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Des miracles étonnants
n°374

La Brielle (Pays-Bas)

9 juillet 1572

Une fleur inconnue pousse sur la fosse commune

Le 9 juillet 1572, à La Brielle ou La Brille, aux Pays-Bas, le comte de La Marck, chef militaire des protestants révoltés contre l’Espagne, connu pour sa violence et sa haine du catholicisme, fait torturer et exécuter de nuit, en toute hâte, avec des raffinements de cruauté, dix-neuf prêtres et religieux qu’il gardait en otages. Ce qui restait des corps a été enseveli à la va-vite sur le lieu du supplice. Les bourreaux ont veillé à ce qu’aucun signe ne marque l’emplacement de cette sépulture, afin que l’on ne puisse jamais la retrouver. Pourtant, quand, en 1605, l’Église entreprend des recherches en vue du transfert des corps des martyrs dans un tombeau plus digne, les premiers pèlerins qui osent se rendre sur place n’ont pas de difficulté à découvrir la fosse commune : son emplacement est tapissé d’une quantité de fleurs d’une exquise beauté, répandant un parfum délicieux, qu’aucun botaniste n’a jamais vue ni ne verra jamais ailleurs.

© Unsplash, Demi Kwant.
© Unsplash, Demi Kwant.

Les raisons d'y croire :

  • Pour leur malheur, les prisonniers catholiques sont tombés au pouvoir d’un personnage effrayant, le comte Guillaume de La Marck, qui commande les insurgés protestants. La Marck est un sadique qui prend plaisir à terrifier ses victimes et leur fait subir le plus de souffrances possible avant de les tuer, comme le prouve le traitement infligé aux suppliciés du 9 juillet.
  • La Marck a vraiment tout fait pour que l’on ne puisse pas retrouver la tombe des prêtres et religieux catholiques. La terreur qu’il inspirait à la population de la ville était telle que, des années durant, jusqu’au timide apaisement civil et religieux du début du XVIIe siècle, nul n’a osé se rendre sur place. L’on peut dès lors exclure qu’une main pieuse ait semé ou planté ces fleurs étranges sur la fosse commune.
  • Les premières recherches effectuées à cet emplacement découvrent les ruines d’une grange qui dépendait jadis du couvent Sainte-Élisabeth, propriété des chanoines de Saint-Augustin ayant brûlé. On retrouve ensuite les restes des suppliciés, pour certains encore attachés à la poutre à laquelle on les a pendus dans la grange, de sorte qu’il ne peut y avoir de doute sur leur identité. Ce qui reste des corps est en très mauvais état, ce qui n’a rien d’étonnant. Les témoins se souviennent en effet des tortures endurées par les malheureux et de la décision de dépecer les cadavres afin de vendre « de la viande de moine » au marché – le pire étant qu’il se trouva des acheteurs et des consommateurs.
  • La fleur en question, que les botanistes baptiseront « fleur des martyrs de Gorkum » ou « fleur des nouveaux patriarches », et dont ils laisseront des descriptions scientifiques détaillées et des dessins, est tout à fait étonnante et unique en son genre. Elle se présente comme une série d’assez grosses inflorescences poussant le long d’une tige et rappelant un peu, d’après certains, les fleurs de camélia. Elle est d’un blanc éblouissant, et très parfumée. Elle ne correspond à aucune autre plante connue, en Europe ou ailleurs ; elle ne peut provenir d’un pays lointain, car les spécialistes des plantes exotiques l’auraient tôt ou tard identifiée.
  • Ravis de la beauté de ces fleurs et persuadés de leur origine miraculeuse, les pèlerins vont littéralement saccager le site, les cueillant sans précaution par dizaines et les emportant. Après pareille dévastation, la plante aurait dû péricliter sans retour. Or, tout le monde témoigne que l’étonnant végétal repart de plus belle.
  • Parmi ces pèlerins se trouve un curé d’Utrecht, l’abbé de Oorschat. Venu se recueillir sur la sépulture et ravi, lui aussi, de la délicieuse beauté de cette fleur, il en cueille une tige comportant – il les a comptées – trois ou quatre fleurs épanouies. De retour chez lui, il constate, avec déjà un certain étonnement, que les fleurs, au lieu de faner pendant le voyage, sont restées fraîches et continuent d’exhaler leur délicieux parfum. Désireux de les conserver, telle une relique, il les range délicatement dans une boîte qu’il dépose dans un placard, sans plus s’en préoccuper.
  • Quand il retrouve le coffret, plusieurs mois plus tard, et l’ouvre, il demeure stupéfait : alors qu’il pense découvrir une brindille desséchée bonne à glisser dans un livre de piété, il découvre les fleurs non seulement dans le même état de beauté et de fraîcheur que lorsqu’il les a cueillies, mais aussi devenues un véritable bouquet aux multiples corolles épanouies, brillantes de rosée et embaumant toujours.
  • Ne comprenant pas comment trois ou quatre fleurs, cueillies depuis un an, ont pu non seulement rester intactes mais se multiplier, le prêtre compte les corolles et reste muet de stupeur. Sa tige porte maintenant dix-neuf corolles resplendissantes. Dix-neuf, c’est le nombre des martyrs suppliciés à La Brille : le père Nicolas Pik, gardien du couvent capucin de Gorkum, et sa communauté, composée des frères Corneille de Wick, Jérôme de Werden, Nicaise Johnson, Willald (nonagénaire chassé de son couvent danois par la Réforme), Godefroy de Merville, Antoine de Werden, Antoine de Hornaer, François de Roye (ordonné prêtre depuis peu), du frère lai Pierre d’Assche, des curés de Gorkum (les abbés Godefroy van Duynen, Léonard Wichel et Nicolas Poppel) et d’un aumônier de couvent (le père Thierry Emden). Parmi les autres martyrs, les pères Jacques Lacoupe et André Jansen sont des Prémontrés ; André Walter, le dominicain Jean de Cologne, et Jean d’Oosterweck, chanoine régulier de saint Augustin, sont des curés en charge de paroisses des environs de La Brille.
  • La fleur mystérieuse sera versée aux documents de la cause de béatification des martyrs, les conditions de son apparition et de sa conservation semblant à Rome un authentique miracle, retenu pour le procès, entamé en 1628, qui aboutit le 24 novembre 1675 à la béatification des martyrs de Gorkum.
  • Ce miracle ne fut pas réfuté lors de la canonisation du 29 juin 1867, alors que la science avait fait de nombreux progrès. En outre, on attribuait alors déjà trente-deux miracles de guérison aux martyrs.
  • À cette époque, les corps de martyrs avaient été déplacés et la fleur avait disparu, comme si elle n’avait pu prospérer qu’au contact des corps saints. Le souvenir s’en conserve à travers les gravures, même si la presse catholique, en 1867, la décrivit à tort comme rouge, couleur associée au martyre.

Synthèse :

En 1572, la guerre fait rage aux Pays-Bas entre partisans de l’indépendance et tenants de la fidélité aux Habsbourg, les uns convertis au protestantisme, les autres restés catholiques. Fin juin, les Espagnols abandonnent Gorkum (ou Gorinchen), sur la Meuse, non sans conseiller au clergé catholique de les suivre. Tous refusent, suivant l’exemple du père gardien capucin, Nicolas Pik, qui déclare, prévenu des risques : « Tout cela est affreux et ma faiblesse naturelle en frémit ; je croirais certes tenter Dieu si je courais de moi-même au-devant de semblables maux, mais je me dois, et je dois à mes frères de ne les point fuir et de me confier au Tout-Puissant. S’il m’envoie l’épreuve, il m’enverra le courage de la supporter. Avez-vous songé à la déplorable impression que produirait la nouvelle de notre fuite ? On en conclurait immédiatement que les catholiques n’ont plus la confiance de pouvoir se défendre et l’audace des uns, l’abattement des autres s’en trouveraient augmentées. »

Le 26 juin, les Gueux, nom donné aux révoltés protestants, entrent à Gorkum et arrêtent bourgeoisie catholique et clergé dans la forteresse où ils avaient trouvé refuge. Bien que les riches familles catholiques offrent des rançons contre la libération des prisonniers, les Gueux refusent de relâcher les prêtres, mis à la torture pour les obliger à livrer les richesses supposées de l’Église et les hosties consacrées. Sans rien tirer d’eux, quoique l’abbé Poppel soit soumis à de longs simulacres de pendaison, et que l’on ait commencé de brûler le père Pik à petit feu, lui grillant barbe, sourcils et cils, lui enfonçant un cierge allumé dans la bouche et les narines, « pour voir s’il était possible de lui incendier le cerveau » avant de le pendre à son tour jusqu’à la syncope. En reprenant conscience, il soupire : « J’eus acheté le Ciel trop bon marché. » Les autres ne sont pas mieux traités, pas même le vieux capucin danois roué de coups.

Redoutant un soulèvement destiné à sauver les captifs, les Gueux les font, la nuit du 5 au 6 juillet, transférer à La Brille, leur quartier général. À leur arrivée, on promène les prêtres en une parodie de procession avant de les mener en prison, où on les enferme dans un cachot souterrain par où s’écoulent les latrines du bâtiment…

Comme les interventions en leur faveur se multiplient, Guillaume d’Orange ordonne à La Marck d’épargner les religieux, ordre auquel le commandant des insurgés refuse d’obéir, préférant procéder aussitôt à une exécution nocturne clandestine. On conduit les prisonniers aux ruines du couvent Sainte-Élisabeth, hors la ville. Les poutres de la grange se prêtent à une exécution collective. Sur les lieux du supplice, les prêtres se donnent mutuellement l’absolution, puis se laissent dépouiller de leurs vêtements car, pour ajouter à l’humiliation, ordre a été donné de les pendre nus, en commençant par Pik, trente-huit ans, tenu pour le chef du groupe. Tandis qu’on lui passe la corde au cou, le capucin s’écrie à l’intention de ses compagnons : « Suivez-moi au chemin du Ciel comme de vaillants soldats du Christ ! » Les pères Jérôme de Werden et Nicaise Johnson exhortent leurs compagnons, dont certains faiblissent, à demeurer fermes, disant : « Nous sommes tous papistes jusqu’à la mort. » Néanmoins, le plus jeune, novice capucin nommé Henri, saisi de panique, apostasie et, pour preuve, blasphème contre Notre Dame. Quoique ligoté, le père Jérôme hurle au pasteur qui a poussé le gamin à ce reniement : « C’est toi, ministre de Satan, qui répondra devant Dieu de la perte éternelle de cet enfant ! », et il se fait découper vivant, priant pour ses bourreaux et le salut du novice qui, en effet, reviendra à la foi catholique et racontera la mort de ses frères. Pressés d’en finir, et désireux de prolonger les souffrances des martyrs, les bourreaux se bornent à accrocher les suppliciés par le cou à la poutre, de sorte qu’ils étouffent lentement dans une agonie interminable. Celle du frère Nicaise se prolonge près de quatre heures… Le dernier supplicié sera le vieil abbé Van Duynen, qui, craignant un mouvement de pitié, court vers la corde en disant : « Hâtez-vous de m’associer à mes frères, je vois le Ciel ouvert ! »

Les Gueux vont s’acharner sur les cadavres, éventrés, mutilés, dépecés pour aller vendre les « abats », cœurs, foies, au marché de Gorkum sous l’appellation de « viande de moines » ; il y eut des acheteurs. Les gens de La Brille, contre entrée payante, défilent voir les restes des religieux pendus comme à des crocs de boucher. Les restes humains sont inhumés seulement quand la chaleur rend la puanteur intenable.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

Willem Van Est, Historiae martyrum gorcomiensum, 1603. Traduit en français en 1606 sous le titre Histoire vraie des martyrs de Gorkum.


En savoir plus :

  • Abbé Patrice Chauvierre, Les Martyrs de Gorkum, 1867 consultable en ligne sur Catholicapedia.
  • Hubert Meuffels, Les Martyrs de Gorkum, Victor Lecoffre, 1922, réédité en2017.
  • Frédéric Thomaes, « Saint François Rodius, martyr de Gorcum, et les lignages de Bruxelles », Les lignages de Bruxelles, 2018.
  • Hans de Valk, « History Canonized: The Martyrs of Gorcum between Dutch Nationalism and Roman Universalism (1864-1868) »,dans Johan Leemans, More than a Memory. The Discourse of Martyrdom and the Construction of Christian Identity in the History of Christianity, Peeters, Leuven, 2005.
  • Par un dominicain : The Holy Martyrs of Gorkum, Saint John of Cologne and His Companions, 2018.
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