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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les mystiques
n°286

Helfta (Allemagne, Saxe-Anhalt)

1256 – 1301 (ou 1302)

Sainte Gertrude de Helfta, touchée par la grâce divine

Gertrude, surnommée « la Grande », est l’une des plus célèbres mystiques de la fin du Moyen Âge. Née le 6 janvier 1256, sa famille la confie au monastère bénédictin de Helfta (Allemagne actuelle) alors qu’elle n’a encore que cinq ans. D’une intelligence vive et d’une curiosité insatiable, elle y reçoit une éducation religieuse et intellectuelle de premier plan grâce à deux formatrices, elles-mêmes reconnues saintes, Mechtilde et Gertrude de Hackeborn. Sa vie va prendre une orientation mystique en janvier 1281 lorsque, à vingt-six ans, une vision remarquable la fait pénétrer dans une communion exceptionnelle avec le Christ. Ses confesseurs lui demandent de mettre par écrit le contenu de ses expériences surnaturelles, ce qui aboutit à la rédaction d’une œuvre spirituelle hors norme, aujourd’hui encore considérée comme puissante. La vie de sainte Gertrude « nous montre que le cœur d’une vie heureuse, d’une vie véritable, est l’amitié avec Jésus » (pape Benoît XVI, le 6 octobre 2010).

Sainte Gertrude agenouillée avec la fleur de lys. / © CC BY-SA 4.0, Ralph Hammann.
Sainte Gertrude agenouillée avec la fleur de lys. / © CC BY-SA 4.0, Ralph Hammann.

Les raisons d'y croire :

  • Sur le plan psychologique, on ne connaît à Gertrude de Helfta aucune forme de trouble et personne n’a jamais identifié un quelconque penchant à la crédulité ou au délire.
  • De son vivant, les qualités de réflexion de Gertrude n’ont de secret pour personne. Elle appartient sans conteste à l’élite intellectuelle de son temps.
  • L’humilité de la sainte n’est ni feinte ni usurpée, mais réelle et permanente. Elle se considère pécheresse, petit instrument entre les mains de Dieu, sur le plan spirituel comme sur celui de la vie intellectuelle. À aucun moment la sainte ne désire être une religieuse particulière, hors norme. Elle manifeste simplement la volonté de ressembler à Jésus.
  • L’entourage de la sainte n’a pas fait preuve de crédulité ou de faiblesse envers elle : au contraire, beaucoup d’efforts sont faits pour établir la vérité quant à ses allégations, en lui tendant des pièges, en la soumettant à des interrogatoires sévères, en lui demandant de remplir les tâches les plus modestes dans son monastère, en l’humiliant de mille manières… Les réponses et l’attitude de Gertrude face à tout cela confirment sa sincérité.
  • Sa vie mystique n’est pas une fuite hors de la réalité, comme un « voyage » dans un monde imaginaire. Au contraire, chacune des visions de Jésus la ramène à ses manques d’amour, à ses carences humaines, et l’invite à progresser de manière très concrète, pour aimer davantage ou corriger son comportement à l’égard de telle ou telle religieuse.
  • Ses expériences mystiques s’inscrivent dans un cadre spirituel, ecclésial, liturgique et sacramentel fort : chacune d’elles fait écho à l’Évangile, à la vie de Jésus, à sa Passion, à sa mort et à sa Résurrection. Le déroulement, les enchaînements et l’information spirituelle des visions du Christ s'accordent merveilleusement avec la tradition biblique et l’enseignement de l’Église catholique. Chez Gertrude la Grande, mystique et théologie ne font qu’un.
  • Les fruits de ses expériences surnaturelles, parfaitement documentés, sont nombreux, variés et durables. Pour le moins, ils ne peuvent être la conséquence d’une quelconque entreprise humaine, comme, notamment, la rédaction de ses traités spirituels, dont le contenu ne peut être qu’inspiré par Dieu.
  • Ses dialogues avec Jésus s’échelonnent sur plusieurs années et évoluent progressivement vers une union toujours plus grande. Il n’y a nul retour en arrière et, à chaque visite du Christ, la sainte progresse dans la vie de la foi, devenant capable de parler des mystères de la révélation chrétienne à des auditoires composés de théologiens de haut rang.
  • Sept siècles avant que la communion fréquente devienne autorisée, sainte Gertrude développe une dévotion eucharistique exceptionnelle pour son époque. Elle voit la présence réelle de Jésus dans l’hostie consacrée et considère la communion comme le sommet de la vie chrétienne.
  • Gertrude est l’une des premières apôtres du Sacré Cœur, quatre siècles avant les révélations à sainte Marguerite-Marie Alacoque et sept cents ans avant la dévotion contemporaine qui a éclos, en particulier dans la France du XIXe siècle. Son immense dévotion au Sacré Cœur tire son origine de son amour pour les états de vie de Jésus, notamment son humanité, jusqu’à la Passion. En cela, Gertrude annonce et ouvre la voie à la spiritualité moderne.
  • Dès la mort de Gertrude, le 17 novembre 1301, les autorités ecclésiastiques ont tenu en grande estime ses écrits et son parcours religieux. Le pape Innocent XI a inscrit Gertrude dans le calendrier liturgique de l’Église catholique en 1677.

Synthèse :

Gertrude « la Grande » est née le 6 janvier 1256. Surnommée « Trutta » par les siens, elle est confiée dès sa cinquième année au monastère bénédictin de Helfta (Allemagne, Saxe).

À cette époque, le monastère de Helfta est dirigé par une femme exceptionnelle à tous niveaux, l’abbesseGertrude de Hackeborn († 1291), qu’il ne faut bien sûr pas confondre avec la sainte que nous évoquons. Sous son autorité, Trutta reçoit une formation intellectuelle des plus solides. Commentaires bibliques, liturgie, patristique, histoire de la spiritualité, lectures approfondies des œuvres de saint Bernard et de Guillaume de Saint-Thierry, de saint Augustin et de saint Thomas d’Aquin, la future sainte et ses sœurs en religion acquièrent une solide éducation, très loin des clichés faisant des mystiques des sots ou des incultes. De surcroît, la maîtresse des novices de Helfta n’est autre que la propre sœur de l’abbesse, la future sainte Mechtilde, qui dirige aussi les « écoles » du monastère : une femme remarquable enseignant à ses jeunes religieuses toutes les disciplines envisageables, du chant sacré à la calligraphie, de l’arithmétique à la grammaire. Quant à la théologie, Gertrude l’apprend aux côtés des dominicains de Halle, qui aident les religieuses dans leur formation. C’est dans ce cadre naturel que les dons naturels de Trutta s’épanouissent d’année en année. Dans une certaine mesure, la sainte appartient au monde des lettrés et à l’élite intellectuelle de son époque.

En 1286, une étape décisive est franchie dans sa vie spirituelle. Le Christ lui apparaît et l’invite à le suivre en mettant ses pas dans les siens, en regardant le monde avec ses yeux et en aimant chaque être avec son Cœur. Du reste, Gertrude va devenir peu à peu l’une des premières apôtres du Sacré Cœur de Jésus, quatre siècles avant sainte Marguerite-Marie Alacoque.

Deux ans plus tard, le 2 février 1288, le jour de la fête de la Purification, Gertrude tombe subitement malade et s’alite. Jésus se montre à elle et l’invite à mettre par écrit toutes les faveurs spirituelles qu’il lui accorde. À compter de ce moment, Gertrude devient un témoin privilégié des trésors du Sacré Cœur de Jésus, « l’arche très noble de votre divinité », selon la formule de Gertrude adressée au Christ. Ainsi, son Héraut de l’Amour divin dévoile-t-il des propos de Jésus époustouflants, recueillis minutieusement par Gertrude et ses confesseurs. Le Seigneur s’exprime en ces termes au sujet de ce livre qu’il veut avant tout son œuvre : « On y goûtera par avance quelque chose de la surabondance de mon amour divin. »

Jésus lui explique également pourquoi elle reçoit tant de grâces extraordinaires : « Si j’en agis ainsi, c’est que je t’ai établie pour être la lumière des nations, pour en éclairer un grand nombre, et il faut que, dans ton livre, chacun rencontre selon ses besoins divers ce qui convient pour le consoler et l’instruire. » Les autres ouvrages de Gertrude, Les Révélations et les Exercices spirituels, sont de purs joyaux spirituels. Mais ils ne rendent qu’imparfaitement compte de l’activité littéraire de la sainte, car beaucoup de ses écrits ne sont pas parvenus jusqu’à nous.

Après une brève période d’un mois où elle traverse une phase de ténèbres intérieures, Gertrude est gratifiée d’unevision incroyable le 27 janvier 1281, après l’office des complies. Elle voit devant elle un « jeune homme » âgé d’environ seize ans qui lui adresse ces paroles : « Pourquoi es-tu consumée par le chagrin ? Est-ce que tu n’as pas de conseiller pour te laisser abattre ainsi par la douleur ? » La sainte est subitement transportée au chœur de l’église abbatiale, où elle entend les mots suivants : « Salvabo te et liberabo te, noli timere » (« Je te sauverai, je te délivrerai, ne crains pas »). Puis elle voit l’apparition lui prendre la main droite en disant : « Tu as léché la terre avec mes ennemis et sucé parmi les épines quelques gouttes de miel. Reviens vers moi... » Mais, tout à coup, Gertrude voit surgir du sol une « haie hérissée d’épines », si grande qu’elle n’en peut voir la fin. Les végétaux sont si hauts qu’elle ne voit aucun moyen de rejoindre le mystérieux jeune homme. « Je restais donc hésitante, poursuit-elle, […] lorsque lui-même me saisit tout à coup et, me soulevant sans […] difficulté, me plaça à côté de lui. Je reconnus alors sur cette main […] les joyaux précieux des plaies sacrées […]. Dès cette heure, mon âme retrouva le calme et la sérénité… » À partir de ce jour, la communion de Gertrude avec le Seigneur se transforme en union d’amour, en particulier aux moments liturgiques importants : l’Avent et Noël, le Carême et Pâques, les fêtes de la Vierge...

À la fin de sa vie terrestre, Gertrude passe de longues semaines alitée. Jusqu’à la fin, elle a conscience de devoir progresser sur le chemin que le Christ a tracé pour elle. Jusqu’à son dernier souffle, elle lutte intérieurement contre ses défauts naturels, qu’elle connaît et consigne dans ses livres : un peu d’impatience, un peu de vanité, de ressentiment… Elle est l’une des premières saintes catholiques à avoir décrit son cheminement spirituel avec beaucoup de finesse psychologique. Surtout, elle s’attache à progresser dans la vie cloîtrée qui est la sienne, vivant les cérémonies liturgiques avec une force extraordinaire et pardonnant à ses sœurs avec l’assurance que Dieu veille sur son Église.

Avertie de sa mort prochaine, elle s’y prépare par des exercices spirituels qu’elle a elle-même composés et que son entourage nous a transmis. Elle rend son âme à Dieu le 17 novembre 1301 (ou 1302), en odeur de sainteté.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au-delà des raisons d'y croire :

Ce ne sont ni les multiples grâces extraordinaires ni les expériences ineffables qui disent en premier lieu la sainteté de Gertrude la Grande. Celles-ci s’inscrivent dans une vie chrétienne d’une richesse incomparable avec tout ce que cela signifie au quotidien : sacrements, lecture de la parole de Dieu, prière personnelle et communautaire, charité active envers ses sœurs en religion dans tous les aspects de la vie du monastère…


Aller plus loin :

Sœur Marie-Pascale, Initiation à sainte Gertrude, Paris, Le Cerf, collection « Épiphanie », 1995.


En savoir plus :

  • Œuvres spirituelles de sainte Gertrude, Paris, Le Cerf, collection « Sources chrétiennes », 1967-1986, 6 volumes.
  • Abbé Doyère, « Gertrude d’Helfta », dans Dictionnaire de spiritualité et de mystique, tome 6, Paris, Beauchesne, 1967, p. 331-339.
  • J. Lanczkowski, « Gertrude la Grande », dans Dictionnaire de la mystique, Turnhout, Brepols, 1993, p. 330-332.
  • Chantal Roosz, « Gertrude d’Helfta (sainte, dite « la Grande »), 1256 – 1302 », dans Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 315-316.
  • Sœur Marie-Béatrice Rétif, Le Héraut de l’amour divin, Paris, Le Cerf, 2013. Disponible en audio, en ligne.
  • Le podcast de Jean-Luc Moens pour la chaîne YouTube Prier Aujourd’hui : « Marcher avec les saints, Gertrude d’Helfta ».
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