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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les mystiques
n°42

Paray-le-Monial (Bourgogne)

1647-1690

Sainte Marguerite-Marie voit le « Cœur qui a tant aimé les hommes »

Sœur Marguerite-Marie Alacoque entre au couvent de Paray-le-Monial en 1671. Sa vie simple de religieuse est ponctuée de grâces mystiques. Le 20 juin 1675 a lieu la vision constituant la principale origine de la fête du Sacré Cœur, solennité de toute première importance pour les catholiques du monde entier : « Voici le Cœur qui a tant aimé les hommes jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. » Vénerée d’abord en raison de tous les miracles obtenus par son intercession, Marguerite-Marie sera officiellement béatifiée qu’en 1864, les pressions jansénistes puis la Révolution retardant le processus ; elle sera canonisée en 1920.

Basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial
Basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial

Les raisons d'y croire :

  • Tous les éléments de la vie de Marguerite-Marie sont parfaitement connus puisque, à la demande de son confesseur le père Rollin, elle rédige son autobiographie (voir l’édition de 1880 disponible en ligne, Vie de la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque tirée textuellement d’un manuscrit écrit par elle-même).
  • Les visions ne peuvent être des hallucinations pathologiques : Marguerite-Marie n’a jamais abandonné ses tâches quotidiennes au couvent et on ne constate aucune coupure sociale. Au contraire, la sainte vit simplement comme les autres sœurs, sous l’autorité de la supérieure. Ses écrits témoignent d’une personnalité stable et ouverte.
  • Jusqu’à sa mort, elle confie toujours et immédiatement ce qu’elle perçoit à son confesseur, afin de savoir si elle n’est pas le jouet d’illusions.
  • Il est aberrant de penser que Marguerite-Marie aurait été manipulée ou suggestionnée. L’attitude des religieuses de Paray, y compris celle de Marguerite-Marie, est un signe de leur honnêteté : personne ne connaît la nature des phénomènes que Marguerite-Marie vit et toutes attendent l’enquête de l’Église. C’est le jésuite saint Claude La Colombière, inconnu de Marguerite-Marie, qui découvre et diffuse les messages de Jésus, à l’occasion d’un séjour à Paray.
  • Il est également illusoire d’essayer de rendre compte des visions de la sainte par une quelconque influence humaine ou engouement collectif : le XVIIe siècle tout entier se méfie rigoureusement des « visionnaires ».
  • Les caractéristiques des visions du Sacré Cœur correspondent point par point à d’autres grandes expériences visionnaires médiévales, un fait que Marguerite-Marie ne pouvait connaître. Elles sont parfaitement structurées et extrêmement précises, présentant un degré de cohérence indépassable avec les expériences visionnaires reconnues depuis deux mille ans.
  • La dimension biblique des messages, leur coloration évangélique et l’absence d’erreur théologique dépassent de très loin les modestes capacités naturelles de Marguerite-Marie.
  • La revendication de créer une fête du Sacré Cœur est nécessairement divine. L’idée ne pouvait venir de Marguerite-Marie, car la ratification d’une nouvelle solennité, de surcroît sur la base de révélations privées, est un fait rarissime.
  • La coïncidence de calendrier est tout bonnement inexplicable : les révélations de Paray et l’École française de spiritualité deviennent réalité presque en même temps, en quelques décennies (1600-1670).
  • Les fruits spirituels de sainte Marguerite-Marie sont toujours visibles aujourd’hui. Paray-le-Monial attire chaque année 200 000 personnes. Plusieurs papes ont reconnu l’importance majeure des messages de Paray.

Synthèse :

Marguerite-Marie Alacoque naît dans le Charolais (Bourgogne), le 22 juillet 1647. Elle est baptisée trois jours plus tard. Son père, Claude Alacoque, est juge et notaire royal. Il a épousé en 1639 Philiberte Lamyn. Le couple a six enfants. La famille vit assez confortablement jusqu’en 1659, année au cours de laquelle Claude disparaît. Dès lors, Philiberte trouve refuge avec ses enfants chez des parents qui transforment leur quotidien en calvaire : vexations, pressions, injures, coups, etc.

Accablée de souffrances et de difficultés, Philiberte décide de placer Marguerite en pension chez les clarisses urbanistes de Charolles. C’est dans cette communauté religieuse que Marguerite fait sa première communion. C’est là aussi qu’elle tombe malade, au point que sa mère la retire du couvent au bout de deux ans. Revenue dans sa famille, elle reste la proie de ce mal que personne n’explique. « Je fus environ quatre ans sans pouvoir marcher, dit-elle, les os me perçaient la peau de tous côtés. » Mais le jour où elle promet à la Vierge de devenir sa « fille » en entrant au couvent si elle la guérissait, toute trace de ses souffrances disparaît en un instant. De nombreux témoins ont rapporté ce prodige.

En juin 1671, Marguerite est admise comme postulante au couvent des visitandines de Paray. Le 25 août 1671, en la fête du roi Saint-Louis, la postulante revêt l’habit religieux. Le nom de Marie est alors ajouté à celui de Marguerite. Les mois suivants, elle vit « toujours perdue en Dieu ». On veut s’assurer de l’esprit qui la guide. Les « voies extraordinaires » entendues par Marguerite-Marie continuent et les inquiétudes redoublent à son égard : la Visitation est un ordre basé sur la simplicité et la rigueur de la vie monastique, d’où l’extraordinaire est banni. Serait-il donc dangereux d’admettre Marguerite-Marie à la profession solennelle ?

Après réflexion, sa profession est ainsi ajournée. Quelques heures après, Jésus lui dit : « Dis à ta supérieure qu’il n’y a rien à craindre pour te recevoir, que je réponds pour toi, et que, si elle me trouve solvable, je serai ta caution ! » La mère Marie-Françoise de Saumaise vient de prendre le gouvernement de Paray. C’est à elle que Marguerite-Marie rapporte ces paroles. La nouvelle supérieure exige une preuve ; elle lui dit de demander à Jésus de la rendre utile à ses sœurs visitandines par la pratique des observances propres aux moniales. Peu après, Jésus dit ces mots incroyables : « Ma fille, je t’accorde tout cela, car je te rendrai plus utile à la religion qu’elle [la supérieure] ne pense, mais d’une manière qui n’est encore connue que de moi ; désormais, j’ajusterai mes grâces à l’esprit de ta règle […]. Je suis content que tu préfères la volonté de tes supérieures à la mienne […]. Laisse-les faire tout ce qu’elles voudront de toi : je saurai bien trouver le moyen de faire réussir mes desseins. »

Un premier événement marque les sœurs. Depuis son enfance, Marguerite a une aversion indépassable pour les fromages. Son frère Chrysostome, en l’accompagnant au monastère, avait demandé qu’on ne la force pas à en manger, sans quoi elle tomberait malade. Un jour de 1682, on lui présenta par mégarde un bout de fromage. La mère supérieure l’obligea à avaler sa part pour faire un sacrifice qui plaise à Dieu. Comme la répulsion naturelle l’emporta, la supérieure ne lui permit pas d’aller plus loin. Le lendemain, la sainte pria longtemps. Le soir, comme si de rien n’était, elle mangea du fromage pour la première fois de bon cœur devant ses sœurs très surprises. Jusqu’à sa mort, elle en consommera à chaque fois qu’on lui en servait.

Un second événement attira les regards vers elle. Les sœurs possédaient une ânesse et un ânon. La maîtresse des novices avait recommandé aux jeunes moniales de prendre garde à ce que ces bêtes ne fissent pas de dégâts dans le potager, tout en ordonnant de ne pas les laisser attachés. Vint le tour de Marguerite-Marie de surveiller les animaux. Elle se souvint de cet ordre. Mais les bêtes « ne faisaient que courir » et, ajoute la sainte, « je n’avais aucun repos jusqu’aux Angelus du soir ». Or, un jour, elle a une vision du Christ tandis qu’elle surveille les équidés. Jésus lui dit : « Laisse-les faire, ils ne feront point de mal. » Les autres sœurs aperçurent les bêtes courant dans le potager sans surveillance. Mais aucune d’entre elles ne put trouver la moindre trace de leur passage !

Un troisième prodige est attesté par toute la communauté. Au printemps 1673, la sainte devient aphone. Elle redouble de prières pour pouvoir chanter les offices. Mais rien n’y fait. Le 1er juillet 1673, pendant la célébration d’un Te Deum, elle voit un « petit enfant éclatant comme le soleil » près d’elle. Craignant que ce soit une illusion diabolique, elle demande à l’apparition : « Si c’est vous, ô mon Dieu, faites donc que je chante vos louanges ! » À l’instant, la voix lui revient.

Le 27 décembre suivant, Marguerite-Marie prie devant le Saint-Sacrement. Soudain, Jésus lui montre son Cœur de manière « si effective et sensible, qu’il ne me laissa aucun lieu d’en douter, pour les effets que cette grâce produisit en moi, qui crains pourtant toujours de me tromper en tout ce que je dis se passer en moi ». Le Christ ajoute ce jour-là : « Mon Cœur est si passionné d’amour pour les hommes […] que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen... »

Contrairement à une légende infondée, la sainte n’a jamais crié sur les toits qu’elle bénéficiait de visions, et pour cause : seuls son confesseur et la mère supérieure sont au courant. L’Église, à cette époque, multiplie les mises en garde contre les « visionnaires » et saint François de Sales, cofondateur de la Visitation, bien qu’admettant l’existence de ces phénomènes, en montre la place subalterne dans la vie chrétienne.

Ces visions ne sont en rien des hallucinations. Marguerite-Marie n’en ressent jamais le moindre effet négatif. Une grande paix l’envahit et elle apprend mystérieusement toute la spiritualité du Sacré Cœur qu’elle n’a jamais apprise humainement. Ses visions sont plus réelles que le réel, déclare-t-elle à l’instar de sainte Thérèse d’Avila qu’elle n’a également jamais étudiée. « Je le voyais [Jésus], le sentais proche de moi, et l’entendais beaucoup mieux que si ce fût été des sens corporels », ajoute-t-elle. Une autre différence entre ces visions et des hallucinations pathologiques est celle-ci : Marguerite-Marie n’a jamais abandonné ses tâches quotidiennes au couvent. Chez elle, aucune coupure sociale ! Après la surveillance des animaux, elle devient même maîtresse des sœurs du « petit habit ».

Au début de 1675, le père jésuite Claude La Colombière vient à Paray pour faire une conférence aux moniales. Marguerite-Marie, qui ignore jusqu’à son existence, entend ce jour-là ces paroles : « Voilà celui que je t’envoie. » Après son intervention, le père demande à la mère de Saumaise de lui dire qui est cette jeune religieuse, qu’il a vue pour la première fois, en désignant la place qu’occupait Marguerite-Marie. Le contact est pris. Le jésuite demande à Marguerite-Marie de continuer à noter les messages qu’elle reçoit et d’aller les porter aussitôt à sa supérieure.

Le 20 juin 1675, Jésus lui découvre son Sacré Cœur : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes […]. C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi d’après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur […] en lui faisant réparation d’honneur [...] pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. » La sainte lui répond qu’une fois de plus, elle se sent indigne d’une telle mission et que, de toutes les manières, personne ne la croira ! Jésus lui ordonne de s’adresser au père La Colombière qu’il a envoyé exprès à Paray pour « l’accomplissement de ce dessein ».

En 1678, la mère de Saumaise quitte Paray pour un autre monastère. Sa remplaçante, Péronne-Rosalie Greyfié, est une religieuse exceptionnelle. En décembre 1678, le père La Colombière rentre après un long voyage à l’étranger. La mère Greyfié obtient de lui un rapport sur les expériences de la sainte : « Qu’importe quand ce seraient des illusions diaboliques […]. Il n’y a nulle apparence à cela, parce qu’il se trouverait que le diable, en la voulant tromper, se tromperait lui-même, l’humilité, la simplicité, l’exacte obéissance et la mortification n’étant point les fruits de l’esprit de ténèbres. » Le démon est un fait récurrent pour Marguerite-Marie. Un jour, il la pousse du haut d’un escalier devant plusieurs moniales ; une autre fois, tandis qu’elle échange avec des sœurs au chauffoir, ces dernières voient subitement l’escabeau sur lequel elle est assise se mettre à remuer tout seul ; une autre fois, le siège sur lequel elle est installée se dérobe à elle trois fois de suite.

Quelques mois avant sa mort, le 17 juin 1689, le Christ demande à Marguerite-Marie de faire connaître sa volonté au roi de France : consacrer le royaume au Sacré Cœur et coudre l’emblème de celui-ci sur les étendards. Malgré les initiatives de la sainte en direction de la Visitation de Chaillot ou du jésuite de La Chaise, confesseur de Sa Majesté, Louis XIV n’a jamais connu ce message ou a feint de ne pas le connaître… Une coïncidence inexplicable de dates a été relevée : 100 ans jour pour jour après ce message de Jésus, le 17 juin 1789, les États généraux deviennent Assemblée nationale, préparant la chute de la monarchie.

Les fruits de Paray sont innombrables. La pratique de la dévotion du premier vendredi du mois, neuf mois d’affilée, tient son origine des douze « promesses » que Jésus présenta à Marguerite-Marie : « Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires à leur état. […] Je serai leur refuge assuré pendant la vie et surtout à leur mort. […] Son amour [du Sacré-Coeur] accordera à tous ceux qui communieront les premiers vendredis du mois, neuf fois de suite, la grâce de la pénitence finale, qu’ils ne mourront point dans ma disgrâce... » Ce texte a été intégralement inséré dans la bulle de canonisation de sainte Marguerite-Marie (13 mai 1920) par Benoît XV.

Celle qui n’aspirait qu’à « être ensevelie dans un éternel oubli et mépris des créatures » devient célèbre dans le monde entier en quelques années. Le monastère de Paray devient un lieu de pèlerinage dès les années 1690 et la fête du Sacré Cœur est instituée officiellement le 6 février 1765 par le pape Clément XIII. Puis elle est étendue à l’Église universelle le 23 août 1856 par Pie IX. En 1899, Léon XIII consacre l’humanité au Cœur de Jésus.

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

L’immense rayonnement de Marguerite-Marie tranche incroyablement avec la banalité de sa vie.


Aller plus loin :

Marguerite-Marie Alacoque, Sainte Marguerite-Marie Alacoque : vie et révélations écrites par elle-même, Paris, Librairie Saint-Paul, 13 mai 1920.


En savoir plus :

  • Abbé Jean Ladame, Marguerite-Marie, la sainte de Paray, Résiac, 1994.
  • Abbé Jean Croiset, La dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec la bulle de notre pape Clément XI, l’abrégé de la vie de Marie Alacoque, l’office de l’Église pour cette dévotion, & ceux de la divine Providence, et de la divine Miséricorde, Lyon, Les frères Bruyset, 1741 (1re édition en 1694, rééditée en 1895).
  • Mgr Jean-Joseph Languet de Gergy, La Vie de la vénérable mère Marguerite-Marie, Paris, Poussielgue Frères, 1890.
  •  Abbé Jean Ladame, Les faits mystiques de Paray, Résiac, 1991.
  • Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, « La dévotion au Sacré-Cœur », Revue de l’histoire des religions, t. 217, La prière dans le christianisme moderne, n° 3, 2000, p. 531-546. 
  • Abbé Jacques Benoist, Le Sacré-Cœur de Montmartre, de 1870 à nos jours, Paris, Les Éditions Ouvrières, 1992.
  • Abbé Jacques Benoist,Le Sacré-Cœur des femmes de 1870 à 1960, Paris, L’Atelier, 2000.
  • Abbé Édouard Glotin, La Bible du Cœur de Jésus, Paris, Presses de la Renaissance, 2007.
  • Jacques Le Brun, Le Christ imaginaire au XVIIe siècle, Grenoble, Jérôme Millon, 2020.
  • Patrick Sbalchiero, La Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Une épopée incroyable au cœur de l’histoire de France, Paris, Artège, 2020.
  • Cette raison de croire en vidéo sur la chaîne Youtube 1000 Raisons De Croire.
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