Notre Dame de Lourdes intervient loin du sanctuaire

Synthèse :

En 1910, Juliette Orion, vendéenne, souffre depuis de longs mois de plusieurs affections graves, notamment une « tuberculose pulmonaire et laryngée », ainsi qu’une « mastoïdite gauche suppurée » que les médecins de l’époque sont incapables d’enrayer. On parvient à peine de temps en temps à soulager quelques-unes de ses douleurs les plus aiguës. Sa condition est unanimement considérée comme « désespérée » par les médecins de l’époque et son entourage sait à quoi s’en tenir sur ses chances de survie. Elle sait de son côté qu’elle n’a plus rien à attendre des médecins. Depuis des semaines, elle a multiplié les visites médicales, les analyses, les traitements qui n’ont servi à rien. Elle sent dans son drame qu’elle repose dans la main de Dieu.

Oui, mais mourir à vingt-quatre ans… Juliette est très croyante. Elle aurait aimé accomplir une dernière chose avant de quitter ce monde : se rendre en pèlerinage à Lourdes. Elle en a fait la demande, mais le pèlerinage diocésain lui a refusé sa place. Chacun sait que le voyage ferroviaire jusqu’à la cité mariale risquerait de la tuer, tant sa faiblesse est grande.

Bien qu’elle n’ait jamais été longuement scolarisée, et que sa culture religieuse soit bien modeste, elle est informée des merveilles survenues à Lourdes depuis 1858. Sa paroisse est vivante et le curé ne ménage pas son énergie pour annoncer la Bonne Nouvelle. Juliette sait que d’autres Français, aussi malades qu’elle, ont été guéris par l’intercession de la Vierge Marie. Et elle sait aussi que leur état avait été jugé irrécupérable par la science. Au fond d’elle, la foi et la prière vont finir par l’emporter sur le désespoir. Juliette traverse des moments de doute, mais ceux-ci sont rapidement chassés par la lumière de la prière.

Au début de l’été 1910, ses douleurs redoublent. Elle n’a presque personne à qui se confier. Ses journées et ses nuits lui paraissent très longues. Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1910, la souffrance est telle qu’elle manque de perdre connaissance plusieurs fois. Mais elle prie sans cesse Notre Dame de Lourdes de lui venir en aide, de la manière qu’elle voudra, pourvu que ses douleurs ralentissent. Elle croit fermement que Marie peut la secourir, comme elle a déjà secouru tant de malades. Elle se sent intérieurement comme présente à Lourdes, agenouillée devant la grotte, attendant dans la foi et l’espérance un geste, une parole de Marie. Au-delà de la douleur, elle finit par s’abandonner totalement à Dieu et à sa Mère.

Soudain, elle est interpellée par un phénomène nouveau : la rigidité de son corps laisse place à un état de mieux-être complètement inattendu. Ses membres, ses articulations lui semblent redevenus souples. Surtout, elle peut respirer presque normalement, ce qui ne lui est pas arrivé depuis longtemps. Elle a recouvré sa voix et ressent une forte envie de manger. L’heure suivante, après s’être levée seule de son lit de douleur, elle s’habille puis sort pour raconter aux villageois ce qui lui arrive. Elle l’ignore encore : elle va devenir la trente-neuvième miraculée de Lourdes. Son médecin est appelé. Après un examen complet, celui-ci confirme la guérison, pour laquelle « il ne revendiqua pas le moindre crédit ! »

En un temps record – seulement trois ans plus tard –, après une enquête des plus rigoureuses par le Bureau des constatations médicales de Lourdes, qui étudie le dossier médical limpide et exhaustif de Juliette, l’évêque de Luçon (France, Vendée), Mgr Nicolas-Clovis-Joseph Catteau, après avoir lui aussi mené une enquête très exigeante, entourée de prêtres théologiens, proclame le 18 octobre 1913 le caractère miraculeux de la guérison immédiate et définitive de mademoiselle Juliette Orion.

Le 15 août 1937, une réplique de la grotte de Massabielle est bénie par le clergé local. Celle-ci a été bâtie sur le territoire communal, sur la route de Fontenay-le-Comte (France, Vendée), par madame Marie-Paule Jarry, chez laquelle Juliette est employée comme domestique en 1936 et 1937. Une belle statue de Notre Dame de Lourdes y est installée. Une procession est organisée par le clergé tous les ans le 15 août, pendant une quarantaine d’années. Pour le cent cinquantième anniversaire des apparitions de Lourdes, en 2008, l’endroit est rénové, avec la pose d’un parvis en galets ramenés de Lourdes.

Au-delà des raisons d'y croire :

Depuis 1883, le Bureau des constatations médicales valide le caractère inexpliqué d’une guérison, en signalant l’absence de causes naturelles ou, a contrario, en découvrant le ou les agents naturels qui ont présidé à l’amélioration. En 1947, en addition du Bureau des constatations médicales du sanctuaire, naît le Comité médical international de Lourdes, groupant une vingtaine de spécialistes venus de tous les horizons philosophiques et religieux. Ce comité, quant à lui, confirme les résultats des médecins du Bureau des constatations médicales. Les résultats des deux instances ne se contredisent pas, puisque l’une et l’autre se placent exclusivement au plan scientifique et médical.

Aller plus loin :

Patrick Theillier, « Bureau médical de Lourdes », dans Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002.

En savoir plus :

• Patrick Theillier, Lourdes. Des miracles pour notre guérison, Paris, Presses de la Renaissance, 2008 ; Lourdes, terre de guérisons, Paris, Artège Poche, 2019.
• Laetitia Ogorzelec, « Le miracle et l’enquête », Sociologie, 2011/3, vol. 2, p. 243-258 ; « La croyance, la vérité et la ruse. Apparitions et enquête policière à Lourdes », Genèses, 2017/3, n° 108, p. 149-165.
• L’article 1 000 raisons de croire : « Avec plus de 7 500 dossiers déposés pour des guérisons inexpliquées, Lourdes est un lieu unique au monde ».