Marie répond au vœu des Polonais
À partir de 1945, le régime communiste qui domine en Pologne instaure une répression aveugle contre les catholiques. En 1953, 10 % des prêtres sont en prison. Mais, en 1956, le cardinal Hlond reçoit une illumination : la Vierge Marie va aider la nation polonaise. Effectivement, en moins de dix ans, la prophétie se réalise : la foi renaît de façon inexplicable grâce à l’acte de servitude du pays à « l’amour maternel de Marie », prononcé officiellement le 3 mai 1966 à Jasna Gora par le primat de Pologne et accepté par saint Paul VI.
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Les raisons d'y croire :
- La foi est revenue en Pologne de manière inattendue et contraire à tout ce que l’on aurait pu prévoir, ce qui en fait un phénomène tout à fait extraordinaire et difficilement explicable sans l’intervention du Ciel.
- Les trois hommes qui sont parvenus à faire renaître la foi en Pologne, en invitant à se confier à Marie, sont des personnalités exceptionnelles, hautement reconnues tant par les responsables gouvernementaux que par l’Église universelle : le cardinal August Hlond (1881 – 1948), président de la Conférence épiscopale de Pologne de 1926 à sa mort, et vénérable depuis 2018 ; le cardinal Stephan Wyszynski (1901 – 1981), successeur du précédent, primat de Pologne, archevêque de Varsovie, et bienheureux depuis le 12 septembre 2021 ; enfin le pape Jean-Paul II, canonisé.
- Le 26 août 1956, au sanctuaire national de Jasna Gora, sont lus les « vœux de la nation » écrits par le cardinal Wyszynski, alors emprisonné par le gouvernement communiste, devant un million de fidèles. Le Vœu de servitude à Marie, en lien étroit avec le millième anniversaire de la naissance de la Pologne, a rendu possible un élan spirituel sans comparaison possible : en 2014, 92,2 % des Polonais étaient catholiques, après plus d’un demi-siècle de persécutions incessantes.
- L’énergie déployée en particulier par le cardinal Wyszynski est proprement inexplicable : bien qu’emprisonné pendant trois ans et soumis à des pressions et vexations diverses, il réussit à transmettre le message d’espoir de Marie dans chacun des diocèses polonais. Entre 1956 et 1981, il prononce 11 000 homélies et discours. Il reconstruit une cinquantaine d’églises, détruites dans les années précédentes, dont deux cathédrales.
- En 1957, un miracle se produit. Les conditions posées par le cardinal Wyszynski au gouvernement pour qu’il accepte sa libération, qui lui est alors notifiée, sont toutes acceptées par le régime : libération de plusieurs autres évêques, annulation d’un décret gouvernemental qui donnait à l’État le droit de nomination des responsables religieux, etc.
- Du 26 août 1957 à 1966, dix diocèses accueillent l’image de Notre-Dame de Czestochowa ; parallèlement, la piété populaire repart de plus belle et les vocations se multiplient. Les pérégrinations de l’image de la Vierge de Czestochowa à travers le pays dure vingt-cinq ans, malgré la multiplication des mesures répressives de l’État : lorsque l’image est saisie par la police, en septembre 1966, c’est son cadre en bois qui continue d’être déplacé de paroisse en paroisse.
- En 1950, les séminaires de Pologne sont vides, les couvents sont menacés ou fermés, le tissu social chrétien malmené. Mais, entre 1970 et 2015, alors que les vocations sont en chute libre partout en Europe, le nombre de prêtres réguliers en Pologne augmente de 72 %.
- Une loi du 20 mars 1958 confisque au bénéfice de l’État la quasi-totalité des terres possédées par les ordres religieux (65 500 hectares sur un total de 75 000). À peine quinze ans plus tard, ces surfaces sont redevenues possession des religieux.
- En 1976, le cardinal Karol Wojtyla, invité à prêcher la retraite de carême devant le pape saint Paul VI, évoque à cette occasion les pérégrinations de l’image de Marie dans son pays. Le 4 juin 1979, saint Jean-Paul II, monté sur le trône de saint Pierre l’année précédente, renouvelle l’acte de servitude à Marie.
- En 1989, la prophétie révélée à Mgr Hlond est pleinement réalisée aux yeux du monde entier : le régime soviétique s’effondre, rendant à l’Église polonaise sa liberté, sous le pontificat d’un pape polonais.
Synthèse :
Après les ravages de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de Varsovie, étroitement lié à la Russie soviétique, s’apprête à lancer son programme de déchristianisation du pays – l’idée étant que, dans une république de type « socialiste », la religion soit au maximum éliminée de la vie publique du pays et de la culture des « masses ». L’Église de Pologne est menacée jusque dans ses fondements : un prêtre sur dix est en prison, les associations et la presse catholiques sont démantelées, les ordres et congrégations voient leurs biens confisqués. À priori, c’est un engrenage sans fin qu’il semble impossible d’arrêter.
Le cardinal August Hlond, président de la Conférence épiscopale de Pologne de 1926 à 1948, jeté en prison par les nazis puis libéré par les Alliés en 1945, retourne alors en Pologne. Mais le régime stalinien veut faire tomber les têtes des responsables chrétiens. Le prélat est ainsi espionné, arrêté et relâché plusieurs fois. Il échappe de manière providentielle à des tentatives d’assassinat à répétition.
Dans ces épreuves, le prélat garde une confiance absolue en Jésus et en Marie. Il sait à quel point la Mère de Dieu a joué un rôle de premier plan dans la vie de son pays depuis un millénaire. Un jour, tandis qu’il prie avec ferveur, lui vient une illumination : les catholiques polonais vont recouvrer leur liberté grâce à l’aide merveilleuse de la Vierge, dont l’amour maternel protège sa nation.
Son successeur, le bienheureux cardinal Wyszynski est à son tour emprisonné sans aucun motif réel. Son aura est impressionnante parmi les catholiques et il a déjà beaucoup travaillé à la remise sur pied de l’Église polonaise, quoique souvent de manière clandestine. Il consacre, avec les autres évêques, un premier acte d’offrande totale au Cœur immaculé de la Vierge le 8 septembre 1946.
Il reste détenu de 1953 à 1956. Il subit humiliations et tortures sans que jamais sa foi vacille. Au contraire ! Il sait, comme le savait Mgr Hlond, que Marie ne laissera pas la Pologne sombrer de la sorte. Encore détenu, il a une intuition surnaturelle : préparer le millième anniversaire de la naissance de la Pologne en engageant tout le pays, toutes classes sociales confondues, dans une grande neuvaine à Marie. Oui, mais, prisonnier dans les geôles du régime, comment s’y prendre ?
Il rédige en quelques jours un texte intitulé « vœux de la nation », un vaste programme pastoral et spirituel pour demander l’intercession de la Vierge pour le pays entier. Ce document est lu le 26 août 1956 devant un million de fidèles réunis à Jasna Gora. Encore prisonnier, Mgr Wyszynski ne peut participer physiquement à cette cérémonie.
C’est un succès énorme. Dès sa sortie de prison, le cardinal se met à la tâche, invitant chaque croyant, chaque famille, chaque paroisse, à prendre part à son programme de renouveau catholique. Une initiative incroyable est mise sur pied : une image de Notre Dame de Czestochowa pérégrine à travers tout le pays pour redonner espoir et paix. L’image voyage ainsi aux quatre coins de la Pologne pendant un quart de siècle sans interruption, malgré les tentatives d’intimidation menées par le gouvernement de Varsovie.
De 1957 à 1966, le redressement spirituel est exceptionnel : croissance du nombre de prêtres, de religieuses et de religieux, conversions, etc. Toutefois, les catholiques n’ont pas encore la maîtrise totale de leur destin, car le gouvernement poursuit sa politique de répression à l’encontre du clergé et des fidèles.
Chaque année de la grande neuvaine marque la réalisation de projets divers (construction ou réparation d’édifices cultuels, création de nouvelles paroisses, présence associative catholique accrue dans les milieux ouvriers ou intellectuels…). En 1966, l’État polonais découvre non sans stupeur qu’il n’a rien pu faire contre cette Église qui était pourtant pour lui la cible à abattre.
Le 3 mai 1966, au terme de la neuvaine préparant l’anniversaire de la fondation de la Pologne, le cardinal Wyszynski accomplit l’acte de « servitude » à la Mère de Dieu, toujours à Jasna Gora. C’est l’expression ecclésiale du lien essentiel entre Marie et la nation polonaise. C’est déjà la fameuse devise du pape Jean-Paul II, Totustuus (« tout à toi », Marie), premier souverain pontife polonais de l’Histoire, qui, dès 1979, se rend dans son pays natal, où il prononce une seconde fois le même acte de consécration. Celle-ci est pleinement acceptée par saint Paul VI comme fruit de la célébration du millénaire de la Pologne.
Dès lors, tous les chiffres le prouvent, un renouveau de la foi souffle sur tout le pays, bien que le gouvernement fasse tout son possible pour nuire aux fidèles et aux responsables catholiques. Les arrestations diminuent. L’intransigeance avec laquelle la police surveillait les faits et gestes des évêques se relâche ici et là. Les églises se remplissent et le nombre de pratiquants connaît un essor sans précédent – cas unique dans l’Europe des Trente Glorieuses, assez largement déchristianisée.
En 1993, le monde entier apprend que l’un des fruits remarquables de l’acte de servitude vient d’éclore : après plus de quarante ans d’oppression, l’État polonais et l’Église du pays signent un concordat permettant de mettre un terme à nombre de tensions. À cette date, la sinistre politique anticatholique semble appartenir à un temps révolu.
Après les cardinaux Hlond et Wyszynski, c’est bien sûr à saint Jean-Paul II, si proche de ses deux devanciers par la pensée et par l’action, qu’il est revenu d’assister à l’effondrement du communisme soviétique et à la libéralisation de son pays. Ce pape savait que tout avait débuté par les pérégrinations de l’image de Notre Dame de Czestochowa, et que tout avait basculé à partir de l’acte de servitude à l’amour de Marie.
Depuis 1966, les fruits de la consécration polonaise à la Vierge sont proprement inexplicables sans l’intervention du Ciel.
Au-delà des raisons d'y croire :
En plaçant la nation polonaise sous le regard maternel de Marie, l’Église du pays a non seulement refoulé les mesures répressives et déstabilisatrices du gouvernement communiste, mais aussi permis de faire éclore dans toute la société, sans limites de conditions sociales ou de niveau culturel, un nouvel élan spirituel unique dans l’histoire millénaire de la Pologne.
Aller plus loin :
Bernard Lecomte, Le Pape qui a vaincu le communisme, Paris, Tempus, 2019.