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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Conversions d'athées
n°240

France

1909

De l’agnosticisme à l’abbaye de la Trappe de Chimay

En 1909, le lieutenant Paul Bélorgey est la coqueluche de la bonne société cambrésienne. D’excellente famille, diplômé de l’école militaire vétérinaire de Lyon, champion d’équitation, ce beau garçon de vingt-neuf ans a tout pour plaire, plaît, et en profite. Jusqu’au jour où, pendant une compétition, il fait une chute de cheval qui l’immobilise de longs mois, avec les deux jambes et un bras dans le plâtre. Issu d’une famille catholique pratiquante, Bélorgey a été éduqué chrétiennement mais, sous l’influence de ses professeurs, il a perdu la foi pendant ses études. Son immobilisation le ramènera à Dieu, puis le conduira à devenir moine, faisant de lui l’une des grandes figures contemporaines des Cisterciens de la Stricte Observance. Une jeune religieuse clarisse, Marie-Céline de la Présentation, morte en odeur de sainteté le 23 mai 1897, sera l’un des instruments de cette conversion.

Vitrail représentant Marie-Céline de la Présentation dans l'église Sainte-Quitterie de Nojals. / © CC BY-SA 4.0, Mossot.
Vitrail représentant Marie-Céline de la Présentation dans l'église Sainte-Quitterie de Nojals. / © CC BY-SA 4.0, Mossot.

Les raisons d'y croire :

  • Paul Bélorgey, en religion Dom Godefroid Bélorgey (1880 – 1964) a raconté son retournement dans des Notes sur la conversion de Dom Bélorgey par lui-même, relatant son expérience spirituelle, y compris le signe accordé par sœur Marie-Céline, en un temps où l’on commençait à discréditer ce type de phénomène. Eu égard à ce contexte, à la probité intellectuelle de Dom Godefroid et à sa formation scientifique, il fallait qu’il soit bien sûr de la réalité de son étrange expérience pour la mentionner comme déclencheur de son entrée à la Trappe. On ne peut donc la mettre en doute.
  • Jeanne Germaine Castang (1878 – 1897), en religion sœur Marie-Céline de la Présentation, clarisse au couvent de l’Ave-Maria de Talence, près de Bordeaux, est une âme expiatrice et consolatrice. Toute sa courte vie est une suite de maladies, souffrances, malheurs, privations, deuils, angoisses spirituelles et dépouillements, qu’elle offre pour consoler Jésus et sauver les pécheurs. Qu’elle intervienne pour convertir un agnostique n’a rien de surprenant.
  • En mars 1897, quelques semaines avant sa mort, sœur Marie-Céline est frappée par la lecture de la vie d’une mystique, Philippa de Gueldre, dont la dépouille, à l’ouverture de sa tombe, a répandu des parfums merveilleux. À la fin de cette lecture, la jeune fille sent dans la salle commune l’odeur enivrante d’un énorme bouquet de violettes. Comme c’est la saison de cette fleur, elle cherche des yeux le bouquet et ne le trouve pas.
  • L’on aurait pu penser à une hallucination olfactive ou à de l’autosuggestion, mais le phénomène s’est reproduit et d’autres personnes parmi les proches de sœur Marie-Céline ont à leur tour senti, sans explication matérielle, ces parfums merveilleux.
  • Ce type de phénomène (qui n’est pas l’odeur de sainteté provenant du corps vivant ou du cadavre d’un saint) se rencontre parfois, notamment au sanctuaire Notre-Dame du Laus, en Provence. L’Église pense aujourd’hui qu’il s’agit de manifestations d’encouragement ou de consolation accordées à des personnes qui en ont besoin, doutent ou souffrent. C’est le cas de Bélorgey.
  • L’accident dont il a été victime était très sérieux ; il s’en remet mal et lentement. Cette longue immobilisation forcée le contrarie d’autant plus que, juste avant sa chute, il venait d’obtenir sa mutation aux colonies, changement dont il espérait qu’il guérirait son ennui et son dégoût de la vie, éprouvés en dépit de ses succès mondains. Tel saint Augustin disant à Dieu dans les Confessions : « Mon âme ne reposait pas en paix tant qu’elle ne reposait pas en toi », Bélorgey comprendra ensuite que ce mal-être exprimait sa quête et traduisait l’appel divin.

  • Pendant sa convalescence, le jeune officier lit pour passer le temps. Deux ouvrages ébranlent ses convictions scientistes et matérialistes. Il s’agit des récits des conversions d’un anarchiste proche des milieux sataniques et d’un officier de cavalerie, le capitaine Mossier, laissé pour mort sur le champ de bataille de Gravelotte en 1870 et qui, miraculeusement sauvé, est entré à l’abbaye de la Trappe de Chambarand.
  • Paul est si impressionné qu’il s’ouvre de ses angoisses métaphysiques à l’aumônier de son régiment, lequel le ramène à la foi, l’amenant, le soir de Noël 1909, à communier publiquement, marquant ainsi sa conversion. Cet itinéraire rappelle celui de Charles de Foucauld.
  • Bélorgey décide dans la foulée de devenir, lui aussi, trappiste (moine cloîtré appartenant à l’ordre cistercien de la Stricte Observance et vivant dans le silence, la prière et le travail manuel). Il demande un signe : rencontrer rapidement un moine trappiste ; et il ira dans la maison de celui-ci. Quarante-huit heures après – alors qu’à l’époque, les trappistes sortent rarement de leur monastère –, Paul rencontre un frère de l’abbaye de Chimay, en Belgique.
  • Cependant, cette décision, très lourde de conséquences et irrévocable, l’effraie ; il tergiverse, se demandant s’il fait le bon choix. L’ami qui a contribué, en le présentant à l’aumônier du régiment, à le ramener à la foi, lui fait alors cadeau de l’image de sœur Marie-Céline. La réputation de sainteté de la jeune clarisse s’est en effet répandue au-dehors de son monastère. Comme son ami l’explique à Bélorgey : « Elle manifeste sa présence à des âmes choisies par de suaves parfums. » On commence d’ailleurs à surnommer Marie-Céline « la petite sainte aux parfums. »

  • Malgré sa conversion, il demeure chez Bélorgey une formation scientifique et scientiste, qui l’incite non seulement à ne pas croire à ce genre d’histoire, mais même à s’en moquer. Son incrédulité totale prouve la réalité de son expérience. En lui donnant l’image, son ami lui déclare : « Si Dieu vous veut à Chimay, sœur Marie-Céline vous fera sentir ses parfums. » Paul ricane de plus belle, il n’y croit absolument pas. D’ailleurs, il s’empresse de se débarrasser de l’image en la mettant dans un tiroir et n’y pense plus.

  • Pourtant, pendant des jours, des semaines, des mois, chaque fois qu’il entre dans la pièce dans laquelle il a rangé l’image, Bélorgey est assailli par d’incompréhensibles bouffées de parfums délicieux : tantôt un encens de qualité exceptionnelle, tantôt les fameuses violettes chères à sœur Marie-Céline, tantôt des roses embaumées.
  • Il a beau chercher une explication rationnelle au phénomène et chercher l’origine naturelle des parfums, il ne les trouvera jamais. Convaincu par le signe céleste, il entre à la Trappe de Chimay.

Synthèse :

Cinquième d’une famille de onze enfants, Jeanne Germaine Castang est née à Nojals-et-Clotte, non loin de Bergerac, le 23 mai 1878. Elle a quatre ans quand elle contracte la poliomyélite. Si elle survit à la maladie, la fillette reste paralysée de la jambe gauche. Son infirmité ne l’empêche pas de développer une profonde piété et une vive dévotion à l’Eucharistie. Ce n’est que le début des malheurs.

De mauvaises affaires ruinent son père, l’obligeant à vendre la propriété familiale pour s’installer à Bordeaux. Mais sa reconversion professionnelle est un échec, et les Castang sombrent dans la misère. Deux frères de Germaine contractent la tuberculose et en meurent, au désespoir de leurs parents.

Malgré son lourd handicap, l’adolescente est très jolie. Le soir du 14 juillet 1893, son père l’emmène voir le feu d’artifice, mais, absorbé par une conversation, il ne s’occupe pas de sa fille : il ne s’aperçoit pas qu’un inconnu vient de l’aborder et de l’entraîner à l’écart, dans un coin sombre. En dépit de son innocence, Germaine comprend que cet homme lui veut du mal, et elle implore Notre Dame de la secourir. Alors que sa jambe paralysée l’empêche habituellement de courir, elle s’enfuit en courant pour échapper au prédateur sexuel, qui ne parvient pas à la rattraper. À la suite de cette mésaventure, dont les conséquences auraient pu être tragiques, Germaine et sa sœur sont accueillies par charité dans un établissement religieux d’éducation. Elle comprend que le couvent est la seule existence à laquelle elle aspire. Hélas, la mort de sa mère l’oblige à quitter cet asile et à rentrer chez elle pour s’occuper d’un de ses frères tuberculeux. Elle contractera la maladie à son chevet.

À la mort de son frère, en 1893, Germaine se présente chez les clarisses du couvent de l’Ave-Maria de Talence, mais on lui refuse l’entrée en raison de sa lourde infirmité, incompatible avec la dure vie des Pauvres Dames de Sainte-Claire. Elle tente sa chance ailleurs, sans succès. En 1895, elle rencontre une clarisse de Talence qui, devant la piété, le courage et les charismes de cette pauvre fille, parvient à convaincre l’abbesse de la recevoir en dépit de son handicap, affirmant : « Voilà une petite boiteuse qui marche joliment droit ! » Germaine prononce ses premiers vœux en novembre 1896 et prend le nom de sœur Marie-Céline de la Présentation.

Elle passe par de nombreuses épreuves, surtout des tentations contre l’espérance, éprouvant une peur terrible du jugement de Dieu, mais dépose tout au pied du crucifix. Les privations du cloître finissent d’altérer sa santé ; on diagnostique une tuberculose incurable, à laquelle elle succombe dans de grandes souffrances, généreusement offertes, le 23 mai 1897.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

Ses derniers mots sont : « Là-haut, je n’oublierai personne. » Elle ne tarde pas à le manifester par les grâces qu’elle dispense, dont les fameux parfums sont le signe visible. Marie-Céline de la Présentation a été béatifiée en 2007.


Aller plus loin :


En savoir plus :

  • Anonyme, Prodiges et faveurs attribués à l’intercession de la servante de Dieu Marie-Céline de la Présentation, vierge clarisse morte en odeur de sainteté au monastère de l’Ave-Maria.
  • Père Bernard Peyrous (préface de Mgr Jean-Pierre Ricard), La sainte de Bordeaux,Marie-Céline de la Présentation, Éditions de l’Emmanuel, 2007.
  • Gianni Califano, Bienheureuse Marie-Céline de la Présentation, Velar, 2009.
  • Poor Clares of Rockford Illinois, Blessed Marie-Céline of the Presentation, Parlux, 2005 (en anglais).
  • Père Étienne Goutagny, Dom Godefroid Bélorgey, un moine sous le regard de Dieu, Traditions monastiques, 2011.
  • La vidéo de Franck Monvoisin : Marie-Céline de la Présentation, la sainte de Nojals.
  • Le site de la cause de béatification.
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