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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Corps conservés des saints
n°465

Mantoue (Italie, Lombardie)

1168 – 1249

Jean le Bon, l’ermite de Mantoue

D’abord débauché et incroyant, Jean (Giovanni Bono) erre à travers l’Italie en compagnie d’une bande de jeunes marginaux. Tombé gravement malade, il se convertit de façon inexplicable et quitte tout pour devenir ermite. Menant une existence ascétique et multipliant les miracles, il est rejoint par des disciples. Ensemble, ils fondent l’ordre des Ermites de Saint-Augustin, promis à un grand avenir dans toute l’Europe. Il meurt en odeur de sainteté et son corps est retrouvé parfaitement conservé à plusieurs reprises après sa mort, survenue le 23 octobre 1249.

© Shutterstock/KieferPix
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Les raisons d'y croire :

  • Il est difficile d’établir la nature de la pathologie dont souffre Jean, mais nous savons qu’elle fut d’une gravité extrême et qu’elle le mena au seuil de la mort sans possibilité de guérison médicale ou naturelle. C’est bien parce qu’il n’y a plus aucun espoir de survie que Jean fait un vœu : s’il est guéri, il se convertira et deviendra religieux. Dieu intervient aprèsla prière de Jean.
  • La conversion de Jean est brutale, définitive et très fructueuse. Les récits dont nous disposons à ce sujet sont fiables, puisque contemporains de l’ermite. Tous décrivent que la seule volonté de Jean ne peut rendre compte du bouleversement religieux, psychologique, moral et affectif opéré.
  • Des changements physiologiques sont également observés : son organisme acquiert en quelques jours des capacités inconnues jusque-là. Il dort seulement quelques instants chaque nuit et toujours dans un environnement difficile (agrypnie) : il n’a ni lit ni support pour poser la tête. Les jeûnes qu’il s’impose sont hors de portée de quiconque : trois carêmes par an, uniquement du pain, de l’eau et quelques fruits. Or, Jean ne souffre jamais d’un tel régime : ses forces physiques et intellectuelles restent intactes jusqu’à sa mort, à quatre-vingt-un ans – âge très avancé pour le milieu du XIIIe siècle, époque où l’espérance de vie ne dépasse guère trente-cinq ans.
  • Jean est illettré. En matière religieuse, il a appris par cœur le Notre Père, l’Ave Maria et quelques psaumes. Malgré cette carence abyssale, il lui arrive de résoudre des problèmes difficiles de droit canonique et d’expliquer à ses frères des points de théologie dogmatique et mystique sans aucun support ni préparation.
  • Dieu lui accorde le don des miracles, non pas avant qu’il décide de se convertir, mais après. Il guérit des frères moines souffrants, fait pousser des fruits sur un arbre brûlé, ressuscite un enfant qu’il ne connaît pas, à côté duquel il veille trois jours et trois nuits.
  • Il prophétise notamment que son corps deviendra un objet de dévotion après sa mort, ce qui s’est pleinement réalisé : on fait toucher sa tunique à des malades qui guérissent à ce simple contact. Sa dépouille est de plus en plus vénérée à mesure que passe le temps et que se produisent les miracles, aboutissant à une première approbation de culte en 1480 par le pape Sixte IV.
  • De 1238 à sa mort, il passe onze ans dans une solitude et un silence complets, loin de ses frères et du monde, malgré sa renommée grandissante qui fait déjà de lui un thaumaturge reconnu. Cette radicalité extraordinaire n’est pas un projet conçu par l’ermite de Mantoue, mais prend sa source dans une révélation surnaturelle qui lui est faite dans la prière.
  • Dix-huit mois après ses obsèques, le corps de Jean est retrouvé parfaitement intact, la peau fraîche et souple, sans rigidité cadavérique et sans détérioration organique. Quatre autres exhumations successives aboutissent au même résultat. La cinquième et dernière a lieu en 1798, en présence d’évêques, de prêtres, de médecins et de chirurgiens. Un procès-verbal est dressé : l’état de conservation est en tous points inexplicable par les lois naturelles.
  • Son procès de canonisation est ouvert en 1251, deux ans seulement après sa disparition, sur ordre du pape Innocent IV, le souverain pontife qui approuva l’ordre des Ermites de Saint-Augustin. L’Église catholique approuve le culte de Jean en 1673, par décision du pape Clément IX.
  • La réussite historique de l’ordre qu’il contribue à fonder avec quelques anachorètes de l’époque, l’ordre des Ermites de Saint-Augustin, prouve l’origine céleste de sa démarche. À partir du XIVe siècle, cet ordre connaît un essor dans la péninsule italienne, puis bien au-delà, et il compte aujourd’hui des couvents dans le monde entier.

Synthèse :

Jean (Giovanni Bono) vient au monde en 1168 à Mantoue (Italie, Lombardie), cité qu’il ne quittera qu’occasionnellement. Nous sommes d’une façon générale peu renseignés sur son enfance et sa jeunesse. Son père s’appelle Jean et sa mère Bonne. Il semble que le couple donne une solide éducation chrétienne à son fils, qui grandit dans un climat humain épanouissant.

Toutefois, lorsque son père meurt, Jean traverse une crise existentielle. Il a alors seize ans. Il quitte le foyer et parcourt l’Italie en compagnie de camarades peu recommandables. Certains sont carrément débauchés et hors-la-loi. Des mois durant, le futur bienheureux mène une existence sans attaches, passant de ville en ville, de taverne en taverne, dans un état de semi-vagabondage. Pour subsister, il s’improvise bouffon et obtient un certain succès auprès de nobles qui apprécient ses talents comiques. De son côté, sa mère prie ardemment pour que son fils lui revienne.

Mais, en 1206, Jean tombe gravement malade. On le rapatrie dans la maison familiale. Rien ne parvient à améliorer son état, ni les médecins ni les pleurs de Bonne. Sentant sa fin proche, Jean fait un jour le vœu que, si Dieu le guérit, il se convertira et deviendra religieux. Il guérit sur le champ. Personne ne comprend alors ce qui lui arrive : il est complètement retourné, sans cause naturelle possible. Le jeune bouffon désire se vouer exclusivement à Jésus.

Après avoir rompu avec ses anciens camarades, il se retire en Émilie-Romagne, dans un ermitage très isolé, loin des axes de circulation et de toutes les agglomérations. Là, il passe ses jours et ses nuits à prier et à demander pardonà Dieu pour ses erreurs et ses péchés. À l’instar des grands solitaires chrétiens, il subit des attaques diaboliques d’une violence inouïe, d’abord par la gourmandise, en étant tenté par des pâtisseries dont il raffole et par toutes sortes de mets délicats qu’il a dégustés avant sa conversion. Pour résister à la tentation, Jean a recours au stratagème suivant : il ramasse des feuilles de ronces amères et les mange crues. Il a des visions de monstres horribles ou d’une jeune femme qu’il avait aimée lorsqu’il était bouffon. Certains jours, le diable le frappe. Il porte les marques de ce combat sur son corps, comme le remarquent ceux qui l’approchent. Il se dit parfois prêt à abandonner son ermitage. Mais il résiste héroïquement dans la prière et l’abandon à la providence divine. Il mène un combat de haute lutte.

Au fil des mois, il devient un ermite parfait. Celles et ceux qui l’ont connu jadis, à commencer par sa propre mère, ont du mal à le reconnaître. Désormais, la joie illumine son visage. Il est transfiguré. Peu à peu, le bruit que Jean a été métamorphosé par Dieu parcourt la région de Mantoue. On vient l’interroger, lui demander conseils et prières. Certains veulent le rejoindre dans sa quête d’absolu. Lorsque les premiers quittent le monde profane à leur tour pour le rejoindre, Jean organise une communauté pour les recevoir. On se met à construire des cellules rudimentaires, puis une sorte d’oratoire. Le succès ne cessant de grandir, celui-ci se transforme en chapelle. Jean et ses disciples fondent ensemble l’ordre des Ermites de Saint-Augustin, groupement religieux qui va connaître un succès extraordinaire bien au-delà du Moyen Âge.

Sollicité de toutes parts, Jean accepte de prendre la direction de cet ordre. Mais les affaires de gouvernance et d’intendance le dépassent ; il ne désire qu’une chose : servir le Christ dans la prière et le renoncement à tout. Il démissionne bientôt de sa charge de prieur pour vivre encore plus retiré. Vient alors une période d’une ascèse incroyable. Il décide de faire trois carêmes dans l’année : avant Pâques, avant la Pentecôte et avant Noël.

Nous disposons d’informations certaines sur son jeûne de carême : le premier jour, cent grammes de pain, le deuxième jour, quatre tiges de persil, le troisième jour, sept fèves cuites… À la fin de sa vie, il se contente d’un seul pain pour tout le carême. Quand il est souffrant, il accepte de manger un œuf. Vêtu d’une tunique en paille en été comme en hiver, il dort la tête posée sur un tronc d’arbre ou sur une simple planche. Après sa mort, la tunique a guéri des malades par simple application.

Jean est illettré, tous les écrits à son sujet le spécifient. Dans le domaine religieux, il connaît par cœur quelques psaumes, le Pater et l’Ave Maria. Mais cela ne l’empêche pas de résoudre des problèmes épineux de droit canon et de discerner ce que doivent faire ses religieux en matière spirituelle et morale. Dieu lui accorde des grâces extraordinaires. Il tombe souvent en extase et le Ciel lui parle. Il a le don des miracles, de prophétie et de connaissance. Il exorcise plusieurs personnes avec un plein succès.

Un jour, un jeune frère lui annonce qu’il s’apprête à le quitter pour regagner la société. Jean se met sur son chemin, le prend par la main et le conduit près d’un grand feu. Là, le bienheureux saute dans les flammes devant le jeune frère, puis, s’étant promené pieds nus sur les charbons ardents, il lui rappelle les grâces que Dieu accorde à ceux qui se sont consacrés à lui. Enfin, pour parfaire sa démonstration, il prend une branche en train de brûler, et la plante dans le sol. Aussitôt, elle se met à reverdir, ses feuilles grandissent, et des fruits apparaissent.

En 1138, il se démet de sa charge de prieur pour vivre dans une solitude et un silence absolus. Il va passer onze ans loin de tous, jusqu’au jour de sa mort. Pourtant, il n’est pas oublié par ses contemporains. Au contraire, sa renommée de thaumaturge croît sans cesse. Enfin, un ange lui dit de retourner à Mantoue pour y mourir selon la volonté de Dieu. En route, il rencontre une femme dont le fils vient de décéder. Il passe trois jours et trois nuits près du corps de l’enfant. Celui-ci ressuscite.

Il atteint quatre-vingt-un ans lorsque Dieu le rappelle à lui, le 23 octobre 1249, dans l’ermitage de Santa Anna in Porto de Mantoue. Lorsqu’on lui avait demandé ce que son corps deviendrait après sa mort, il avait répondu que les gens le traiteraient avec beaucoup de respect. C’est exactement ce qui arrive. On exhume sa dépouille dix-huit mois après les funérailles. Celle-ci est parfaitement conservée, sans raison naturelle apparente. Jean est béatifié en 1480 par le pape Sixte IV. Son culte est approuvé une seconde fois par le pape Clément IX en 1672.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au-delà des raisons d'y croire :

Jean est le contemporain de saint François d’Assise. Comme lui, à sa manière, il démontre à la société italienne de son temps, investie dans le négoce, les échanges monétaires et les arts, ouverte aux conflits armés entre cités, que l’Évangile demeure la seule réponse authentique aux malheurs des hommes. L’ermite de Mantoue désire vivre les valeurs évangéliques sur le seul mode qui lui paraît vrai : la radicalité.


Aller plus loin :

Sur un calendrier des saints en ligne : « Le 23 octobre, saint Jean le Bon de Mantoue ».


En savoir plus :

  • Sur le site Internet Santi e Beati : « Beato Giovanni Bono Eremita e fondatore », en italien.
  • Mario Mattei, Le Procès de canonisation de Fra Giovanni Bono, fondateur de l’Ordre des Ermites (1251-1254), Institutum Historicum Augustinianum, 2002.
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