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Les anges et leurs manifestations
n°250

Prison du Cherche-Midi (Paris)

16 février 1943

L’ange qui fait évader Mère Yvonne-Aimée de Malestroit

Yvonne Beauvais entre au monastère de Malestroit en 1927. Sous l’occupation allemande, dans la clinique qu’elle a fondée, elle soigne des centaines de soldats, cache et sauve de nombreux résistants. Mère Yvonne-Aimée est arrêtée par la Gestapo en février 1943. Elle subit la torture dans la prison du Cherche-Midi et, simultanément, elle se présente au père Paul Labutte, dans le métro, pour le prévenir de sa situation et lui demander de prier pour elle. Elle s’échappe ensuite miraculeusement de la prison, juste avant d’être déportée, avec l’aide de « son ange », qui la ramène saine et sauve dans le couvent des Augustines, où elle logeait durant son séjour à Paris.

Statue à Rome, Italie / © CC0 Szabolcs Toth, via Pexels.
Statue à Rome, Italie / © CC0 Szabolcs Toth, via Pexels.

Les raisons d'y croire :

  • L’arrestation, l’emprisonnement et l’évasion inexpliquée de mère Yvonne-Aimée sont des faits historiques attestés.
  • Il est impossible que les Allemands aient souhaité la libérer le jour même de son arrestation : la torture n’a pas abouti (son bourreau s’étonnait « Tu es donc en bois pour ne pas gueuler ? ») et la Gestapo a donc prévu sa déportation en Allemagne pour le soir même.

  • Il n’est pas non plus possible que mère Yvonne-Aimée ait improvisé elle-même son évasion. Elle n’a pas de complice dans cette prison militaire et, n’ayant pas anticipé son arrestation, elle n’aurait pas pu organiser quoique ce soit.
  • Le père Paul Labutte est le témoin majeur de la bilocation et de l’évasion de mère Yvonne-Aimée. Il en fait le récit dans différents ouvrages (Yvonne-Aimée de Jésus, « ma mère selon l’Esprit » ; Yvonne-Aimée, telle que je l’ai connue ; Une amitié « voulue par Dieu », Paul Labutte et Yvonne-Aimée de Jésus : témoignage, lettres et souvenirs).
  • Il raconte avoir entendu un bruit sourd très net provenant de la salle voisine de la sienne, un peu comme si quelqu’un venait de sauter d’une certaine hauteur et se recevait les pieds joints sur le plancher. Il va voir d’où vient ce bruit et voit mère Yvonne-Aimée, désorientée. Elle explique plus tard : « C’est mon ange qui m’a délivrée et ramenée ici. »

  • Le père Labutte n’est pas le seul témoin de cette évasion étonnante. Sœur Saint-Vincent-Ferrier est assise dans l’escalier, pleurant l’idée que mère Yvonne-Aimée soit déportée, lorsqu’elle constate que celle-ci est mystérieusement arrivée dans la pièce, derrière elle. Toutes les portes pour entrer dans la maison étaient pourtant fermées.
  • Il est intéressant de souligner qu’une évasion similaire est rapportée dans la Bible : celle de saint Pierre, décrite dans le livre des Actes des Apôtres (Ac 12,5-19).
  • Un nombre impressionnant de fleurs apparaissent dans le bureau où mère Yvonne-Aimée vient tout juste « d’atterrir ». Le père Labutte ne s’est pourtant absenté qu’un instant pour avertir sœur Saint-Vincent-Ferrier. Alors que tout était en ordre, le sol se trouve soudain jonché de fleurs fraîches, qui ne poussent pourtant pas aisément au mois de février.

Synthèse :

Présentation de mère Yvonne-Aimée de Malestroit 

Yvonne Beauvais naît le 16 juillet 1901 à Cossé-en-Champagne. Durant son enfance, sa grand-mère lui lit Histoire d’une âme de Thérèse de l’enfant Jésus, ouvrage qui la marque au point qu'elle souhaite « devenir une sainte ». À neuf ans, elle voue sa vie au Christ dans une lettre qu'elle lui écrit avec son sang. A 21 ans, durant une maladie, elle rencontre les sœurs augustines hospitalières de la Miséricorde à Malestroit (Morbihan). Le 5 juillet 1922, dans sa chambre à Malestroit, elle a une expérience mystique au cours de laquelle Jésus lui montre la Croix : « Veux-tu la porter ? ». C'est à cette époque que commencent les grâces et phénomènes extraordinaires. L'évêque de Vannes refuse un temps qu'elle entre chez les Augustines de Malestroit craignant qu'elle n'ait trop d'influence sur la communauté. A 26 ans, elle reçoit finalement l'autorisation d'entrer au monastère, sous le nom de sœur Yvonne-Aimée de Jésus. Femme pratique autant que mystique, grande organisatrice, elle lance à 27 ans le projet d'une clinique moderne à proximité du monastère, qui ouvrira ses portes en 1929. En 1932, elle devient maîtresse des novices et en 1935, elle est élue supérieure du monastère de Malestroit.

 

Pendant la guerre : plusieurs phénomènes de bilocation

Sous l'occupation Nazie, sœur Yvonne-Aimée de Jésus soigne à la clinique de Malestroit aussi bien des blessés allemands que des parachutistes et des résistants (spécialement ceux du maquis de Saint-Marcel). Mais le 15 février 1943, elle est à Paris. Or, durant son séjour, elle signale au père Paul Labutte qu’elle a l'impression d’être suivie : « Par exemple, l'autre jour je marchais dans la rue et j'avais vraiment l'impression que deux hommes me suivaient de loin. Je me suis tournée à un moment vers une vitrine de magasin. Ils ont fait comme moi. Quand je suis repartie, ils sont repartis» Elle a l’intuition sourde qu’elle va être arrêtée. Tout cela est accompagné de profondes angoisses :« Je vois parfois des démons le soir. » Elle était effrayée et, dans une sorte d’extase, elle poussait devant elle un guéridon pour se protéger d'un adversaire qui pour nous était invisible. Elle avait un visage décomposé par la peur alors que c'est une personne qui ordinairement n'avait pas peur.

Le 16 février 1943, sœur Yvonne-Aimée est effectivement arrêtée à Paris par la Gestapo et enfermée à la prison du Cherche-Midi. Le Père Paul Labutte raconte que ce jour-là, il vient à Paris avec le chanoine Boulard qui est l’aumônier de la jeunesse agricole chrétienne. Il avait été prévenu de l’arrestation de Mère Yvonne-Aimée par un télégramme codé de sœur saint-Vincent-Ferrier (la directrice du petit couvent des Augustines de Paris) : « Yves en clinique avec tante Germaine stop».

Le Père Paul Labutte débarque à 13 heures à la gare Montparnasse et prend métro. Voici son récit : « Je me retournais brusquement sans savoir pourquoi, je me suis retrouvé tout d'un coup face à mère Yvonne-Aimée. Elle était en habits civils. Elle avait un manteau fait d’une espèce de feutre grenat relevés sur le front et elle portait des lunettes. Elle paraissait pressée et inquiète. J’étais stupéfait et je lui ai dit : "Vous êtes là ? Ils vous ont libérée ?" Nous suivons le flot des voyageurs et nous montons dans le métro. Mère Yvonne-Aimée prend place à côté de moi dans une voiture de seconde classe. C'est l'heure de pointe. Les voyageurs sont assis ou debout et Yvonne-Aimée est debout à mes côtés. Je lui dis à voix basse mais avec joie : "Comme ça, vous êtes libérée ?" La conversation était difficile à soutenir car j'étais en soutane et je sentais que la plupart des voyageurs nous regardaient en me voyant ainsi parler à une femme. Elle me répond en murmurant : "Non je ne suis pas libérée. Je suis en prison. Je subis la torture. Je suis devant un mur et j'ai la tête dans une sorte d'étau." »

Alors le père Labutte comprend immédiatement qu’elle est en état de « bilocation ». « Puis elle incline la tête, la relève lentement silencieusement vers moi et je vois ses yeux comme fixes, en état extatique avec les paupières qui ne battent pas. Ensuite, pour vérifier que je ne suis pas en train de rêver, je la touche et je sens bien son corps vivant et palpable. Le métro arrive à la gare de Denfert-Rochereau. Yvonne-Aimée, sans même me regarder se lève comme si elle ne me connaissait pas et se dirige vers la sortie. Je la suis des yeux alors qu'elle est dans la foule puis elle semble se dématérialiser et disparaitre. »

Le Père Labutte, tout retourné par cette vision, continue son voyage et sort à une autre station. Il prend le tourniquet et puis se dirige vers la sortie. « Brusquement mère Yvonne-Aimée est là, toujours en civil avec l'air effrayée et elle me lance à mi-voix ces quelques mots : "Prie, Prie. Si tu ne pries pas assez, on m'embarquera ce soir pour l'Allemagne" ». Puis elle s’éloigne et de nouveau, il ne la voit plus.

 

L’évasion miraculeuse de mère Yvonne-Aimée de la prison du Cherche-Midi

A partir de ce moment, le Père Labutte fait de son mieux pour prier. Il connait ses défauts et sa capacité à partir dans l'imaginaire durant l’oraison. Il dit le rosaire, son bréviaire puis la litanie des saints. Ensuite, il fait un chemin de croix. Bref il prie « quantitativement » parce qu'il n'arrive pas à prier « qualitativement ». Il arrive le soir à 19 h 30 au petit couvent des Augustines de Paris et se rend auprès de sœur Saint Vincent-Ferrier. Il explique tout à la sœur qui en est bouleversée. Le Père Labutte, épuisé, se retire dans sa chambre.

Il est environ 21 h 10 et voilà que, dans la pièce d'à côté, il entend un bruit sourd vraiment très net, un peu comme si quelqu'un venait de sauter d'une certaine hauteur et se recevait les pieds joints sur le plancher. Il se précipite, rentre dans la pièce. Mère Yvonne-Aimée est là, dans le même vêtement civil. Elle a les mêmes bottes en caoutchouc qu'elle avait dans le métro mais elle n'a plus ni son chapeau ni les lunettes. Ses cheveux sont en désordre. Le Père Labutte la saisit par les poignets et aussitôt, elle rentre comme en panique : « Lâchez-moi ! lâchez moi ! » Elle fait des efforts pour se dégager. « Je compris vite qu'elle ne me reconnaissais pas et elle m'expliqua plus tard qu'elle m'avait pris pour un des tortionnaires de la prison ». Le Père utilise alors des gestes doux et il essaye de l'apaiser. Elle reprend conscience : « "Où est-ce que je suis ? Où est ce que je suis ?" Elle regarde à droite à gauche, elle s'étonne et elle dit : "Mais c'est mon bureau ! et enfin elle me reconnaît". Alors, avec un sourire maternel, elle me dit : "Mais c'est toi Paulo ? C'est toi !" » Le père Labutte peut lui prendre les mains. Elle est physiquement là. Il lui demande ce qu’il s'est passé et comment il est possible qu’elle soit entrée les portes étant closes.

Elle répond : « C'est mon ange qui m'a délivré et ramené ici. Il m'a saisi dans la cour de la prison juste au moment où on nous mettait en groupe pour partir en Allemagne. Il a profité du désordre qui s’est produit au moment du rassemblement.
- Vous avez beaucoup souffert ?
- Oui.
 »

Le père Labutte se dit qu'il faut qu'il aille prévenir sœur Saint-Vincent-Ferrier qui doit être dans la chapelle parce qu'elle veut passer la nuit en prière. Elle est dans l'escalier, assise et pleure à l’idée que la révérende mère est peut-être embarquée en déportation.

Le père Labutte : « Non, non, non ! Regardez elle est de retour ici. Venez vite dans son bureau ». Ils la trouvent allongée sur son lit. Elle est paisiblement dans une sorte de sommeil extatique, étendue toute habillée dans son lit. Dans la chambre, le sol est jonché de fleurs fraîches, des arums, des tulipes et des lilas blancs. Il aurait fallu deux jardiniers au moins pour apporter ces fleurs.

 

La ressemblance de son évasion avec celle de saint Pierre dans le livre des Actes des Apôtres

La comparaison entre ces deux événements charismatiques est claire. Dans les Actes : « Tandis que Pierre était ainsi gardé en prison, la prière de l'Église s'élevait pour lui vers Dieu sans relâche. Or, la nuit même avant le jour où Hérode devait le faire comparaître, Pierre était endormi entre deux soldats ; deux chaînes le liaient et, devant la porte, des sentinelles gardaient la prison. Soudain, l'Ange du Seigneur survint, et le cachot fut inondé de lumière. L'ange frappa Pierre au côté et le fit lever : "Debout ! Vite !" dit-il. Et les chaînes lui tombèrent des mains. L'ange lui dit alors : "Mets ta ceinture et chausse tes sandales" ; ce qu'il fit. Il lui dit encore : "Jette ton manteau sur tes épaules et suis-moi." Pierre sortit, et il le suivait ; il ne se rendait pas compte que ce fût vrai, ce qui se faisait par l'ange, mais il se figurait avoir une vision. Ils franchirent ainsi un premier poste de garde, puis un second, et parvinrent à la porte de fer qui donne sur la ville. D'elle-même, elle s'ouvrit devant eux. Ils sortirent, allèrent jusqu'au bout d'une rue, puis brusquement l'ange le quitta. Alors Pierre, revenant à lui, dit : "Maintenant je sais réellement que le Seigneur a envoyé son Ange et m'a arraché aux mains d'Hérode et à tout ce qu'attendait le peuple des Juifs." » (Ac 12,5-11).

 

La mort de Mère Yvonne-Aimée

Après la guerre, le corps de Mère Yvonne-Aimée est usée par les maladies successives qu'elle a eue ainsi que par les souffrances psychiques et spirituelles. Elle porte les décorations qu'elle a reçues mais ce n’est pas pour sa gloire. C'est pour la gloire de Dieu qui l’a sauvée de tous les dangers durant la guerre. Le soir du 3 février 1951, elle meurt à Malestroit d'une hémorragie cérébrale foudroyante alors qu'elle s'apprêtait à partir pour l'Afrique du Sud. Elle a 49 ans.

Six ans plus tard, on ouvre son cercueil ; son corps, qui baigne dans 5 centimètres d'eau, est intact. Elle repose toujours aujourd'hui dans le petit cimetière du monastère des Augustines de Malestroit.

En 2009, monseigneur Raymond Centène, évêque de Vannes, a de nouveau demandé, très officiellement, que le Vatican examine attentivement son dossier en vue de sa béatification.

Agrégé en sciences religieuses en Belgique, Arnaud Dumouch fonde en 2015 avec l’abbé Henri Ganty l’Institut Docteur Angélique, qui donne sur Internet la totalité d’une formation diplômante en philosophie et théologie catholique, dans la ligne de l’herméneutique de la continuité de Benoît XVI.

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