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Des miracles étonnants
n°428

Venise (Italie)

1447

Les panini benedetti de saint Nicolas de Tolentino

En 1447, le feu prend dans une aile du Palazzo San Marco, le palais des Doges de Venise. Très vite, le sinistre devient incontrôlable, menaçant de se propager à toute la ville. Un désastre effroyable se profile lorsque, soudain, quelqu’un à l’idée de réclamer l’intercession de saint Nicolas de Tolentino, mort le 10 septembre 1305, récemment canonisé et réputé pour ses miracles. Curieusement, ces prodiges – on en a recensé plus de trois cents, attestés et étudiés, lors du procès de canonisation – sont presque toujours passés par le même vecteur, en apparence bien modeste : l’un de ces petits pains nommés, en Italie, panini. Justement, des pèlerins vénitiens en ont rapporté du couvent du saint, où ils sont traditionnellement pétris, bénis et distribués aux fidèles. Sans hésiter, un prêtre en prend un et le jette dans le brasier en invoquant l’aide de Nicolas. À la stupéfaction générale, l’incendie s’éteint comme une bougie que l’on souffle…

© Shutterstock/Claudio Giovanni Colombo
© Shutterstock/Claudio Giovanni Colombo

Les raisons d'y croire :

  • L’incendie de 1447 est attesté par les chroniques vénitiennes ; il en existe des gravures rappelant la gravité de l’événement, qui a fortement marqué les contemporains. Il ne s’agit pas d’une pieuse légende.
  • Pour immortaliser le miracle et rendre grâce à saint Nicolas de Tolentino, le doge – qui est alors Giovanni Mocenigo – fait représenter le miracle dans l’une des salles d’honneur du palais ducal. Il fait aussi élever une chapelle à Nicolas, qui deviendra l’un des protecteurs de Venise, et offre un tableau commémoratif à la basilique de Tolentino, où repose le religieux. Tout cela représente un énorme investissement financier qui n’aurait jamais été consenti sans motifs valables.
  • L’on connaît très bien l’origine des panini et leur utilisation, qui remontent à un miracle dont Nicolas a bénéficié au début des années 1280. Très malade, jugé mourant, s’abandonnant à la volonté divine et par esprit de pauvreté, Nicolas a refusé que l’on appelle un médecin à son chevet et il a préféré s’en remettre à l’aide de la Vierge Marie. Peu après, Notre Dame lui est apparue et lui a indiqué le remède infaillible à ses maux, et ceux des autres : se procurer un petit pain offert par charité, le tremper dans l’eau et le manger. Nicolas a trouvé la force d’aller mendier, a récupéré un petit pain, a suivi l’ordonnance mariale, et a guéri instantanément.
  • Il a ensuite appliqué d’innombrables fois le même remède à ceux qui venaient implorer auprès de lui leur guérison et il a opéré de la sorte, de son vivant et après sa mort, de très nombreux miracles. Les annales de la basilique de Tolentino font état de nombreuses grâces reçues à titre privé en usant des panini.
  • Leur usage s’est encore davantage popularisé avec les cérémonies de canonisation de 1446. La réaction du prêtre vénitien prouve d’ailleurs que leur pouvoir thaumaturgique est reconnu.
  • Les panini benedetti, les petits pains bénis, peuvent conjurer non seulement la maladie mais aussi les épidémies et les catastrophes naturelles. Il existe, outre l’incendie de Venise, deux autres événements miraculeux retentissants et publics obtenus en se servant avec foi des petits pains de saint Nicolas : l’arrêt immédiat, en jetant des panini bénis à la mer, d’une terrible tempête qui manqua couler toute la flotte génoise à peine sortie du port, et, en 1602, la fin soudaine de l’épidémie qui désolait Cordoue, en Espagne après la procession organisée en l’honneur de saint Nicolas de Tolentino, à l’issue de laquelle une distribution de panini fut organisée dans chaque foyer.

Synthèse :

Mariés depuis des années, Compagnone di Guarutti et son épouse Amata désespèrent d’avoir jamais d’enfant. Ils décident alors de quitter leur village de Sant Angelo in Pontano, dans la région de Macerata, afin de se rendre en pèlerinage sur le tombeau de saint Nicolas, à Bari. Pour ce couple modeste, un tel voyage représente beaucoup de peines et un gros sacrifice financier, mais les époux sont récompensés puisque, en 1245, Amata met au monde un fils baptisé Nicolas. Cet enfant se révèle tôt d’une étonnante piété puisque, à l’âge de sept ans (celui où l’Église le permet), il commence à jeûner et se mortifier, notamment en couchant par terre. Plus il grandira, plus ces pénitencesdeviendront nombreuses : c’est son moyen de préserver sa pureté et sa chasteté, puis de réparer pour les péchés de la chair commis par les autres.

Il a treize ans lorsque, après avoir entendu prêcher un chanoine du jeune ordre des Augustins, il se sent appelé à y entrer, ce qu’il fait. Pendant des années, avant et après son ordination sacerdotale, Nicolas est promené d’un couvent à l’autre car ses supérieurs jugent que la présence de ce jeune religieux exemplaire est un modèle à proposer à toute la congrégation. Sa charité intelligente et pratique, son immense humilité et sa parfaite observance de la règle lui valent une réputation de sainteté méritée. Ses frères affirment avoir assisté à des apparitions d’âmes du purgatoire venues réclamer ses prières et ses sacrifices afin de hâter leur délivrance, et avoir été témoins des attaques démoniaques dont Nicolas est régulièrement victime et qui sont de véritables passages à tabac. L’une d’entre elles lui brise l’épaule, le laissant handicapé pour le reste de ses jours.

En 1279, il est envoyé au couvent de Tolentino, où il passe les trente dernières années de sa vie, prêchant, catéchisant, confessant, ramenant par centaines les pécheurs à Dieu. À la suite de sa guérison miraculeuse (grâce au remède donné par la Vierge Marie), Nicolas attire les foules, qui voient en lui un thaumaturge et lui réclament les panini bénis réputés guérir et préserver.

Il meurt à Tolentino le 10 septembre 1305 ; son tombeau devient rapidement un lieu de pèlerinage. En 1407, il est, avec Augustin et Jean-Baptiste, l’un des trois saints qui apparaissent à sainte Rita pour la conforter dans son désir d’entrer chez les augustines de Cascia et qui la conduisent miraculeusement dans la clôture conventuelle dont on lui refusait l’accès. Pour l’en remercier, Rita fera, en 1446, le pèlerinage à Rome à l’occasion de la canonisation de Nicolas, premier saint de l’ordre des chanoines de saint Augustin.

Bien que les religieux de Tolentino, à la suite d’une profanation de son tombeau, aient choisi de cacher sa dépouille, retrouvée en 1926 à la suite d’une campagne de fouilles, jamais sa popularité ne décroîtra, de même que l’afflux de visiteurs venus demander des panini bénis à rapporter chez eux.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

  • Giovanni della Butta, Les Miracles de saint Nicolas de Tolentino, Éditions Vaticanes, 2011.

En savoir plus :

  • R.P. Antonin Tonna-Barthet, Vie de saint Nicolas de Tolentino, Éditions Saint-Rémi, 2011.
  • Bénédictines de Saint-Nicolas, Hagiographie de saint Nicolas de Tolentino, Éditions du Cénacle, 2012.
  • Augustines de Tolentino, Les Vies des saints Augustins, Éditions augustines, 2013.
  • John Hennig, Saint Nicholas bread, 1943.
  • Plusieurs pages consacrées à saint Nicolas sur le site du sanctuaire de Tolentino (en italien).
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