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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les martyrs
n°429

Province du Hou Pé (Chine)

1838

Jésus rend la foi à Jean-Gabriel Perboyre

Le père lazariste Jean-Gabriel Perboyre est à bout. Voilà trois ans que ses supérieurs l’ont autorisé à quitter son poste de professeur au noviciat parisien de sa congrégation pour l’envoyer comme missionnaire dans l’empire du Milieu. Hélas, la réalité s’est révélée bien éloignée des aspirations héroïques du prêtre. Fatigué par les séquelles d’une maladie grave, Perboyre est physiquement éreinté, mais là n’est pas le plus grave. Le pire, c’est la crise spirituelle qu’il traverse. Tout ce qui faisait sa vie a disparu : sa vocation missionnaire, son amour des âmes qu’il voulait sauver, son attachement passionné au Christ à qui il voulait tout donner… Jean-Gabriel ne sait plus ce qu’il est venu faire ici : épouvanté, il pense ne plus croire en Dieu ou, quand un peu de sa ferveur passée lui revient, il s’imagine damné en raison de ses doutes. Mais, alors que le désespoir l’accable, Jésus vient le réconforter.

Une relique de Perboyre exposée à la vénération dans une basilique de l'Ohio. / © CC BY 4.0, Nheyob.
Une relique de Perboyre exposée à la vénération dans une basilique de l'Ohio. / © CC BY 4.0, Nheyob.

Les raisons d'y croire :

  • Certaines publications présentent la vie du missionnaire comme une aventure exaltante mêlant exotisme, périls, héroïsme, entraînant des conversions innombrables et conduisant au Ciel par la voie glorieuse du martyre. Or, la réalité est souvent plus pénible et prosaïque. La solitude, souvent complète, le regret du pays natal et des proches quittés sans retour, les difficultés d’acclimatation, les maladies, l’épuisement dû à une tâche pastorale surhumaine qui, en apparence, porte peu de fruit, la clandestinité, le danger perpétuel et les conditions de vie conduisent beaucoup de ces hommes à l’effondrement. La crise de la foi que traverse le père Perboyre n’a donc rien d’inhabituel et ne relève pas, comme on pourrait l’imaginer, d’une forme de dépression.
  • Ces crises spirituelles, parfois à la limite de l’intolérable, se dénouent par l’intervention divine : dans le cas de Perboyre, c’est par une apparition du Christ. Dans l’état de déréliction où il se trouve, persuadé tantôt que Dieu n’existe pas et que Jésus n’est pas ressuscité, tantôt qu’il est un épouvantable pécheur qui ne mérite aucun secours divin, il va de soi qu’il n’invente ni ne fabrique cette vision.
  • Le Christ lui dit : « Que crains-tu ? Ne suis-je pas mort pour toi ? Mets tes doigts dans mon côté et cesse de craindre la damnation. » Jean-Gabriel est à l’instant libéré de ses ténèbres et retrouve sa foi et son enthousiasme.
  • Quelques semaines après cette apparition, le 19 septembre 1839, le père Perboyre est dénoncé, contre récompense – tels les trente deniers de Judas – par l’un de ses paroissiens, et arrêté. Durant une pleine année, il est exhibé à travers la province, chaque jour abominablement torturé et victime de sévices sexuels. Or, cet homme qui, voilà peu, ne croyait plus en Dieu va tout endurer sans faiblir avec un courage inentamable qui dépasse les forces humaines.
  • En croyant le ridiculiser, les autorités chinoises font inscrire au-dessus de sa cage : « Voici le Dieu vivant. » Sans le comprendre, elles rendent ainsi un extraordinaire hommage à son caractère sacerdotal qui fait effectivement du prêtre un « alter Christus » – un autre Christ – tandis que Jean-Gabriel est conformé au Seigneur en sa Passion.
  • Parce qu’il refuse de piétiner la croix, ce qui équivaudrait à une apostasie et entraînerait celle de ses fidèles, le père Perboyre a le visage tailladé et brûlé au fer rouge, ce qui le laisse défiguré ; on lui inflige une bastonnade ; on le contraint à rester agenouillé sur des barres de fer et des chaînes sans parvenir à le faire abjurer...
  • Aux chrétiens courageux qui osent s’approcher de sa cage, il dit, radieux, brandissant le crucifix qu’on lui a laissé : « Il n’y a pas d’autre voie que la croix ! ». Et il ajoute à l’intention de ses ouailles : « Dites-leur de ne pas craindre la persécution et que je suis heureux de mourir pour le Christ ! » Seule l’apparition qu’il a eue explique le revirement impressionnant du père Perboyre.
  • À la stupeur des persécuteurs, le père Perboyre, qui aurait dû mourir des supplices endurés, d’autant qu’il était épuisé et en très mauvaise santé avant son arrestation, semble, au contraire, après chaque séance de torture, se remettre incroyablement vite et se porter mieux qu’avant. Le phénomène, attesté, fait penser à ce que dit saint Irénée dans sa lettre sur les martyrs de Lyon quand il évoque le diacre Sanctus de Vienne, brûlé sur tout le corps et dont les plaies guérissent quand les bourreaux veulent lui infliger une nouvelle séance. Le père Perboyre est finalement exécuté le 11 septembre 1840.

Synthèse :

Jean-Gabriel Perboyre naît au Puech (Quercy) le 6 janvier 1802. Il est l’aîné d’une famille d’agriculteurs de huit enfants dont six entrent dans les ordres. Premier-né, il doit reprendre la ferme ; pourtant, il a entendu l’appel divin. En 1817, quand Louis, son cadet entre au petit séminaire de Montauban dirigé par leur oncle lazariste, Jean-Gabriel ose parler à celui-ci de sa vocation. Prévenus, ses parents ne vont pas disputer leur fils à Dieu.

Fondés par Monsieur Vincent, les Lazaristes ont un double charisme : former le clergé diocésain et évangéliser les terres lointaines, dont la Chine, où toute implantation durable du christianisme a échoué. À la fin du XVIIIe siècle, la crainte que les missionnaires soient l’avant-garde de puissances occidentales colonisatrices a fait interdire l’empire du Milieu aux prêtres européens, laissant les 150 000 catholiques chinois abandonnés et, depuis 1784, en butte à une persécution. Ces communautés privées de prêtres et des sacrements attendent de l’aide.

Au séminaire de Montauban, Jean-Gabriel est bouleversé en lisant la vie du père François-Régis Clet, martyrisé en Chine ; il veut devenir lazariste, parler de Jésus aux Chinois, donner sa vie pour lui. Le 20 décembre 1820, il prononce ses vœux mais on l’envoie à Montdidier comme professeur au séminaire. Adepte d’un christianisme social, il fonde des associations caritatives pour pauvres et détenus. Ordonné en 1826, il obtient la chaire de théologie du séminaire de Saint-Flour, dont il devient le supérieur avant d’être envoyé au noviciat lazariste de Paris, alors que son frère Louis embarque, lui, vers la Chine. Supérieurs et médecins sont formels : Jean-Gabriel n’a pas la santénécessaire aux missions d’Orient. Il donne à ses séminaristes cette intention de prière permanente : « Priez pour que je puisse aller en Chine prêcher Jésus-Christ et mourir pour lui ! »

Louis, parti début 1831, meurt en mer. Jean-Gabriel attend quatre ans pour prendre sa relève. Enfin, alors qu’il a passé la trentaine, âge avancé pour l’apprentissage du chinois, il embarque pour Macao en mars 1835, puis part pour le Ho Nan, y tombe malade, manque mourir et reste trois mois alités. Son apostolat : 2 000 fidèles, misérables, dispersés en petites communautés clandestines sur un territoire immense que leur curé visite à pied en six mois. En 1838, il est muté dans la province du Hou Pé, où 2 000 autres catholiques abandonnés l’attendent. Tout est à refaire, c’est là que Jean-Gabriel craque.

Dès le XVIIe siècle, séminaires et noviciats formant des missionnaires évoquent les « nuits de l’âme » de missionnaires convaincus d’avoir perdu la foi. Il s’agit de crises passagères ou de tentations démoniaques à traiter par le mépris. L’Église loue ces missionnaires qui n’ont pas abandonné leur tâche alors qu’ils avançaient dans les ténèbres, jugeant que c’est le prix à payer pour amener les païens à la lumière du Christ. Jean-Gabriel Perboyre a connaissance de tout cela, mais en faire l’expérience se révèle pénible et douloureux. D’autant que le diable s’en mêle aussi, comme le prouvent les doutes contre l’amour et la miséricorde divine, qui visent à pousser au désespoir en faisant douter de la vie éternelle ou en persuadant que ses péchés lui ferment l’accès au salut. Sa crise spirituelle se dénoue par l’apparition du Christ.

Le 19 septembre 1839, il est vendu par l’un de ses paroissiens et livré aux autorités. Commence un calvaire d’une année. Pour l’édification du peuple, le missionnaire est promené, enchaîné, de ville en ville, dans une cage. Au bout d’un an, il est transféré à Wuhan pour y être exécuté. Suspendu à une croix, Jean-Gabriel subit une lente strangulation, durant laquelle on le laisse reprendre son souffle pour mieux l’asphyxier ensuite… Il meurt le 11 septembre 1840. Son corps est inhumé à côté de celui de François-Régis Clet, son modèle. Les lazaristes le ramèneront en France. Béatifié en 1885, Jean-Gabriel Perboyre est, en 1986, le premier martyr de Chine canonisé.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

Il est frappant que Thérèse de Lisieux, en ses derniers mois, connaisse une expérience comparable de « nuit de la foi », qui l’associe aux misères spirituelles des prêtres en pays de mission pour lesquels elle aime tant prier.


Aller plus loin :

  • Jean-Yves Ducourneau, Une semence d’éternité, saint Jean-Gabriel Perboyre, prêtre de la Mission, martyr, premier saint de Chine, Médiaspaul, 1996.

En savoir plus :

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