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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les docteurs
n°445

Empire romain

347 – 420

Saint Jérôme, traducteur et interprète des Saintes Écritures

Saint Jérôme est né à Stridon, ville située dans les Balkans, peut-être en 347. Moine ermite dans le désert de Chalcide, en Syrie, secrétaire du pape Damase, qui lui demande de traduire les Évangiles, puis moine cénobite en Terre sainte jusqu’au terme de sa vie, saint Jérôme est surtout connu pour ses traductions en latin des différents livres de la Bible : il s’attache pour ce faire à être le plus fidèle possible aux divers textes originaux grecs et hébreux, dont plusieurs sont aujourd’hui perdus. Il meurt le 30 septembre 419 ou 420.

Domenico Ghirlandaio, Saint Jérôme dans son étude, 1480, Chiesa di Ognissanti, Florence. / CC0, wikimedia.
Domenico Ghirlandaio, Saint Jérôme dans son étude, 1480, Chiesa di Ognissanti, Florence. / CC0, wikimedia.

Les raisons d'y croire :

  • Vers 367, Jérôme étudie le traité Des synodes, d’Athanase d’Alexandrie, dans lequel l’auteur défend l’identité de substance entre le Père et le Fils dans la Sainte Trinité, comme l’a enseigné le concile de Nicée en 325. Dans cet ouvrage, écrit en 359, Jérôme découvre le monachisme, mouvement volontaire par lequel on se met à l’écart du monde pour rechercher Dieu dans la solitude : monos, en grec, qui a donné « moine », signifie en effet « seul ». Jérôme décide de mettre en pratique ce qu'il lit ; il demeure quelques années à Aquilée dans une communauté de chrétiens, hommes lettrés et fervents qui vivent comme des moines autour de l’évêque Valérien. C’est la première période de la vie monastique de Jérôme : bien qu’il ressente un fort attrait pour la vie dans le monde, il veut suivre les conseils de vie héroïque (chasteté, pauvreté et obéissance) pour cheminer vers Dieu.
  • C’est le même désir qui le pousse ensuite à se retirer dans le désert de Chalcide, en Syrie. Dans une lettre, Jérôme écrit à son correspondant : « Ne te semble-t-il pas, déjà sur cette terre, habiter le royaume des Cieux lorsque tu vis au milieu de ces textes, lorsque tu les médites, lorsque tu ne connais et ne recherches rien d’autre ? »(Epistulae 53,10). On comprend que Jérôme veut être seul avec le Christ, qu’il poursuit dans les Saintes Écritures.

  • Dans ses commentaires de la Bible, saint Jérôme n’impose pas ses vues, même s’il les défend parfois ardemment. Mais c’est parce que les conclusions auxquelles il parvient sont le résultat des études très approfondies qu’il a menées, sans se laisser aveugler par des a priori ni négliger aucune explication possible. Dans ses commentaires, une fois rejetées les thèses erronées, il présente d’ailleurs souvent plusieurs interprétations possibles.
  • Le labeur qui lui a été nécessaire pour venir à bout des traductions de la Bible est considérable : l’objectivité avec laquelle il accomplit ses travaux de traduction l’oblige à rechercher puis à compulser tous les manuscrits grecs ou hébreux disponibles. Nul profit ne peut en être le fruit : il a renoncé aux biens d’ici-bas en devenant moine. C’est pour la seule gloire de Dieu qu’il mène à bien ces entreprises : il veut faire connaître et aimer Jésus-Christ en favorisant l’accès aux Saintes Écritures car, pour lui, « ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ » (Commentaire sur Isaïe, prologue).

  • D’autre part, saint Jérôme traduit et explique l’Écriture révélée en restant fidèle à la doctrine traditionnelle enseignée solennellement par les papes depuis saint Pierre : « La Bible a été écrite par le peuple de Dieu et pour le peuple de Dieu, sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Ce n’est que dans cette communion avec le peuple de Dieu que nous pouvons réellement entrer avec le "nous" au centre de la vérité que Dieu lui-même veut nous dire. Pour lui [Jérôme], une interprétation authentique de la Bible devait toujours être en harmonieuse concordance avec la foi de l’Église catholique. Il ne s’agit pas d’une exigence imposée à ce Livre de l’extérieur ; le Livre est précisément la voix du peuple de Dieu en pèlerinage et ce n’est que dans la foi de ce peuple que nous sommes, pour ainsi dire, dans la juste tonalité pour comprendre l’Écriture sainte » (Benoît XVI, audience générale du 14 novembre 2007). Jésus-Christ a fondé l’Église et la conduit vers lui : c’est pourquoi, selon sa propre promesse (Mt 16,18), il veille sur la rectitude de son enseignement. Saint Jérôme, en s’y soumettant, fait preuve autant d’intelligence que d’humilité.

  • En raison de ses nombreux écrits d’une orthodoxie remarquable, le pape Boniface VIII établit saint Jérôme docteur de l’Église, en même temps que saint Ambroise et saint Augustin. Sept siècles plus tard, en 1920, Benoît XV parlera de lui comme d’un « docteur éminent dans l’interprétation des Saintes Écritures » (Encyclique Spiritus Paraclitus).

Synthèse :

Jérôme est né à Stridon, bourg fortifié situé aux confins des provinces romaines de la Dalmatie et de la Pannonie (probablement dans la péninsule d’Istrie, en Italie, aux confins de l’actuelle Croatie septentrionale) et détruit par les envahisseurs goths du temps même de saint Jérôme. Sa famille est aisée et chrétienne. Jérôme, conformément aux usages de l’Antiquité chrétienne, est seulement inscrit au catéchuménat. Vers sa douzième année, ses parents l’envoient à Rome poursuivre ses études. Son ami Bonosus l’accompagne. Sous l’égide du grammairien Donat, il étudie la grammaire et l’astronomie, de même que la littérature, dans les œuvres de Virgile et de Cicéron. Parvenu à l’âge de seize ans, un rhéteur lui enseigne la rhétorique et la philosophie, ainsi que la langue grecque.

Jérôme, attiré par la réputation d’ascétisme des anachorètes d’Orient, se rend à Antioche, où il tombe malade. Il a probablement alors vingt-huit ans. En convalescence chez un ami, Jérôme, homme de lettres formé par la culture grecque et latine, décide de tourner le dos à la littérature profane, qui véhicule une manière de vivre et de pensée païenne. Il s’adonne à l’étude des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament et lit les œuvres de Tertullien, de saint Cyprien de Carthage et de saint Hilaire de Poitiers. Quelques femmes lui demandent de leur enseigner les voies spirituelles pour cheminer vers Dieu. Il accepte. Puis, pour satisfaire sa soif d’ascétisme et se soustraire à la mondanité de la grande ville, il part vivre en ermite dans le désert de la Thébaïde, c’est-à-dire celui de Chalcide, au sud d’Alep, en Syrie, peuplé alors par de nombreux moines ermites. Il perfectionne sa connaissance du grec et y apprend l’hébreu (cf. Ep. 125, 12). Ses premiers commentaires bibliques datent de cette époque. Il entame aussi une correspondance épistolaire, qu’il poursuivra jusqu’à sa mort, avec ceux dont il s’est éloigné en partant au désert, mais qu’il ne veut pas abandonner.

De retour à Antioche en 378 ou 379, il est ordonné prêtre par l’évêque Paulin. À Constantinople, il se met à l’école de saint Grégoire, l’évêque de Naziance, qui le guide dans son étude de l’Écriture sainte. Il découvre les écrits d’Origène, l’exégète alexandrin, et, à son exemple, cherche à commenter la Bible en comparant les traductions latines et grecques, et les versions grecque et hébraïque. Il traduit en latin la Chronique d’Eusèbe, évêque de Césarée, et la complète pour les années 325-379. Cet ouvrage d’historien servira de fondement de toutes les « chroniques universelles » successives de l’Occident médiéval.

À Rome, où il s’est rendu à la demande de Paulin pour servir d’interprète au concile de Rome de 382, convoqué pour mettre fin à la séparation d’une partie de l’Église d’Antioche, il est remarqué par le pape Damase. Averti de sa réputation d’ascète et de sa compétence d’érudit, le pape le prend à son service comme secrétaire et conseiller. C’est dans ce cadre qu’il lui demande d’entreprendre une nouvelle traduction, en latin, des quatre Évangiles, du Psautier et d’une grande partie de l’Ancien Testament, labeur que Jérôme accomplira essentiellement plus tard, à Bethléem. S’y adjoindront les traductions d’épîtres de saint Paul. Il tient compte pour ce faire des textes originaux hébreux et grecs, de la traduction grecque des Septante, de la version grecque classique de l’Ancien Testament antérieure à l’avènement du Christ, et des précédentes versions latines. Le fruit de ces immenses travaux « constitue ce qu’on appelle la Vulgate, le texte "officiel" de l’Église latine, qui a été reconnu comme tel par le concile de Trente et qui, après la récente révision, demeure le texte "officiel" de l’Église de langue latine » (Benoît XVI, Audience générale du 7 novembre 2007). Il traduit aussi à la demande du pape Les Commentaires sur le Cantique des cantiques, d’Origène, et le Traité sur le Saint-Esprit, de Didyme l’Aveugle, un théologien de l’École d’Alexandrie. Ce dernier travail sera achevé à Bethléem.

Un cercle de femmes patriciennes se forme à Rome autour de Jérôme, qui le choisissent comme guide spirituel : les veuves Paula et Marcella, les jeunes femmes Blaesilla et Eustochium, filles de Paula, et les nobles dames Asella et Lea en font partie ; Jérôme défend devant elles la virginité consacrée au Seigneur comme un juste et très saint état de vie (cf. Ep. 22), et leur enseigne aussi comment lire sans erreur et interpréter les livres révélés. Jérôme critique aussi les vices du clergé romain, bas comme haut clergé : sa cupidité et son attachement à des croyances et des rites issus du paganisme. Les inimitiés qu’il s’attire ainsi l’obligent à quitter Rome à la mort du pape Damase, le 11 décembre 384.

Avec quelques amis et fidèles, emportant de nombreuses copies de livres, Jérôme gagne Jérusalem. Paula et sa fille Eustochium le rejoignent peu après. Tous, avec l’évêque Paulin, qui s’est adjoint au groupe, visitent en pèlerins les lieux saints. Ils y rencontrent Rufin d’Aquilée et sainte Mélanie l’Ancienne, abbesse d’un monastère installé sur le mont des Oliviers. Toujours épris de vie ascétique et soucieux de visiter ceux qui la mettent en pratique à la suite du Christ, Jérôme se rend durant l’hiver 385-386 en Égypte. À Alexandrie, il écoute l’enseignement de Didyme l’Aveugle sur le prophète Osée, et recueille de sa bouche les souvenirs que ce dernier a gardés de saint Antoine le Grand.

L’année 386 voit la fondation du monastère de Bethléem. Là, entouré d’érudits épris comme lui de vie ascétique, aidé pécuniairement par la veuve Paula, il construit deux monastères : l’un pour les hommes, qu’il dirige lui-même, et l’autre pour les femmes, qu’il confie à la garde de Paula. Une hôtellerie à destination des pèlerins complète les édifices. Outre les travaux déjà évoqués de traduction et de commentaires des livres saints, rendus possibles grâce à la richesse de la bibliothèque de Césarée de Palestine, qui lui permet d’avoir accès aux travaux des théologiens alexandrins, saint Jérôme rend intelligible en latin les trente-neuf homélies d’Origène. Il met au point un onomasticon, dictionnaire des noms de personnes et de lieux cités en hébreu dans les livres saints. Il rédige le De viris illlustribus (Histoire des hommes illustres), qui fait connaître les personnages chrétiens remarquables par leur vie ou leurs travaux, démontrant ainsi l’importance de la littérature chrétienne. En 393, il publie un traité contre les thèses du moine Jovinien, qui soutenait que la vie de pénitence n’avait pas plus de valeur aux yeux de Dieu que la vie nonchalante, et que tous les péchés se valaient en importance. Jérôme défend dans ce nouvel ouvrage la supériorité de la virginité consacrée sur le mariage.

Les divergences que Rufin d’Aquilée et Jérôme entretiennent à l’égard d’Origène entraînent malheureusement une brouille entre les deux anciens amis. Jérôme échange une correspondance à partir de 404 avec saint Augustin d’Hippone. Au début de cette année-là, Paula meurt. Jérôme en demeure affecté. En 406, à la prière de l’évêque de Toulouse, Exupère, Jérôme dénonce la doctrine du prêtre Vigilance, qui refuse le culte des martyrs et le célibat offert à Dieu.

Le sac de Rome par les Wisigoths en 410 prive Jérôme de nombreux amis qu’il affectionnait particulièrement. Jérôme lutte alors contre un moine breton insulaire, Pélage, qui réduit le rôle de la grâce divine dans l’accomplissement des actes bons, estimant que l’on peut atteindre la sainteté, réalisée par la vie ascétique, par les seules forces humaines. La doctrine de Pélage, malgré les efforts de Jérôme, ne sera condamnée qu’en 416, au concile de Carthage. Lui-même sera chassé de Palestine en 418. Mais ses partisans, venus nombreux en Terre sainte après la prise de Rome, s’emparent alors du monastère de Jérôme et le mettent à sac. Ce dernier se réfugie dans une forteresse avoisinante. La mort de la vierge Eustochium, survenue peu après – elle avait reçu de Jérôme la direction du monastère à la suite de sa mère – brise Jérôme, qui meurt à son tour le 30 septembre 419. Sa dépouille, enterrée d’abord à Jérusalem (pour échapper aux déprédations des envahisseurs musulmans), est transportée à Sainte-Marie-Majeure, où l’on peut toujours vénérer ses restes.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Aller plus loin :

Anne Bernet, Saint Jérôme, Clovis, 2002.


En savoir plus :

  • Saint Jérôme :
    • – Préfaces aux livres de la Bible, Cerf, 2017, Sources chrétiennes no 592, 530 pages ;
    • – Commentaire sur saint Matthieu, I, Cerf, 1978, Sources chrétiennes no 242, 348 pages ;
    • – Commentaire sur saint Matthieu, II, Cerf, 1979, Sources chrétiennes no 259, 346 pages ;
    • – Homélies sur Marc, Cerf, 2005, Sources chrétiennes no 494, 232 pages ;
    • – Commentaire sur Jonas, Cerf, 1985, Sources chrétiennes no 323, 460 pages.
  • Benoît XV, Encyclique Spiritus Paraclitus, 1920.
  • Les deux audiences générales que Benoît XVI a consacrées à la vie et à l’œuvre de saint Jérôme : le 7 novembre 2007 et le 14 novembre 2007.
  • Le discours du pape François aux membres de la commission pontificale biblique, à la Salle des Papes, le 12 avril 2013, à propos du rôle, confié à l’Église par Jésus-Christ, d’interprète authentique des textes révélés.
  • Francis X. Murphy (ed.), A Monument to Saint Jerome: Essays on Some Aspects of His Life, Works and Influence, New York, Sheed & Ward, 1952.
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