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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les grands témoins de la foi
n°424

Zimbabwe

1921 – 1979

Le vagabond de Dieu, John Bradburne

John Bradburne (1921 – 1979) a vécu une vie extraordinaire. Il a été un héros réticent de la Seconde Guerre mondiale, le poète le plus prolifique de la littérature anglaise moderne, un musicien, un pèlerin et un « vagabond de Dieu», un bouffon extravagant, un ermite, un grand amoureux du Christ et de Marie, un théologien, un mystique... Après de nombreuses années de voyage et de recherche, il a trouvé l’endroit que Dieu voulait pour lui : parmi les hommes et les femmes souffrant de la lèpre, à Mutemwa, au Zimbabwe. Pendant la guerre civile, John Bradburne a été enlevé et assassiné. Depuis sa mort, l’histoire de sa vie s’est répandue dans le monde entier et des miracles ont été associés à son nom. Sa cause de béatification a été ouverte.

© Shutterstock/KieferPix
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Les raisons d'y croire :

  • Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il est pourchassé par les Japonais dans la jungle, en Malaisie, John Bradburne fait une expérience forte du Christ. La vérité du christianisme lui apparaît alors comme une évidence et transforme sa vie.
  • Quelle que soit l’activité exercée à partir de ce moment-là – il est successivement poète, musicien, organiste, maître d’école, éboueur, gardien, maçon… –, ce sera toujours au service de Dieu.
  • Selon la logique du monde, la vie humaine de vagabondage de John Bradburne pourrait être considérée comme plutôt « ratée ». Elle suscite pourtant admiration et action de grâces. Son itinéraire montre aussi que la recherche de Dieu comble véritablement une vie d’homme et plus encore.
  • Dans le mouroir sordide de Mutemwa, les lépreux n’étaient pas considérés avec humanité : ils étaient numérotés et portaient des sacs sur leur tête. Sans prendre en compte le danger pour sa santé personnelle, John Bradbrune choisit de s’établir là pour se mettre au service des lépreux : il se lie d’amitié avec eux, car il voit sur chacun de ces visages la beauté du Créateur.
  • Mutemwa, lieu de souffrance et de mort, devient en quelques semaines une communauté de paix, de foi et de joie. C’est la présence du Christ, à travers celle de John Bradburne, qui permet cette métamorphose inespérée.
  • John Bradburne a complètement donné sa vie pour les lépreux. Dans le contexte de la guerre civile du Zimbabwe, il est kidnappé puis exécuté le 5 septembre 1979 pour avoir refusé de les abandonner.
  • Depuis sa mort, plusieurs miracles ont été attribués à l’intercession de Bradburne, notamment une femme paralysée d’Afrique du Sud qui a retrouvé l’usage de ses jambes et un Écossais qui a été guéri d’une tumeur au cerveau après l’avoir prié. Mutemwa est devenu un lieu de pèlerinage.

Synthèse :

Né en 1921 en Angleterre, John Bradburne, fils d’un pasteur anglican mais peu intéressé par la religion chrétienne, se fait d’abord remarquer pour ses excentricités, passant une bonne partie de sa jeunesse dans les arbres plutôt que dans les salles de classe, ce qu’il continue à faire en Malaisie, où la guerre le conduit. Alors qu’il est pourchassé par les Japonais, perdu dans la jungle malaisienne et atteint d’une forme généralement fatale de paludisme, il fait, au seuil de la mort, une expérience forte du Christ quitransforme sa vie. Il survit et se retrouve encore plusieurs fois dans des situations de risque mortel. Il sera ensuite un héros de la guerre en Asie, envoyé en planeur derrière les lignes japonaises, mais son cœur est ailleurs : chercher Dieu et, l’ayant trouvé, aider les autres à le trouver sont les seuls buts de sa vie.

À son retour en Europe, en 1947, il entre dans l’Église catholique – conversion qui ouvre en lui une fontaine poétique qui ne se tarira jamais. Il cherche sa voie chez les Bénédictins, les Chartreux, les Pères de Sion ou comme ermite, tout en exerçant de nombreux métiers, d’enseignant à fossoyeur en passant par présentateur de télévision, maçon, sacristain, vendeur en librairie, ouvrier dans une morgue, gardien de résidence, comédien ou éboueur ; il est aussi musicien de rue, SDF, pèlerin sur les routes d’Europe et de Terre sainte, et passe un an dans la tribune d’orgue d’une église italienne... « Doué pour les fiascos », « bouffon du Christ » et « vagabond de Dieu », selon ses propres paroles, il laisse à beaucoup un souvenir fort, par son amour de Dieu, sa dévotion à Marie, son tropisme franciscain, sa joie de vivre partout où il passe et sa façon de prendre une décision : un Je vous salue Marie, puis pile ou face avec une pièce (la seule qu’il ait en poche).

Parti en 1969 en Afrique (Rhodésie, aujourd’hui Zimbabwe), il fait en arrivant trois vœux : servir les lépreux, mourir martyr, être enterré dans la bure franciscaine. Il passe plusieurs années dans des missions franciscaines puis dans un centre de missionnaires jésuites (logeant un temps sous un réservoir, plus tard dans un poulailler au milieu des poules, hébergeant ensuite des dizaines de milliers d’abeilles dans sa cellule). Il essaie de s’y rendre utile mais se consacre avant tout à la prière – John voudrait à la fois vivre en ermite uniquement pour Dieu et servir les plus pauvres, ce qui semble irréalisable.

Il découvre par hasard les lépreux du centre de Mutemwa – alors sinistre mouroir dont les deux tiers de résidents sont morts en quelques années, faute de soins et d’attention, et où les survivants doivent porter hors de leur case un sac sur la tête car « ils sont trop affreux ». La vie de John bascule : il décide sur le champ de rester au milieu d’eux ! Il se fera pour eux infirmier, gestionnaire, cuisinier, confident, catéchiste, ministre de l’Eucharistie, maître de chœur et même croque-mort. Le miracle advient : Mutemwa, un lieu de mort, devient en quelques semaines une oasis de paix, de foi et de joie. John réalise son rêve : il consacre ses journées à servir ses amis lépreux et ses nuits à prier et à écrire des poèmes pour Dieu (ne demandez pas quand il dort : très peu). Les visiteurs de Mutemwa découvrent la richesse humaine de ses amis lépreux et cet homme pour qui la réalité finale du Christ était tout. « Pour lui, il n’y avait rien d’autre. Il n’y avait en lui aucune fausse dichotomie, son amour n’était pas divisé entre créature et Créateur. Il voyait en tous l’empreinte de la beauté de celui qui est la beauté même » (J. Crane).

Mais il est un jour expulsé du centre pour avoir refusé de mettre des plaques d’identification numérotées aux lépreux, car ils ne sont pas des animaux mais ses frères et sœurs bien-aimés. Il trouve alors refuge sur une colline voisine, y souffre, y écrit des centaines de vers sur la Sainte Trinité, et redescend la nuit auprès des lépreux mourants ou malades. Il est finalement réintégré, mais voici que Mutemwa est pris dans la tourmente de la guerre civile. Malgré les menaces, John refuse d’évacuer en abandonnant ses amis lépreux. Il est kidnappé puis exécuté le 5 septembre 1979. Le premier miracle se produit le jour de son enterrement. Bien d’autres suivront…

Didier Rance, diacre, historien et ancien directeur de l’AED France, est l’auteur de plus de trente ouvrages. Il est membre de la Commission pontificale pour les nouveaux martyrs à Rome et travaille pour la cause de béatification de John Bradburne.


Au-delà des raisons d'y croire :

John Bradburne est une des figures les plus étonnantes du XXe siècle. On peut le considérer comme le plus grand poète anglais contemporain par la taille de son œuvre, surtout consacrée à la Trinité, à la Vierge Marie, à la foi chrétienne, aux splendeurs de la nature, aux lépreux…


Aller plus loin :

Didier Rance, John Bradburne, le vagabond de Dieu, Salvator, 2012.


En savoir plus :

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