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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Histoires providentielles
n°347

Castelnaudary (France)

1861

Les flammes purificatrices de Marie-Thérèse de Soubiran

Une nuit de 1861, les religieuses de l’Œuvre de la préservation, à Castelnaudary, sont réveillées par l’incendie qui vient de se déclarer dans leurs bâtiments neufs de Bon Secours. Outre la petite congrégation, la maison abrite vingt-six adolescentes en perdition. Au milieu de l’affolement général, alors que le feu empêche toute évacuation et que les secours estiment impossible de sortir qui que ce soit de ce brasier, la jeune supérieure, mère Marie-Thérèse de Soubiran, ne perd pas son sang-froid. Parant au plus urgent, bravant le danger, elle se précipite à la chapelle pour soustraire aux flammes la réserve eucharistique contenue dans le tabernacle. En possession des hosties consacrées, mère Marie-Thérèse, à genoux face au feu en train de tout dévorer, fait vœu à Notre Dame de Marceille d’un don magnifique si elle préserve ses sœurs et ses pensionnaires. Contre toute attente, le sinistre ne fait aucune victime. Marie-Thérèse meurt bien des années après, le 7 juin 1889.

© Unsplash, Matea Gregg.
© Unsplash, Matea Gregg.

Les raisons d'y croire :

  • L’incendie qui se déclare, dans la nuit du 5 au 6 novembre 1861, dans les bâtiments à peine achevés de l’Œuvre de la préservation, à Castelnaudary, est un événement qui fait les gros titres de la presse locale ; il est parfaitement attesté et documenté. Les moyens dont disposent les pompiers à l’époque sont encore très rudimentaires et ceux-ci estiment vite qu’il est impossible non seulement de sauver les bâtiments, mais même de secourir les religieuses et leurs pensionnaires, soit près de quarante personnes, bloquées à l’intérieur. Chacun s’attend donc à une effroyable catastrophe et un terrible bilan humain.
  • Mère Marie-Thérèse de Soubiran, prisonnière au cœur du sinistre avec ses religieuses et les jeunes filles dont elles ont la charge, se rend compte que l’incendie, qu’elle qualifiera « d’épouvantable » est d’une violence incroyable, pour ne pas dire anormale. Elle a presque aussitôt la conviction que ce feu à une cause surnaturelle et ne peut être combattu que par la prière et la confiance en Dieu. Il faut de la confiance en la Providence divine, en effet, pour tout remettre entre ses mains, jusqu’à accepter l’éventualité d’une mort horrible.

  • La veille au soir, la communauté a entendu une instruction qui a profondément frappé mère Marie-Thérèse concernant la vie religieuse telle qu’elle doit être menée pour plaire à Dieu et se sanctifier. Elle a pris pleinement conscience, à ce moment-là, que ni elle ni la communauté ne correspondent à ces exigences. Dans ses notes, elle écrit, de manière étrangement prémonitoire : « Être de mauvaises religieuses, donner naissance à une communauté sans régularité et sans ferveur… Il vaudrait mieux mourir mille fois ! Il vaudrait mieux que le Bon Dieu nous détruise toutes d’un seul coup, même en nous brûlant ! »

  • Mère Marie-Thérèse a la conviction, au cœur du brasier, que Dieu l’a prise au mot, mais il n’entend pas les laisser brûler vives. Au contraire, il les sauvera afin de permettre la réalisation d’une œuvre à sa convenance.
  • Elle a aussi la certitude que l’adoration eucharistique sera au centre de l’œuvre qu’il lui faudra rebâtir. Cette conviction la pousse à risquer sa vie pour aller chercher les saintes espèces dans le tabernacle de la chapelle et à se mettre en prière devant le saint sacrement, en attendant aide et secours.
  • Profondément attachée à Notre Dame, mère Marie-Thérèse fait vœu d’offrir un objet précieux au sanctuaire Notre-Dame de Marceille, près de Limoux, vénérée pour avoir sauvé la ville d’un incendie, au XVIIIe siècle, et de faire ajouter systématiquement au nom de religion des sœurs celui de Marie.
  • Que toutes les personnes prisonnières du brasier en soient sorties saines et sauves semblera d’autant plus miraculeux que l’incendie détruit entièrement l’ensemble des bâtiments.
  • À compter de cette nuit, mère Marie-Thérèse se dépouille de tout attachement aux biens matériels, renonçant, alors que l’incendie laisse la communauté dans les difficultés, à sa part de l’héritage familial. Elle fait un vœu de pauvreté radicale l’obligeant, comme elle s’y est engagée dans l’enthousiasme de cette « nuit de feu », à « ne faire fond que sur Dieu ».

  • Toute la communauté mesure le caractère miraculeux du sauvetage et, dès lors, chaque année, la nuit du 6 novembre, anniversaire de l’incendie, se passe en adoration devant le saint sacrement.

Synthèse :

Sophie-Thérèse de Soubiran naît à Castelnaudary le 16 mai 1834, dans une famille de l’aristocratie très appauvrie par la Révolution. À l’adolescence, elle se sent attirée par le cloître et la vie carmélitaine, mais son oncle, le chanoine de Soubiran, qui ambitionne de fonder une maison sur l’ancien modèle des béguinages (rassemblant des femmes pieuses, sans véritable vocation religieuse, pour leur permettre de vivre en communauté, s’entraider et prier ensemble), la persuade d’embrasser cette existence. Sophie n’ose lui dire que cela ne correspond pas à ce qu’elle souhaite.

Après un stage de trois mois, à l’été 1854, chez des béguines de Gand, elle revient dans le Lauragais et, sous la houlette de son oncle, rassemble autour d’elle quelques célibataires dans les locaux de Bon Secours ; elle devient la supérieure de la congrégation et prend le nom de religion de Marie-Thérèse. Elles mèneront ensemble une vie de pauvreté, de prières et de travail, se dévouant à l’accueil de jeunes filles pauvres et isolées exposées à des dangers moraux. Afin de permettre le développement de cette œuvre de préservation, la communauté fait édifier des bâtiments neufs, qui disparaissent dans l’incendie du 6 novembre 1861.

Au lendemain de la catastrophe, convaincue que le feu, en consumant tout, lui indiquait qu’il fallait construire autre chose, mère Marie-Thérèse, qui n’a jamais été heureuse dans le modèle de vie imposé par son oncle, mais craignant de faire sa volonté plutôt que celle de Dieu en recommençant à sa manière, prend le temps de la réflexion, et fait une longue retraite à Toulouse. Elle en sort persuadée, en 1864, qu’elle doit sauver ce qui doit et peut l’être de la fondation d’origine, en conservant le charisme d’action apostolique au service de la jeunesse en péril, mais en lui donnant, selon la spiritualité de saint Ignace de Loyola, une dimension adoratrice et contemplative. Ainsi est fondée la congrégation de Marie-Auxiliatrice, qui se consacre à venir en aide aux adolescentes amenées en ville par l’exode rural, coupées de leurs familles, souvent sans ressources ni travail et livrées aux dangers de la prostitution. Marie-Thérèse a ainsi l’inspiration du premier foyer pour jeunes travailleuses.

Ayant renoncé à sa part d’héritage pour « ne faire fond que sur Dieu », la jeune supérieure écrit : « Celui qui met sa confiance en Dieu est fort de la force de Dieu. » Ce pourrait être sa devise et, les premières années, la bonne marche de l’œuvre, qui essaime à Amiens, Lyon, Bourges, Paris, Angers, puis Londres pendant la guerre de 1870, lui donne raison. Cependant, sa santé s’altérant, la fondatrice doit de plus en plus s’appuyer sur son assistante générale, sœur Marie-François, qui, s’estimant plus compétente qu’elle, ambitionne de prendre sa place. Pour cela, elle ne recule devant rien, allant, en 1873, jusqu’à truquer les comptes de la communauté, prétendant que mère Marie-Thérèse a ruiné la congrégation par sa mauvaise gestion. « Accusée de tous les malheurs », dont elle serait prétendument responsable, mère Marie-Thérèse, en février 1874, est poussée à démissionner de sa charge de supérieure et chassée de la maison de Bourges, où elle résidait.

Sans un sou, elle se retrouve à la rue, malade et discréditée… Elle écrira : « Dieu seul me restait et me consolait de ce flot d’amertume. » Son directeur de conscience parvient à la faire admettre comme indigente à l’hospice de Clermont-Ferrand, puis entreprend de lui chercher une autre communauté religieuse. Hélas, aucune ne veut de cette supérieure soupçonnée de mauvaise gestion, en mauvaise santé, trop âgée pour se faire aux façons d’un autre ordre. Repoussée de partout, elle est finalement recueillie par les sœurs de Notre-Dame de Charité, à Paris, d’abord comme pensionnaire, puis comme religieuse en 1877. Le 7 juin, elle y fait profession sous le nom de sœur Marie du Sacré-Cœur. Réduite aux besognes les plus humbles, l’ancienne fondatrice voit dans cet abaissement une école de sainteté. Elle dit : « Je ne me passionnerai plus que de Notre Seigneur », ajoutant : « Notre Seigneur m’a traitée comme une tendre mère qui, prenant son enfant dans ses bras, lui enlève tout pour qu’enfin le petit ne regarde plus qu’elle. »

Elle meurt de tuberculose le 7 juin 1889. L’année suivante, mère Marie-François, la diffamatrice, quitte ses fonctions de supérieure et l’on découvre ses faux en écriture, commis pour faire renvoyer mère Marie-Thérèse. Celle-ci est réhabilitée et ses filles obtiennent que son corps leur soit restitué afin d’être enterré dans leur maison de Villepinte, en banlieue parisienne. Marie-Thérèse de Soubiran est béatifiée en 1945.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

Les événements qui se déroulèrent dans la vie de mère Marie-Thérèse de Soubiran après la « nuit de feu » montrent pourquoi il faut voir la main de Dieu dans la destruction d’une œuvre qui n’était pas selon son cœur. « J’ai su que Jésus-Christ m’a aimée, je l’ai su dans l’histoire de ma vie. »


Aller plus loin :

Mère Marie-Thérèse de Soubiran, Écrits spirituels, 1985.


En savoir plus :

  • Henri Monier-Vinard, Marie-Thérèse de Soubiran, fondatrice de la société de Marie-Auxiliatrice (1834 – 1889), d’après ses notes intimes, Spes, 1937.
  • Marie-Thérèse Delmas, Voie spacieuse ; bienheureuse Marie-Thérèse de Soubiran, Spes, 1955.
  • André Girard, Marie-Thérèse de Soubiran, 1834 – 1889, fondatrice de Marie-Auxiliatrice et de la Maison de Bourges, chez l’auteur, 1975.
  • Geneviève Perret, Marie-Thérèse des pauvres, avec Jésus-Christ, Apostolat des éditons, 1985. Cf. la vidéo de la présentation de cette biographie par l’auteur, sur la chaîne YouTube Éditions jésuites.
  • William Lawson, A Life of the Blessed Marie-Thérèse de Soubiran, Catholic Book CLub, 1953.
  • L’article de la revue jésuite Christus, disponible en ligne : « Marie-Thérèse de Soubiran, le labyrinthe d’une vie ».
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