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Conversions d'athées
n°446

Région parisienne (France)

1930 – 1957

La rédemption de Jacques Fesch

Jacques Fesch, fils d’une famille bourgeoise de Saint-Germain-en-Laye (France, Yvelines), est un jeune homme oisif et dépensier. Le 25 février 1954, après une tentative de braquage qui tourne au fiasco, il tue un gardien de la paix. Ce crime lui vaut d’être condamné à la peine capitale. Pendant les trois ans qui séparent son incarcération et son exécution, le 1er octobre 1957, il se convertit à la foi catholique de manière inexplicable en termes humains. Cette conversion porte de nombreux fruits spirituels. Le procès de béatification a été ouvert en 1993 par le cardinal-archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger.

© Shutterstock, godongphoto.
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Les raisons d'y croire :

  • Lorsqu’il est mis en prison, rien ne prédispose Jacques à se tourner vers Dieu : son père est anticlérical, les rudiments religieux transmis par sa mère sont devenus lettre morte depuis belle lurette, et lui-même n’a jamais fréquenté les milieux catholiques dans sa jeunesse. Menant une existence dissolue, insouciante, sans goût pour le travail ni la stabilité, il évolue dans le milieu de la nuit et dépense l’argent paternel… Mais tout change en l’espace de quelques mois. Ce retournement intégral, qui est d’abord un effacement du péché à tous les niveaux, n’a aucune cause naturelle plausible. C’est non seulement sa conscience morale qui est touchée par la grâce, mais aussi sa volonté, son intelligence, son affectivité.
  • On ne doit pas confondre la conversion de Jacques Fesch avec un vague regret ou un remords intérieur. Elle est au-delà de la psychologie humaine : c’est un authentique retournement de sa personnalité vers le Christ et les valeurs de l’Évangile ; il voit désormais le monde avec les yeux de Jésus.
  • Dans l’univers si restreint qu’est sa cellule de prison, Jacques Fesch reçoit une illumination intérieure, datée et totalement circonstanciée, qui constitue un moment décisif dans son parcours de foi. Dans la nuit du 1er mars 1955, tandis qu’il implore Dieu de lui venir en aide dans sa cellule, une lumière jaillit en lui, le submergeant et laissant place à la rédemption.
  • Après cette « nuit de feu », Jacques se met à rédiger des textes spirituels,chose qui était jusqu’alors complètement inconcevable. Il entreprend plusieurs correspondances épistolaires, notamment avec un frère bénédictin, qui montrent la foi profonde qui s’est ancrée en lui. Bientôt, il communie chaque jour et se confesse à un rythme grandissant à l’aumônier de la Santé, le père Devoyod, qui reconnaît en lui une métamorphose véritable et complète.
  • Cette conversion est un exemple magnifique de ce que Dieu réalise en appelant quelqu’un de si éloigné de lui. L’histoire est jalonnée par des conversions merveilleuses, semblables à celle de Jacques Fesch : à commencer par celle de l’apôtre saint Paul, citoyen romain participant au martyre de saint Étienne et converti sur le chemin de Damas ; celle du bandit breton Pierre de Kériolet, au XVIIe siècle, devenant prêtre après une vie dissolue et transformant son château en hospice ; ou encore celle d’André Levet, qui rencontre Jésus en chair et en os dans la cellule de sa prison, au XXe siècle…
  • Jacques reçoit du Ciel plusieurs messages en locution intérieure, d’inspiration biblique et sans aucune erreur doctrinale, comme celui-ci : « Tu reçois les grâces de ta mort » – qu’il faut comprendre : « Par le sacrifice de ta vie, tu trouves grâce auprès de Dieu. »

  • Jacques s’ouvre aussi à la présence de Marie après avoir lu un livre portant sur les apparitions de Fatima. Dès lors, sa dévotion à la Vierge ne cesse de grandir, sans le moindre faux pas théologique, ne versant jamais dans la mariolâtrie, bien que n’ayant jamais reçu d’enseignement doctrinal d’aucune sorte.
  • Le verdict de condamnation tombe un jour spécial, le 6 avril 1957, un Vendredi saint, mettant un terme providentiel au chemin de croix parcouru volontairement par Jacques.
  • Monsieur Mariani, directeur de la prison de la Santé de 1954 à 1960, a salué le « formidable courage » de celui-ci et son comportement « exemplaire » dans les heures qui précédèrent son exécution. La paix surnaturelle de Jacques Fesch témoigne de sa foi profonde en la vie éternelle.

  • Les derniers mots qu’il pose sur le papier, la veille de sa mort, expriment on ne peut mieux l’amour de Dieu envers le condamné repenti, et la totale confiance de celui-ci en la miséricorde divine : « Dans cinq heures, je verrai Jésus. » Cinq jours avant, il écrivait : « Puisse mon sang qui va couler être accepté par Dieu comme un sacrifice entier. »

  • Les deux livres de Jacques Fesch, Lumière sur l’échafaud (Pierre Téqui Éditions, 2007) et Cellule 18 (Les éditions ouvrières, 1980), qui offrent aux lecteurs lettres et écrits divers, ont été le fondement de multiples et authentiques conversions au christianisme à travers la France, et bien au-delà, depuis plusieurs années.
  • Différentes personnalités, venues d’horizons divers, ont considéré l’itinéraire de Jacques Fesch comme un exemple unique de réhabilitation humaine et de conversion spirituelle. C’est le cas du jésuite André Manaranche, du ténor du barreau Henri Leclerc, qui, à vingt et un ans, a assisté au procès de Jacques, et de plusieurs célèbres avocats...
  • Maître Patrice Spinosi, un des avocats de Gérard Fesch, a écrit que le cheminement de Jacques « est un des exemples d’amendement les plus aboutis. Des cas comme le sien, je n’en connais aucun autre ». L’ancien garde des Sceaux, maître Dupont-Moretti, qui avait déposé avec maître Spinosi une demande de réhabilitation à la Cour de cassation, note : « Il y a peu d’hommes qui ont été condamnés à mort – il n’y en a pas, d’ailleurs, dans l’histoire de la justice –, qui ont été exécutés et qui pendant leur parcours carcéral […] ont montré un visage totalement différent de celui qu’ils avaient au moment de la commission de leur crime » (cité par Aleteia, 16 décembre 2019).

Synthèse :

Né au monde en 1930 dans une famille de la grande bourgeoisie de Saint-Germain-en-Laye (France, Yvelines), Jacques Fesch connaît une jeunesse insouciante, sans soucis matériels ni humains. Son père, dont l’ancêtre, Joseph, était l’oncle maternel de Napoléon Bonaparte, est banquier, perméable à l’antisémitisme et anticlérical ; au contraire, sa mère est croyante et pieuse. C’est elle qui transmet à son fils des rudiments religieux.

Le jeune Jacques déteste l’école et fait preuve d’un désintérêt permanent pour les idéaux professionnels et sociaux que sa famille tente de lui inculquer. Dès avant ses dix-huit ans, il sort de plus en plus dans Paris, fréquentant sans compter bars et boîtes de nuit. Il enchaîne les conquêtes amoureuses, sans lendemain. Au fond de lui, il s’ennuie profondément. Il a envie de s’évader, de partir, loin, et sans attaches. Une idée surgit dans son esprit : il va acheter un voilier sur lequel il gagnera la Polynésie.

Mais il ne dispose pas de la somme nécessaire à cette acquisition. Il décide alors de commettre un braquage. Le 25 février 1954, accompagné d’un complice, il pénètre dans le Comptoir de Change et de Numismatique, rue Vivienne, à Paris. Il cache un pistolet dans sa serviette. Son complice n’est pas au courant de ses intentions. Aussi, lorsque Jacques sort son arme, ledit complice sort précipitamment de la boutique et appelle à l’aide. L’entreprise vient de tourner au fiasco. Prévenu, le gardien de la paix Jean-Baptiste Vergne tente d’arrêter le jeune homme, mais, dans la panique, tire à quatre reprises sur lui sans le toucher. Jacques Fesch, myope, a perdu ses lunettes lors de la tentative de cambriolage. Il pointe son pistolet à l’aveugle, tire, et touche le policier en plein cœur. Celui-ci meurt sur le coup.

Après une course poursuite, Jacques est maîtrisé par un passant à la hauteur de la station de métro Richelieu-Drouot. Transféré au 36, quai des Orfèvres pour y être interrogé, il est incarcéré à la prison de la Santé. Il va y passer trois ans, dans l’attente de son procès.

C’est dans l’univers très restreint de sa cellule que Dieu dilate son cœur jusqu’à l’infini. Jacques prend progressivement conscience du mal terrible qu’il a commis alors que, jamais jusque-là, une telle chose ne l’avait effleuré. Une rencontre providentielle va accélérer son cheminement vers la foi. Il se lie avec l’aumônier de la Santé, homme d’une grande spiritualité, qui restera aux côtés de Jacques jusqu’à la fin. Au début, il rend visite une fois par semaine au prisonnier, puis ses venues deviennent beaucoup plus fréquentes. De son côté, Jacques, qui n’avait jamais pratiqué, assiste à la messe et communie une fois par mois, puis une fois par semaine, et bientôt chaque jour.

Dans la nuit du 1er mars 1955, Jacques, très angoissé, supplie Dieu de lui venir en aide. Il est soudainement envahi par une paix surnaturelle. Sa perception change à vue d’œil. Le Christ est à ses côtés. Il le sera toujours.

Il se met à rédiger des textes spirituels – chose inconcevable chez lui jusqu’à cette date. Sa correspondance avec plusieurs témoins de la foi prend une ampleur incroyable, en particulier avec le frère bénédictin Thomas, originaire comme lui de Saint-Germain-en-Laye.

Parallèlement, sa mère prie énormément pour le salut de son fils. Elle lui envoie un petit livre sur les apparitions mariales de Fatima. C’est un choc pour Jacques. Grâce à sa lecture, il mesure de mieux en mieux l’importance de la Vierge Marie dans la foi chrétienne. À son tour, il se tourne vers Marie. Sa conversion doit beaucoup à la Mère de Dieu.

Une autre rencontre providentielle aide Jacques sur le plan spirituel. Son père engage maître Paul Baudet (1907 – 1972) comme avocat pour défendre son fils. Cet éminent juriste est un grand catholique. Il a failli devenir moine cistercien et dialogue en permanence avec Jacques sur la foi. Il accompagne son client sur la voie de la conversion, mais sans jamais faire de prosélytisme. Au départ, le prisonnier se montre d’ailleurs récalcitrant vis-à-vis de son défenseur, le traitant de « panthère de Dieu ».

Le procès arrive. Le 6 avril 1957, un Vendredi saint, Jacques Fesch est condamné à la peine capitale pour vol à main armée et homicide sur un gardien de la paix, sans circonstances atténuantes, malgré la volonté des jurés... Le président de la République, René Coty, rejette la demande de grâce. Jacques est guillotiné à l’aube, le 1er octobre 1957.

En 1993, le cardinal-archevêque de Paris, Mgr Jean-Marie Lustiger, demande l’ouverture de son procès de béatification, désormais désiré par les milliers de témoins des fruits extraordinaires obtenus à la suite de la conversion de Jacques. « J’espère qu’il sera un jour vénéré comme une figure de sainteté », explique le prélat.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au-delà des raisons d'y croire :

Le combat bouleversant mené par son fils, Gérard Droniou, visant à réhabiliter la mémoire de son père, ne saurait aucunement être expliqué par le seul sentiment d’amour filial, et pour cause : Gérard n’a jamais connu Jacques Fesch. Enfant d’une liaison hors mariage, abandonné à la naissance, élevé dans une douzaine de familles d’accueil successives, Gérard découvre providentiellement, à l’âge de quarante ans (en 1994), qu’il est le fils de Jacques Fesch. Depuis lors, son engagement en faveur de celui qu’il n’a pas connu est demeuré stupéfiant.

Jacques Fesch, lui, n’a jamais cessé de penser à Gérard. À la veille de son exécution, il écrit : « J’attends le jour heureux où il me sera donné la possibilité de faire sa connaissance en Dieu. »


Aller plus loin :

Mireille Cassin, Mystique public numéro 1 : Jacques Fesch, entre ombres et lumière, Paris, Le Cerf, 2010.


En savoir plus :

  • Francisque Oeschger, Jacques Fesch, le guillotiné de Dieu, Monaco, Le Rocher, 1994.
  • Leo Knowles, « Modern Heroes of the Church », Our Sunday Visitor Publishing, 2003.
  • André Manaranche, Jacques Fesch : du non-sens à la tendresse, Paris, Le Jubilé, 2003.
  • Gérard Fesch, Fils d’assassin, fils de saint ?, Paris, Lemieux, 2017.
  • Ruggiero Pietro Francavilla, Jacques Fesch, le mystère d’un jeune homme, Segno, 2020.
  • L’article Aleteia : « Affaire Jacques Fesch : le combat d’un fils pour réhabiliter son père ».
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