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Les mystiques
n°362

Dantzig et Marienwerder (Poméranie, Prusse-Occidentale)

1347 – 1394

Dorothée de Montau, épouse, mystique et sainte

Décédée le 25 juin 1394, Dorothée de Montau est une très grande figure de la sainteté au Moyen Âge. Laïque et mystique, elle mène aux côtés de son mari et de leurs neuf enfants une vie chrétienne rare et édifiante. Devenue veuve, elle distribue ses biens et se retire dans un minuscule ermitage, où elle communique très fréquemment avec Jésus, qui lui accorde des grâces extraordinaires.

Le château et la cathédrale de Kwidzyn, Pologne. / © Shutterstock, Patryk Kosmider.
Le château et la cathédrale de Kwidzyn, Pologne. / © Shutterstock, Patryk Kosmider.

Les raisons d'y croire :

  • La patience et l’obéissance dont elle fait preuve pendant son mariage malheureux (son mari la bat) forcent l’admiration et dépassent les capacités naturelles d’un être humain normal.
  • De surcroît, elle réussit, avec l’aide de Dieu, à adoucir son époux et à le convertir profondément, au point qu’il accepte de l’accompagner plusieurs fois en pèlerinage à Cologne, Aix-la-Chapelle ou Einsiedeln.
  • Dans la longue série de deuils qu’elle traverse, elle montre un abandon surhumain à la providence : sur ses neuf enfants, un seul parvient à l’âge adulte, sans que jamais sa foi ni sa fidélité à Dieu et à l’Église n’en soient affectées.
  • Sa vie mystique n’est ni une légende hagiographique ni une invention littéraire : rien ne se passe avant ses trente et un ans et on ne trouve aucune bizarrerie ni aucune outrance dans ses communications avec le Ciel.
  • Les messages célestes recueillis par Dorothée sont en tous points exempts d’erreurs théologiques. De plus, ils manifestent des connaissances qui dépassent ses facultés naturelles : la sainte ne reçut aucune formation doctrinale ou spirituelle et le niveau socioculturel de son mari était très modeste.
  • Toute la spiritualité de Dorothée est axée sur la personne de Jésus, l’Eucharistie et le Sacré Cœur, dont elle est l’une des premières apôtres en Europe. Sa mystique n’est absolument pas le fruit d’une imagination débordante. Sa prière, sa perception de Jésus et de Marie, son culte eucharistique sont ceux de l’Église.
  • Au XIVe siècle, la dévotion au Sacré Cœur n’est pas encore universelle. Il s’agit alors d’une dévotion « privée », sans ancrage dans le calendrier liturgique de l’Église. Or, la précision et la portée des visions du Sacré Cœur chez la sainte (l’échange de son cœur avec celui de Jésus) anticipent le devenir de cette dévotion avec quatre siècles d’avance (cf. sainte Marguerite-Marie Alacoque).
  • Des prophéties de la sainte se sont réalisées : lors du procès de canonisation, le grand maître de l’ordre Teutonique, Konrad von Jungingen, a expliqué que Dorothée l’a protégé, ainsi que ses hommes, en les prévenant de dangers qu’il ne pouvait prévoir. La sainte a d’ailleurs prédit la date exacte de la mort du pape Clément VII.
  • Les visions et révélations diverses de Dorothée ne sont aucunement des apocryphes : le père Johann von Marienwerder prend immédiatement en notes ce que la sainte lui dit et, lorsque celui-ci s’absente, c’est Johann Rymann, prieur du chapitre de la cathédrale de Marienwerder, qui le remplace comme secrétaire.
  • Sans aucune information extérieure, elle a une vision d’un reliquaire conservé dans la cathédrale de Marienburg et dans lequel a été déposée une relique sainte : un petit morceau de la Croix du Christ.
  • Ses visions épousent toutes le cycle liturgique de l’Église : Noël, l’Avent, Pâques, la Pentecôte, etc., à tel point qu’aucune grande date de ce calendrier n’est ignorée.
  • Les révélations privées de Dorothée et les messages célestes qu’elle a recueillis n’ont pas été remis en cause. L’Église y voit depuis la fin du XIVe siècle le signe fort d’une union d’une sainte femme avec le Dieu de Jésus-Christ.
  • L’Église a reconnu les vertus héroïques et l’exemplarité de la vie chrétienne de Dorothée de Montau en la canonisant en 1976.

Synthèse :

Née le 6 février 1347 dans le village de Gross, à Montau, près de Marienburg (Allemagne, à l’époque partie de l’État teutonique), Dorothée, future patronne de la Prusse, appartient à un milieu modeste. Son père est un agriculteur éloigné de la vie intellectuelle de l’époque.

Bien qu’elle n’ait jamais eu de visions et de locutions avant ses trente et un ans, l’enfant apprécie les cérémonies religieuses et prie de longs moments en divers lieux. Amour de la nature et des êtres, piété précoce et dévotion mariale, tels sont les traits spirituels de la jeune Dorothée.

À l’adolescence, elle vit des périodes de jeûne et sa pratique sacramentelle s’intensifie. Il lui arrive de songer à devenir religieuse cloîtrée. Mais ses parents la contraignent en 1364 à prendre un mari, en la personne d’Adalbert Swartze, armurier de Dantzig. L’homme est plus âgé qu’elle. Bien que brave et travailleur, il s’emporte souvent et pique des colères qui terrorisent Dorothée. Il la frappe parfois violemment. Elle ne se rebiffe pas et met tout en œuvre pour le calmer et le faire changer. Elle y parviendra après des années d’efforts et de renoncements.

Neuf enfants naissent de ce mariage. Mais un seul (une fille, Gertrude, future moniale bénédictine) parvient à l’âge adulte. Endeuillée, Dorothée stupéfait son entourage par sa dignité, sa confiance inexorable en Dieu et son abnégation, même à une époque où le taux de mortalité infantile n’avait rien de commun avec celui de 2024 ! Toutes ces années de vie maritale sont une période de prières, d’ascèse rigoureuse, de jeûnes. Elle vit alors l’Évangile dans le « siècle » : au sein d’un couple en proie à des relations difficiles.

Mais Dieu ne tarde pas à se manifester à la sainte, de deux manières. Il lui donne suffisamment de forces pour parvenir à convertir son mari, qui, progressivement, cesse toute violence, retrouve le chemin de l’Église, jusqu’à accompagner son épouse dans plusieurs pèlerinages. Parallèlement, Dorothée a ses premières visions qui la réconfortent et lui expliquent que Jésus ne l’abandonnera pas. Elle va chaque jour, successivement, dans huit églises de Dantzig.

En 1380, c’est une victoire spirituelle : son mari accepte de prononcer un vœu de chasteté à ses côtés. Dès lors, la vie mystique de la sainte connaît un essor prodigieux : extases, visions, locutions intérieures, bilocations... En 1384, elle assiste aux obsèques de sainte Brigitte de Suède, en présence du grand maître de l’ordre Teutonique ; elle l’ignore encore bien sûr, mais cette rencontre aboutira un jour à sa nomination comme patronne de l’ordre Teutonique ! Cet événement marque une étape décisive. Elle parvient à convaincre son époux de vendre et de distribuer leurs biens et de mener une vie consacrée à la seule prière.

En 1390, elle se rend à Rome, seule, car son mari est tombé malade. Elle y reste six mois. Lorsqu’elle revient à Dantzig, son mari est mort. Devenue veuve, elle gagne l’année suivante Marienwerder. Son choix n’est pas anodin : dans cette ville vit alors Johannes Marienwerder, doyen de la cathédrale et prêtre de l’ordre Teutonique. Sa réputation d’excellent théologien est connue de tous. L’année suivante, elle quitte définitivement Dantzig pour Marienwerder.

Là, elle demande aux autorités de pouvoir vivre en recluse, selon la volonté du Seigneur, qui le lui a demandé lors d’une vision. Le père Johannes von Marienwerder, qui est devenu son confesseur, la met à l’épreuve : elle devra patienter une année entière dans sa détermination avant qu’il accepte.

Après douze mois d’une longue attente, Dorothée s’installe définitivement, le 2 mai 1393, dans une cellule jouxtant le mur sud du chœur de la cathédrale de Marienwerder. Le lieu ne dispose que d’une fenêtre donnant sur l’autel de la cathédrale ! Là, Dorothée mène une existence d’ascèse et de prière. Jésus la visite très souvent, ainsi que la Vierge Marie. Elle se confesse et communie tous les jours, sans exception, ce qui est exceptionnel à cette époque.

Le 16 septembre 1393, elle fait l’expérience rare (mais parfaitement documentée dans l’histoire de la mystique chrétienne) du mariage mystique avec le Christ. À cette époque, le père Johannes prend soin de transcrire avec précision le récit de ses expériences mystiques.

Dorothée rend son âme à Dieu le 25 juin 1394, un an après avoir quitté ce monde pour se consacrer à Dieu. Elle est inhumée à l’intérieur de la cathédrale de Marienwerder, qui devient vite un lieu de pèlerinage. Dès 1395, l’ordre Teutonique et les évêques de Prusse demandent l’ouverture de son procès en canonisation.

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

Même si l’on choisissait d’ignorer la richesse extraordinaire de ses charismes, de ses multiples expériences mystiques, pour ne conserver que la partie « humaine » de l’existence de Dorothée de Montau, personne ne contesterait pour autant sa valeur morale et psychologique, ses qualités relationnelles, son abnégation, son humilité, sa patience et sa charité, étendue à tous sans restriction.


Aller plus loin :

Richard Kieckhefer, « Christ as Disciplinarian, Bridegroom and Teacher in the Life of Dorothea of Montau », dans Richard Kieckhefer, The Mystical Presence of Christ: The Exceptional and the Ordinary in Late Medieval religion, Ithaca, Cornell University Press, 2022, p. 283-321.


En savoir plus :

  • H. Westpfahl (éd.), Vita Dorotheae Montoviensis magistri Johannis Marienwerder, Cologne, 1964.
  • Bernard Forthomme, « Dorothée de Montau », dans Audrey Fella (dir.), Les Femmes mystiques. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, 2013, p. 309-311.
  • Auguste Hamon, Histoire de la dévotion au Sacré Cœur, tome 2, Beauchesne, 1894.
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