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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les mystiques
n°423

Toscane (Italie)

1486 – 1547

La profonde vie mystique de Catherine Racconigi

La bienheureuse Catherine Mattei, mieux connue sous le nom de Catherine de Racconigi, est née en 1486 dans une famille très pauvre du Piémont. Membre d’un tiers ordre dominicain, elle connaît des expériences mystiques dès sa jeunesse. Vivant uniquement de la communion eucharistique, stigmatisée, Dieu lui accorde les dons de miracles et de prophéties qui lui valent jalousies et envies. Elle est disculpée des accusations de sorcellerie à son encontre et passe le reste de son existence dans la contemplation et la charité. Le pape Pie VII la proclame bienheureuse en 1810.

© Shutterstock/Romolo Tavani
© Shutterstock/Romolo Tavani

Les raisons d'y croire :

  • Nombre d’auteurs ont écrit sur elle : aucun d’eux n’a jamais émis la moindre réserve à l’égard des charismes et des miracles de la bienheureuse.
  • Les biographes de Catherine ont largement puisé dans un témoignage de première main d’un grand humaniste, contemporain de Catherine, François Pic, prince de la Mirandole, neveu du fameux savant du même nom. On ne saurait trouver un témoin plus fiable. Il a pris fait et cause pour elle après avoir discerné la puissance de sa foi et la rareté de ses qualités naturelles. C’est sur la base de ses écrits – complétés par un autre témoin oculaire, le dernier confesseur de la bienheureuse – que l’on connaît la vie de Catherine et les grâces extraordinaires qu’elle a reçues du ciel.
  • Jean-François Pic de la Mirandole et le père Morelli ont donc été à l’origine de la diffusion en Italie des faits et gestes de Catherine. Cela marque l’accomplissement d’une prophétie que la Vierge avait annoncée à Catherine, selon laquelle les grâces qu’elle avait reçues du Seigneur seraient rendues publiques par deux personnes différentes qu’elle connaissait bien.
  • Voici un exemple d’un des nombreux prodiges qui emplissent sa vie. Un prédicateur dominicain en vogue pensait que Catherine était une usurpatrice. Une nuit, elle lui apparut et lui dit : « Vous devriez au moins respecter Dieu, qui peut faire de sa servante ce qu’il plaît à sa divine Majesté. » Ce prêtre n’avait jamais vu la bienheureuse, mais, s’étant présenté chez elle le lendemain, il reconnut parfaitement celle qui s’était montrée en songe. Il devint l’un de ses meilleurs amis.

  • Maintes de ses prophéties se sont réalisées : elle prophétisa par exemple avec succès la date de la mort du comte Pic de la Mirandole et de son fils en 1533.
  • Son charisme de lecture des âmes était étendu et d’une précision inexplicable. Parmi ses innombrables visiteurs, rares furent ceux à qui elle ne dévoila pas leurs péchés avant qu’ils n’aient ouvert la bouche. Son confesseur, le père Morelli, a rapporté qu’elle savait lorsqu’il devait venir la voir et qu’elle annonçait son arrivée avant qu’il entre ; elle lui énumérait les peines et les joies qu’il éprouvait intérieurement, lui énonçant même certaines fautes qu’il était seul à connaître.
  • Sa stigmatisation est authentique. Les blessures furent observées par des dizaines de témoins éminemment respectables, dont Jean-François Pic de la Mirandole. Les plaies, apparues en 1509 à un moment précis du calendrier liturgique, sont précédées d’une vision du Christ et accompagnées de rudes douleurs physiques et morales. Ces modalités sont identiques à toutes celles des cas miraculeux décrits dans les annales de la mystique depuis le XIIIe siècle.
  • Quelque temps après l’apparition des blessures, la bienheureuse supplia Jésus de les rendre invisibles afin que personne ne remarque ses stigmates dont elle se jugeait indigne. De fait, les plaies disparurent, mais pas totalement : bien qu’invisibles la plupart du temps, elles laissaient néanmoins s’écouler une grande quantité de sang et, de surcroît, elles redevinrent visibles après la mort de Catherine. Sa tête paraissait entourée d’un cercle si « profondément creusé », qu’on aurait pu y insérer le « petit doigt d’un enfant ».

  • Pic de la Mirandole rapporte le fait suivant : en 1521, un jour que la bienheureuse était en prière, Catherine, après une vision, pressentit que sa patrie allait être durement touchée par la peste. Catherine demanda à Jésus de la frapper s’il le désirait, mais d’épargner sa ville natale. Dieu l’écouta : autour de Racconigi, l’épidémie de peste emporta de très nombreuses personnes, mais les habitants de la ville de Catherine furent tous épargnés.
  • Ses charismes extraordinaires ne sont jamais gratuits. Ils ont une signification spirituelle profonde. Loin de contredire l’enseignement de l’Église, ils en montrent certains aspects : en recevant les stigmates, Catherine accepte de partager les souffrances du Christ, donnant un sens à ses épreuves ; en recevant le don de prophétie et de lecture des âmes, elle répond à l’appel de Dieu lui demandant de le servir dans les pauvres, matériellement et spirituellement ; ses visions de la Vierge renforcent en elle sa dévotion mariale ; celles de l’enfer et du paradis renforcent en elle le désir de mener une vie sainte et de prier pour la conversion des incroyants, etc.
  • Au-delà des charismes surprenants et nombreux, tous parfaitement analysés, Catherine place les valeurs évangéliques au cœur de sa vie, y compris lors des épisodes les plus difficiles (persécutions, moqueries, abandons…). C’est l’expression d’une sainteté exceptionnelle : humilité confondante, obéissance sans exception (à l’Église et aux responsables civils), charité parfaite envers les pauvres.
  • Au début de mai 1547, Catherine prophétise la date de sa mort en indiquant qu’il ne lui reste que quatre mois à vivre. Or, rien dans son état de santé ne permettait de prévoir un délai de vie raccourci. Au XVIe siècle, c’eût été de toute manière difficile pour la médecine de pronostiquer une espérance de vie si précisément.
  • Au soir de sa vie, le diable apparaît à Catherine et cherche à la désespérer : « L’âme meurt en même temps que le corps. De tant de milliers de personnes qui ont vécu saintement, aucune n’est jamais revenue porter des nouvelles d’au-delà du tombeau, ce qu’elles n’auraient pas manqué de faire, si les âmes étaient véritablement immortelles. » Grâce à sa propre expérience, elle sait quoi lui répondre : « Mensonge ! Tu ne peux mourir, toi : il en est de même de toute âme humaine créée à l’image de Dieu. Mais tu es banni pour toujours de la paix des élus. Quant au retour des âmes en ce monde, la chose n’est pas comme tu dis, puisque, de temps en temps, selon qu’il plaît à Dieu, elles viennent fortifier notre foi et nous consoler ; et de mes propres yeux j’en ai vu plusieurs, revêtues d’un corps, apparaître à mes yeux. »

  • Selon le témoignage des habitants de Caramagna, dont la plupart ont été reçus sous serment, le corps de Catherine exhala après sa mort, le 4 septembre 1547, un parfum d’une rare suavité. Le phénomène persista tout le temps des funérailles.
  • La translation du corps à Garessio eut lieu cinq mois après la mort. Le peuple, le clergé, les Dominicains, reçurent les reliques de la bienheureuse sous un baldaquin. La dépouille était parfaitement conservée et répandait encore un parfum inconnu dont personne ne découvrit la source.
  • En 1835, le choléra ravagea une partie du Piémont. Racconigi ne fut pas épargné. Les habitants recoururent à Catherine ; ils portèrent son image en procession et promirent de jeûner, la veille de sa fête, pendant vingt ans, si elle intercédait pour les sauver. Dans les heures qui suivirent, l’épidémie fut stoppée sans explication.
  • Le procès de béatification, sollicité par le père Pie-Joseph Gaddi, maître général des Frères prêcheurs, fut l’occasion d’une enquête on ne peut plus rigoureuse sur la vie et les charismes de Catherine.

Synthèse :

Catherine de Racconigi (née Mattei) vient au monde dans une famille très pauvre. Son père, Georges, ferronnier de son état, ne travaille pas et souffre d’une grave dépression ; c’est son épouse, Billia, tisserande, qui fait vivre les siens, mais ses maigres revenus sont loin de suffire pour subvenir aux besoins de la famille. Avant Catherine, le couple avait déjà eu cinq enfants. Lorsqu’elle atteint l’âge de raison, Catherine apprend le métier de sa mère, travaille comme elle le peut et aide aux travaux domestiques.

Sa jeunesse est marquée par le dénuement matériel. En revanche, la future bienheureuse mène une vie spirituelle d’une grande richesse dès ses jeunes années. Désireuse de s’engager dans la vie contemplative, la jeune Catherine fréquente un moment une communauté de Servites près de Racconigi. En 1509, elle frappe à la porte d’un couvent de religieuses dominicaines, fondé par Claude de Savoie, seigneur de la région. Elle se place alors sous l’accompagnement spirituel du père Dominique Onesti de Bra, dans une obéissance de chaque instant. Il est impossible de soutenir que Catherine n’a pas été accompagnée ou que ses visions n’ont pas été étudiées par d’autres pour vérifier leur crédibilité : c’est tout le contraire !

Dès ses neuf ans, Dieu lui accorde nombre de charismes extraordinaires : visions de Jésus (en particulier, sous les traits d’un enfant du même âge qu’elle), de la Vierge Marie, d’anges. Saint Dominique, saint Pierre martyr et sainte Catherine de Sienne lui apparaissent régulièrement. Elle reçoit des messages en locution intérieure et des prophéties improbables qui se réalisent. Elle porte les stigmates de la Passion et accomplit des miracles attestés par ses contemporains, comme des guérisons et des multiplications de vivres.

Tandis qu’elle médite sur la Passion, le Mardi saint 1509, elle voit soudainement Jésus-Christ vêtu d’une robe d’un « rouge enflammé », resplendissant de « rayons lumineux » qui « s’échappent de ses plaies sacrées ». « Mon épouse, dit-il,tu désires souffrir, mais connais-tu bien ta faiblesse ? — Ô mon Espérance, répond-elle, mes forces sont moins que rien ; de moi-même je suis incapable de tout, il me faut absolument votre puissant secours. — Ta grande foi, reprend Jésus, mérite d’être exaltée, c’est pourquoi je me fais une joie de te rendre participante des douleurs que j’ai endurées aux pieds et aux mains. » À ces mots, le Christ étend ses deux mains vers celles de Catherine. À cet instant, il sort de ses plaies « comme un dard de sang » qui traverse les mains de la bienheureuse. Le même phénomène se produit aux pieds. Longtemps, son corps conserve la marque des stigmates. Mais Catherine prie Dieu de les rendre invisibles par humilité. Il accepte. Devenues invisibles, ses blessures continuent jusqu’à son dernier souffle à la faire souffrir et à verser du sang. Elles redeviennent visibles après son décès.

Mais ces faveurs lui valent jalousies et envies de la part de laïcs et même de quelques religieux de son entourage. On parle d’exhibitionnisme à son sujet. On finit par la dénoncer à l’Inquisition de Turin (Italie, Piémont). La voici inculpée de sorcellerie et d’hérésie, rien de moins. Mais ses accusateurs ne peuvent apporter la moindre preuve. Le tribunal inquisitorial de Turin la disculpe définitivement. Pendant ces moments très pénibles, Catherine n’a jamais dit le moindre mal de personne.

En 1514, l’ordre dominicain l’accueille dans le cadre d’un tiers ordre, comme nombre de laïcs à cette époque. Elle savoure dès lors la joie immense de mener une vie conforme à son désir le plus cher : servir Dieu dans la prière, la récitation des heures liturgiques, et dans l’assistance qu’elle procure aux démunis de Racconigi, malgré sa pauvreté personnelle.

Ses tourments ne sont pas terminés pour autant. Sa popularité et ses communications avec le Christ lui valent une seconde fois une hostilité malveillante de certains. En 1523, le duc Bernardin Ier de Savoie lui donne l’ordre de quitter Racconigi sur le champ. La bienheureuse trouve refuge à Caramagna, un village voisin, avec deux autres tertiaires. Les trois femmes y vivent en recluses. Prêtres et religieuses reçoivent l’interdiction de les visiter. Catherine tient bon, confiante en la providence. « Jésus est mon seul espoir », répète-t-elle à chaque instant.

Une lecture superficielle de la vie de la bienheureuse pourrait laisser croire que cette femme aurait été excessive dans sa piété, son ascèse, et qu’elle était une marginale associable. C’est tout l’inverse : à l’image d’une moniale, Catherine ne se réfugie jamais dans des rêveries, mais, au contraire, se sépare de tout ce qui n’est pas Dieu pour pouvoir prier en communion avec le monde entier.

L’histoire va lui donner amplement raison. Parallèlement à son éloignement, plusieurs prédicateurs dominicains se mettent à parler d’elle à travers la péninsule italienne. Catherine devient un sujet d’admiration bien au-delà du Piémont. Le comte Jean-François Pic de la Mirandole (neveu du célèbre philosophe de la Renaissance) s’intéresse à elle, à ses charismes rares, au don total qu’elle a fait d’elle-même pour l’Évangile. Lors du cinquième concile du Latran, Jean-François, favorable à un meilleur rôle du laïcat dans l’Église, propose au pape Léon X un projet de réforme dans l’Église. Il écrit à Catherine et celle-ci lui répond. C’est le début d’une amitié spirituelle qui, après la mort de la bienheureuse, favorisera considérablement sa renommée parmi la haute noblesse italienne. Catherine rend son âme à Dieu sans avoir pu retourner dans son village natal. Toutefois, une ferveur populaire évidente est décrite lors de ses funérailles, pourtant extrêmement modestes. Cinq mois après sa mort, son corps est porté à Garessio (Italie, Piémont), où vivait son dernier confesseur, le dominicain Pierre-Martyr Morelli. Sa dépouille s’y trouve aujourd’hui encore, dans l’église Notre-Dame-de-l’Assomption.

En 1808, le pape Pie VII a proclamé Catherine bienheureuse et a permis à l’ordre entier, ainsi qu’aux diocèses de Turin, de Saluces et de Mondovi, de célébrer chaque année, le 5 septembre, la messe et l’office en son honneur. À la fin de cette même année,le père Bernard Sapelli († 1823), prieur du couvent Saint-Dominique de Turin, très touché de la récente béatification de Catherine, fit ériger, dans son église, une chapelle à Catherine de Racconigi.

Lorsque saint Jean Bosco fait bâtir une basilique dédiée au Cœur de Jésus sur le mont Esquilin, à Rome, il pense aussi à la bienheureuse. La peinture de la coupole retrace la glorification du Sacré Cœur : Jésus montre son Cœur à sainte Marguerite-Marie Alacoque et à Catherine de Racconigi. Les deux bienheureuses, en extase, le contemplent.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et les phénomènes mystiques.


Au-delà des raisons d'y croire :

Le clergé italien a déclaré qu’entre « la vierge de Racconigi et la vierge de Sienne [sainte Catherine], il n’y a de différence que la canonisation ».


Aller plus loin :

  • François Marxer, « Catherine de Racconigi », dans Audrey Fella (dir.), Les Femmes mystiques. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2013, p. 223-224.

En savoir plus :

  • G. Fr. Pico della Mirandola, Compendio delle cose mirabili della beata Caterina da Racconigi, Florence, Olschki, 2010 (réédition).
  • Compendium des choses admirables faites par la bienheureuse Catherine de Racconigi, vierge très pure de l’ordre de la Pénitence de Saint-Dominique, divisé en dix livres, et composé par Jean-François Pic, prince de la Mirandole et comte de la Concorde, et terminé par le père Pierre-Martyr Morelli de Garessio, de l’ordre des Frères Prêcheurs, Chieri et Turin, 1858.
  • G.G. Ancina, Vita della beata Caterina Matei da Raconisio, Mondovi, 1899.
  • M.-C. de Ganay, Les Bienheureuses dominicaines (1190-1577), Paris, Perrin, 1913, p. 475-501.
  • G. Capello, La beata Caterina Mattei, Caramagna, 1947.
  • Gerda von Brockhusen, « Catherine de Racconigi », dans Peter Dinzelbacher (éd.), Dictionnaire de la mystique, Brepols, 1993, p. 147.
  • Patrick Sbalchiero, « Catherine de Racconigi (bienheureuse) », dans Dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007, p. 173-174.
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