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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les grands témoins de la foi
n°185

Pailly, Troyes et La Courneuve (France)

1853-1931

Le père Jean-Édouard Lamy, un « second curé d’Ars »

Prêtre français, Jean-Édouard Lamy, surnommé le « second curé d’Ars » (selon les mots du cardinal Léon Amette, archevêque de Paris), est un curé exemplaire et un mystique de premier plan, voyant régulier de Marie et des anges. Son apostolat auprès des plus pauvres, les « chiffonniers » de La Courneuve, est exemplaire en tous points. Les personnes qui l’ont côtoyé, en particulier ses paroissiens, témoignent qu’une énergie surnaturelle habite ce prêtre illuminé par la charité. Il rend son âme à Dieu le 1er décembre 1931.

Les raisons d'y croire :

  • La Vierge lui apparaît à des dates imprévues. On retient en particulier l’apparition du 9 septembre 1909, qui a lieu pendant qu’il célèbre la messe en présence de plusieurs autres personnes qui perçoivent le grand trouble dans lequel il est plongé. Cette apparition revêt une grande importance : c’est, depuis le Moyen Âge, l’une des seules fois où un dialogue entre la Mère de Dieu et Satan est rapporté.
  • Personne n’a décelé la moindre erreur théologique, doctrinale, morale ou liturgique dans le contenu de ses apparitions et des messages recueillis.
  • En 1932-1933, Mgr Moissonnier, vicaire général de Langres (France, Haute-Marne), rédige un texte critique sur les révélations du père Lamy, mais sans jamais contester l’immense piété du curé, et en admettant que celui-ci a reçu de la Vierge des « grâces de choix, peut-être parfois d’ordre extérieur, en tout cas certaines communications intimes… »

  • Par ailleurs, la guérison dont il bénéficie au sanctuaire de Notre-Dame de Gray, le 2 septembre 1882, est en tous points inexplicable : la grave pathologie de peau qu’il a contractée en dormant dans des draps souillés (il est alors sous les drapeaux) disparaît sans aucune aide thérapeutique ni chirurgicale.
  • Jean-Édouard Lamy est considéré comme un saint de son vivant, ce qui montre l’aura exceptionnelle qu’il dégage. Un jour qu’il déjeune chez des amis, la servante coupe discrètement une mèche de cheveux de leur invité qui, avec succès, est conservée précieusement dans une enveloppe sur laquelle il est écrit : « Mercredi de Pâques, le 7 avril 1926, Marie a coupé des cheveux du saint curé en nous servant à table… »

  • Ses anciens paroissiens se réunissent spontanément en association, et des groupes de prières s’organisent pour que la sainteté de leur curé soit reconnue canoniquement.
  • En effet, le père Lamy a été un curé particulièrement remarquable. L’administration des biens temporels et l’élévation des âmes des différentes paroisses qui lui ont été successivement confiées n’auraient évidemment pas été possibles si cet homme n’était pas parfaitement équilibré, stable et raisonnable.
  • Il faut aussi souligner son zèle pastoral surhumain : à titre d’exemple, à La Courneuve, en deux ans de temps, on passe de 100 à 400 communiants.

Synthèse :

Jean-Edouard Lamy naît au Pailly, à trente kilomètres au sud de Langres (France, Haute-Marne) le 22 juin 1853, au sein d’une famille d’artisans modestes : son père est maçon. Ses arrière-grands-parents avaient caché des prêtres réfractaires pendant la Révolution, et leurs souvenirs ont hanté l’imagination du jeune garçon. Globalement, il passe une enfance dans le dénuement matériel, mais dans l’amour de ses parents et de ses frères et sœurs. Il n’est pas un très bon écolier. Il préfère marcher dans la campagne et se rendre sur les marchés plutôt qu’étudier sur les bancs de l’école primaire de son village.

En revanche, c’est un garçon pieux que son entourage ne tarde pas à surnommer « l’enfant au chapelet ». Il assiste aux cérémonies et entend la messe avec joie. Il se retrouve un jour enfant de chœur – mission qu’il remplit à merveille. Dès son plus jeune âge, il a une grande dévotion pour la Vierge Marie, et il passe des nuits entières en prière devant la statue de Marie immaculée. Il a onze ans quand la Mère de Dieu lui apparaît la première fois,tandis qu’il est dans un champ, gardant les deux vaches de ses parents. Dès lors, rien n’interrompra son projet de devenir prêtre.

En 1875, il effectue son service militaire, qui dure alors trois ans et demi. On lui demande de s’occuper de la bibliothèque du « cercle militaire », puis, avec son aumônier, l’abbé Henri Nicole, il fonde la « Légion de Saint-Maurice », pour accompagner les jeunes soldats dans leur vie spirituelle. Il est élevé au grade de sergent, mais il sent au fond de lui que la carrière des armes n’est pas du tout sa voie. Des amis lui parlent d’un groupe religieux auquel ils appartiennent : les Oblats de Saint-François de Sales, à Troyes (France, Aube). Ils le convainquent de les rejoindre, ce qu’il accepte. C’est une étape décisive dans sa vie chrétienne.

En effet, il quitte sa famille le 1er septembre 1879, bien décidé à gagner sa vie honorablement et, surtout, à servir Jésus. Il est d’abord assistant à l’Œuvre de la jeunesse, sorte de patronage destiné à aider une jeunesse parfois très éloignée de l’Église et à vivre chrétiennement. Il a découvert le sens missionnaire de son existence.

Il étudie parallèlement au studium des Oblats, mais rencontre peu de succès aux examens : « J’étudiais quand je pouvais, et je n’étais guère libre que la nuit. J’avais eu une instruction à peine primaire. Et j’avais deux cours : un de théologie et un de latin », confiera-t-il plus tard. Son noviciat dure plus de deux ans et demi. À l’instar du curé d’Ars, le père Lamy n’a jamais montré de réel goût pour les livres.

Certains jours, il lui arrive même de se décourager. Mais, un soir de mars 1884, il entre dans la chapelle pour se recueillir un petit moment. Agenouillé sur un banc, saint Joseph lui apparaît, « debout sur le plancher, au premier pilier, à droite, à l’entrée […], lumineux par lui-même », précisera-t-il avec ses mots. Saint Joseph le fixe et lui dit quelques mots qui pénètrent l’esprit et le cœur du futur prêtre : « Soyez prêtre. Soyez un bon prêtre. Vous deviendrez un bon prêtre. » Celui-ci se demande d’abord s’il n’a pas été le jouet d’une illusion, et il fait le tour de la chapelle, cherchant partout un indice quelconque. « Tout était fermé ; comme ça, j’ai été sûr de ne pas être berné par une illusion », expliquera-t-il des années après. Comme toute véritable révélation privée, le message de saint Joseph s’est littéralement imprimé dans la mémoire et la volonté du jeune homme. Il a témoigné ultérieurement : « Sans l’intervention de saint Joseph, je ne serais pas devenu prêtre. »

Il reçoit les ordres mineurs le 21 mars 1885, puis, après avoir fait sa profession religieuse, puis suivi son cursus de philosophie et de théologie, il est ordonné prêtre le 12 décembre 1886. Aussitôt ordonné, les Oblats le nomment directeur de leur Œuvre. Il la réorganise et, rapidement, les fruits de son apostolat sont nombreux et variés auprès des adolescents : retour à la pratique religieuse, conversions, respect mutuel, etc. Le père Lamy, c’est le nouveau « curé des voyous », comme on l’appelle alors. Sa popularité grandit fortement, car il s’engage à fond pour la défense de ses jeunes, n’hésitant pas à prendre la défense de certains devant les tribunaux.

Dans le même temps, il mène une vie trépidante et, de surcroît, Dieu le gratifie de dons mystiques incroyables : visions, prophéties, connaissance, etc. Il use prématurément sa santé, dormant trop peu, mangeant mal. Ses supérieurs l’envoient alors à Guéret (France, Creuse) où ils veulent fonder une nouvelle Œuvre grâce au don d’une propriété. Le père Lamy, bien seul à cette époque dans une région qu’il ne connaît pas, est pourtant nommé vicaire de la paroisse de Guéret ! Là, il se dévoue sans compter pour les âmes et pour les corps de ses paroissiens, des pauvres et des jeunes en particulier.

En 1892, on l’envoie ensuite comme vicaire à Saint-Ouen (région parisienne). Il y crée des patronages permettant de réunir des jeunes venus d’horizons divers, et refonde en profondeur le catéchisme. Puis, il est nommé curé de paroisse dans le diocèse de Paris. Il cesse d’être oblat, tout en « restant de cœur attaché » à sa congrégation.

Le 14 septembre 1900, le père Lamy s’installe à La Courneuve (France, Seine-Saint-Denis). Il consacre sa paroisse au Cœur immaculé de Marie et fonde les confréries du Sacré-Cœur et du Cœur de Marie, déclarant à ses paroissiens, en majorité des ouvriers et des maraîchers qu’il appelle ses « chers biffins » : « Si Dieu dans sa colère, brisait le monde, Marie lui en rapporterait les morceaux. »

Son zèle pastoral est surhumain : seul prêtre pour une population de 23 000 habitants, sans relâche ni congé, jour et nuit, il porte la communion aux malades, visite les familles, baptise, confesse, administre le sacrement des malades, etc. Pour aider les plus démunis, il fonde le « Vestiaire de l’Enfant-Jésus », sorte de lieu d’entraide où l’on donne nourriture et vêtements. Le nombre des pratiquants quadruple en quelques années : on passe de 100 communiants en septembre 1900 à 400 deux ans plus tard. Quand la Première Guerre mondiale éclate, il confesse des milliers de soldats de passage à la gare de La Courneuve, assiste les mourants, inhume les défunts... « Pour Pâques, j’étais débordé, j’avais jusqu’à mille confessions pascales. Quelquefois, j’avais à confesser deux cents prêtres qui revenaient par fournées… »

Le jeudi 9 septembre 1909, en pèlerinage à Gray (France, Haute-Saône), la Vierge Marie lui apparaît tandis qu’il célèbre la messe. Il se souvient parfaitement du moment du phénomène, entre la fin du Gloria et le début de l’offertoire : « Mon attention fut subitement attirée par une grande lumière venant de la voûte, du côté de l’épître […]. Aussitôt, la lumière s’ouvrit, une femme assise dans la lumière apparut. Elle était vêtue d’une robe bleu foncé, la tête couverte d’un petit voile blanc. » Derrière Marie, il aperçoit un « personnage à la figure très austère, les cheveux fièrement relevés sur le front », qui le met mal à l’aise. La Mère de Dieu et cet être se rapprochent alors de l’autel. La main droite de Marie touche la chasuble du père Lamy, qui est à son tour enveloppé dans la lumière. Il constate que le personnage mystérieux est quelque peu en retrait de la lumière merveilleuse. Il le restera jusqu’au terme de la vision. La scène présente trois caractéristiques exceptionnelles :

  1. Marie est apparue avec le diable : non qu’elle soit venue en sa compagnie (elle commence par s’étonner de sa présence), mais Satan se montre légèrement en arrière d’elle, donnant à sa position physique un sens théologique.
  2. De plus, un dialogue s’instaure entre Marie et le démon, que le père Lamy perçoit. Il s’y dit des paroles d’une très haute valeur doctrinale comme cet échange : « Le démon s’adressant à la Sainte Vierge lui dit : "Vous êtes si parfaite que vous pouvez vous égaler à Dieu." La Sainte Vierge lui répond : "Je suis comme vous, une créature de Dieu, mais par un privilège spécial j’en suis devenue la Mère." »
  3. La Vierge demande au père de continuer sa messe, ce qu’il parvient à faire malgré l’émotion. Il se rend compte que la Vierge Marie suit très attentivement la liturgie : lors de la récitation du Credo, à l’Incarnatus est, elle incline la tête en signe de respect.

Le premier récit de cet événement date de 1910, soit à peine quelques mois après les faits. Le père Lamy en rédigera d’autres versions plus tard, en 1917, 1918, 1926… Jamais aucune de ces versions n’a présenté la moindre anomalie ou la plus petite contradiction.

Au cours de l’apparition, la Vierge lui demande de fonder un pèlerinage à Notre-Dame-des-Bois, près de Violot, en Haute-Marne, près de son village natal, « car, lui dit-elle, ils n’ont rien dans ces contrées ». De plus, elle lui montre la statue qu’il devra y mettre et la maison qui servira de chapelle. Elle lui demande enfin de fonder une congrégation religieuse. Chacun de ses vœux va être réalisé en très peu de temps, alors que rien ne semblait l’annoncer !

Peu après, le père Lamy apprend qu’une maison est en vente dans la région de Violot. Aidé des dons de ses paroissiens, il l’achète. En janvier 1913, il repère dans un magasin de Paris la statue entrevue lors de l’apparition. Le 20 avril 1914, la maison fraîchement acquise est bénie, devenant la chapelle de la future communauté. Le père Lamy y célèbre la première messe le 14 juin 1922.

Entre-temps, le curé des chiffonniers s’est lié d’amitié avec le couple Maritain, qui défendra tant sa mémoire. Leur ami commun, le comte Paul Biver, futur biographe de l’abbé, va l’aider à fonder la congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie, demandée par la Vierge. À soixante-dix-sept ans, il en devient le premier supérieur général.

Accueilli par Mgr Nègre (Tours), il s’installe avec quelques volontaires à Chambourg (France, Indre-et-Loire), en 1930. Les premiers mois sont difficiles : indiscipline, relations tendues, manque de piété, l’abbé Lamy est déçu – lui qui s’applique chaque jour à « mettre un peu d’amour de Dieu dans les âmes ». Finalement, il quitte Chambourg l’année suivante. La congrégation est au plus mal, mais le père reste serein, bien qu’affecté moralement : « Je suis en paix, mais ça ne m’empêche pas de souffrir. »

Il rend son âme à Dieu le 1er décembre 1931, lors d’une visite chez son ami le comte Biver, à Jouy-en-Josas.

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

Curé entièrement dévoué à ses paroissiens, ouvert aux intellectuels et aux courants artistiques de son temps, fondateur de pèlerinage et animateur de patronages en faveur des jeunes, auteur d’écrits spirituels, le père Lamy est un modèle de spiritualité et un monument d’humanité.


Aller plus loin :

Yves Chiron, Le Père Lamy. Un itinéraire mystique et missionnaire, Paris, Artège, 2021.


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