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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les mystiques
n°597

Naples (Italie)

1584 – 1670

Mère Maria Villani, épouse mystique de Jésus-Christ

Mère Maria Villani est une religieuse dominicaine puis prieure du monastère Saint-Jean-Baptiste, à Naples. Infirme mais désireuse d’une vie toujours plus ascétique, elle fonde un nouveau monastère. Devenue paralysée, alitée et percluse de douleurs, elle le transfère pourtant en un lieu plus adapté, où elle fait édifier un ensemble de bâtiments conventuels, et le gouverne jusqu’à son dernier souffle. Son amour pour Jésus-Christ et les faveurs spirituelles innombrables qu’elle reçoit de lui font d’elle une mystique célèbre. Elle meurt à quatre-vingt-six ans, le 26 mars 1670.

© Shutterstock/godongphoto
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Les raisons d'y croire :

  • La vie de mère Maria Villani est bien connue : le jour même de sa mort paraît, dans le Sagro diario domenicano, une notice la concernant. Une monographie plus complète la suivra (Breve compendio della vita della serva di Dio suor Maria Villani dell’Ordine de Predicatori), puis, en 1674 – soit quatre ans après sa mort –, une biographie abondante. Les contemporains de la religieuse, qui l’ont côtoyée assidûment ou qui l’ont simplement connue de loin, sont encore vivants : des erreurs, des faux témoignages ou des exagérations auraient été démasqués aussitôt. Au contraire, sans rencontrer de contradicteur, le livre est réédité de multiples fois (1676, 1683, 1693, 1717, 1778…).
  • L’auteur de ces ouvrages est Domenico Maria Marchese († 1692), régent des études au collège théologique Saint-Thomas-d’Aquin, à Naples. Il est célèbre pour sa science comme pour la connaissance de la vie des bienheureux et des saints de son ordre : il a rédigé des monographies de plusieurs figures remarquables. La probité intellectuelle que requièrent ses fonctions – concept qui n’est pas vain à l’époque chez de tels hommes ; lire leurs livres en convainc – plaide en faveur d’un récit exact.
  • Les sources sur lesquelles il s’appuie pour écrire la vie de Maria Villani incluent notamment le récit que la religieuse, sur l’ordre de son confesseur Giovanni Leonardo de Fusco da Lettere, fit de sa propre vie. Le regard objectif de ce dernier, dont les vertus héroïques seront connues plus tard, est le garant de l’authenticité des faits qui y sont rapportés. De plus, de très nombreux témoins s’en sont fait l’écho. Mais c’est surtout la vie de prière et de charité de mère Maria Villani qui les confirme : les actes ne mentent pas.
  • Béatrice Villani – car elle ne recevra le nom de Maria qu’à sa prise d’habit – doit faire preuve de force d’âme dès son plus jeune âge. C’est Dieu qui la lui fournit. Orpheline de mère à trois ans, elle entrevoit par une grâce spéciale la grandeur de l’amour divin. Elle prie souvent avec une concentration étonnante à un âge si tendre.
  • Elle tombe aussi gravement malade. C’est la Reine du Ciel qui lui rend subitement la santé, lui apparaissant accompagnée de sainte Catherine d’Alexandrie et de Dianora de Costanzo, la vertueuse mère de Béatrice.
  • Lorsque, encore enfant, une épidémie survient à Polla, qui a pour conséquence le manque de bras au travail de la terre, et par la suite un manque de vivre, Béatrice accompagne son père pour distribuer du pain à ceux qui n’ont plus rien. En passant par ses mains, les pains grossissent.
  • Enfant, Béatrice écrit ce serment : « Moi, Béatrice, je me donne tout entière à vous, ô mon Dieu, de sorte que je ne puisse plus jamais me séparer ni être séparée de vous » (Breve compendio, p. 115-116). Puis elle cache cet écrit sur l’autel. Se jugeant par humilité faible et misérable en toutes choses, elle tient ce don de soi-même à Dieu comme la source de toutes les grâces qu’elle reçoit.

  • À quatorze ans, au terme de son noviciat, elle décide de devenir l’épouse mystique de Jésus-Christ, et devient religieuse. Le Sauveur Jésus-Christ et saint Thomas d’Aquin lui apparaissent et la ceignent d’un cordon qui symbolise le don de la chasteté parfaite, récompense du don plénier d’elle-même et de son souci, par la pratique de la pénitence, d’orienter toujours les forces vives de sa sensibilité vers le Ciel.
  • La charité envers les autres, et surtout la charité envers Dieu, est le fil directeur de toute sa vie, au point que, alors qu’elle est devenue supérieure du couvent du Divin Amour, Jésus-Christ lui promet un jour d’exaucer infailliblement, pour ce qui touche aux grâces spirituelles, tous ceux qui les lui demanderont en se recommandant de la charité de mère Maria (ibid., p. 119). Il n’y a aucune raison pour que cette promesse soit caduque aujourd’hui.
  • Lorsqu’elle reçoit du Sauveur la consigne de fonder un nouveau monastère, où la règle serait mieux observée, les persécutions s’abattent sur elle, tant de nombreuses religieuses que des séculiers, extérieurs au couvent. On l’enferme dans une cellule du monastère, on la prive de son confesseur et on la diffame jusqu’à Rome, l’accusant d’être obstinée, orgueilleuse, rebelle et hypocrite. On lui enlève les dons qu’elle avait recueillis pour l’édification du nouveau monastère. Le démon s’acharne alors sur elle, la poussant par des ruses visibles au désespoir. Elle se sent même, comme le Christ au Jardin des Oliviers, abandonnée de son Seigneur. Elle espère pourtant – il s’agit de la vertu surnaturelle d’espérance, qui attend l’aide divine ici-bas et la joie du paradis après la mort –, contre tout espoir humain.
  • Les années qui suivent la fondation du monastère du Divin Amour sont émaillées pour mère Maria de souffrances physiques (surdité, infirmité, puis paralysie), qu’elle offre en union avec la croix de son Sauveur. C’est alors que Jésus-Christ lui accorde de ressentir les douleurs de sa Passion, particulièrement celles de la crucifixion. À la fin de sa vie, elle confessera à ce sujet à son directeur spirituel : « Mon Père, quelle grande grâce fut celle-là, que me fit le Seigneur ! J’en remercie toujours Dieu, et je me sens à son égard la plus obligée du monde » (ibid., p. 121).

  • Jésus-Christ s’invite parfois dans sa cellule et chante l’office divin avec elle – elle est alitée et ne peut se rendre au chœur. Il lui fait présent d’un anneau signifiant son mariage mystique, et lui donne lui-même la sainte communion. Ces anecdotes sont le résumé de l’esprit de sa vie entière.
  • Son cœur est une telle fournaise d’amour envers Jésus-Christ que, par une faveur spéciale de son Bien-Aimé, en 1618, une marque rouge, nettement visible, en forme de langue de feu, couvre sa peau à l’emplacement de son cœur. La blessure s’ouvre parfois jusqu’au cœur, comme elle la décrit dans son ouvrage De tribus divinis flammis (Des trois flammes divines).
  • À la mort de mère Maria, sa dépouille est d’abord exposée juste derrière la grille du chœur, et frappe tous ceux qui s’en approchent par l’odeur merveilleuse qui s’en dégage et l’aspect clair, frais et jeune qu’elle présente alors que les années de pénitence et de maladie avaient rendu la peau de son visage creuse, sèche et sombre.
  • Les chirurgiens Domenico Trifone et Francesco Pinto, qui ont extrait le cœur de la défunte, ont déclaré qu’il portait les traces d’une ancienne blessure – celle décrite précédemment.

Synthèse :

Née à Naples le 12 septembre 1584 de Giovanni, marquis de Polla, et de Dianora de Costanzo, appelée aussi Porzia, la future mère Maria Villani est la dernière d’une famille de huit fils et quatre filles. Elle est baptisée à l’église San Giorgio Maggiore, où elle reçoit le nom de Béatrice, « comme en présage de ce que cette enfant n’était née qu’en vue de la Patrie des bienheureux », remarque son biographe, le dominicain Domenico Marchese, en faisant allusion à l’héroïne de l’œuvre de Dante (Sagro Diario, p. 114).

Orpheline de mère à l’âge de trois ans, elle est confiée à une tertiaire franciscaine nommée sœur Marta, qui l’initie, dès son plus jeune âge, à une vie pieuse, aux pénitences et à l’exercice de la charité. Elle habite à Polla, le fief familial situé dans la région de Salerne. Laborieuse, elle travaille à la tapisserie et à la couture. Pour rester unie en esprit à Jésus-Christ et à sa sainte Mère, elle prend l’habitude de leur décerner un titre gracieux à chaque coup d’aiguille. Elle accompagnait ainsi les heures occupées aux tâches matérielles de litanies sans fin à la louange des habitants du Ciel. À neuf ans, elle jeûne trois fois par semaine pour la conversion des pécheurs et donne aux nécessiteux la nourriture dont elle se prive.

Adolescente, sous la direction du théatin Andrea Avellino (religieux de l’ordre fondé par Petro Carafa, évêque de Theate), qui sera béatifié trente ans plus tard, en 1624, Béatrice entre au monastère dominicain de San Giovanni Battista, à Capoue. Elle y reste élève pendant deux ans. Mais les religieuses jugent la maison de Capoue inadaptée, et toutes regagnent Naples. C’est près de la porte de Constantinople que les moniales trouvent un logement : elles acquièrent des jardins et des maisons en face du monastère dominicain déjà existant de La Sapienza. Béatrice, âgée de quatorze ans, achève son noviciat, contre le souhait de son père, qui avait d’autres projets pour elle. Première moniale du nouveau monastère, elle reçoit l’habit et le nom religieux de Marie le 4 octobre 1598 ; elle fait enfin sa profession solennelle le premier dimanche d’octobre 1600.

Son esprit ascétique est impressionnant : elle dort sur une planche nue, et la pitance qu’elle prend est si maigre que l’année est pour elle un carême permanent. Elle cultive aussi la vertu d’obéissance.

Le dominicain Giovanni Leonardo de Fusco da Lettere, dont les vertus héroïques seront connues après sa mort, survenue en 1621, est à cette époque son père spirituel. Sous sa direction, elle met par écrit les sentiments religieux fervents qui habitent son âme. Tout au long de sa vie, elle composera au moins onze volumes manuscrits, dont elle assure que la doctrine lui a été révélée par le Sauveur lui-même, la Vierge Marie, ou encore saint Augustin, saint Thomas d’Aquin et sainte Catherine d’Alexandrie, tous habitants du Ciel qu’elle révère avec dévotion. Ce sont notamment des commentaires bibliques et des traités théologiques, dont certains en latin : sur l’Eucharistie (Pancratium electorum), sur la Passion du Christ (Paradisus animae), sur l’amour divin (De tribus divinis flammis) ou sur la prière (Cella vinaria). Elle rédige aussi un journal (Il giornaliero) et, à partir de 1616, une autobiographie : Specchio del vero amore (Le Miroir de l’amour véritable). Les écrits, examinés par le cardinal archevêque Decio Carafa, ont ensuite été confiés à la garde des dominicains de la Congrégation de la Santé en 1636.

En 1612, à la suite de l’injonction qu’elle reçoit de Jésus-Christ, elle mûrit le projet de fonder un monastère plus observant des constitutions. Cette intention est partagée par certaines des religieuses, mais d’autres la désapprouvent, craignant que l’éloignement de sœur Villani et de ses consœurs ne prive le monastère des dons des puissants. Le démon lui apparaît de nombreuses fois, la maltraitant toujours : il la bat, la traîne dans les couloirs, et professe en sa présence – ce qui la chagrine par-dessus tout – mille jurons et blasphèmes.

À l’âge de trente-deux ans – nous sommes en 1616 – elle est élue supérieure. Elle, dont l’idéal était une vie ignorée de tous dans le silence et la pratique de l’humilité, et qui aurait préféré l’habit de sœur converse à celui de religieuse de chœur, est cependant contrainte de veiller au bien de toutes. Elle ne craint pas la charge de charité mais les honneurs qui enflent celle qui les reçoit. Aussi prie-t-elle afin qu’une épreuve lui soit envoyée qui vienne les contrebalancer : cette même année, déjà en mauvaise santé et souffrant de surdité, une paralysie la frappe, qui la suivra avec son cortège de douleurs jusqu’à la fin de sa vie. Elle demeure ainsi alitée pendant cinquante-quatre ans. Le Sauveur et la Vierge Marie viendront alors souvent, de manière visible, soulager ses douleurs, et les saints anges l’aider à accomplir ses tâches quotidiennes, car elle n’est pas déchargée du gouvernement de ses sœurs.

Le 17 avril 1638, elle quitte le monastère Saint-Jean-Baptiste avec quinze compagnes et, avec l’autorisation d’Urbain VIII et le soutien de nombreuses nobles dames napolitaines, elle fonde une nouvelle communauté monastique, dédiée au Divin Amour, dans une maison située dans le quartier de Mal Pertugio, au-delà de la porte du Saint-Esprit. La demeure est exiguë et ressemble à une prison. De plus, elle ne correspond pas aux règles canoniques de la clôture. Les conditions de vie y sont très précaires.

Pendant longtemps, mais sans succès, mère Maria Villani tente de déplacer la communauté. Ce n’est qu’en 1658, grâce à un legs, avec l’appui du nouvel archevêque et de l’épouse du vice-roi de Catalogne, Manuel de Zùniga y Fonseca, qu’elle réussit à racheter l’ancienne maison familiale pour adapter le grand bâtiment et faire construire un nouveau monastère du Divin Amour. Mère Maria jouit de l’estime des aristocrates comme des humbles, laissant à tous l’admiration de sa spiritualité éclairée, alliée au sens pratique d’une fondatrice.

Elle est reconnue pour le don de conseil par lequel elle éclaire ceux qui viennent lui confier leurs inquiétudes ou leurs doutes.

Au début du carême de l’année 1670, les douleurs de la blessure qu’elle a reçue au côté et qui remonte jusqu’au cœur deviennent très vives. Sachant qu’elle arrive au terme de ses jours terrestres, elle demande l’assistance du dominicain Tomaso Manso, son père spirituel, dont elle entend les paroles à ces ultimes moments, bien qu’elle ait perdu l’ouïe depuis longtemps. Puis elle console ses « filles », en pleurs autour d’elles, et leur promet de leur être plus utile là où elle va qu’elle ne le fut ici-bas. Après avoir dessiné sur elle un signe de croix, une lumière étonnante s’empare de son visage, puis envahit toute la cellule. Souriante, elle meurt. Nous sommes le 26 mars.

Peu après la mort de mère Maria Villani, le procès de béatification est introduit, avec deux étapes diocésaines (1671-1679 et 1680-1689), puis transmis à Rome, où une enquête supplémentaire est demandée pour retrouver, dans la ville de Naples, d’autres écrits de la religieuse (1676-1774). Le procès ne sera cependant pas poursuivi, peut-être en raison des difficultés rencontrées par les moniales du Divin Amour au cours des années suivantes et de la décennie d’occupation française.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Aller plus loin :

Domenico Maria Marchese, O.P., Sagro diario domenicano, vol. II (mesi di marzo e aprile), Napoli, 1670, p. 114-122. Disponible en ligne, en italien.


En savoir plus :

  • Giovanni Giuseppe Gironda di Canneto, I veri portenti del divino amore. Poema istorico in loda, e su la vita della ven. Madre Suor Maria Villani, Fondatrice dell’inclito Monastero di S. Maria del divino Amore di Napoli, Napoli, stamp. F. Mosca, 1730.
  • Giovanni Giuseppe Gironda di Canneto, Saggio delle vite delle sante e serve di Dio Ven. suor Maria Villani, Napoli, 1779.
  • Domenico Maria Marchese, O.P., Vita della Venerabile serva di Dio Suor Maria Villani, dell’ ordine di Predicatori, fondatrice del Monastero di Santa Maria del Divino Amore di Napoli, Napoli, 1778 (disponible en ligne, cette édition fut précédée, entre 1674 et 1778, de cinq autres éditions). Cette Vie fut célèbre : on en compte une traduction allemande, par Joseph Gruber, datée de 1709.
  • Domenico Maria Marchese, O.P., Breve compendio della vita della serva di Dio suor Maria Villani dell’Ordine de Predicatori, Napoli, 1670.
  • Dictionnaire de spiritualité, XVI, Paris, Beauchesne, 1994, col. 770-774.
  • H. Hills, « "The face is a mirror of the soul". Frontispieces and the production of sanctity in post-Tridentine Naples », dans Art and architecture in Naples, 1266-1713, Éditions C. Warr, J. Elliott, Chichester, 2010, p. 125-151.
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