L’huile merveilleuse coule à l’abbaye de Bonneval

Synthèse :

Nous avions tellement souhaité la recevoir en Aveyron ! Et elle est là, devant nous, dans sa petite robe noire, un bandeau retenant ses cheveux mi-longs, avec son sourire de Joconde. Un long périple – Paris, Lisieux, Lourdes, Fatima... – marque son visage et celui du père Élias, son père spirituel qui l’accompagnait. À peine installés au salon, restaurés et détendus, nous organisons leur séjour. Nous avons pris soin d’informer de leur séjour Mgr Bourrat, l’évêque de Rodez, ainsi que les prêtres du canton et la mère abbesse de Bonneval, qui souhaitaient les rencontrer tous les deux.

Le lendemain, en fin d’après-midi, nous prenons en voiture le chemin du monastère de Bonneval, où est organisée une soirée de prière. Il faut sortir de la vallée et suivre la route sinueuse à flanc de coteaux. À côté de moi, le père Élias prie. Myrna, sereine, regarde le paysage somptueux. Nous quittons la départementale pour nous enfoncer dans un étroit passage de feuillus très épais, jusqu’au fond de la gorge, et soudain la masse blanche du couvent apparaît.

Derrière la clôture, dans une salle voûtée, toute la communauté des sœurs cisterciennes nous attend. Les présentations faites, Myrna témoigne debout, dans un grand silence, et le père Élias et moi, cherchons les mots les plus justes et les plus nuancés pour traduire cet échange. Elle ne fuit pas la parole, concentrée, appliquée, inspirée. La communion avec celles qu’elle appelle tendrement « mes Sœurs » est si intense, si palpable, qu’à la fin, spontanément, chants et prières en arabe fusent sans qu’aucune d’elles ne manifeste le moindre étonnement, à la grande surprise du père Elias.

C’est alors que Myrna se penche vers moi : « Veux-tu leur traduire cela, je te prie : "Mes sœurs, je suis désolée, j’aurais tant souhaité aujourd’hui que vous receviez un signe, mais l’exsudation d’huile est une grâce, et vous êtes ici, par votre seule présence, une grâce qui se suffit à elle-même ; le Seigneur a dû juger inutile toute autre manifestation." »

Que de gratitude ai-je pu lire dans tous ces regards posés sur Myrna ? Cette jeune femme venue de Damas qui les comprend si bien et qu’elles accueillent dans leur cœur avec tant d’amour.

En sortant dans la cour, un groupe d’amis de la région nous attendait dehors près de la clôture, et d’autres dans la chapelle, une salle voûtée en belles pierres du Lot avec un autel dépouillé. Myrna, encore bouleversée, sans un mot, vient se placer devant, debout entre le père Élias et moi. Le père Gilhodes, de Saint-Côme, qui avait reçu dans son église la chorale « Chœur Joie de Damas », est là pour nous accueillir avec chaleur, ainsi qu’André Ternet et son épouse, venus spécialement de Sarlat, en Dordogne. Ils connaissent Myrna et sont même des familiers de « Soufanieh ». Le père Elias a autorisé que l’on filme l’entretien que nous allons avoir. Après un fidèle rappel des événements, ponctué de nombreuses questions auxquelles Myrna répond très clairement, monsieur Remise, directeur d’une maison de retraite à Rodez, se lève et lui demande : « Comment interprétez-vous personnellement le signe de l’huile qui exsude de l’image de la Vierge de Soufanieh et de vous-même, de vos mains, de votre visage, de votre cou et de vos yeux ? »

Myrna répond en arabe : « Dans l’Ancien Testament, l’huile était le symbole de l’onction royale et messianique. Pour les chrétiens, c’est le symbole de l’Esprit Saint. L’olivier est l’arbre de la paix, il donne l’huile, symbole de lumière, de nourriture, de force. » Le père Elias et moi traduisons alternativement. Après un silence, Myrna ajoute que « l’huile guérit aussi, en particulier les blessures qui viennent des divisions de l’Église ». À cet instant, le père Élias, qui s’était assis, se lève, mais un bref regard de Myrna l’arrête et, sans la toucher, il dit calmement : « L’huile coule des mains de Myrna. » C’est la stupeur jusqu’au fond de la salle où certains croient avoir mal compris ! Un bruissement de voix se fait entendre et l’assistance émue se met spontanément à rendre grâce au Seigneur, puis entonne un chant à la Vierge.

« Que ceux qui désirent être bénis s’avancent », dit le père doucement. Dans le plus grand silence, chacun s’avance et Myrna, recueillie, trace sur leur front une croix. On lui donne du coton avec lequel elle essuie l’excès d’huile qui coule le long de ses deux poignets. Elle offre ses mains ouvertes au père Gilhodes et aux prêtres qui sont dans l’assistance pour qu’ils se bénissent eux-mêmes. Jusqu’à la dernière goutte.

La mère abbesse l’attend au parloir, les yeux embués de larmes. Elle a ouvert la grille et serre Myrna dans ses bras : « Jean-Claude, dites à Myrna que je pressentais ce qui est arrivé à la chapelle avec tous vos amis. Nous nous réjouissons de ces grâces reçues ici à Bonneval. Je suis si heureuse ! Voulez-vous demander à Myrna de me signer, je vous prie ? » Myrna a compris et sans un mot, alors que ses mains sont sèches, ôte son anneau-dizainier, encore humide, pour bénir la mère abbesse et à travers elle toute sa chère communauté.

Je laisse la parole à mère Michèle, la mère abbesse, qui a tenu à me confier par écrit l’expérience qu’elle a vécue ce jour-là : « Je n’avais jamais rencontré Myrna. J’ai été vite frappée et conquise par sa très grande simplicité, sa joie de vivre : une jeune mère de famille très "normale", gaie et équilibrée, avec qui je me suis sentie très à l’aise tout de suite, malgré les difficultés de communication qu’aurait pu créer la différence de langue. Pendant les moments privés où nous n’avions pas d’interprètes, nous échangions tant bien que mal avec des signes, des mimiques et pas mal de rires. La rencontre que je souhaitais avec la communauté a commencé de la même manière, et le contraste avec le temps de prière n’en a été que plus net. On sentait là que Myrna était tout absorbée par une autre présence et sa gravité était impressionnante. De beaux chants en arabe et quelques phrases traduites que nous avons notées, en particulier sur l’importance de l’unité : "L’huile est pour la guérison de l’Église, car l’Église est blessée, et ses blessures ne peuvent être guéries que par l’unité de ses enfants."

Personnellement, je ne m’attendais pas tellement à une exsudation d’huile en présence de la communauté parce que, moniales, nous sommes appelées à une prière vécue le plus souvent dans une foi très dépouillée. Je trouvais plus important qu’il y ait un signe lors du temps de prière prévu tout de suite après, à la chapelle de l’hôtellerie, avec des amis de la région. Myrna m’a semblé un peu attristée qu’il n’y ait pas eu d’exsudation avec nous. Et puis il y a eu cette phrase qui, pour moi, a finalement dépassé ce que j’espérais : "L’exsudation d’huile est une grâce, mais votre présence est une grâce qui se suffit à elle-même."

L’exsudation a effectivement eu lieu, abondante, à la chapelle de l’hôtellerie. Notre sœur hôtelière était présente et Myrna a tenu à ce qu’elle soit la première à recevoir un coton imbibé pour nous le porter. Ce geste m’a bouleversée. C’est vrai que nous vivons une intercession pour le monde, de manière très obscure, et ce peut être, à certains moments, assez difficile à assumer. J’ai reçu là un signe : que non seulement notre vie de prière, mais aussi d’humble amour fraternel, avait du poids pour le monde, pour l’unité de l’humanité sauvée par le Christ… »

Voici un deuxième témoignage, provenant d’un laïc, André Ternet : « Myrna est une personne très réservée, humble, qui traverse des événements importants, en ayant l’air de les ignorer. Elle les frôle, laissant à ses pères spirituels le soin de les interpréter, de les noter, d’en témoigner. Cependant, elle en demeure le centre, le point de mire et la référence. Nous sommes allés tous ensemble au monastère [de Bonneval]. Rassemblées dans une vaste salle, les sœurs, pleines de délicatesse, avaient fait brancher des micros pour permettre aux religieuses malades, isolées dans leur chambre, de profiter des témoignages de Myrna. Jean-Claude et le père Zahlaoui traduisaient au fur et à mesure en ajoutant quelques commentaires. Aucun écoulement d’huile ne se produisit. Myrna déclara : "Mes sœurs, je suis désolée que rien ne se soit passé, vous n’avez pas besoin de signes, votre foi vous suffit !" Nous sommes ensuite redescendus vers la chapelle extérieure du monastère. Une cinquantaine de personnes nous attendaient et je me suis placé sur le côté, pour filmer, puis je suis venu presque en face de Myrna au moment où elle disait : "L’huile est pour la guérison des blessures de l’Église." Subitement, ses mains ont exsudé de l’huile et, en quelques secondes, elles étaient trempées.

 Le père Zahlaoui me fait signe de continuer à tout filmer pour la véracité des faits concernant Soufanieh. Je lui transmets un morceau de coton pour lui permettre de récolter l’huile en excès sur les mains de Myrna afin d’éviter qu’elle ne coule sur le sol. Il en distribue alors des petits morceaux aux personnes qui en expriment le désir. Puis Myrna applique ses deux mains sur la nappe de l’autel, qui en garde l’empreinte, avant d’interpréter très recueillie un chant d’action de grâces et de remerciements en l’honneur de Marie. Toutes les personnes présentes ont été bouleversées. »

Une moniale cistercienne, sœur Marie-Thérèse témoigne elle aussi : « En Myrna, j’ai retrouvé la foi profonde de mes enfants libanaises et syriennes, dont je me suis occupée, avant mon entrée à Bonneval : toute la piété indescriptible du peuple libanais. J’ai vibré à sa prière comme si je me retrouvais dans ce pays si attachant. J’ai aimé la simplicité de Myrna et surtout sa manière de répondre aux appels du Seigneur. À Bonneval, elle nous a confortées dans notre propre vocation contemplative au sein de l’Église, nous comparant à cette huile merveilleuse, apparue le soir, lorsqu’elle a prié dans notre petite chapelle de l’hôtellerie. Nous aurions tant aimé la voir couler aussi de ses mains, quand elle fut avec nous, au chapitre. De fait, l’huile n’a pas coulé en communauté parce que, a-t-elle précisé, "Vous avez tout ce qu’il faut pour votre foi." »

Au-delà des raisons d'y croire :

« Votre foi, c’est ma fête ; votre prière, c’est ma fête ; votre unité, c’est ma fête », a dit la Sainte Vierge à Myrna lors d'une apparition.

Aller plus loin :

Le livre du père Élias Zahlaoui, Soufanieh, Desclée De Brouwer, 1991.

En savoir plus :

• Les articles 1 000 raisons de croire qui présentent d’autres événements de la vie de Myrna Nazzour.
• Jean-Claude et Geneviève Antakli, Itinéraire de Myrna en France, Éditions du Parvis, 2017.
• Geneviève et Jean-Claude Antakli, Dieu existe. Ses merveilles étincellent sous nos yeux, Éditions du Parvis, 2020.