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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les mystiques
n°265

Espagne, Paris, Pontoise, Dijon (France), Louvain, Mons, Bruxelles (Belgique)

1545 – 1621

Bienheureuse Anne de Jésus, carmélite aux dons mystiques

La bienheureuse Anne de Jésus, née en 1545, est une carmélite et mystique espagnole. Dans le sillage de sainte Thérèse d’Avila et de saint Jean de la Croix, qui l’aiment et lui accordent toute leur confiance, Anne de Jésus œuvra à organiser la réforme de l’ordre du Carmel dans son pays, mais aussi dans d’autres pays, comme la France – elle est à l’origine du premier couvent de carmélites déchaussées à Paris. Âgée de soixante-quinze ans, Anne de Jésus rend l’âme à Bruxelles le 4 mars 1621. Les enquêtes pour sa béatification et sa canonisation débutent l’année même de sa mort.

© Shutterstock/Rawpixel.com
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Les raisons d'y croire :

  • Sa fille étant née sourde et muette, la mère d’Anne prie avec fidélité la Vierge Marie pour sa guérison, quotidiennement et depuis sa naissance. Anne est guérie de façon soudaine et absolument inexplicable à l’âge de sept ans. Ses premières paroles sont : « Ave Maria ! »
  • La vie spirituelle et mystique d’Anne de Jésus est rare. Elle est une religieuse exemplaire par son respect rigoureux des règles du Carmel, et Dieu la gratifie de dons exceptionnels : extase, prophétie, lecture des âmes, guérison...
  • Anne ne fait jamais étalage de ces dons mystiques exceptionnels, au sujet desquels elle conserve une grande discrétion. Parce qu’elle a beaucoup voyagé (Espagne, France, Pays-Bas, Belgique…), les témoins de ces phénomènes extraordinaires sont nombreux et variés.
  • La bienheureuse est une merveille d’équilibre ; ses charismes ne peuvent donc être confondus avec les délires d’une personne instable. Tous ses contemporains en témoignent, en Espagne comme dans les autres lieux où elle a vécu : intelligence, excellente mémoire, parfaite adaptation aux réalités, sens aigu de la communication, tempérament joyeux…
  • Dans leur correspondance épistolaire, Thérèse d’Avila et Anne de Jésus décrivent et analysent les grâces extraordinaires que le Seigneur leur envoie respectivement. Étant donné ce que l’on connaît de leur personnalité à toutes les deux, il est impossible qu’elles aient ensemble élaboré un tel mensonge.
  • Plusieurs personnes ont exprimé leur confiance totale et leur admiration pour Anne de Jésus. Sainte Thérèse d’Avila lui confie la mission d’étendre la réforme du Carmel, tâche dont elle s’acquitte à merveille. Jean de la Croix lui voue également une grande amitié spirituelle, en l’accompagnant dans sa vie mystique foisonnante.
  • Le 4 mars 1621, quelques heures après la mort d’Anne de Jésus, une carmélite de Bruxelles, sœur Jeanne du Saint-Esprit, demande à être transportée jusqu’à sa dépouille. Sœur Jeanne est alors alitée depuis plus de deux ans, incapable de remuer bras et jambes et considérée incurable par tous. Avec l'aide de deux religieuses, sœur Jeanne tente de se redresser pour embrasser le corps de la bienheureuse. A cet instant, un tremblement impressionnant secoue tout son être ; les sœurs qui l’entourent, pensent qu’elle fait un malaise, mais sœur Jeanne leur dit qu’elle se sent parfaitement guérie. De fait, elle se met debout puis s’agenouille seule devant le corps de la bienheureuse. Quelques jours avant son décès, Anne de Jésus, peinée de constater la mauvaise santé de Jeanne, avait indiqué à celle-ci qu’elle intercéderait en sa faveur quand elle sera auprès de Dieu.

Synthèse :

Ana de Lobera Torres vient au monde le 25 novembre 1545 à Medina del Campo (Espagne). Ses parents, de lignée aristocratique, sont assez démunis, mais la paix et la joie règnent dans leur foyer. La petite fille est élevée, avec un grand amour, dans la foi catholique, comme son frère aîné, Cristobal.

Pourtant, l’existence de la bienheureuse commence plutôt sous de mauvais auspices : elle naît sourde et muette. Quelques mois après sa naissance, son père meurt et sa mère, Francesca, doit assumer seule l’éducation de ses deux enfants. Cette femme fait alors preuve d’un courage sans pareil. Priant sans cesse, elle demande l’aide de Dieu pour ses enfants et en particulier pour la guérison d’Anne. La petite regarde chaque jour sa maman réciter le chapelet, l’accompagne à l’adoration eucharistique, et observe pendant de longs moments les images pieuses accrochées aux murs du logement.

En 1552, peu après son septième anniversaire, un miracle se produit : Anne se met à parler et à entendre pour la première fois. Les premières paroles qu’elle prononce sont : « Ave Maria ! » Cette guérison, inexplicable en termes scientifiques, est attribuée par tous à l’intercession de la Vierge Marie.

Les deux années suivantes sont une période de bonheur pour Anne et les siens. Malheureusement, Francesca quitte ce monde à son tour et les deux enfants sont confiés à leur grand-mère maternelle. C’est à cette époque que la petite intensifie ses liens avec la Vierge, dont la présence est pour elle une évidence. À dix ans, elle veut être toute à Jésus et promet de devenir religieuse.

Mais sa grand-mère envisage une autre destinée pour elle, comme un mariage avantageux. En 1559, Anne, devenue une adolescente intelligente, belle, charismatique, résiste à la pression de son entourage et finit un beau jour par quitter la maison de sa grand-mère, en compagnie de son frère.

Dans les semaines qui suivent, Anne découvre un nouvel obstacle à sa vocation contemplative : cette fois, sa grand-mère paternelle veut lui imposer un époux ! Profitant d’une réception familiale, à l’occasion de l’ordination d’un cousin, elle décide de marquer le coup. Au moment du repas, tandis que tout le monde est à table, sauf elle, un silence de mort chasse les bruits de la fête lorsqu’elle entre dans la salle : vêtue d’un drap noir, les cheveux coupés dans tous les sens, Anne tient à dire publiquement que seul Dieu et les choses de la foi retiennent son attention. Elle a gagné : tous – y compris son prétendant – mesurent le degré de conviction d’Anne. Quelques mois plus tard, la bienheureuse songe à demander son admission dans un couvent contemplatif, mais elle ignore encore quel ordre lui correspond le mieux. Elle prépare néanmoins son entrée dans les ordres. Son frère Cristobal la suit dans son engagement, puisqu’il rejoint la Compagnie de Jésus.

Commence alors pour Anne une période de vie spirituelle et mystique intense. Elle mène une existence ascétique, illuminée par des dons charismatiques toujours plus importants. Elle se consacre le jour à la célébration des offices, à la prière, au chapelet, et le soir aux pauvres, qu’elle tente de soulager. L’adolescente que l’on voulait marier a laissé la place à une femme nouvelle. Anne vit ainsi pendant sept ans, obéissant à son directeur spirituel, le père Rodriguez, jésuite, méditant continuellement son projet de vie consacrée, qu’elle confie à Jésus et à Marie. Son entourage découvre peu à peu l’étendue de ses dons surnaturels. Sa cousine, Maria de Cabreras, témoigne : « Elle était affable et gaie, elle me faisait toujours chanter et m’amuser, elle disait que l’esprit triste n’était pas bien disposé pour louer Dieu. »

En 1569, elle tombe malade et frôle la mort. Cette maladie, comme pour saint Ignace de Loyola, fait office dedéclencheur : son désir de servir Dieu est absolu, et bientôt le père Rodriguez est nommé à Tolède (Espagne). Or, dans cette ville, sainte Thérèse d’Avila a fondé peu auparavant l’un des premiers carmels réformés d’Espagne. Le confesseur d’Anne fait la connaissance de sainte Thérèse et écrit à sa protégée : « J’ai trouvé ici une sainte femme qui fonde des monastères de l’ordre que vous cherchez. Elle est native d’Avila et se nomme Teresa de Ahumada. Demandez à Dieu qu’il lui plaise de vous donner la lumière pour savoir si c’est là qu’il vous appelle. Quant à moi, il me semble que oui. » Le 26 juillet 1570, Anne se met en route pour rejoindre le carmel de Saint-Joseph d’Avila, dont sainte Thérèse est prieure.

Sainte Thérèse prend rapidement conscience de la valeur immense de cette jeune femme de vingt-cinq ans. C’est le début d’une longue et profonde amitié spirituelle entre les deux femmes, qui partagent un temps la même cellule. Anne de Jésus connaît parfaitement l’œuvre écrite de la sainte, qui l’inspire dans sa vie religieuse. En 1586, c’est elle que le célèbre théologien Louis de Leon charge de rassembler les écrits de la sainte, en vue d’une publication dont elle traduit elle-même une partie.

Les qualités humaines d’Anne de Jésus sont nombreuses et, pour certaines, exceptionnelles. Tous ses contemporains en témoignent : sens de l’organisation, puissance de travail, aisance diplomatique, souplesse psychologique, volonté affirmée, culture religieuse de premier plan, délicatesse dans les relations sociales et personnelles, respect de chacun, charité, dévouement pour les pauvres, etc.

Dès l’automne 1570, Anne se voit confier ses premières responsabilités dans la réforme du Carmel espagnol : direction de novices, gestion matérielle et intendance, etc. Parallèlement, la vie intérieure de la bienheureuse devient foisonnante et, l’année suivante, on célèbre sa profession solennelle avec majesté. Elle tombe en extase au cours de la cérémonie… Voyant cela, Thérèse ordonne que, désormais, les professions se tiennent dans un endroit privé !

Thérèse et Anne collaborent étroitement, unies l’une à l’autre par une foi inébranlable. En 1574, la sainte lui explique que c’est elle qui fondera désormais des monastères, avec l’aide de Dieu. Anne est nommée prieure de la communauté de Beas (Espagne). Les deux femmes échangent une correspondance importante, dans laquelle Thérèse et Anne décrivent et analysent les grâces extraordinaires que le Seigneur leur envoie.

En octobre 1578, une autre rencontre providentielle a lieu à Beas, avec le futur saint Jean de la Croix, qui devient le directeur spirituel des religieuses du lieu. Lui aussi reconnaît la valeur spirituelle et humaine d’Anne et il sait que Dieu la gratifie de faveurs mystiques. Bientôt, Anne est mise dans la confidence des projets littéraires de saint Jean, qu’elle ne cessera d’aider et, plus tard, de publier. La bienheureuse fonde avec lui le carmel de Grenade (Espagne, Andalousie). Emprisonnée un moment sur ordre de Doria, général des Carmes, elle fait montre d’une obéissance sans faille aux autorités de son ordre et au clergé séculier, comme saint Jean de la Croix dans les mêmes circonstances.

En 1590, sans l’avoir jamais rencontré, elle obtient du pape Sixte V un bref approuvant les constitutions du Carmel réformé écrites par sainte Thérèse d’Avila. 

Les années suivantes sont marquées par la multiplication des fondations de monastères : Paris (1604) où elle côtoie Pierre de Bérulle, futur cardinal, Pontoise et Dijon (1605), Louvain et Mons (Belgique, 1607-1608), Bruxelles (1610), toujours dans la plus grande fidélité à l’esprit de sainte Thérèse, et sans jamais délaisser ou écourter sa prière et son assistance à tous. Son œuvre réformatrice est donc gigantesque. C’est également elle qui inspire de son vivant la fondation d’un couvent de carmélites déchaussées à Cracovie (Pologne, 1612), puis à Anvers (Belgique, 1619).

Peu avant de mourir, le 4 mars 1621, elle exprime son souhait d’aller fonder un carmel réformé en Angleterre.

La cause de béatification de sœur Anne de Jésus débute quelques semaines à peine après sa disparition : les enquêtes afférentes ont été particulièrement longues et rigoureuses : de 1621 à 1642 puis de 1872 à 1904, avant la demande définitive de l’introduction de la cause de béatification par le chapitre général des Carmes déchaux en 1991. Le 14 décembre 2023, le pape François reconnaît un miracle attribué à Anne de Jésus. Sa béatification est prévue en 2024.

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

L’œuvre de la bienheureuse ne concerne pas seulement la réforme du Carmel, mais touche également à la spiritualité catholique dans son ensemble, en particulier grâce à sa participation féconde et savante à la publication des écrits de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila.


Aller plus loin :

Antonio Fortes et Restituto Palmero, Anne de Jésus, carmélite déchaussée : écrits et documents, Éditions du Carmel, 2001.


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