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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Des miracles étonnants
n°390

Madrid (Espagne) et Ravello (Italie)

Époque contemporaine

Le miracle toujours recommencé du sang de saint Pantaléon

« Mégalomartyr » – très grand martyr, comme on dit en Orient pour parler des plus célèbres confesseurs de la foi –, le jeune médecin Pantaléon fut supplicié à Nicomédie en 305. Conformément à la coutume, les fidèles qui rachetèrent sa dépouille afin de l’inhumer prirent soin de recueillir dans une fiole en verre le sang échappé de ses blessures, afin d’attester qu’il l’avait versé pour le Christ. D’abord conservée à Constantinople, cette relique fut déposée au XVe siècle dans la cathédrale de Ravello, sur la côte amalfitaine, non loin de Salerne. En 1616, l’évêque de l’époquefit prélever quelques gouttes de ce sang en cadeau pour le roi d’Espagne Philippe III, lequel confia le flacon aux religieuses du monastère madrilène de l’Incarnation, qu’il venait de fonder. Depuis, chaque année, le 27 juillet, fête de saint Pantaléon, les foules accourues sont témoins, à la seconde près, à Ravello et Madrid, du même phénomène de liquéfaction du sang coagulé.

Mosaïque de saint Pantaléon. / © Shutterstock, alexsol.
Mosaïque de saint Pantaléon. / © Shutterstock, alexsol.

Les raisons d'y croire :

  • Il y a longtemps que l’Église, méfiante, profitant des progrès de la science, a fait procéder à des analyses. Si le sang de saint Pantaléon fait toujours l’objet d’une ostension, chaque 27 juillet, et reste, à Ravello, exposé toute l’année à la vénération des pèlerins, c’est qu’aucune fraude n’a été décelée, pas plus qu’à Madrid. Les analyses hématologiques et génétiques ont apporté la preuve irréfutable que l’ampoule contient du sang humain de sexe masculin. Pour le reste, le phénomène demeure à l’heure actuelle inexpliqué par la médecine.
  • En temps ordinaire, ce sang se présente sous la forme d’une petite masse concave de couleur brunâtre aux reflets blanc jaunâtre. À chaque ostension, commencée aux premières vêpres de la fête du martyr, c’est-à-dire en fin d’après-midi le 26 juillet, comme en d’autres occasions pour la relique italienne, il se liquéfie en quelques heures, prend une teinte rubis, celle du sang frais, ainsi que sa consistance. Si, à Madrid, le sang se borne à redevenir liquide, à Ravello il se met à bouillonner, et pulse comme s’il irriguait encore un cœur vivant. La liquéfaction dure jusqu’aux vêpres du lendemain soir, où le sang coagule à nouveau.
  • Il arrive que la coagulation ne se fasse pas, ou mal. Cela s’est produit en juillet 1914 et en 1939 : on y a vu l’annonce de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale.
  • Les premiers écrits documentant le miracle datent de 1057, époque à laquelle il est observé chaque 27 juillet dans la basilique Sainte-Sophie, à Constantinople.
  • L’on ne sait pas exactement en quelles circonstances la relique a quitté la capitale byzantine pour se retrouver dans le trésor de la cathédrale de Ravello, au XVe siècle, mais les échanges commerciaux étaient intenses entre Constantinople et les Amalfitains. Il se peut qu’elle ait été vendue pour faire face aux dépenses de la guerre contre les Turcs, qui s’empareront de la ville en mai 1453, ou mise à l’abri avant leur victoire et la profanation de Sainte-Sophie, transformée en mosquée. En tout cas, personne ne remet en cause l’identification de la relique : il s’agit bien du sang de Pantaléon. D’ailleurs, le miracle de la liquéfaction se poursuit avec la même régularité en Italie.
  • Il en va de même à partir de 1616, quand les quelques gouttes prélevées à Ravello sont déposées dans le trésor du monastère de l’Incarnation, à Madrid. La cérémonie attire chaque année des milliers de fidèles, dont des membres de la famille royale d’Espagne : leur présence est un gage supplémentaire de la réalité du phénomène, que la monarchie ne cautionnerait pas s’il existait un doute.
  • Il est désormais possible de vérifier que le miracle se produit au même moment en Espagne et en Italie.
  • À Ravello, le phénomène est attesté parfois à une autre date que le 27 juillet, en général quand le saint médecin décide de guérir l’un de ses fidèles. En pareil cas, sans que rien le laisse prévoir, l’ampoule placée sur l’autel se met spontanément à bouillonner et se liquéfier sans que personne y ait touché, ce qui écarte l’hypothèse parfois avancée d’une réaction chimique provoquée par le fait de la bouger. Le dernier phénomène de liquéfaction spontanée s’est produit en mars 2020, au début de l’épidémie de Covid-19 ; la population de Ravello y a vu la preuve d’une protection spéciale de son saint patron.
  • À la fin du XIXe siècle, sous le pontificat de Léon XIII, le cardinal Bartolini, qui ne prête absolument pas foi au phénomène, hésitant entre manipulation du clergé local et hallucination collective, se rend à Ravello sans prévenir. Il assiste alors, stupéfait, et hors ostension, au miracle qu’il niait et dont il devient aussitôt un ardent défenseur.
  • Certains journalistes avancent régulièrement l’hypothèse d’un phénomène lié à la chaleur estivale et reprochent au clergé « de ne pas savoir utiliser thermomètre ou baromètre », supposant que la liquéfaction se produirait à une certaine température et sous certaines conditions d’hygrométrie. La concomitance de l’événement en Italie et en Espagne, son renouvellement ponctuel en d’autres saisons et d’autres conditions météorologiques rendent absurde cette hypothèse.

  • La mise en scène n’est pas crédible non plus puisque, l’an dernier, le 27 juillet 2023, le miracle a commencé avec trois jours d’avance sur la date officielle et en l’absence de la foule habituelle des fidèles.

Synthèse :

Surchargée de détails fantaisistes et de miracles improbables, la passion de saint Pantaléon est difficilement exploitable pour l’historien. On ne peut cependant mettre en doute l’existence de ce martyr, très tôt vénéré en Orient, célébré par les Pères grecs de l’Église, et dont les reliques dispersées aux quatre coins de la chrétienté attestent la popularité, tout comme son inscription au nombre des saints auxiliaires, les « secourables » chers à nos aïeux du Moyen Âge.

Pantaléon, prénom de baptême signifiant « très miséricordieux », est né vers 275 à Nicomédie, capitale impériale de l’Orient. Son père est sans doute l’un des médecins de la Cour. Pantaléon poursuit des études de médecine et s’impose dans ce milieu curial où bouillonnent ambitions, haines, jalousies et rivalités féroces.

Arrivé au pouvoir en 284, Dioclétien a d’abord ménagé le christianisme, puissant en Orient, et s’est même entouré de dignitaires chrétiens, mais, en ce tout début du IVe siècle, cette bienveillance n’est plus de mise. L’empereur, vieillissant, en mauvaise santé, craint que son indulgence à l’égard des fidèles du Christ lui aliène son dieu favori, Sol Invictus (« Soleil invaincu »). Et puis, il y a son gendre et futur successeur à la tête de l’empire d’Orient, Galère, un ambitieux qui hait les chrétiens et pousse le vieil empereur à se débarrasser d’eux… La protection impériale ne sera bientôt plus qu’un souvenir et Pantaléon, en bon carriériste, le comprend, s’affichant, bien que sa mère soit chrétienne, soutien indéfectible du paganisme. La réussite mondaine est à ce prix. Pourtant, quand, en février 303, paraissent les édits interdisant l’exercice du culte catholique, fermant les églises, confisquant livres saints et archives des communautés, privant les chrétiens de tous leurs droits avant de les envoyer à la mort, Pantaléon, bouleversé par l’horreur de la persécution et le courage des martyrs, demande le baptême. Dès lors, l’arriviste change, passe plus de temps dans les taudis à soigner gratuitement les pauvres qu’à se faire voir dans les couloirs du palais. Des confrères jaloux découvrent sa conversion et le dénoncent à Galère. Ce faisant, ils savent le vouer à une mort horrible. Pantaléon reçoit la palme du martyre le 27 juillet 305.

À la fin des persécutions, dans les années 320, sa tombe devient un sanctuaire et les foules y affluent pour implorer le martyr, élevé, à l’instar de Raphaël, Luc, Côme et Damien, au rang de patron des médecins et des sages-femmes. Ses reliques commencent à être dispersées. Sa tête arrive à Lyon, l’un de ses bras à Saint-Denis, d’autres parties de son corps à Porto, Lucques, Venise, où son culte se développe beaucoup, et la fameuse fiole de sang à Constantinople. Le mystère commence !

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

  • Ce phénomène de liquéfaction du sang d’un saint conservé telle une relique n’est pas un cas isolé. Ainsi vénère-t-on, outre, à Naples, le sang de saint Janvier, évêque martyr de Bénévent, du sang supposé de Jean-Baptiste, saint Laurent, sainte Patricia, pour n’en citer qu’un échantillon, ayant en commun de retourner périodiquement à l’état liquide, puis de coaguler à nouveau.

Aller plus loin :

  • L’on peut consulter en ligne les notices qui lui ont été consacrées par dom Guéranger dans son Année liturgique et par le cardinal Schuster dans son Liber sacramentum.

En savoir plus :

  • Un ouvrage en italien sur le culte des reliques de sang : G. Alfano : Notizie storiche ed osservazioni sulle reliquie del sangue dei martiri, dei santi confessori ed asceti che si conservano in Italia e particolarmente in Napoli, Naples, 1951.
  • Il est possible de trouver en ligne des images du sang liquéfié de saint Pantaléon.
  • Plusieurs articles de presse disponibles en ligne confirment que la liquéfaction se produit encore de nos jours.
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