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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Inédies
n°441

Suisse

1417 – 1487

La vie des anges selon saint Nicolas de Flüe

Originaire de Suisse centrale, Nicolas de Flüe (du hameau de Flueli), d’abord marié et père de dix enfants, devient un ermite respecté et recherché. Considéré comme un saint par ses contemporains, il est célèbre pour son ascétisme, sa vie spirituelle et ses miracles. Son abstinence totale de nourriture pendant dix-neuf ans est connue bien avant sa mort par de nombreux témoins directs, tous dignes de foi. C’est même un cas d’inédie parmi les mieux documentés que l’on connaisse. Saint Nicolas de Flüe est fêté le 25 septembre et le 21 mars.

Une illustration de l'Amtliche Luzerner Chronik de 1513 de Diebold Schilling le Jeune, illustrant les événements de la Diète de Stans en 1481. / CC0 wikimedia.
Une illustration de l'Amtliche Luzerner Chronik de 1513 de Diebold Schilling le Jeune, illustrant les événements de la Diète de Stans en 1481. / CC0 wikimedia.

Les raisons d'y croire :

  • En 1433, Nicolas a une vision prophétique d’une précision confondante : il voit le lieu (dit du Ranft, dans la forêt de Melchtal) où il sera appelé à vivre en solitaire des années plus tard. Il est impossible qu’il ait inventé une explication rétroactive pour expliquer le choix du lieu où il s’est retiré. Dès 1433, il parle de sa vision à son entourage et il décrit avec force détails l’environnement, les arbres, les plantes et la solitude de ce lieu ; mais il ne cite jamais le nom du Ranft, dont à l’époque il n’a pas entendu parler.
  • Nombreux sont les témoins directs et durables de la privation totale de nourriture de Nicolas pendant dix-neuf ans. Son fils Jean révèle également les périodes d’inédie plus courtes qui eurent lieu avant la vie solitaire de son père. Le bénédictin savant Trithème, abbé de Sponheim, le cite dans son Homélie sur l’abstinence : « Il y a chez les Suisses un homme du nom de Nicolas, dont l’abstinence force l’admiration de tous les habitants de la Germanie, et que chacun, comme vous l’avez vous-même entendu, appelle un saint » (6 août 1486). De plus, une enquête auprès de Nicolas est menée par le médecin de l’archiduc Sigismond d’Autriche en 1473.

  • Comme dans tous les cas avérés et contrôlés, l’inédie de Nicolas de Flue ne s’est pas imposée de manière brutale. Il s’agit d’un processus de longue durée. Au départ, le saint respecte à la perfection les jeûnes prescrits par l’Église de son temps (mercredi et vendredi). Ensuite, la périodicité change : il se met à jeûner quatre jours par semaine, puis, après plusieurs années de vie érémitique (en n’étant donc plus astreint à travailler physiquement pour nourrir sa famille), il passe à une abstinence alimentaire totale.
  • Ce phénomène a un sens spirituel profond et il ne faut pas de le confondre avec un quelconque régime ou diète. Le jeûne est une pratique monastique de toujours ; c’est un avant-goût de ce à quoi sont appelés les croyants : une vie angélique dans la foi et l’espérance. Or, Nicolas se voit bien comme un moine dont la vocation est de prier pour le monde.
  • Comme n’importe quel moine parti « au désert », Nicolas est attaqué par le diable sur un mode paroxystique. Trithème le surnomme même « le nouvel Antoine » (saint Antoine d’Égypte). Que Nicolas subisse ainsi vexations et tentations du démon est un élément qui traduit la réalité de son inédie.
  • Le registre paroissial de Sachseln (Suisse, canton d’Obwald) contient de nombreuses annotations faisant mention des multiples manifestations extraordinaires qui rythment le quotidien de Nicolas. Ses visions extraordinaires, son inédie de dix-neuf ans, ses prophéties et ses miracles prouvent au monde qu’il est effectivement l’ami de Jésus.
  • Les visions de Nicolas sont d’une richesse spirituelle et symbolique extraordinaires. Pleines de références à de multiples épisodes bibliques, même si le saint n’a jamais vraiment étudié l’Ancien Testament, elles expriment dans un réalisme souvent confondant, ou parfois sur un mode allégorique, la vérité de l’union mystique de Nicolas au Christ.
  • Nicolas n’a reçu ni éducation ni formation. Il reste toute sa vie un analphabète. Malgré cela, on juge sa sagesse si grande qu’il est plusieurs fois sollicité par les autorités helvétiques pour trancher des différends ou réconcilier des adversaires, comme pendant la Diète de Stans (1481, canton de Nidwald). Des lettres de remerciements adressées au saint par plusieurs autorités politiques sont conservées aujourd’hui encore.
  • Après sa mort, les miracles se multiplient sur sa tombe. Ceux-ci concernent toutes les couches sociales suisses et au-delà. Les témoignages des prodiges et bienfaits obtenus en priant sur la tombe de Nicolas ne manquent pas. Benoît de Montferrand, atteint par une pathologie lourdement handicapante à la jambe, sort par exemple guéri de son pèlerinage sur la tombe. Le prodige est attesté dans le registre paroissial de Sachseln de 1488.
  • L’importance des phénomènes extraordinaires chez Nicolas – ses multiples visions en particulier, mais aussi ses prophéties, ses extases, etc. – ne doit pas dissimuler l’essentiel : l’ermite suisse se considère lui-même comme un humble pécheur essayant de vivre les enseignements de Jésus du mieux possible. C’est pour cela qu’il a été béatifié en 1648 et que l’Église a proclamé sa sainteté en 1947.

Synthèse :

« Frère Nicolas », comme l’appellent ses contemporains, voit le jour en 1417, au hameau de Flueli, près de Sachseln, au pays dit d’Obwald, en Suisse centrale. Nous ne disposons que peu d’informations sur ses premières années, mais tout porte à croire qu’il connaît une jeunesse paisible, dans une union harmonieuse avec son environnement agraire. Sa vocation religieuse est précoce. On sait par les témoignages des siens qu’il jeûne périodiquement dès l’adolescence. Il prie, entend la messe, suit le catéchisme et participe bien volontiers aux grandes fêtes catholiques.

En 1447, il épouse Dorothée Wyss, originaire d’Oberwilen (Suisse), alors âgée de seize ans. Sa « très chère femme », comme il appelle Dorothée, va mettre au monde dix enfants. Ils vécurent ensemble vingt ans dans une union remarquable et, finalement, seule la mort est venue interrompre leur mariage. Nicolas exerce d’abord le métier des armes, en tant que simple soldat. Au printemps 1450, il participe à la défense de Nuremberg (Allemagne), attaquée par le margrave de Brandebourg.

Conscients de sa grande valeur morale et de son élévation religieuse, les responsables helvétiques l’engagent pour des fonctions politiques importantes, bien qu’il n’ait guère reçu d’éducation. Il devient ainsi conseiller, puis délégué à la Diète. Sa droiture morale et son sens de la justice le font remarquer.

Le 16 octobre 1467, Nicolas fait ses adieux aux siens. Un appel intérieur l’invite à tout quitter pour vivre en disciple de Jésus. Ce tournant n’est pas un acte de séparation de corps avec sa femme ou, pire encore, un abandon des siens. À cette date, ses enfants sont presque tous élevés et, surtout, Dorothée est parfaitement au courant de la démarche de son mari, qu’elle approuve totalement. De surcroît, l’ermitage où s’installe Nicolas – le lieu lui fut révélé par une vision quand il avait seize ans – est situé exactement à quinze minutes de marche de la maison familiale !

Là, priant sans cesse, Nicolas reçoit la visite d’une foule de gens, de toutes conditions sociales. L’élite européenne de son temps vient à lui pour demander des conseils, une prière, une bénédiction, parfois de très loin. Certaines personnes sont guéries par lui de façon inexpliquée. Dès 1470, le pape Paul II accorde une indulgence aux pèlerins de Ranft. Nicolas est en effet gratifié par Dieu de charismes extraordinaires que l’époque a consignés d’une manière remarquable. Le registre paroissial de Sachseln notamment rapporte au moins six phénomènes extraordinaires qui jalonnent la vie du saint : visions et apparitions, locutions intérieures, lecture d’âme, inédie, transverbération du cœur. Nicolas ne fait jamais étalage de ces expériences. Il les confie à de rares privilégiés : son confesseur et une poignée d’amis de longue date. Il est humble et considère l’humilité comme une clé ouvrant les portes du paradis. Le contenu de ses visions est extrêmement riche à tous niveaux. Pleines d’images bibliques, elles traduisent une union mystique avec le Christ sans aucun faux pas doctrinal.

Comme n’importe quel solitaire, Nicolas est la proie du diable pendant de longues années. Les tentations incroyables qu’il subit jour et nuit ne sont pas sans évoquer celles des initiateurs du monachisme chrétien, à commencer par saint Antoine du Désert (IVe siècle). Apparitions sous l’aspect d’un aristocrate jeune et beau, sous celui d’une jeune femme, ou d’animaux effrayants, tout y passe, y compris les sévices corporels au sujet desquels ont témoigné différentes personnes proches du saint.

Sa faculté à vivre sans nourriture pendant dix-neuf années (inédie) a traversé l’histoire. Aboutissement d’un processus spirituel (Nicolas suit à la lettre dès sa jeunesse les jeûnes demandés par l’Église, puis ceux inhérents au monachisme), ce phénomène ne survient pas en un jour. C’est la réalisation, dans les limites de la condition humaine, d’un des désirs fondamentaux des moines : tendre à la vie des anges, en renonçant aux nourritures terrestres.

Nicolas de Flüe meurt le 21 mars 1487, après vingt ans de vie solitaire, dans la prière, l’ascèse et la proximité de Dieu. Depuis, Nicolas a toujours été mis à l’honneur par les responsables politiques suisses et par l’Église catholique : patron de la Confédération helvétique, il est également le saint patron mondial de la paix, et le saint patron, avec saint Martin et saint Sébastien, de la Garde suisse, au Vatican. Une demi-douzaine d’églises suisses ont été bâties en son honneur. Il est béatifié en 1648 et le pape Pie XII l’élève sur les autels en 1947.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au-delà des raisons d'y croire :

La deuxième partie de la vie de Nicolas – de son retrait du monde à sa mort – est plus populaire que ses premières années. Cependant, c’est son existence entière qui doit être appréhendée si l’on veut mesurer la qualité rare de ses vertus. C’est un laïc exemplaire, excellent époux et père, qui participe aux affaires temporelles et apporte à son entourage la lumière du Christ.


Aller plus loin :

Robert Centlivres, Nicolas de Flue : l’histoire et la légende, préface de Karl Barth, Genève, Labor et Fides, 1947.


En savoir plus :

  • Louis Cognet, Introduction aux mystiques rhéno-flamands, Paris, 1968.
  • Charles Journet (cardinal), Saint Nicolas de Flue, 4e édition, Fribourg et Paris, 1980 (réédition Ad Solem, coll. « Art. Christianis », 2017).
  • Herbert Thurston, Les Phénomènes physiques du mysticisme, préface de Rémy Chauvin, Monaco, Le Rocher, 1986, p. 248 et 407.
  • Patrick Sbalchiero, « Nicolas de Flue (saint, 1417 – 1487) », dans Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 574-575.
  • David J. Collins, « Turning Swiss », in Reforming Saints : Saints’ Lives and Their Authors in Germany, 1470-1530, Oxford, Oxford University Press, 2008.
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