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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les saints
n°161

Pérou

1579-1639

Martin de Porrès revient hâter sa béatification

Martin de Porrès, que ses frères surnomment « Martin de la compassion » – tant sa charité est universelle et agissante –, meurt au couvent dominicain de Lima le 3 novembre 1639. Très vite, sa béatification est demandée à Rome ; c’est alors une première, car Martin est métis. Pourtant, en 1664, le dossier n’a guère avancé. La faute en revient au frère Juan Vasquez, ancien assistant de Martin, qui se croit toujours tenu à une stricte discrétion s’agissant des prodiges continuels qui ont émaillé la vie de son ami, et au sujet desquels Martin lui demandait de garder le silence. Cette discrétion n’étant plus de mise, Martin revient par deux fois de l’autre monde l’inciter à dire tout ce qu’il a vu.

Saint Martin de Porrès, vitrail de la cathédrale d'Iquitos, Pérou./ © AgainErick, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Saint Martin de Porrès, vitrail de la cathédrale d'Iquitos, Pérou./ © AgainErick, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Les raisons d'y croire :

  • Ces événements figurent dans l’enquête canonique concernant la cause de béatification de Martin de Porrès. Les dépositions sont recueillies sous la foi du serment le plus solennel, tout faux témoignage entraînant l’excommunication immédiate – sanction très grave, surtout à une époque où l’on ne plaisante pas avec les choses sacrées.
  • Frère Juan n’est pas un passionné de faits extraordinaires et ne cherche nullement à se faire valoir en les publiant ; c’est même tout le contraire, et il s’ingénie à ne rien dire aussi longtemps qu’il le peut.
  • Son sens critique ne l’a pas abandonné puisqu’il ne prend pas trop au sérieux la première manifestation de Martin, ayant des scrupules à dévoiler le secret promis autrefois. Il lui faut une seconde manifestation pour qu’il accepte de livrer un témoignage essentiel qui conduira à la béatification de son ami en 1837 et à sa canonisation en 1962.
  • Cette seconde apparition du défunt a lieu en plein jour, en pleine rue. Juan ne peut donc pas rêver, ni se tromper sur l’identité de celui qui se tient tout près de lui et qu’il reconnaît parfaitement, aussi stupéfiant que cela paraisse.
  • Parmi les faits extraordinaires de la vie de saint Martin de Porrès, on retient par exemple le don de bilocation : pour quiconque a besoin d’aide, il est là, secourable. Il est ainsi vu en Chine, au Vietnam, en Algérie, en France…

Synthèse :

Martin, né à Lima le 9 décembre 1579, est fils d’un noble, officier espagnol, don Juan de Porrès, et d’une esclave noire panaméenne affranchie, Anna Vélasquez. Il est encore tout petit lorsque son père les abandonne, sa mère, sa sœur et lui, laissant dans la misère, ces enfants à la peau trop sombre.

S’il souffre de la pauvreté et de sa condition de bâtard métis, Martin, dépassant ses malheurs, se met au service de plus malheureux que lui, secourant vieillards sans famille, esclaves abandonnés qui ne peuvent plus travailler, malades, orphelins, infirmes, animaux en détresse. Sa charité incessante s’accompagne rapidement de pouvoirs de guérison miraculeux, fruits du temps passé en prière, prosterné devant le crucifix, absorbé dans un tête-à-tête tellement intime avec le Christ souffrant qu’il lui tire des larmes…

À quinze ans, il entre comme tertiaire chez les Dominicains, car il se juge indigne – lui, fils d’une esclave noire –, de devenir frère convers. Nommé infirmier, il se consacre nuit et jour à ses malades qui constatent, ahuris, qu’il leur suffit, en pleine nuit, s’ils ont besoin de quelque chose, de penser à Martin pour que celui-ci soit à leur chevet, quand bien même la porte du local est fermée et sa cellule éloignée. Personne ne le voit entrer ou sortir : à l’évidence, il passe à travers les murs.

Pour quiconque a besoin d’aide – serait-ce un chien blessé, une mule tombée dans un puits, un rat menacé d’être chassé –, Martin est là, secourable. Il arrache des agonisants au trépas, ressuscite un défunt, sauve un condamné à mort, prédit l’avenir, lit dans les consciences. Il est vu en Chine, au Vietnam, en Algérie, en France, pays dans lesquels il ne mettra jamais les pieds mais dont il parle en connaisseur, possédant un don de bilocation extraordinaire. Il se rit du temps, des distances, des portes et des murs, et détourne les catastrophes naturelles.

Sa vie est tissée de prodiges, de miracles, de merveilles, et cela se sait – les bénéficiaires de ces grâces ne pouvant les taire –, mais Martin refuse de se voir attribuer ce qui vient de Dieu et qui n’appartient qu’à lui. Aussi impose-t-il à ses proches de garder le silence sur les faits effarants dont ils sont témoins. Frère Juan Vasquez – petit émigrant espagnol qu’il a recueilli, encore enfant, après la mort de ses parents, alors qu’il était à la rue, et qui sera son assistant pendant quatre ans – se montre attentif à se souvenir de tout mais à n’en jamais parler. Il est vrai qu’il voit des choses singulières, telles ces clartés magnifiques qui, la nuit, baignent la cellule de frère Martin, en extase, ou ces lévitations qui le soulèvent à plus d’un mètre du sol afin de lui permettre de se trouver à la hauteur du crucifix et pouvoir en baiser les plaies. Tout cela finit par lui sembler normal, comme à tous les dominicains de la maison, conscients de vivre avec un saint.

Juan quitte Lima au début des années 1630, envoyé dans un couvent d’Espagne. En prenant congé, Martin lui dit : « Adieu, mon cher enfant, nous ne nous reverrons pas en ce monde, ou vous n’en croirez pas vos yeux. » Porté sur la liste des témoins de la cause de béatification de frère Martin, il est interrogé, mais se montre peu bavard, disant le strict nécessaire, afin de respecter sa promesse de discrétion de jadis. Ce silence, au sujet des événements importants qui auraient été susceptibles de hâter le dénouement favorable de l’enquête canonique, provoque des retards et laisse des lacunes béantes dans la biographie du serviteur de Dieu. Juan ne le comprend pas, persuadé de bien faire.

Or, peu après avoir livré ce témoignage incomplet, tandis qu’il prie dans sa chambre qui donne sur la rue, il entend distinctement par la fenêtre une voix l’appeler. Étonné, il regarde dehors et voit deux dominicains, silencieux, en train de dire leur rosaire. Convaincu d’avoir rêvé, Juan reprend ses prières lorsque la voix l’appelle de nouveau. Désireux d’en avoir le cœur net, il sort, se dirige vers les religieux et leur demande s’ils l’ont appelé et pourquoi. Alors, l’un d’eux, abaissant son capuce, lui demande avec reproche : « Comment, vous, Juan Vasquez ! Vous ne me reconnaissez pas ! » Juan, stupéfait, reconnaît alors frère Martin, décédé quinze ans plus tôt au Pérou ! Et celui-ci lui dit : « Mon frère, pourquoi vous être montré si réservé en déposant sur ma vie ? Retournez dire tout ce que vous avez vu et entendu, tout ce que vous savez ! »

Juan n’ose pas entreprendre cette démarche et ne fait pas ce que son ami lui demande. C’est tout juste s’il accepte de recevoir un enquêteur canonique, frère Bernard de Medina, et de lui remettre certains documents en sa possession. Convaincu que Juan a encore beaucoup de choses à raconter, frère Bernard le presse de rassembler ses souvenirs et de les lui transmettre. Nous sommes en 1668 : la cause a été officiellement introduite à Rome, ce qui rend urgent ce témoignage crucial. Juan le sait mais l’incertitude le paralyse. Va-t-on le croire quand il va raconter ces histoires extravagantes ? Va-t-il s’attirer des ennuis ? Être accusé de mentir ? Ne vaudrait-il pas mieux se taire ? Mais s’il mourait sans avoir dit toute la vérité ? À cette idée, Juan se décide à parler. Cela lui prit trois ans de réflexion, puisque nous sommes alors en février 1671.

Un peu plus tard, alors que sa décision demeure fragile, Juan marche dans la rue. Il fait grand jour, aucune pénombre ne peut l’induire en erreur. Voici qu’un dominicain vient au-devant de lui et, cette fois, il n’hésite pas à l’identifier : c’est Martin, qui lui dit, sévère : « Juan, pourquoi avez-vous si peu tenu compte de mes ordres ? Allez maintenant, et dites tout ce que vous savez ! » Cela se passe plus de trente ans après la mort de frère Martin. Juan Vasquez va alors trouver Bernard de Medina et lui livre un témoignage si complet et circonstancié qu’il permettra de rédiger la « biographie savante » nécessaire à l’aboutissement de la cause, et qui fait toujours autorité.

Spécialiste de l'histoire de l'Église, postulateur d'une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l'auteur de plus d'une quarantaine d'ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

Stanislas Fumet, Saint Martin de Porrès, Éditions SOS, 1972.


En savoir plus :

  • Norbert Georges, Norbert de Porrès, défenseur de la justice sociale, La Pensée catholique, 1954.
  • Arthur Granger, Vie de saint Martin de Porrès, Centre dominicain de Montréal, 2004.
  • Frère Jacques Ambec, Saint Martin de Porrès, au service de la compassion, Téqui, 2005.
  • Frère Jacques Ambec, Vivre l’Évangile avec saint Martin de Porrès, Téqui, 2007.
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