maints pèlerins venus de Corse, de Ligurie et d’au-delà.
En 1752, la statue est transportée à la cathédrale d’Ajaccio, et une solennité liturgique avec procession est instaurée en l’honneur de Notre Dame de la Miséricorde. C’est la consécration et le point de départ d’un pèlerinage désormais séculaire.
En 1813, le pape Pie VII, retenu prisonnier à Savone par Napoléon Ier, couronne la statue de Notre Dame avec le concours de nombreux prêtres et une foule de laïcs. Ce pape prisonnier a un successeur en la personne de Benoît XVI qui, le 17 mai 2008, vient au sanctuaire pour offrir à la Madone une « rose d’or », signe d’amour et de reconnaissance de l’Église universelle pour Marie. La popularité du pèlerinage de Savone ne s’est jamais démentie depuis la première moitié du XVIe siècle.
Aller plus loin :
Patrick Sbalchiero, « Savone I et II (Italie, Ligurie) », dans René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007, p. 865-866.