Notre Dame de la Clarté sauve sa chapelle bretonne

Août 1944 : alors qu’ils foncent sur Paris, les Alliés doivent encore réduire des poches de résistance allemandes en Bretagne. Parmi elles, le camp retranché de Mez Gouez, à deux cents mètres de la station balnéaire de Perros-Guirec, qui peut, en cas d’attaque, écraser le bourg sous les obus. Or, la destruction du camp est prioritaire, car son radar permet à l’ennemi de détecter les raids américains sur Lorient. Peu importe, en comparaison de cet impératif stratégique, les « dégâts collatéraux » inévitables. Cependant, les Perrosiens sont moins inquiets de leur propre sort que de la destruction certaine de la chapelle Notre-Dame-de-la-Clarté, voisine du camp retranché. Seul un miracle pourrait la sauver. Ils le réclament, confiants.

Les raisons d'y croire :

Les invraisemblables événements des 12 et 13 août 1944, qui sauvent le sanctuaire de la destruction, font l’objet de rapports circonstanciés, tant de la part des pilotes alliés, obligés de justifier l’abandon de leur mission, que des officiers allemands, si stupéfaits, eux aussi, des faits dont ils ont été témoins qu’ils renoncent à défendre le camp plus longtemps.

Les météorologues alliés qui avaient fixé les « fenêtres » horaires propices à un bombardement aérien sur Mez Goué étaient formels ; les conditions météo étaient optimales et il est aisé de vérifier, en effet, qu’en cette mi-août, il faisait glorieusement beau au-dessus de Perros-Guirec.

Il n’existe aucune explication rationnelle à la formation quasi instantanée au-dessus de la station balnéaire, et uniquement là, de bancs de brouillard venus de la mer et tellement impénétrables que les pilotes alliés, n’ayant plus aucune visibilité, durent renoncer à frapper un objectif devenu invisible.

Que le phénomène se soit, contre toute logique, reproduit à l’identique deux fois en vingt-quatre heures le rend scientifiquement encore plus improbable.

L’évêque de Saint-Brieuc a entériné l’année suivante, lors du cinquième centenaire de la chapelle, l’intervention miraculeuse de Notre Dame, qui a sauvé son sanctuaire et permis la tenue, le 15 août, du pardon traditionnel, et l’en a remerciée en offrant à sa statue les honneurs du couronnement.

En marque de gratitude, les femmes de Perros ont donné leurs bijoux pour la fabrication des couronnes de Marie et de l’Enfant Jésus.

Synthèse :

Il fait beau à Perros-Guirec début août 1944. L’année suivante sera célébré le demi-millénaire de la construction, en 1445, de la chapelle Notre-Dame-de-la-Clarté (Itron Varia ar Sklaerder,en breton). Tôt christianisé, le lieu aurait pris le nom de la Clarté tardivement, à la suite d’un miracle de sauvegarde. À une date indéterminée, mais antérieure à 1445, un capitaine est surpris en mer par le brouillard alors qu’il navigue près des Sept-Îles, parages dangereux, et, n’y voyant plus rien, conscient que son navire, son équipage et lui-même courent à leur perte, il implore l’aide de Marie, l’Étoile de la Mer, lui promettant, s’il atteint le port, de lui bâtir une chapelle. À peine ce vœu exprimé, une vive lumière perce les ténèbres ; se guidant sur elle, les marins se tirent du danger et le capitaine tient parole.

Même si les historiens contestent cette version fondatrice, Notre Dame de la Clarté devient, dans la région, la patronne des gens de mer, qui laissent dans le sanctuaire des ex-voto de navires, rappelant comment elle les a arrachés un jour au naufrage. Les dons, qui affluent, permettent l’acquisition d’une très belle statue de la Sainte Vierge, portée en procession lors du pardon du 15 août. Telle est la chapelle qui, en cet été 1944, risque de disparaître.

Donc, début août, les Perrosiens supplient Notre Dame de la Clarté de sauver sa chapelle, ses fidèles, et, pendant qu’elle y est, ces Allemands têtus qui, pour une question d’honneur mal entendu, se vouent à la mort et y vouent les autres. Une neuvaine est entamée. Le 12 août, exaspérés, les Américains décident de bombarder Mez Gouez. La météo est excellente, la nuit claire et étoilée. Les bombardiers décollent et volent vers leur cible. Mais, comme ils arrivent sur zone, un brouillard imprévisible, à couper au couteau, monte de la mer, recouvrant Perros-Guirec et rendant impossible le repérage de la cible. Stupéfaits, les pilotes américains font demi-tour sans larguer leurs bombes. Ils constatent, incrédules, que ce banc de brume est aussi localisé qu’impénétrable.

L’état-major allié, furieux, reprogramme l’opération pour le lendemain. Les appareils redécollent le 13 ; la météo est optimale, le ciel lumineux, mais, arrivés sur l’objectif, ils le découvrent noyé sous une purée de pois pire que la veille… Les spécialistes météo ne peuvent qu’avouer leur incompréhension. Ce qui n’empêche pas de reprogrammer le bombardement pour le jour suivant. Il n’aura pas lieu. Les officiers allemands, témoins du miracle, refusent de tenter le Ciel et capitulent. On est le 14 août, vigile de l’Assomption et d’un pardon qui se tient avec une ferveur inédite.

Notre Dame de la Clarté, invoquée d’ordinaire pour dissiper les ténèbres, sait aussi, le cas échéant, les rendre impénétrables !

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.

Aller plus loin :

La page Wikipédia « Chapelle Notre-Dame-de-la-Clarté de Perros-Guirec ».

En savoir plus :

Paul Gélis, « Chapelle Notre-Dame-de-la-Clarté en Perros-Guirec », dans Congrès archéologique de France, par la Société française d’archéologie, 1950, p. 133-140.