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Les Apôtres
n°207

Terre sainte

Ier siècle

Saint Jean l’évangéliste, apôtre et « Théologien » : un géant trop méconnu

Le témoignage de saint Jean l’évangéliste a une valeur toute particulière et il a toujours été reconnu comme tel dans la Tradition de l’Église. Dès le IIIe siècle, Origène écrit par exemple : « Il faut oser dire que, de toutes les Écritures, les Évangiles sont les prémices et que, parmi les Évangiles, les prémices sont celui de Jean, dont nul ne peut saisir le sens s’il ne s’est renversé sur la poitrine de Jésus et n’a reçu de Jésus Marie pour mère » (Commentaire sur saint Jean, livre I, 23).

L’identité de l’auteur du quatrième Évangile, qui se désigne (Jn 21,24) en cinq passages par l’expression voulue et choisie de « disciple bien-aimé » du Christ (Jn 13,23 ; 19,26 ; 20,2 ; 21,7 et 20) pour qu’on puisse tous s’identifier à lui, a été un temps remise en cause par une hypothèse exégétique moderne qui ne résiste pas à l’analyse. Il n’y a donc aucune raison de contester la Tradition de l’Église qui, depuis les origines, l’a toujours identifié à l’apôtre Jean, fils de Zébédée, membre des Douze, compagnon inséparable de Pierre, l’un trois privilégiés que Jésus prend avec lui en quelques circonstances particulières (Thabor, résurrection de la fille du chef de la synagogue, agonie), et à qui la Vierge Marie fut confiée au pied de la Croix (Jn 19,24).

Représenté traditionnellement par « un aigle » (Ap 4,7), son œuvre ne se limite pas à cet Évangile si singulier qui va plus loin que les autres dans la révélation de la divinité du Christ et à son stupéfiant prologue, car Jean est également l’auteur de trois épîtres magnifiques adressées à ses « petits enfants » dans la foi (1 Jn 2,1), ainsi que du livre de l’Apocalypse qui clôt la Révélation par la main du dernier apôtre vivant.

La recherche historique, l’archéologie et l’apport des mystiques permettent de reconstituer son parcours de vie extraordinaire, de sa naissance à Bethsaïde autour de l’an 10 à sa mort mystérieuse à Éphèse autour de l’an 100, en passant par Jérusalem, Patmos et même probablement Rome. Ce témoignage extraordinaire, si crédible, si fiable et si profond de Jean qui est, par exemple, le seul à révéler que « Dieu est lumière » (1 Jn 1,5) et que « Dieu est amour » (1 Jn 4,8 ; 16) apporte un complément unique et indispensable pour connaître le Christ en vérité.

L'Évangéliste Jean. De la peinture L'Annonciation, cathédrale de Kazan à saint-Pétersbourg. / © CC0
L'Évangéliste Jean. De la peinture L'Annonciation, cathédrale de Kazan à saint-Pétersbourg. / © CC0

Les raisons d'y croire :

  • L’Évangile de Jean a longtemps été regardé comme plus spirituel et moins historique que les Évangiles synoptiques, mais toute une série de découvertes récentes et de confirmations archéologiques ont montré qu’il n’en était rien : le quatrième Évangile est parfaitement historique, rédigé par un témoin très précis et très au courant de la réalité juive en Terre sainte avant la destruction du Temple en 70.
  • Jean insiste sans cesse, plus encore que les autres évangélistes, sur l’importance de la vérité et sur le péché que constitue tout mensonge. Et lui-même se présente comme un « témoin véridique » (Jn 19,35), qui a « entendu » de ses oreilles, « vu » de ses yeux et « touché » de ses mains le Christ (1 Jn 1,1), ce que tous les éléments disponibles confirment largement.

  • Jean ayant eu les trois plus grands maîtres de l’Histoire (Jean-Baptiste pour commencer, Jésus pendant trois ans, Marie probablement pendant vingt ans), il ne faut pas s’étonner que le jeune pécheur de Galilée assoiffé de Dieu soit devenu à leur contact « le Théologien », comme l’appellent avec emphase les orthodoxes de Patmos.

  • À l’école de Marie, qu’il a reçue de Jésus et prise « chez lui, en son intérieur » (Jn 19,27) après la Passion, Jean a contribué à générer une nouvelle forme de vie d’Église, qui n’est pas celle de Pierre et de l’Église hiérarchique, ni celle de Paul et de l’Église missionnaires, ni celle de Jacques le Mineur, dans la continuité de l’identité juive, mais celle des moines et religieux, qui, dans une vie de prières et de contemplation, auront aussi une très grande fécondité pour l’Église, nourrissant l’expérience de foi d’innombrables saints, spirituels et mystiques depuis vingt siècles.

  • Jean a eu une proximité spéciale avec le Christ, qui lui a permis d’être le seul apôtre à revenir et à être au pied de la Croix, à compatir avec Marie à ses souffrances, et il a aussi, selon la Tradition, rendu témoignage devant l’empereur à Rome et dans son exil à Patmos. C’est pourquoi il lui est reconnu dans la Tradition le titre de « martyr » non sanglant, c’est-à-dire de véritable « témoin » du Christ, comme l’Apocalypse elle-même le mentionne (Ap 1,9).

  • Sa tombe, qui a été retrouvée vide, à Éphèse, était le lieu du « miracle de la manne », que la liturgie orthodoxe célèbre le 8 mai.

Synthèse :

La Tradition nous présente saint Jean comme un apôtre très atypique

Il est à la fois, le plus jeune des douze apôtres « choisis » (Jn 6,70), « appelés » (Mt 10,1), puis « institués » (Mc 3,14) et « établis » (Mc 3,16) par Jésus « pour être avec lui » (Mc 3,14) tout au long de ses trois années de vie publique, nommés à plusieurs reprises et présents dans tous les moments importants, afin de faire d’eux ses « témoins » (Lc 24,48) et le fondement de l’Église, mais il est aussi l’un des trois apôtres privilégiés avec Pierre et Jacques, son frère, dont Jésus s’entourait en certaines circonstances (Thabor, résurrection de la fille du chef de la synagogue, agonie), le « disciple bien-aimé » de Jésus, le seul qui ait posé sa tête sur la poitrine de Jésus, à la Cène, le seul des Douze qui ait été présent au pied de la Croix, le premier qui « vit et qui crut » en voyant le linceul roulé dans le tombeau vide, l’une des « colonnes » de l’Église avec Pierre et Jacques le Mineur, selon saint Paul (Ga 2,9), celui qui a « demeuré » dans ce monde le plus longtemps, de longues années, après le martyre de Philippe dans le Pont en 81, jusqu’au règne de Trajan. Le Christ a évoqué devant Pierre son mystérieux destin en termes sibyllins : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? » À en croire saint Irénée ou saint Jérôme, il a été le dernier apôtre vivant, et le Christ est effectivement venu au terme de sa vie lui donner la révélation de l’Apocalypse. Il est encore le seul à ne pas mourir martyr (même s’il a « bu la coupe » du Christ au pied de la Croix et s’il a été « témoin » dans l’huile bouillante, selon plusieurs témoignages de Pères de l’Église), le seul qui ait révélé dans ses épîtres que « Dieu est amour » et que « Dieu est lumière », et il est enfin celui qui a composé un Évangile (et notamment son Prologue) d’une hauteur de vue tout à fait singulière, complémentaire des trois autres, dans une répartition de rôles avec eux.

 

Comment expliquer ce destin absolument extraordinaire ?

La nature du secret de saint Jean est sans doute à chercher dans le fait qu’après avoir été, à son adolescence, disciple de saint Jean le Baptiste pendant quelques années, il a ensuite été trois ans disciple de Jésus, puis il a été confié comme fils à la Vierge Marie et il la prit ainsi « chez lui » de la Croix à l’Assomption, pendant sans doute une vingtaine d’années ! La Tradition a pensé que Jean était l’apôtre vierge, choisi par Jésus avant l’âge de se marier, et il serait resté ensuite constamment près de lui. Il est possible d’essayer de reconstituer une chronologie de la vie de Jean, à partir de ce que l’Écriture, la Tradition et les recherches historiques nous donnent aujourd’hui.

 

Jean serait né aux alentours de l’an 10 après Jésus-Christ

Jusqu’à sa majorité, à douze ans, il passe sans doute son enfance à Bethsaïde, retrouvée récemment à l’emplacement même où les visions de Maria Valtorta situaient la ville, c’est-à-dire sur la rive nord du lac de Tibériade, mais à trois kilomètres à l’intérieur des terres, en raison des alluvions accumulées depuis 2 000 ans. C’est l’un des plus beaux lieux du monde. On peut facilement s’imaginer le petit Jean s’émerveillant de la beauté de la nature, et se demandant très jeune qui peut être l’auteur de tant de merveilles. Son père, Zébédée, est, selon l’Évangile, responsable d’une petite entreprise de pêche, propriétaire de ses barques, faisant travailler quelques ouvriers. Le poisson est pêché puis vendu à Capharnaüm, ou séché puis transporté pour être vendu dans la Décapole par André et Philippe, qui parlent grec, et à Jérusalem (où le bon poisson de Galilée est particulièrement apprécié) par Jacques et Jean. Comme l’indiquent les visions de Maria Valtorta, il est fort probable qu’à partir de douze ans, Jean se rende régulièrement à Jérusalem en suivant son grand frère Jacques, pour les affaires de son père ou pour les fêtes de pèlerinage. Jean, spécialement attiré par Dieu, a sans doute croisé les impressionnants maîtres de l’époque : le notable Schammaï, le grand Hillel, et son neveu Gamaliel, déjà enseignant renommé. Au vu du témoignage de l’Évangile, Jean connaît très bien la ville, les fêtes et même l’entourage du grand-prêtre (Jn 18,15-16).

 

À l’adolescence, il devient disciple de Jean le Baptiste

Sur la route de la cité sainte, lors de ses voyages, Jean adolescent passe par l’endroit où Jean le Baptiste baptisait dans le Jourdain. On peut supposer qu’il trouve en lui quelqu’un de plus fascinant encore que tous les maîtres du temple. Il devient rapidement son disciple, avec son frère Jacques, et quelques amis pécheurs : André et son frère Pierre, Philippe et Nathanaël. Ce groupe sera disciple de Jean le Baptiste jusqu’à ce que celui-ci leur désigne Jésus, comme « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Cette vision de Jésus comme Agneau immolé change la vie de saint Jean à tout jamais, il la placera au centre de son Évangile et au cœur du livre de l’Apocalypse.

 

Pendant trois ans ensuite, il sera « le disciple bien-aimé » du Christ

De l’an 27 à l’an 30, Jean passera trois ans à suivre le Christ et à recevoir jour après jour dans un cœur confiant l’enseignement du Maître divin. Il deviendra le « bien-aimé », le disciple « préféré ». Cette expression de la tradition orientale désigne le disciple qui pénètre plus profondément la pensée du maître et qui peut la restituer avec les mots mêmes de celui-ci. Saint Thomas d’Aquin, dans son commentaire de l’Évangile de saint Jean, fait cette remarque judicieuse qu’un maître aime toujours plus ses disciples intelligents. Or Jean avait une intelligence particulièrement fine et un cœur qui lui a permis d’accueillir avec beaucoup de profondeur les enseignements du Christ. Voilà pourquoi on est impressionné de trouver dans l’Évangile de Jean ces longs discours de révélation du Christ qui nous expriment de façon unique la pensée profonde et divine de Jésus. Si les Évangiles synoptiques nous donnent une synthèse de la proclamation publique des apôtres en lien avec le calendrier liturgique de l’époque, l’Évangile de Jean s’adresse de manière complémentaire aux disciples plus avancés en leur dévoilant davantage du mystère du Christ.

 

À la Croix, Jésus lui donne sa mère, avec qui il restera jusqu’à son Assomption

Son imitation de Jésus et son amour pour lui sont si forts qu’il sera le seul apôtre présent au pied de la Croix, à l’heure des ténèbres qui auront dispersé tous les autres, et c’est là que Jésus lui donnera tout spécialement sa mère en disant à Marie : « Femme, voici ton fils » (Jn 19,26) et à Jean : « Voici ta mère » (Jn 19,27) : « Et dès cette heure-là le disciple la prit chez lui » (Jn 19,27). Saint Ambroise commente : « Marie, la mère du Seigneur, était debout devant la Croix de son fils ; nul autre ne me l’a dit que saint Jean l’évangéliste. Jean m’a appris comment Jésus sur la Croix a appelé sa mère. C’est le testament du Christ en Croix et Jean y apposait sa signature, digne témoin d’un si grand testateur. Testament précieux qui lègue non de l’argent, mais la vie éternelle, qui est écrit non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant. Et tandis que les apôtres étaient en fuite, Marie se tenait debout au pied de la Croix et, de ses yeux maternels, elle contemplait les blessures de son fils. Elle attendait non la mort de son bien-aimé, mais le salut du monde. »

 

Après l’Ascension de Jésus, Jean se met à l’école de Marie

La deuxième étape de la vie de saint Jean semble être la rumination. Intelligent, il a essayé d’intégrer et de comprendre le message. Il l’a surtout fait, en étant accompagné par Marie, pendant vingt ans. Il a intégré toute la vie du Christ à la lumière de Marie pour voir et comprendre en profondeur tous ses miracles et tous ses enseignements. De 30 à 36, après la Pentecôte, Jean, qui n’a que vingt ans, est très proche de Pierre, qu’il seconde lors de la première évangélisation de Jérusalem, comme on le voit dans les Actes des Apôtres, en restant silencieux, comme son caractère et son jeune âge l’y inclinent, jusqu’à ce que la persécution qui suit la révocation de Ponce Pilate oblige les apôtres à s’en aller. C’est probablement dès 37 que saint Jean part avec la Vierge Marie pour s’établir à Éphèse, comme en témoigne une tradition locale solide, rappelée en 431 par la lettre officielle que les Pères du concile d’Éphèse envoyèrent à Nestorius. Toutefois, ce ne seront pas Jean et Marie qui fonderont l’Église à Éphèse, mais Paul, qui le fera dix-sept ans plus tard, lorsqu’il viendra pour deux ans sur place. Alors que tous les apôtres mettent à profit la dispersion pour fonder des Églises et répandre la bonne parole, que Pierre symbolise l’Église hiérarchique et Paul l’Église missionnaire, Jean et Marie restent discrets, à l’écart. Comment se l’expliquer ? Il semble que Jean et Marie aient inauguré à Éphèse un genre de vie nouveau, sans apostolat direct, dans le silence et la prière. En reprenant les termes de l’Apocalypse – « la femme poursuivie par le dragon s’est enfuie au désert où Dieu lui a préparé une place » –, et c’est dans ce désert de la vie cachée que Dieu va la nourrir pendant quelques années.

 

Éphèse peut être vu comme un nouveau Nazareth où Marie éduquera son « deuxième fils » 

Jésus a confié Jean à la Vierge Marie pour qu’il soit comme son fils, et la Vierge obéissante va lui faire vivre à Éphèse ce qu’elle a fait vivre à Jésus à Nazareth, en le faisant grandir de la même manière, comme pendant les trente années de vie cachée à Nazareth. La « maison de Marie » à Éphèse constitue en quelque sorte le premier monastère où Jean va prendre le temps d’approfondir puissamment le mystère du Christ, avec Marie, dans une vie de silence, de prières et de contemplation.

 

Marie et Jean, à Éphèse, posent les fondements de la vie contemplative et religieuse

Ce temps de désert aura une immense postérité dans l’Église mariale, l’Église des religieux et religieuses, centrée sur la vie de prière, la contemplation et l’approfondissement du mystère du Christ, loin du monde, dans le silence d’une vie cachée, comme l’écho de ce qu’ont vécu Marie et Jean. Les premiers moines appelaient Jean leur « père », comme un disciple d’Évagre le Pontique le mentionne. Épiphane de Salamine confirme qu’ils se réunissaient « pour imiter la vie de Marie et Jean à Éphèse » (règle monastique des agapètes). Par la suite, saint Augustin et beaucoup d’autres verront en saint Jean le modèle de la vie contemplative : « Saint Jean est à l’origine de notre plus haute spiritualité. Comme lui, les "silencieux" connaissent ce mystérieux échange de cœurs, invoquent la présence de Jean et leur cœur s’enflamme » (Athénagoras, patriarche œcuménique de Constantinople – d’après Olivier Clément, Dialogues avec le patriarche Athénagoras, Turin, Fayard, 1972, p. 159).

 

Meryem Ana est un lieu d’approfondissement

La redécouverte de « Meryem Ana » – la « maison de la Vierge », à Éphèse –, à la suite des visions d’Anne Catherine Emmerich, eut lieu sous le pontificat de Léon XIII (1878-1903). Informé de la chose, il manifesta ouvertement sa satisfaction et Pie X, Benoît XV et Pie XI s’intéressèrent beaucoup à cette découverte. Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI ont depuis fait un pèlerinage sur place, indiquant que la vie contemplative de saint Jean auprès de la Vierge Marie à Éphèse est d’une certaine manière un modèle pour tous : « Le Saint-Esprit guide les efforts de l’Église, l’engageant à adopter le même comportement que Marie. Dans le récit de la naissance de Jésus, saint Luc note que sa mère "conservait toutes ces choses, les méditant dans son cœur", s’efforçant donc de "mettre ensemble" (en grec : symballousa), avec un regard plus profond, tous les événements dont elle avait été le témoin privilégié. De façon analogue, le peuple de Dieu est lui aussi poussé par le même esprit à comprendre en profondeur tout ce qui est dit de Marie, pour progresser dans l’intelligence de sa mission intimement liée aux mystères du Christ. Le mystère de Marie engage chaque chrétien, en communion avec l’Église, à méditer dans son cœur ce que la révélation évangélique affirme de la mère du Christ. » (Jean-Paul II, catéchèse du 8 novembre 1995).

 

Jean « prit chez lui » (Jn 19,27) Marie jusqu’au bout

Après la fin de la persécution, les apôtres essayeront de se retrouver à Jérusalem vers 41, mais Jacques le Majeur, frère de Jean, sera arrêté sans que personne s’y attende, puis décapité par Hérode Agrippa. Le frère de Jean est le premier apôtre à donner le témoignage du sang. Cet événement marquera Jean, à qui Jésus avait aussi promis : « Ma coupe, vous y boirez ». Les apôtres finiront par se retrouver en 48, puis vers 49 avec saint Paul, pour ce que l’on appelle le « concile de Jérusalem » – réunion au cours de laquelle sera définie la doctrine sur la circoncision. C’est sans doute à ce moment-là que la Vierge Marie, en présence de Jean, donne à Luc les Évangiles de l’enfance, les paraboles de la miséricorde et le récit de la Passion, avant de rejoindre son fils Jésus au Ciel par son assomption quelque temps plus tard.

 

Marie est à l’origine de la révélation des mystères de l’Incarnation

Comme le disait saint Jean-Paul II : « Les premières communautés chrétiennes elles-mêmes ont recueilli les souvenirs de Marie sur les circonstances mystérieuses de la conception et de la naissance du sauveur. En particulier, le récit de l’Annonciation répond au désir des disciples de connaître de façon plus approfondie les événements ayant trait au début de la vie terrestre du Christ ressuscité. Marie est, en dernière analyse, à l’origine de la révélation sur le mystère de la conception virginale par l’opération de l’Esprit Saint. Cette vérité, qui démontre l’origine divine de Jésus et a été immédiatement saisie par les premiers chrétiens dans sa dimension importante, est inscrite au nombre des affirmations clés de leur foi » (Jean-Paul II, catéchèse du 13 septembre 1995).

 

Jean transmettra sans doute longuement son témoignage, au cours de dizaines d’années d’enseignement

Pendant les dizaines d’années qui suivront le départ de Marie, saint Jean sera, selon la Tradition, le grand enseignant des évêques et disciples de la première génération (comme Ignace ou Polycarpe, qui formeront à leur tour Pothin, évêque de Lyon, mort dans la persécution de 177, et Irénée, qu’il reçoit et forme longuement en séminaires de tradition orale, à Jérusalem, puis à nouveau à Éphèse, jusqu’à l’avènement de Domitien, qui est le premier empereur de Rome à vouloir durablement se faire adorer comme un dieu de son vivant). À Éphèse, où Jean réside régulièrement, Domitien fait construire un temple imposant de 64 mètres par 85, avec un périptère de 24 mètres sur 34, ainsi qu’une statue gigantesque le représentant. L’équipe d’archéologues autrichiens qui a travaillé sur le site d’Éphèse précise qu’il a aussi financé sur place une fontaine, un troisième système d’adduction d’eau, le pavement de l’Embolos et un nouveau gymnase, sous la direction de son « délégué à la construction », le procurateur Ti. Claudius Clemens (d’après Helmut Halfman, Éphèse et Pergame. Urbanisme et commanditaires en Asie Mineure, Ausonius, 2004).

 

Selon une tradition, saint Jean a subi le martyre à Rome dans l’huile bouillante, mais il en fut sauvé

Jean, qui est alors le dernier apôtre encore en vie, n’a pas dû rester silencieux devant le blasphème de Domitien, parce qu’il a sans doute été traduit en 94 à Rome devant l’empereur, qui le questionne et le soumet au supplice de l’huile bouillante, à la Porte Latine, devant le temple de Diane, qui est l’Artémis d’Éphèse. Plusieurs écrivains anciens (Polycarpe, Tertullien, Jérôme, Ambroise, Bède le Vénérable), et les apocryphes d’Abdias, de Jean ou de Prochore rapportent le miracle qui est fêté depuis, chaque année, à Rome, le 6 mai : « Il sortit de la chaudière plus frais et plus vigoureux qu’il n’y était entré », dit saint Jérôme. Tertullien insiste sur les trois grands martyrs de l’Église de Rome : « Si tu vas en Italie, tu trouves Rome, où toute autorité est à notre disposition. Oh ! Combien est heureuse cette Église (de Rome) où quelques apôtres ont répandu toute la doctrine et versé leur sang ; où Pierre subit un martyre semblable à celui du Seigneur Jésus ; où Paul reçut la même couronne que Jean (le Baptiste) ; et où l’apôtre Jean immergé dans l’huile bouillante ne fut pas endommagé et fut condamné à l’exil dans l’île » (d’après Tertullien, La Prescription des hérétiques, chap. 36).

 

C’est sans doute Domitien qui exile Jean à Patmos, où il reçoit la révélation de l’Apocalypse

Après le miracle de l’huile bouillante, l’empereur, possiblement effrayé ou impressionné, l’exile alors dans l’île de Patmos, où il recevra en 96 la vision de l’Apocalypse, après avoir évangélisé l’île avec son disciple Prochore. Si certains exégètes modernes doutent de l’attribution de l’Apocalypse à Jean, la Tradition (Justin, Irénée, Jérôme, Clément, etc.) est unanime, et les discussions qui ont pu exister à ce sujet au IVe siècle ont été closes par le concile de Tolède, qui conclut en 633 : « L’autorité de beaucoup de conciles et les décrets synodiques des saints évêques romains établissent que le livre de l’Apocalypse est de Jean l’évangéliste, et statuent qu’il doit être rangé au nombre des divins livres. Or, il en est beaucoup qui ne reçoivent pas son autorité et refusent de la proclamer dans l’Église de Dieu. Si quelqu’un désormais ne la reçoit pas et ne la reconnaît pas publiquement dans l’Église au temps des messes entre Pâques et Pentecôte, il sera frappé d’une sentence d’excommunication » (chap. 17, Dnz 486). Dès lors, et jusqu’au XIXe siècle, la Tradition a été absolument unanime dans toutes les Églises apostoliques, comme sur place dans les monastères orthodoxes de l’île de Patmos.

 

Saint Jean termine sa vie de manière très active en Asie Mineure, où il publie finalement son Évangile

Jean retournera ensuite à Éphèse, et ce sera même sa période la plus active sur le plan apostolique, selon les apocryphes (Actes de Jean, Actes de Prochore). Jean publiera finalement en grec, avec son scribe Prochore, la substance affinée de son enseignement oral, et ce sera l’Évangile spirituel, entièrement centré autour du mystère de l’incarnation du Verbe, manifestant pleinement la divinité du Christ. « L’acuité de son intelligence spirituelle fait comparer l’apôtre saint Jean à un aigle […]. L’apôtre parle de la divinité du Seigneur comme nul n’en a jamais parlé. Il rendait là ce qu’il avait vu lui-même, car son propre Évangile raconte, non sans motif, qu’à la Cène il repose sur la poitrine du Seigneur » (saint Augustin, Traitésur l'Évangile de saint Jean, 36,1).

 

La mort de Jean et le miracle de son tombeau

« Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? », avait prophétisé le Christ en réponse à la question de Pierre « Et lui, Seigneur ? », à propos de Jean. De fait, Jean est demeuré très âgé, au point d’être pendant longtemps le dernier apôtre encore en vie. L’Évangile rapporte, en le corrigeant, « le bruit qui s’était répandu parmi les disciples qu’il ne mourrait pas ». Jean est finalement mort presque centenaire à Éphèse, sous le règne de Trajan, d’après saint Irénée, après l’an 104. Après le repos et l’ensevelissement merveilleux du saint apôtre Jean le Théologien à Éphèse, qui est fêté chaque année le 26 septembre, son tombeau fut trouvé vide et il devint une source de miracles. Le 8 mai, l’Église d’Orient célèbre la synaxe en l’honneur de la cendre – ou sainte manne – que produisait le tombeau de l’illustre saint. En effet, chaque 8 mai, le tombeau était soudainement recouvert d’une sorte de cendre, que les chrétiens du lieu appelèrent « la manne », laquelle avait la vertu de guérir les maladies de l’âme et du corps de ceux qui s’en oignaient avec foi. Ce miracle procura donc l’occasion à l’Église de célébrer solennellement une seconde fois, tous les ans, le disciple bien-aimé du Seigneur, fils chéri de la mère de Dieu. Son tombeau est encore vénéré aujourd’hui sur place dans l’immense basilique Saint-Jean qui lui a été consacrée. La Révélation de Dieu est scellée par les écrits johanniques, et la Révélation est donc définitivement close à la mort de saint Jean.

 

Saint Jean apparut bien des fois dans l’Église, mais presque toujours avec la Vierge Marie

Saint Jean apparut dès le IIIe siècle à Grégoire le Thaumaturge, puis à saint André le Fou dans l’église des Blachernes, à Constantinople, à sainte Catherine de Sienne, à saint Jean de Dieu, au pape Célestin V (1215 – 1296), à sainte Gertrude au XIIIe siècle, comme pour préparer les révélations de Jésus à Marguerite-Marie le 27 décembre 1673 en la fête de saint Jean, à Ferdinand du Portugal (1402 – 1443), à un jeune cistercien admis par saint Bernard, à Flodoard de Reims (v.893 – 966), à Gherardesca de Pise († 1269), à Hadewijch d’Anvers (vers 1240), à Marie-Amice Picard le 19 mai 1634, à Heroldsbach (1949-1952), à Knock en Irlande le 21 août 1879), ou à Séraphin de Sarov. Jean apparut presque toujours en compagnie de la Vierge Marie, sa mère, comme pour insister sur son lien unique avec la mère de Dieu.

 

Le mystère du « disciple bien-aimé » est une invitation à se mettre à sa place

L’apôtre Jean est très présent dans les Évangiles synoptiques et les Actes des Apôtres, mais il ne s’est pas nommé explicitement dans son Évangile, préférant l’expression « le disciple que Jésus aimait ». Cette question a fait couler beaucoup d’encre, et les modernes y répondent souvent d’une manière bien peu conforme à la Tradition. Pourquoi Jean a-t-il voulu ainsi cacher son nom derrière cette figure du « disciple bien-aimé » ? Très certainement parce qu’il se sentait incroyablement privilégié d’avoir connu le Christ, sa mère et son précurseur, et d’avoir vécu avec eux des moments si décisifs pour l’histoire du monde, mais il sentait aussi que tous ces cadeaux n’étaient pas pour lui seul : Jésus, sa mère et ses mystères sont offerts à tous ceux qui veulent devenir les disciples bien-aimés. Comme Jean, nous sommes invités à nous reposer sur le Cœur sacré de Jésus (Jn 13,25), à prendre Marie pour Mère (Jn 19,25-27), à vivre de foi à partir des signes que Dieu donne (Jn 20,8), à reconnaître le Christ dans le quotidien de nos vies (Jn 21,7), à demeurer en Dieu en se souvenant de ses merveilles (Jn 21,21-24) et à suivre l’Agneau « partout où il va », jusqu’à sa Croix et sa Résurrection. 

 

Nous sommes tous appelés à devenir des disciples bien-aimés

« Dans la personne de Jean, comme l’Église l’a toujours cru, explique Léon XIII, le Christ désigna celle du genre humain, de ceux surtout qui croiraient en lui. » Le pape Jean-Paul II, lui aussi, a très souvent insisté sur ce moment si important où Jésus va confier à sa mère ce disciple qu’il aimait et qui l’aimait tellement, et dans lequel chaque disciple du Christ est invité à se reconnaître : « Le nom du disciple était Jean. C’est précisément lui, Jean, fils de Zébédée, apôtre et évangéliste, qui entendit les paroles du Christ venant du haut de la Croix : "Voici ta mère". Auparavant, le Christ avait dit à sa mère : "Femme, voici ton fils". C’était là un testament admirable. En quittant ce monde, le Christ donna à sa mère un homme qui serait pour elle comme un fils : Jean. Il le lui confia. Et par la suite de ce don, de cette remise entre ses mains, Marie devint la mère de Jean. La mère de Dieu est devenue la mère de l’homme. À partir de cette heure-là, Jean la "prit chez lui" et il devint sur terre le gardien de la mère de son maître ; c’est en effet pour des enfants un droit et un devoir de prendre soin de leur mère. Mais Jean devint surtout, par la volonté du Christ, le fils de la mère de Dieu. Et à travers Jean, tout homme devint son fils à elle » (Jean-Paul II, homélie de la messe du 13 mai 1982 à Fatima).

Olivier Bonnassies


Au-delà des raisons d'y croire :

Jean conduit à la vie de prière et de contemplation : « Saint Jean est à l’origine de notre plus haute spiritualité. Comme lui, les "silencieux" connaissent ce mystérieux échange de cœurs, ils invoquent la présence de Jean et leur cœur s’enflamme » (Athénagoras, patriarche œcuménique de Constantinople – d’après Olivier Clément, Dialogues avec le patriarche Athénagoras, Turin, Fayard, 1972, p. 159).


Aller plus loin :

La vidéo de la chaîne YouTube Marie de Nazareth : Saint Jean l’évangéliste, apôtre et « Théologien » : un géant trop méconnu.


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