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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les docteurs
n°365

Smyrne (actuelle Turquie) et Lyon (actuelle France)

140 – 202

Saint Irénée de Lyon, docteur de l’unité

Irénée de Lyon, fêté en tant que saint le 28 juin, naît en Asie Mineure, probablement à Smyrne, vers l’an 140. Il fut disciple de saint Polycarpe de Smyrne, puis s’établit vers la fin des années 170 à Lyon, où il y exerça le ministère sacerdotal et en devint enfin le deuxième évêque, après saint Pothin. Son ouvrage intitulé Contre les hérésies constitue le premier essai de théologie systématique en Occident. Saint Irénée a ainsi grandement contribué au développement de la science théologique. Il est pour cette raison compté parmi les Pères de l’Église. C’est aussi la raison pour laquelle le pape François l’a déclaré docteur de l’Église en 2022, sous le titre de « Docteur de l’unité » : son enseignement est une lumière pour tout homme. Il mourut certainement dans sa ville épiscopale, peut-être martyr, vers 202-203.

Vitrail de Lucien Bégule (1901), église Saint-Irénée, Lyon. / © CC0, wikimedia.
Vitrail de Lucien Bégule (1901), église Saint-Irénée, Lyon. / © CC0, wikimedia.

Les raisons d'y croire :

  • Irénée touche à l’âge apostolique : il a reçu de saint Polycarpe, un disciple de saint Jean, l’enseignement oral de l’apôtre évangéliste (cf. Lettre à Florinus). Irénée cite la Lettre aux Philippiens que Polycarpe a écrite (Contre les hérésies, III, Préliminaire). « Polycarpe, écrit-il, fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup de gens qui avaient vu le Seigneur, mais c’est encore par des apôtres qu’il fut établi, pour l’Asie, comme évêque dans l’Église de Smyrne […].Or, il enseigna toujours la doctrine qu’il avait apprise des apôtres, doctrine qui est aussi celle que l’Église transmet et qui est la seule vraie » (ibid.). Irénée s’appuie sur la succession apostolique, citant les noms des successeurs des apôtres jusqu’à son époque, pour montrer l’authenticité de la doctrine qu'il transmet.

  • Irénée a voulu transmettre fidèlement l’enseignement dont il avait hérité, en le défendant, en l’expliquant et en l’approfondissant du mieux qu’il pouvait pour le bien spirituel de tous. C’est dans ce but qu’il a rédigé les Démonstrations de la prédication apostolique, ouvrage apologétique autant que catéchétique. Par son intermédiaire, c’est à la doctrine des apôtres, reçu du Christ en héritage, que le lecteur du traité Contre les hérésies s’abreuve.
  • Irénée a également hérité de la tradition vivante de l’Église d’Antioche, fondée par saint Pierre, car saint Polycarpe a accueilli à Smyrne l’évêque d’Antioche, saint Ignace et les deux évêques sont devenus amis. La lettre qu’Ignace lui écrira de la ville de Troas pour le remercier et lui dire adieu le prouve. Quand les Philippiens demandèrent les lettres d’Ignace, Polycarpe leur répondit qu’il ne manquerait pas de les leur faire parvenir (Lettre aux Philippiens, 13, 2). Polycarpe les possédait donc et les conservait comme un précieux dépôt : elles constituaient le testament spirituel de l’évêque d’Antioche. Polycarpe a dû transmettre par la suite à Irénée ce qu’Ignace lui avait appris des traditions de l’Église d’Antioche. Par exemple, l’appel à l’unité de l’Église dans le Christ est un thème des Lettres d’Ignace. On le retrouve dans les œuvres de saint Irénée (cf. Contre les hérésies, I, 2, 1 ; IV, 2, 4 ; V, 2, 2).
  • Puis, des années plus tard, Irénée a séjourné à Rome et y a assurément découvert d’autres témoignages laissés dans la communauté chrétienne de la ville par saint Pierre, son fondateur.
  • Remarquons enfin que c’est aussi grâce à saint Ignace (par l’intermédiaire de saint Polycarpe) que saint Irénée a eu connaissance de la doctrine de l’Apôtre que Jésus aimait. En effet, saint Ignace était pénétré des écrits de saint Jean, car des phrases de ses Lettres peuvent facilement être mises en parallèle avec des versets de l’Évangile de l’apôtre. Il n’est donc aucunement étonnant de retrouver dans l’ouvrage d’Irénée Contre les hérésies(III, 2, 1 et 2 ; V, 1, 1) la doctrine de l’incarnation du Verbe, chère à saint Jean, et, dans son prolongement, une défense et une explication de la Sainte Eucharistie (ibid.,IV, 1, 6 et V, 1, 1), qui fait écho au discours du pain de vie de saint Jean (Jn 6,48).

Synthèse :

Qui ne veut connaître Dieu ? Quel homme ne cherche à savoir le sens de la vie humaine ? Pourquoi le mal ? À ces questions récurrentes, la gnose de Valentin (auteur égyptien du IIe siècle) et de ses disciples apportait des réponses en s’appuyant sur des concepts chrétiens associés à des idées qui leur sont pourtant étrangères. C’est, selon eux, en parvenant à la connaissance des mystères divins – la gnose – que l’homme peut se libérer des entraves de la condition corporelle et parvenir, par son âme, à un état de pureté initiale et d’union avec la divinité : il accède ainsi au salut. Cette connaissance est le fruit d’une illumination divine réalisée en l’homme, et est réservée à une élite. Or, Jean-Paul II mettait en garde il y a quelques années contre « la question de la renaissance de certaines traditions du gnosticisme antique sous la forme de ce qu’on appelle le New Age » (Entrez dans l’espérance, p. 147). La gnosevalentinienne et sa réfutation par saint Irénée ne constituent donc pas que des questions d’histoire, mais concernent aussi nos contemporains.

Le « Nouvel Âge » est pour Jean-Paul II « la version moderne d’une attitude spirituelle qui, au nom d’une prétendue connaissance supérieure de Dieu, finit par rejeter définitivement sa parole en la remplaçant par des paroles toutes humaines ». La gnose propose en effet un enseignement incompatible avec la foi chrétienne. Citons-en uniquement les trois principaux aspects : le dualisme, le salut réservé à une élite, et la personne du Christ. Le dualisme religieux postule la coexistence de deux principes éternels et inengendrés à l’origine de la création, d’une part de l’âme et du monde spirituel qui sont bons, et d’autre part du corps et du monde matériel, lesquels sont mauvais. Le dualisme implique donc deux propositions pour le moins étonnantes pour un chrétien : un être mauvais est donc co-éternel au Dieu primordial pour les gnostiques, et le salut se fait malgré et contre le corps. Comment, d’autre part, restreindre le salut à quelques-uns alors que Dieu veut que tous les hommes apprennent à le connaître (cf. 1 Ti 2,4) et que le Christ appelle tous les hommes à l’aimer dès ici-bas pour pouvoir le voir dans l’éternité ? Enfin, la personne du Christ, telle qu’elle est présentée par les auteurs gnostiques comme par les tenants actuels du « Nouvel Âge » est profondément déformée et falsifiée.

On comprend donc pourquoi Jean-Paul II écrit encore que « la gnose n’a jamais disparu du champ du christianisme. Elle a toujours cohabité avec lui, parfois en tant que courant philosophique, plus souvent sous des formes religieuses ou parareligieuses, en opposition nette, même si elle n’est pas explicite, avec l’essentiel du christianisme » (ibid.).

Irénée ne rejette pas la vraie gnose. C’est sa caricature qu’il dénonce dans son ouvrage majeur, connu sous le nom de traité Contre les hérésies et intitulé plus explicitement Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur : la gnose est pour Irénée une perversion de l’authentique connaissance de Dieu, à laquelle conduit la foi chrétienne. Mieux encore : la gnose véritable est pour lui la foi chrétienne.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au-delà des raisons d'y croire :

Le trésor constitué par le corps de doctrine que l’Église a reçu du Christ en héritage et qui s’appelle pour cette raison la Tradition de l’Église (c’est-à-dire ce qui lui a été transmis) est contenu dans la Sainte Écriture (transmission écrite) mais aussi dans la Tradition proprement dite (transmission orale). Cette dernière est conservée dans les écrits des Pères de l’Église, les canons (c’est-à-dire les décisions) des conciles et les monuments de l’art chrétien antique. C’est ce trésor vivant que l’Église, assistée par l’Esprit Saint, expose aux chrétiens et propose à tous les hommes.


Aller plus loin :

Connaissance des Pères de l’Église, no 167, Perpignan, éditions Nouvelle cité, 2022, 70 p. : « Irénée de Lyon et l’unité ».


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