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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les martyrs
n°246

Mexique

10 février 1928

Mort à 14 ans pour le Christ Roi, José Luis Sanchez del Rio

En 1925, le pape Pie XI instaure la fête du Christ-Roi, qui rappelle la royauté de Jésus sur toutes les nations et toute l’humanité. En 1926, les catholiques mexicains, poussés à bout par la persécution religieuse du président Calles, se soulèvent au nom du Christ Roi contre le pouvoir athée. Ainsi naît la Cristiada qui, privée de soutien international et d’aide militaire, ne peut qu’être vaincue. Dans ses rangs, un adolescent alors âgé de treize ans, José Luis Sanchez del Rio n’a pas voulu rester en arrière. Exécuté au terme d’un épouvantable supplice, José Luis succombe le 10 février 1928.

© CC BY-NC-ND 2.0 DEED, flickr.
© CC BY-NC-ND 2.0 DEED, flickr.

Les raisons d'y croire :

  • Alors même qu’il n’existe rationnellement aucune chance de gagner cette guerre, il faut un courage immense, un attachement indéfectible au catholicisme et une foi hors du commun pour s’engager dans ce combat perdu d’avance et aller au-devant d’une mort inévitable et horrible, car le sadisme des troupes de Calles est connu.
  • S’il faut de l’héroïsme à des adultes pour s’engager, que dire s’agissant d’un enfant ? Surtout quand personne ne le prend au sérieux. Quand José Luis Sanchez del Rio a voulu rejoindre les insurgés, les chefs l’ont gentiment renvoyé chez ses parents en lui donnant rendez-vous « le jour de ses dix-huit ans », échéance lointaine que le gamin refuse. Il insiste, encore et encore : à la longue, le général Gorostiche accepte de l’enrôler, si sa mère le permet…

  • Face à sa mère en larmes, l’adolescent s’écrie : « Maman, jamais il n’a été aussi facile et rapide de gagner son Ciel ! Je vous en prie, ne m’en empêchez pas ! » La croyance dans les promesses de la vie éternelle et de l’éternité bienheureuse – faudrait-il les acheter au prix du martyre – l’emporte sur toute considération humaine, même l’amour maternel : elle dit oui.

  • Fait prisonnier après une résistance acharnée, José Luis est ramené dans sa ville natale où, pendant quinze jours, l’on va tout essayer pour l’amener à abjurer sa foi. Ni le chantage, ni les menaces, ni les fausses promesses de grâce, ni les tortures n’ont raison du courage et de la détermination du jeune martyr soutenu par sa foi, son amour du Christ Roi et de Notre Dame de Guadalupe.
  • Dans l’espoir de le faire faiblir, on l’oblige à assister au supplice d’un autre cristero, capturé avec lui, mais c’est l’enfant qui soutient le courage de l’autre homme, lui assurant avec une confiance inentamable : « Dis au Christ Roi, près duquel tu seras dans un instant, de me garder une place à ses côtés, car je te rejoindrai bientôt près de lui. »

  • On oblige la mère de Jose Luis à assister au supplice de son enfant : on le fait marcher jusqu’au cimetière et creuser sa propre tombe, les pieds tailladés afin d’ajouter à ses souffrances, tandis que les soldats le cravachent. On veut que la mère réclame de son fils qu’il apostasie ; stoïque, elle refuse et regarde les bourreaux s’acharner sur José Luis. À chaque coup, le garçon crie : « Longue vie au Christ Roi ! » Finalement, un officier exaspéré l’achève en lui vidant tout le chargeur de son revolver dans la tête et le précipite dans la fosse.

  • En quelques heures, malgré la répression, la tombe de Josélito devient un lieu de pèlerinage. Lorsque, la paix revenue, on exhume son cadavre, on découvre sa dépouille intacte, ce que les circonstances de sa mort et de son inhumation rendent en théorie impossible.

Synthèse :

En 1925, le pape Pie XI instaure la fête du Christ-Roi, qui rappelle la royauté de Jésus sur toutes les nations et toute l’humanité. Dans le monde moderne, ce choix du pape apparaît comme une scandaleuse provocation ; l’homme du XXe siècle ne saurait tolérer que le Christ règne sur lui, même si sa loi d’amour et son joug sont autrement plus doux que les idéologies totalitaires qui vont bientôt désoler le monde. « Ni Dieu ni maîtres ! » est un slogan qui mène non à la liberté promise, mais aux pires esclavages, ou à se placer sous la domination d’un autre souverain.

Au Mexique, les églises sont fermées, les cérémonies du culte interdites, les prêtres expulsés, pourchassés, pendus à leur clocher, fusillés devant l’autel quand ils s’obstinent à rester afin d’administrer les sacrements aux fidèles, qui connaîtront bientôt le même sort. Tout est bon pour arracher leur foi aux Mexicains. Mais, au lieu de terrifier les catholiques, le président Calles, athée et franc-maçon, les pousse à la rébellion armée. C’est à une lutte entre le bien et le mal que l’on assiste.

Calles et ses troupes, qui prétendent ne croire en rien, crient pourtant haut et fort ce qui est devenu leur programme : « Vive Satan ! », et c’est au nom du diable qu’ils massacrent leurs opposants, les cristeros. Personne ou presque, en effet, ne se soucie du sort des catholiques mexicains persécutés, pas même Rome, que la Cristiada – cette sœur américaine de la Vendée – embarrasse. A-t-on idée de se battre, en 1926, au nom du Christ Roi ? Seuls des fanatiques arriérés pourraient s’y résoudre, et c’est en fanatiques et en arriérés que les cristeros sont décrits, quand on daigne s’apercevoir qu’ils existent, souffrent et se font massacrer. Aucun soutien diplomatique ou militaire, aucune aide. C’est dans l’indifférence générale qu’ils meurent.

C’est un spectacle atroce qui se joue ce 10 février 1928 dans la rue principale de Schuayo de Morelos, au Mexique : un grand gamin de quatorze ans, bientôt quinze, puisqu’il est né le 28 mars 1913 dans cette même ville, titube dans sa marche au supplice. À chaque pas, il laisse sur le sol une marque sanglante car, la veille, pour le pousser à abjurer, on lui a tailladé la plante des pieds au couteau, puis, afin d’ajouter à ses souffrances, on a mis du sel sur ses plaies. Il tient à peine debout et, pour avancer, endure des douleurs indicibles, tandis que les soldats du président Calles, agacés de sa lenteur, lui donnent des coups de crosse et le cravachent. Livide, l’enfant se traîne. Parfois, une plainte lui échappe, camouflée sous ce cri inlassable : « Vive Notre Dame de Guadalupe ! Vive le Christ Roi ! », qui redouble la fureur de ses persécuteurs et multiplie les violences.

Il se nomme José Luis Sanchez del Rio. Il y a deux ans, à peine sorti de l’enfance, il a choisi de rejoindre les cristeros, au désespoir de sa mère qui a déjà donné deux fils à l’insurrection et voudrait garder le benjamin. Quand elle lui dit qu’il est trop petit, José Luis rétorque qu’il peut se rendre utile à l’arrière, en soignant les chevaux ou en préparant la soupe.

Très vite, malgré sa jeunesse, José Luis s’est rendu indispensable. Pas seulement pour les tâches matérielles, mais parce qu’il a un don pour soutenir le courage et la foi de ses camarades adultes, remonter le moral de ceux qui flanchent, consoler blessés et mourants qu’il assiste avec une rare compassion. Tous admirent son courage intrépide, son amour du Christ Roi et de sa Mère. José Luis devient l’icône de ce combat, illuminant les souffrances de ses camarades par son courage, sa charité, son souci des autres, sa foi inaltérable. On lui donne pour nom de guerre Tarcisio, en souvenir de saint Tarcisius, jeune diacre romain massacré par les païens en défendant l’Eucharistie, surnom qui le voue lui aussi au martyre.

Devenu le cornette du général Mendoza, il se sacrifie pour le sauver en lui donnant son cheval lors d’une déroute des cristeros devant les gouvernementaux, le 25 janvier 1928. José Luis est ramené chez lui par l’armée du président Calles, et emprisonné dans l’église Saint-Jacques, celle de son baptême. Il s’agit de faire un exemple terrible auprès de la population, car tout le monde le connaît, mais aussi de l’ébranler en remuant ses souvenirs d’enfance et la pensée de ses parents. Son père, propriétaire aisé, sachant les gouvernementaux corrompus, offre une rançon pour son fils ; la somme ne suffit pas et la mort du garçon est programmée. José Luis n’a aucune illusion et rédige pour sa mère le 5 février une lettre retrouvée sur son cadavre : « La seule chose qui m’inquiète, Maman chérie, c’est que tu vas pleurer à cause de moi. Je t’en prie ! Ne pleure pas ! Nous nous retrouverons. »

Massacré au terme d’un épouvantable chemin de croix vécu en présence de sa mère, qui trouve la force de le soutenir dans son calvaire, José Luis succombe le 10 février 1928. Il n’a pas encore quinze ans.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au-delà des raisons d'y croire :

José Luis repose dans la basilique du Sacré-Cœur de Jésus de Schuyao. Canonisé le 16 octobre 2016, il est le saint patron des JMJ et des enfants de chœur.


Aller plus loin :

Le film Cristeros, Dean Wright, Saje distribution, 2012.


En savoir plus :

  • David C. Bailey, Viva Cristo Rey!The Cristero Rebellion and the Church-State Conflict in Mexico (en anglais), University of Texas Press, 1974.
  • Cornelia R. Ferreira, BlessedJosé Luis Sanchez del Rio, Cristero Boy Martyr (en anglais), Canisius Books, 2006.
  • Hugues Kéraly, La Véritable histoire des cristeros, Éditions de l’Homme Nouveau, 2006.
  • Conférence du chanoine François de Beaurepaire en vidéo : « Saint José Luis Sanchez del Rio, jeune martyr cristero ».
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