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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Lacrimations et images miraculeuses
n°68

Paris

1830

Catherine Labouré et la médaille miraculeuse

Le désir de Catherine Labouré, jeune bourguignonne, de devenir religieuse, sera temporisé par son père jusqu’à ses vingt-quatre ans. Elle est finalement reçue au noviciat du couvent des Filles de la Charité, à Paris. La Vierge Marie apparaît pour la première fois à Catherine le 18 juillet 1830, puis à deux reprises encore. Elle annonce notamment les malheurs qui arrivent sur la France, et demande la fabrication d’une médaille dont elle montre le modèle : « Les personnes qui la porteront avec confiance recevront de grandes grâces. » Tenues secrètes jusqu’en 1876, les apparitions de la Vierge à Catherine Labouré, ainsi que les messages transmis, ont pris une ampleur planétaire. La chapelle de la rue du Bac, à Paris, où eurent lieu les apparitions, reçoit quotidiennement la visite de plus de 4 000 personnes.

Représentation de la première apparition à sœur Catherine Labouré, sculpture présente façade de la chapelle Notre-Dame-de-la-Médaille-miraculeuse./ ©CC BY-SA 4.0/Thomon
Représentation de la première apparition à sœur Catherine Labouré, sculpture présente façade de la chapelle Notre-Dame-de-la-Médaille-miraculeuse./ ©CC BY-SA 4.0/Thomon

Les raisons d'y croire :

  • Catherine Labouré a bénéficié  de songes prémonitoires, eu des visions de saint Vincent de Paul, fondateur des Filles de la Charité, vu le Christ présent dans l’hostie pendant la messe, eu l’avertissement de la prochaine déchéance du roi Charles X... Mais elle garde le secret sur ces évènements surnaturels et sa vie entière est placée sous le signe de l’humilité et du réalisme, loin des rêveries et des délires. Sa discrétion et sa simplicité éliminent les hypothèses de tromperie.
  • Son niveau intellectuel et son éducation religieuse, rudimentaires, rendent très peu probable de sa part une invention des faits.
  • Le père Aladel, confesseur de Catherine, est très prudent à l’égard des visions qu’elle reçoit. Il lui conseille plutôt de s’en détacher, et de se préoccuper avant tout de sa sanctification. Pourtant, il est finalement convaincu, tout comme, par son intermédiaire, l’archevêque de Paris, de faire fabriquer la « médaille miraculeuse ».
  • Le succès foudroyant et durable de la médaille miraculeuse est un indice de son origine surnaturelle : à la mort de Catherine, en 1876, plus d’un milliard d’exemplaires ont été diffusées à travers la planète.
  • Nombreuses sont les conversions et les guérisons qui sont liées à la médaille miraculeuse, portée par de nombreuses personnalités pieuses : le bienheureux Frédéric Ozanam, saint John Henry Newman, le père Alphonse Ratisbonne, etc.
  • Cinquante-six ans après la mort de Catherine Labouré, le cardinal Verdier, en présence de médecins, de la supérieure générale et d’autres témoins, fait procéder à l’exhumation de la voyante en vue de sa béatification. On la retrouve le 21 mars 1933 telle qu’on l’avait couchée le 3 janvier 1877, le corps intact et les membres souples.

Synthèse :

Catherine est la huitième des dix enfants de Pierre Labouré et Madeline Gontard. Cette dernière meurt prématurément, en 1815 : c’est une première grande épreuve pour la fillette de neuf ans. L’éducation de Catherine est élémentaire : la scolarisation est une chose futile, et il convient mieux à une fille d’aider aux tâches ménagères. D’abord confiée à une tante, pendant deux ans, elle retourne ensuite à la maison paternelle, où elle sert les repas, trait les vaches, s’occupe du pigeonnier et du poulailler...

Une sœur aînée, Marie-Louise, est bientôt admise chez les Filles de la Charité, à Langres (France, Haute-Marne). Catherine voudrait bien suivre son exemple. Mais son père s’y oppose, arguant que la présence de sa fille au foyer est importante. Jusqu’en 1824, on ne connaît à Catherine aucune expérience mystique. C’est une jeune fille dévouée, sympathique et serviable, mais sa piété n’a rien d’exceptionnel aux yeux des siens.

Peu avant ses dix-huit ans, elle fait un songe : un prêtre âgé, qu’elle ne connaît pas, célèbre une messe. Au « Dominus vobiscum », il se retourne vers elle et la regarde fixement. Après la cérémonie, alors qu’elle rend visite à un malade, elle croise sur le chemin le vieux prêtre qui vient de célébrer la messe. Ce dernier lui dit : « Ma fille, c’est bien de soigner les malades, vous me fuyez maintenant, mais un jour vous serez heureuse de venir à moi. Dieu a ses desseins pour vous. » Mais une difficulté empêche Catherine d’entrer en religion : âgée de dix-huit ans, elle ne sait ni lire ni écrire. La Providence lui apporte alors une aide inattendue : une cousine de sa mère défunte lui propose de la prendre chez elle, où elle pourra suivre une courte scolarité dans un pensionnat parisien. Un jour, tandis qu’elle se rend au couvent des Filles de la Charité, elle reste muette d’émotion en découvrant à l’entrée le portrait d’un ecclésiastique : le prêtre qu’elle avait vu en rêve ! Cet homme, c’est saint Vincent de Paul, fondateur de la congrégation des Filles de la Charité.

Au printemps 1828, Catherine espère suivre sa sœur de sang dans la voie religieuse. Son père s’obstine : c’est non. Persuadé qu’un séjour dans la capitale bousculerait les projets de sa fille, il envoie la future sainte à Paris, chez l’un de ses oncles, veuf depuis peu et patron d’un petit restaurant. Mais, l’année suivante, Catherine quitte l’établissement et regagne son pensionnat. Désormais, elle ne pense qu’à une chose : être admise parmi les Filles de la Charité. Une des religieuses écrit à la supérieure : « C’est une bonne fille de village, comme saint Vincent les aime. »

Puis, tout s’accélère : le 23 avril 1830, elle est reçue au noviciat du couvent parisien. Dès les premières semaines, elle vit une expérience extraordinaire : le « cœur » de saint Vincent de Paul lui apparaît à trois reprises. C’est un cœur « affligé à la vue des maux qui vont fondre sur la France ». La prophétie se réalise : du 27 au 29 juillet 1830, les Trois Glorieuses ensanglantent Paris. Peu après, elle est confrontée à une seconde manifestation inexpliquée ; c’est pour elle un grand tournant : « J’ai vu Notre Seigneur dans le Saint-Sacrement, excepté les fois que j’ai douté. » Le 6 juin, le Christ se manifeste comme « un roi, avec la croix sur la poitrine ». Catherine fait part de ses visions uniquement au père Aladel, le confesseur des religieuses. « N’écoutez pas ces tentations. Une Fille de la Charité est faite pour servir les pauvres et non pour rêver », lui répond-il avec autorité.

Le 18 juillet, la Vierge Marie apparaît pour la première fois à Catherine, et lui délivre un message annonçant des malheurs imminents dans le pays. En plus de cette prophétie, réalisée, le message invite à vivre en chrétien : prière, amour, don de soi. Une prophétie attire particulièrement l’attention : la Vierge dit qu’il y aura des victimes parmi le clergé de Paris, dont l’archevêque. S’agit-il alors de Mgr Denys Affre, qui est tué le 25 juin 1848 sur les barricades de Paris ? Non, la réponse est ailleurs. Le document autographe de Catherine, relatant la première apparition, précise que les faits se dérouleront quarante ans plus tard. En l’occurrence, l’archevêque dont parle la Vierge est Mgr Georges Darboy, exécuté le 24 mai 1871 à la prison parisienne de la Roquette.

Le 27 novembre 1830, elle voit une seconde fois la Mère de Dieu ; à la suite de quoi la jeune novice demande que l’on fasse graver une médaille selon le modèle de sa vision, entourée de l’invocation : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. » Son confesseur, le père Aladel, la reprend vivement de nouveau : « Pure illusion ! Si vous voulez honorer Notre Dame, imitez ses vertus, et gardez-vous de l’imagination ! »

La troisième et dernière apparition date de décembre de la même année. « Vous ne me verrez plus, mais vous entendrez ma voix pendant vos oraisons », dit Marie à la future sainte. Un mois plus tard, Catherine prend l’habit. Elle est transférée à la maison de Reuilly (actuel XIIe arrondissement de Paris), où elle impressionne sa communauté par sa conduite exemplaire, son dévouement de tous les instants et sa remarquable piété. Sa charité en faveur des pauvres et des malades, tels ceux atteints par l’épidémie de choléra en 1832, fait de la jeune moniale un modèle d’abnégation. En revanche, personne n’est au courant de ces apparitions, à l’exception de son confesseur.

Sans savoir comment, Catherine parvient à convaincre le père Aladel, et, par son intermédiaire, l’archevêque de Paris, de faire fabriquer la « médaille miraculeuse » demandée par la Vierge. Les 1 500 premiers exemplaires sont livrés le 30 juin 1832. C’est un succès inimaginable : deux ans plus tard, au début de 1834, 50 000 exemplaires ont été diffusés ; au mois de novembre suivant, ce chiffre grimpe à 500 000 ; en 1839, il atteint 10 millions. C’est aussi une réussite impensable aux États-Unis (1836), en Pologne (1837), en Chine, en Russie (1838), etc.

Personnalités et inconnus portent la médaille sur les cinq continents. Mgr de Quélen, archevêque de Paris, en devient un propagateur zélé, après avoir obtenu personnellement des guérisons inexpliquées. Le pape Grégoire XVI la fixe à la tête de son lit. En 1833, le père Jean-Gabriel Perboyre relate la guérison miraculeuse d’un confrère, et l’attribue à la médaille. Le bienheureux Frédéric Ozanam porte aussi cette médaille lorsqu’il fonde les Conférences Saint-Vincent-de-Paul. Jean-Marie Vianney – le curé d’Ars – fait l’acquisition, dès 1834, d’une statue de Notre Dame de la Médaille miraculeuse, et, le 1er mai 1836, il consacre sa paroisse à « Marie conçue sans péché ». Il devient un apôtre zélé de la médaille, et distribue avec elle des centaines d’images sur lesquelles il note de sa main la date et le nom de ceux qui se consacrent à l’Immaculée. Sainte Bernadette porte cette médaille avant même que la Vierge lui apparaisse, en 1858. Plus tard, sainte Thérèse de Lisieux la porte également. En 1915, un prêtre américain, le père Joseph Skelly, fonde à Philadelphie « l’Apostolat marial », avec la neuvaine perpétuelle de la médaille miraculeuse. Le père Maximilien Kolbe crée en 1917 la « Milice de l’Immaculée », placée sous le patronage de la Vierge de la Médaille miraculeuse, ainsi qu’un journal, Le Chevalier de l’Immaculée. Pendant la guerre, il distribue des médailles à tour de bras : « Ce sont mes munitions. »

Catherine continue cependant de mener une vie régulière – sans relief, pourrait-on dire : elle passe ses journées à la lingerie, accueille et soigne les vieillards, aménage le poulailler, préside à la création d’une étable, et gère magnifiquement le budget alloué par la supérieure pour la nourriture et la santé des animaux du couvent. Rien ne la distingue des autres sœurs, hormis une énergie et une obéissance parfaite.

Lorsqu’elle apprend, en 1858, que la Vierge est apparue à Bernadette Soubirous, à Lourdes (France, Hautes-Pyrénées), elle dit simplement : « C’est la même ! » La mère Dufès, supérieure du couvent, est très étonnée par un fait qu’elle ne s’explique pas : « Sans avoir lu aucun des ouvrages publiés, ma sœur Catherine était plus au courant de tout ce qui s’était passé [à Lourdes] que les personnes qui avaient fait le pèlerinage. »

« Pourquoi craindre d’aller voir Notre Seigneur, sa Mère et saint Vincent ? » Après avoir prononcé ces mots, Catherine entre dans la vie éternelle le 31 décembre 1876. Dans les jours qui suivent sa mort, la foule se presse devant son cercueil. Une pauvre femme amène, dans une caisse montée sur des roulettes, son fils de douze ans, infirme de naissance, qu’elle n’arrive pas à descendre dans le caveau ; et voici que l’enfant se lève sur ses jambes ! Catherine sera proclamée bienheureuse en 1933, puis élevée sur les autels par le pape Pie XII en 1947.

Les historiens ont souvent évoqué l’ingénuité et l’absence de savoir intellectuel de Catherine. Mais Dieu lui a offert une connaissance expérimentale des réalités spirituelles. Un peu avant sa mort, quand la supérieure du couvent apprend enfin toute la vérité sur les apparitions et la vie mystique exceptionnelle de sœur Catherine, comme pour expliquer qu’elle n’a été qu’un instrument entre les mains de Dieu, la future sainte lui précise : « Si la Vierge m’a choisie, c’est afin qu’on ne puisse pas douter d’elle. »

Plusieurs congrégations religieuses sont placées sous la protection de Notre Dame de la Médaille miraculeuse, et de nombreux oratoires, chapelles et églises lui sont consacrés. L’invocation « Marie conçue sans péché » est intégrée dans la liturgie catholique dès 1839. La fête liturgique de l’apparition de la Médaille est instaurée dans toute l’Église en 1894. Le 26 juillet 1897, la statue de Notre Dame de la Médaille miraculeuse (la « Vierge aux rayons ») est couronnée avec l’autorisation du pape Léon XIII.

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

Catherine a été béatifiée, puis canonisée, non pour avoir vu la Vierge, mais pour avoir vécu la foi chrétienne sur un mode exceptionnel, jusqu’à son dernier jour.


Aller plus loin :

René Laurentin, « Paris VII (Médaille miraculeuse) », dans René Laurentin et Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007, p. 698-709.


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