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La profondeur de la spiritualité chrétienne
n°120

XXIe siècle

L’incohérence des critiques contre le christianisme

Quand une doctrine est fausse, ses adversaires cherchent la meilleure manière de la critiquer et, dès qu’ils la trouvent, ils concentrent naturellement leurs attaques sur les faiblesses identifiées. Or, il est frappant de voir que les critiques contre la vérité du christianisme n’ont souvent aucune cohérence, si bien qu’on lui reproche tout et son contraire.

Par exemple, on dit que la religion a été inventée pour rassurer l’homme devant la mort, mais on reproche en même temps à l’Église d’avoir inventé l’enfer pour faire peur aux fidèles, ce qui est contradictoire. De même, on reproche au christianisme d’un côté d’avoir une vision irrationnelle et de l’autre d’être trop confiant dans la raison ; d’être trop rassurant tout en étant trop effrayant ; d’être à la fois moralisateur et immoral ; d’être trop permissif et aussi trop rigoriste ; d’être fondamentaliste, mais trop éloigné de l’Écriture ; d’être nationaliste et ennemi des nations ; de détourner les hommes du réel tout en se mêlant de ce qui ne le regarde pas en intervenant dans la vie publique ; d’être à la fois trop crédule et trop critique ; etc.

Mais, s’il y a de telles incohérences dans toutes les critiques adressées à l’Église, n’est-ce pas en réalité, paradoxalement, un autre motif sérieux de crédibilité du christianisme ? S’il y avait une grosse faiblesse dans la vision chrétienne du monde, elle aurait suscité des critiques fortes et cohérentes, mais ce n’est de toute évidence pas le cas.

© iStock/Getty Images Plus/FREDERICA ABAN
© iStock/Getty Images Plus/FREDERICA ABAN

Les raisons d'y croire :

  • Jésus lui-même décrit ce phénomène, déjà observable en son temps : « Jean le Baptiste est venu, en effet ; il ne mange pas de pain, il ne boit pas de vin, et vous dites : "C’est un possédé !" Le Fils de l’homme est venu ; il mange et il boit, et vous dites : "Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs" » (Lc 7,33-34).
  • Depuis 2 000 ans qu’elle reçoit, génération après génération, des critiques contradictoires, l’Église a toujours tenu bon – tandis que les régimes politiques ou les systèmes philosophiques qui s’opposaient à elle s’effondraient les uns après les autres.
  • Fondamentalement, le christianisme accepte et assume toutes les connaissances de l’ordre naturel (science, philosophie, sociologie, etc.), de sorte qu’aucune connaissance vraie n’est exclue de la raison chrétienne ; tandis que la raison matérialiste, en niant par principe l’hypothèse du surnaturel, se prive de toute possibilité de comprendre la vie religieuse.
  • De nombreux convertis peuvent témoigner que la foi chrétienne, quand on la vit, ne ressemble pas du tout à ce qu’ils imaginaient de l’extérieur.

Synthèse :

Quand plusieurs théories s’opposent, la raison juge naturellement plus crédible celle qui est la plus cohérente, sous trois aspects : la plus cohérente en elle-même (pas de contradiction logique) ; la plus cohérente avec la réalité (elle explique efficacement le réel) ; la plus cohérente dans sa démonstration (dans sa méthodologie). Or, bien souvent, dans ces trois aspects, la religion chrétienne est plus cohérente que les critiques qui lui sont adressées !

On peut donner quelques exemples de contradictions logiques des critiques adressées au christianisme :

  • Irrationnelle / trop confiante dans la raison. La critique la plus fréquente contre la religion est d’être irrationnelle, de l’ordre du ressenti subjectif. Mais, dès qu’il s’agit de parler des causes premières (la création) ou des fins dernières (le sens de la vie), on dit qu’on ne peut pas les aborder par la raison – et c’est bien l’Église qui, contre la pensée dominante, fait confiance à la capacité de la raison à tenir un discours vrai jusque dans l’ordre métaphysique.
  • Trop rassurante / trop effrayante. On dit souvent que la religion a été imaginée par l’homme pour se rassurer devant la mort. En même temps, on reproche à l’Église d’avoir manipulé les foules par la peur de l’enfer.
  • Moralisatrice / immorale. On reproche à l’Église d’être culpabilisante parce qu’elle rappelle le péché et enseigne une vérité morale objective. En même temps, on ne se prive pas de dénoncer le mal commis par des catholiques, spécialement par des prêtres. Il faut savoir : y a-t-il un mal objectif, oui ou non ?
  • Trop permissive / trop rigoriste. On reproche à l’Église de prêcher une doctrine trop difficile et d’être trop rigoriste en n’évoluant pas sur ce qui est permis et défendu, et on la critique en même temps à cause de la mise en œuvre sans limite de la miséricorde, notamment par la confession et les indulgences.
  • Fondamentaliste / trop éloignée de l’Écriture. Parce que l’Église juge irréformables certaines choses fondées sur l’autorité de l’Écriture (le mariage, le sacerdoce, l’eucharistie, etc.), le monde moderne l’accuse de fondamentalisme. Pourtant, certains protestants lui font le reproche inverse : l’Église catholique s’est écartée de l’Écriture à cause de sa Tradition.
  • Nationaliste / ennemie des nations. Parce que la doctrine sociale de l’Église reconnaît l’existence des nations et leur droit à perdurer, certains accusent l’Église de nationalisme ; mais, historiquement, l’Église a aussi été persécutée comme étant le « parti de l’étranger » quand les catholiques refusaient de quitter la communion avec le pape pour rejoindre une Église nationale (Angleterre, Chine, etc.).
  • Détournant les hommes du réel / se mêlant de ce qui ne la regarde pas. Quand l’Église invite à se tourner vers le Ciel, on dit qu’elle détourne les hommes de leur engagement temporel ; mais quand l’Église prend position sur un sujet politique ou de société, on la renvoie à la « sphère privée » en lui contestant le droit d’agir dans le monde public.
  • Trop crédule / trop critique. Tout cela n’est pas nouveau, quand on se souvient que les chrétiens, considérés aujourd’hui comme crédules, ont été persécutés dans l’Antiquité sous l’accusation d’athéisme, parce qu’ils avaient compris l’illusion des mythologies.

Ces critiques proviennent souvent d’une ignorance de ce qu’est réellement la foi chrétienne. Bien souvent, ceux qui pensent critiquer la foi chrétiennen’en ont pas une connaissance suffisante. Par exemple, on dit que la doctrine de la création est incompatible avec la science, parce qu’on sait bien que le monde n’est pas apparu en six jours comme le dit la Bible. Le problème, c’est que les chrétiens non plus ne croient pas, en fait, que le monde a été créé littéralement en six jours. De même, certains prétendent que la croyance en Dieu est simplement le « bouche-trou » d’une méconnaissance scientifique ; mais, en réalité, pour la plupart des croyants, la foi n’est pas seulement fondée sur un raisonnement sur l’origine du monde, mais sur tout un faisceau de causes variées. De même, combien de ceux qui critiquent la morale sexuelle de l’Église l’ont réellement étudiée ? C’est ainsi que, sur bien des points, les critiques adressées à l’Église ne correspondent tout simplement pas à la vie chrétienne, elles ne sont pas cohérentes avec la réalité.

Enfin, certaines critiques de la religion (et du christianisme en particulier) sont incohérentes dans leur utilisation, parce qu’elles sont appliquées à sens unique alors qu’elles sont tout aussi valables en sens contraire. C’est le cas principalement d’un certain réductionnisme psychologique, quand on entend dire : « Vous croyez en Dieu parce que vous avez été élevés comme cela », ou bien : « Vous croyez en Dieu pour telle ou telle raison psychologique (notamment la peur de la mort). » Mais les mêmes personnes se demandent-elles parfois si elles ne sont pas elles-mêmes incroyantes parce qu’elles ont été élevées comme cela, ou si elles n’ont pas abandonné la foi pour telle ou telle raison psychologique (la peur du jugement, par exemple) ?

Toutes ces mauvaises critiques, par leurs incohérences, mettent en lumière par contraste la remarquable cohérence de la doctrine chrétienne.

Tristan Rivière


Au-delà des raisons d'y croire :

Il ne faut évidemment pas confondre critique du christianisme et critique des chrétiens : les chrétiens ont, comme tout le monde, leurs péchés et leurs incohérences. L’institution ecclésiale elle-même peut prendre de mauvaises décisions ou présenter des aspects critiquables. Mais la doctrine chrétienne elle-même, et son illustration pratique authentique à travers la vie des saints, est d’une remarquable cohérence.


Aller plus loin :

Association Marie de Nazareth, Lumière du monde. La beauté de l’Église et le génie catholique, MDN Productions, 2020.


En savoir plus :

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