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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les martyrs
n°500

Chio (Grèce)

3 décembre 1813

Angélis de Chio, la folie du martyre

L’apostasie de l’islam entraîne, en principe, la peine de mort. Mais, au printemps 1813, le cadi refuse d’abord de verser le sang d’Angélis et préfère le condamner à l’exil sur l’île de Chio. Angélis est un « fol en Dieu », comme disent les orthodoxes : un croyant qui, sous le souffle de l’Esprit, agit comme s’il avait perdu la raison, car la sagesse divine n’est pas celle des hommes. Mais, quelques mois plus tard, Angélis de Chio se présente devant la garde turque et confesse à nouveau son nom de chrétien. Cette fois-ci, la palme du martyre ne lui échappe pas : il est décapité après avoir été brutalement malmené. Le signe céleste qui est donné le jour de sa mort montre qu’Angélis est toujours resté fidèle au plan que Dieu lui avait inspiré.

© Unsplash/Arifur Rahman
© Unsplash/Arifur Rahman

Les raisons d'y croire :

  • Angélis, médecin, a reçu une solide formation scientifique. Ce n’est pas un arriéré ignorant. Il a aussi reçu une solide éducation religieuse qui lui a donné un profond amour du Christ. Bouleversé par l’oppression imposée aux orthodoxes par les Turcs et par les échos de la persécution révolutionnaire en France, il veut faire une confession de foi qui démontre la réalité de la foi chrétienne et l’absurdité de ceux qui la rejettent, musulmans ou athées.
  • En 1812, sa rencontre avec un officier français qui fait du tourisme et se moque de la foi chrétienne incite Angélis à prendre la défense de sa religion en provoquant en duel l’insulteur. Il veut montrer que, puisqu’il croit en la vie éternelle promise par Jésus, « un chrétien ne craint pas la mort ». Son adversaire ayant déclaré forfait, Angélis passe dès lors pour un héros, mais cette réputation le gêne et ne compense pas son regret de n’avoir pas trouvé l’occasion de mourir pour le Christ. Angélis ferme alors son cabinet médical, distribue tout ce qu’il possède et se retire pour vivre en ermite dans la solitude.

  • Personne ne comprend comment la retraite d’Angélis s’achève, peu avant Pâques 1813, par sa conversion à l’islam. Ses compatriotes et ses coreligionnaires finissent par ne plus savoir à qui ils ont affaire, d’autant qu’il apostasie quelque temps après. Cette gêne, comme celle des commentateurs modernes, prouve que l’on n’a pas embelli ou réécrit la vie et la passion du personnage, et que ce que l’on dit de lui, loin des modèles classiques de l’hagiographie, est vrai.
  • Angélis donne lui-même, pendant l’audience du 3 décembre 1813, les raisons de son comportement : tout ce qu’il a fait, dit-il, il l’a fait afin de démontrer « la stupidité des superstitions islamistes » et la vérité de la foi chrétienne. Sa fausse conversion à l’islam lui aura en effet permis de souligner publiquement les contradictions de la foi musulmane. Là encore, cette attitude est trop surprenante, paradoxale et scandaleuse pour attribuer l’histoire à une volonté d’édification ; ce serait plutôt le contraire.

  • Angélis est emprisonné à la forteresse de Chio, battu, maltraité et menacé dans le but de le faire revenir à l’islam, mais, malgré son isolement, il tient bon. Il ne faiblit pas non plus devant la mort, et il est décapité le 3 décembre 1813. Cette constance dans son « plan » montre qu’il n’a pas agi sans réflexion et qu’il est prêt à souffrir, que ce soit par l’ostracisme ou par le martyre, afin de confesser sa foi.
  • Il revient au Ciel, après la mort d’Angélis, de manifester clairement, par les lumières miraculeuses jaillies autour de l’endroit où sa dépouille est enterrée, que Dieu a tenu pour agréable le sacrifice de sa vie et que le jeune homme est bel et bien un néomartyr digne de vénération.

Synthèse :

Né en Grèce, à Argos, dans le Péloponnèse, à la fin du XVIIIe siècle, Angélis est décrit par tous ceux qui le connaissent comme « pieux, dévot, doux, obéissant, compatissant et zélé ». Pratiquant, il se confesse et communie régulièrement. Personne ne met en doute son équilibre mental. Il poursuit d’ailleurs sans difficulté des études de médecine, au terme desquelles il pose sa plaque à Kusadasi, près d’Éphèse, dans l’actuelle Turquie. Ayant une clientèle chrétienne et musulmane, il est apprécié de tous pour ses compétences et sa bonté mais rêve en secret du martyre, enviant les orthodoxes suppliciés (pour avoir refusé l’islamisation) et les catholiques victimes de la Révolution française.

La première occasion se présente en 1812, alors qu’il exerce sa profession à Kusadasi, en Asie Mineure. Rencontrant un officier français qui visite les ruines d’Éphèse, il ne supporte pas de l’entendre moquer la religion chrétienne et se féliciter que la Révolution en ait débarrassé la France. Angélis ne va pas tenter de discuter avec « l’athée ». Il le défie de se soumettre au jugement divin en acceptant un duel, avec les armes de son choix, tandis que lui-même n’aura qu’un bâton. Si Dieu existe, il ne permettra pas qu’il soit vaincu par le mécréant. Angélis, qui s’est confessé et a communié avant le duel, est persuadé d’y laisser la vie, mais il a compté sans la dérobade de l’officier français, qui, sûr d’avoir affaire à un fou fanatique, refuse et disparaît sans accepter le duel. Loin de réjouir Angélis, cette victoire sans gloire le consterne et, le laissant sur sa faim, le pousse à chercher une autre voie vers le martyre.

Angélis ferme alors son cabinet, distribue tout ce qu’il possède et se retire pour vivre en ermite dans la solitude. En 1813, au début de la Semaine sainte, alors qu’il passait pour un champion de la foi orthodoxe, on rapporte qu’il se convertit de façon incompréhensible à l’islam. Pour les témoins de ces événements, Angélis est un personnage déconcertant dont le comportement erratique est difficile à comprendre et à justifier. Angélis s’installe à Nauplie. Il est, pour ses compatriotes, un apostat tenu à l’écart de la communauté chrétienne. Angélis passe alors son temps dans les églises à prier et à pleurer, manifestant un regret immense de son apostasie, témoignant de son attachement au Christ et multipliant les provocations vis-à-vis de l’islam. Au printemps 1813, la foule s’attroupe sur le quai de Nauplie : bien que ce soit le ramadan et que l’heure de rompre le jeûne soit loin, Angélis provoque un esclandre dans un café du port, exige un pichet d’eau car il a soif et, comme le patron refuse, commence à tout casser en hurlant qu’il n’est pas musulman et boit quand bon lui semble. Angélis se met à blasphémer et s’affirme chrétien. La police arrive, s’empare du forcené et le présente à un juge, qui bannit l’individu sur l’île de Chio. Là-bas, Angélis est arrêté et condamné pour avoir à nouveau confessé sa foi au Christ.

Même sa décapitation, le 3 décembre 1813, ne permet pas de se faire une idée claire sur les intentions du personnage déconcertant qui est enterré sans cérémonie hors la ville, selon la loi turque. Il faut le miracle des cierges qui s’allument spontanément de nuit autour de sa dépouille – il s’agit d’un signe céleste associé dans l’orthodoxie aux martyrs – pour prouver que, sous les apparences de la folie, Angélis est toujours resté fidèle au plan que Dieu lui avait inspiré.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

Angélis appartient à la catégorie des « martyrs volontaires » qui choisissent de donner leur vie pour le Christ en se livrant aux persécuteurs et en les provoquant, de sorte qu’ils ne puissent les épargner. L’Église se montre toujours très réticente vis-à-vis d’une attitude jugée proche du suicide et d’un manquement à la charité, car elle pousse le bourreau à commettre un péché grave en donnant la mort.

Cependant, dans certains cas, rares, elle admet qu’il s’agit d’un acte d’héroïsme véritablement inspiré et permis par Dieu afin de venger son honneur offensé ou de démontrer l’injustice des comportements des persécuteurs. Ainsi a-t-elle canonisé saint Germanicus à Smyrne, qui se livra volontairement aux juges et agressa les fauves dans l’arène pour les obliger à le dévorer, ou saint Polyeucte à Mélitène, en Arménie, qui arracha l’édit de persécution et le foula au pied, crime de lèse-majesté. Il y a donc un discernement à opérer et, dans le cas d’Angélis, le clergé de Chio s’en est remis à Dieu pour trancher.


Aller plus loin :

Hiéromoine Macaire de Simonos Petra, Le Synaxaire. En grec ou en anglais.


En savoir plus :

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