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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les grands témoins de la foi
n°517

Auxerre (France)

1883 – 1967

Ce qui a fait persévérer Marie Noël dans la foi

Marie Rouget (1883-1967), poétesse sous le nom de plume de Marie Noël, avait tout pour perdre la foi. Son éducation religieuse, d’abord, lui avait donné de Dieu l’image d’un juge terrible, plus digne de crainte que d’amour. Puis les souffrances n’ont pas manqué dans sa vie personnelle : mort de son frère, chagrin d’amour et célibat subi, dépression nerveuse... Enfin, sa vie de foi a été traversée par l’épreuve du doute et de la nuit. Et pourtant, elle a toujours persévéré, car deux grandes raisons de croire pesaient pour elle plus que toutes les raisons contraires : la croix et l’eucharistie. Sur la croix et dans l’eucharistie, le Christ rend l’amour et le don de soi plus forts que la mort, apportant ainsi une réponse pratique, en actes, à l’énigme du mal. Marie Noël meurt apaisée la veille de Noël 1967. Cinquante ans après sa mort, l’Église ouvre son procès en béatification.

© Unsplash/Dev Benjamin
© Unsplash/Dev Benjamin

Les raisons d'y croire :

  • Marie Noël est une femme ordinaire, qui a connu le doute et même le sentiment d’avoir perdu la foi. Elle nous rappelle que la foi n’est pas réservée au petit nombre de ceux pour qui elle est une évidence, mais que tous, quels que soient leurs doutes et leurs combats, peuvent y avoir part.
  • Marie Noël est une femme libre, qui fréquentait et estimait aussi bien des athées que des croyants, notamment dans le milieu littéraire, même quand cela choquait la bourgeoisie pieuse d’Auxerre. Elle aurait tout à fait pu décider d’abandonner la religion, mais c’est en toute liberté qu’elle y a persévéré.
  • Marie Noël est une femme lucide, qui n’était pas dupe des défauts et de l’étroitesse d’esprit de beaucoup de catholiques de son temps, notamment dans le clergé. Elle a su reconnaître, derrière ces serviteurs imparfaits, la beauté et la vérité du mystère de l’Église.

Synthèse :

Marie Rouget naît à Auxerre en 1883. Dans l’éducation religieuse qu’elle reçoit, on lui présente un visage très peu aimable de Dieu. En cette fin de XIXe siècle, en effet, le catholicisme français est profondément imprégné par la spiritualité dite « janséniste » (du nom d’un évêque du XVIIe siècle), qui insiste à outrance sur la dénonciation du péché et la crainte d’offenser Dieu : ce n’est plus l’amour de Dieu qui est le moteur principal de la vie religieuse, mais la peur de mal faire. Elle témoigne : « Dans ce vieil Auxerre janséniste […], tout respirait la crainte de Dieu. Et la voie du salut n’en menait pas large. Pas un sermon de curé, pas un conseil de grand’mère, pas un livre d’école ou de récréation, pas un cantique, pas une image qui ne fût plus ou moins frappé d’interdictions, de menaces, de châtiments » (propos rapporté par son biographe, Raymond Escholier, dans La Neige qui brûle, p. 107). C’est au point que Marie développe ce qu’elle appelle un véritable « effroi de Dieu » (p. 252), qui peut aller très loin, jusqu’à se demander si le simple fait d’avoir ri en lisant un livre amusant ne serait pas un manque de sérieux, et donc un péché !

En outre, la vie de Marie est également marquée par les souffrances, dont la principale est le deuil de Noël 1904 : ce jour-là, elle retrouve son petit frère Eugène, alors âgé de douze ans, mort dans son lit. Peu de jours après, un autre chagrin vient aggraver sa peine, puisque le jeune homme qu’elle aimait quitte définitivement la ville – elle restera toute sa vie célibataire sans l’avoir choisi. C’est en mémoire de ce Noël funeste que Marie Rouget adopte le nom de plume de Marie « Noël ». Plus tard, c’est dans sa propre santé psychique qu’elle est éprouvée : en 1920, une dépression nerveuse la mène en maison de soin pendant plusieurs semaines. Mais c’est la mort qui demeure toujours pour elle la plus grande occasion de colère contre Dieu. Dans l’un de ses plus beaux poèmes, Office pour l’enfant mort, elle a ce cri terrible :

« C’est votre droit de Tout-Puissant
De m’ôter la chair et le sang ;
[…]
Votre droit, ô Vous le plus fort,
De condamner nos fils à mort.
Vous êtes Dieu, Vous êtes grand,
Celui qui peut, Celui qui prend.
Vous êtes Dieu, Vous êtes bon…
Vous l’êtes… mais mon sang dit non !
 »

Avec tout cela, on peut comprendre que Marie Noël soit profondément éprouvée dans sa foi. À plusieurs reprises, elle perd complètement le sentiment de l’existence de Dieu. Dans ses Notes intimes, elle témoigne ainsi d’une première crise traversée en 1913 : « Dieu s’écroula en moi comme un édifice de nuages. Dieu écroulé. Toute lumière renversée. Mort de tout. Mort de moi-même qui étais Dieu au plus profond de moi-même. Deuil sans espoir. Perdition éternelle » (p. 102). Certains jours, elle en vient à penser qu’elle a tout à fait perdu la foi. Dans une prière paradoxale, elle écrit : « Mon Dieu, je ne vous aime pas, je ne le désire même pas, je m’ennuie avec vous. Peut-être même que je ne crois pas en vous […]. Si vous avez envie que je croie en vous, apportez-moi la foi » (Notes intimes, p. 41).

Et pourtant, Marie Noël persévère dans la foi tout au long de sa vie, fidèle à la messe à laquelle elle assiste tous les jours. Pourquoi cette persévérance héroïque, alors que tout pouvait la conduire à abandonner ? C’est qu’il y a pour Marie Noël deux grandes raisons de croire qui surpassent toutes les raisons contraires : la croix et l’eucharistie. En contemplant le Christ en Croix, elle se souvient que, dans l’énigme de la souffrance, Dieu lui-même s’est mis du côté de ceux qui souffrent. C’est donc dans la figure du Christ que se trouve le chemin de la connaissance de Dieu. Elle l’exprime admirablement dans un de ses poèmes (« Ténèbres », publié dans sa Correspondance) :

« Mon Christ !
Mon Dieu !
Pareil au voleur sur la croix,
Contre toute évidence, ô Fils de Dieu, je crois !
Contre toute évidence, ô Fils de Dieu, j’espère !
Je te suis où tu vas. Mène-moi chez ton Père.
 »

Le Christ est un témoin digne de foi parce qu’il a donné sa vie sur la Croix et qu’il continue à donner sa vie dans le sacrement de l’Eucharistie, révélant en actes que le don de soi est la seule réponse possible au mystère du mal. Ainsi, l’Eucharistie, si elle est elle-même un mystère à croire, devient à son tour une raison de croire, comme une évidence. Elle écrit : « L’Eucharistie ? Je doute de tout et je crois à cela » (lettre du 18 février 1921 à l’abbé Mugnier).

Ce combat de la foi, Marie Noël le mène dans le secret, ne s’en ouvrant qu’à son directeur spirituel. Pour les Auxerrois, elle est « Mademoiselle Rouget », vieille fille dévote ; pour ses lecteurs, elle est la poétesse Marie Noël, la femme de lettres. Il faut attendre 1950 pour que, cédant aux encouragements de son directeur spirituel, elle publie ses Notes intimes, révélant au grand public la profondeur de cette vie intérieure tourmentée. Et, en 2017, cinquante ans après sa mort, prenant acte de la fécondité de sa vie et de ses écrits pour tant d’âmes en recherche, l’Église a entamé la procédure en vue de sa béatification.

Tristan Rivière


Au-delà des raisons d'y croire :

Louis Aragon, le grand poète communiste athée, avait beaucoup d’estime pour Marie Noël, dont il se disait un « fidèle admirateur » (cf. cet article de L’Yonne républicaine), et il avait notamment accepté de la publier dans son journal, Les Lettres françaises, alors même que plusieurs journaux catholiques l’avaient refusée.


Aller plus loin :

Marie Noël, Notes intimes. Suivies de souvenirs sur l’abbé Bremond, Paris, Stock, 1959.


En savoir plus :

  • Marie Noël et Arthur Mugnier, J’ai bien souvent de la peine avec Dieu. Correspondance, établie et présentée par Xavier Galmiche. Suivie d’un inédit de Marie Noël « Ténèbres », Paris, Éditions du Cerf, 2017.
  • Raymond Escholier, Marie Noël. La Neige qui brûle, Paris, Association Marie Noël ; Auxerre, Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 2010.
  • Un court reportage vidéo de 1959 sur Marie Noël, à regarder sur le site de l’INA.
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