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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les moines
n°608

Bologne (Italie)

XVe siècle

Frère Corradino donne tout et mendie pour donner davantage

Au XVe siècle, le père Corradino Arioni est un moine du couvent dominicain de Bologne (nord de l’Italie). Sa science, sa pénitence, sa piété, son désintéressement et sa charité prudente font tant de bien autour de lui que ses frères en religion lui confient le gouvernement du couvent. Cette charge lui permet de faire rayonner le Christ autour de la communauté, car le prieur présente à ses frères un visage si souriant de la vertu chrétienne qu’une émulation vers les actes de miséricorde matérielle comme spirituelle fait briller la communauté d’une réputation qu’elle conservera longtemps. Les archives de l’ordre dominicain en font mémoire le 8 avril.

© Shuterstock/Billion Photos
© Shuterstock/Billion Photos

Les raisons d'y croire :

  • Alors qu’il est encore jeune homme, les études de droit qu’entreprend Corradino à l’université de sa ville, célèbre dans toute l’Europe, vont de succès en succès. Il en franchit tous les degrés jusqu’au doctorat, qu’il obtient plus brillamment encore. Comme le jour solennel de la remise des honneurs dus au grade de docteur approche, Corradino y renonce volontairement, leur préférant le Christ, qu’il décide de suivre désormais.
  • L’ordre des Frères prêcheurs est la voie par laquelle il veut s’unir au Dieu qu’il aime. Il prononce les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, auxquels il sera fidèle jusqu’à sa mort en 1468, en vivant dans l’esprit de pénitence, d’étude et de prédication montré par saint Dominique.
  • Les efforts qu’implique le mode de vie religieux exemplaire du frère Corradino sont dirigés et soutenus par des vues surnaturelles, car c’est pour témoigner à Dieu qu’il l’aime que le religieux agit ainsi, et pour le faire aimer par autrui. Une telle abnégation au quotidien ne passe pas inaperçue, malgré la discrétion de celui qu’elle pare, auprès de ses frères en religion. Les pères du couvent élisent donc à l’unanimité le frère Corradino prieur.
  • Dieu le gratifie, parmi d’autres dons, de celui des larmes : on voit souvent, dira-t-on de lui, que tel sermon sur la Passion du Christ ou tel autre sur les tourments qu’endura un martyr lui font répandre d’abondantes larmes, au point que l’on sait combien son cœur est attaché à Dieu, puisqu’il se liquéfie ainsi à l’extérieur lorsque l’on parle devant lui des témoignages de l’amour divin.
  • On ne peut séparer la charité envers Dieu de celle à rendre au prochain : le Christ les unit toutes deux (cf. Mt 22,34-40), parce que la première est à la racine de l’autre. Aussi la première ne peut-elle être authentique si la seconde fait défaut. Le frère Corradino le sait bien, non seulement intellectuellement (c’est-à-dire par le raisonnement), mais encore par l’expérience : l’amour voué à Dieu se vérifie par le soin donné au prochain. Aussi se prive-t-il de sa subsistance quotidienne, qu’il apporte aux étudiants pauvres de l’université. Il pourvoit aussi, à partir de ses propres ressources, au salaire de certains enseignants.
  • Il apporte également ses secours aux jeunes filles indigentes jusqu’à ce qu’elles puissent trouver une situation stable, et il subvient chaque fois à la dot nécessaire dans le cas où elles se marient. Les habitants de Bologne témoigneront que bien des filles qui se perdaient dans la prostitution ont pu être relevées grâce à l’aide du frère Corradino. Tout ce qu’il peut accomplir pour libérer les uns comme les autres des précipices moraux auxquels la misère conduit, il ne manque pas de le mettre en œuvre.
  • Pour trouver les fonds nécessaires à sa charité, il ne rougit pas d’aller mendier par les rues de la ville, où tous le connaissent en raison de la haute noblesse de sa famille, ce qui lui rend la tâche plus difficile. La vanité humaine adule facilement celui qui relève d’un rang social supérieur quand il en présente les marques visibles, mais n’a souvent que mépris pour lui si son extérieur est semblable à celui des pauvres gens. Parfois même une secrète envie y trouve occasion, sans crainte de représailles, de se venger par un mépris affiché, par des quolibets ou par une brutale rebuffade de la supériorité morale de celui qui s’est volontairement abaissé socialement. Le frère Corradino souffre certainement souvent de ces attitudes mesquines. L’humilité est donc chez lui un trait remarquable, tout autant que la charité qui le pousse à veiller sur celui qui est dans la peine pour lui venir en aide.

Synthèse :

C’est dans la célèbre, heureuse et riche cité de Bologne (nord de l’Italie) que naît le bienheureux Corradino, de la noble famille des Arioni. Après avoir pris l’habit dans le couvent dominicain de sa patrie, il se montre un novice exemplaire non seulement dans les choses importantes, mais aussi dans les moindres. Il est très appliqué à l’office choral – il s’agit des psaumes chantés au chœur, dans l’église, en louange rendue à Dieu – et porte toujours le cœur élevé vers Dieu au point que, même au cours des travaux manuels, il poursuit en esprit sa prière.

Quand, après sa mort, l’enquête sur les vertus sera ouverte, nul au couvent ne se souviendra de l’avoir entendu prononcer une parole de trop : Corradino sait en effet que la mesure dans la conversation est un moyen efficace pour éviter les fautes de vanité et de médisance. « Il devint ainsi un miroir très pur en lequel chacun pouvait voir se refléter la vraie pureté, modestie, humilité et obéissance religieuses » (Il diario domenicano, p. 203, C).

Une fois élu prieur, Corradino montre en cette charge un vif et noble zèle qu’accompagne toujours une grande prudence. Son œuvre la plus fameuse est la réalisation de la magnifique bibliothèque du couvent de Bologne, qu’il enrichit d’ouvrages rares et de manuscrits remarquables. Il ne se départit pas de son ancienne austérité envers lui-même, qu’il offre malgré lui en exemple à ses frères – exemple qui leur rend plus aisée l’observance de la règle. Il se montre à leur égard toujours empreint d’une douceur paternelle. Ces deux stimulants – le bon exemple du prieur et sa charité envers tous – agissent si fort sur les volontés des religieux que ces derniers s’attachent à vivre l’Évangile avec exigence. Ainsi, sous son gouvernement, la communauté fait année après année de grands progrès spirituels. Le nombre des frères grandit au point qu’un an après la mort du père Corradino, les religieux décident d’agrandir le couvent.

C’est sous le priorat du père Corradino que la peste sévit à Bologne. Le religieux, estimant que les jeunes frères de son couvent sont plus utiles à l’ordre qu’aux besoins du couvent, les envoie se mettre à l’abri en un lieu sûr. Lui demeure au couvent pour consoler les frères malades et soulager leurs souffrances par les soins nécessaires. Il s’occupe aussi des malheureux habitants voisins. Tous sont contagieux mais il n’en fait pas cas, risquant sa propre vie à chaque visite.

Chargé enfin autant d’années que de mérites, il meurt à Bologne durant le carême de l’année 1468. Il est enterré dans le cloître du couvent, près des dépouilles des premiers frères prêcheurs. Sa réputation de sainteté est telle qu’à la suite de l’enquête menée à son sujet à Bologne, tous ses biographes, tant ses contemporains que de plus récents, l’honorent du titre de « bienheureux ».

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au-delà des raisons d'y croire :

À Bologne, le visiteur d’aujourd’hui peut toujours se recueillir auprès d’un des plus grands trésors de la ville, conservé jalousement dans l’église des Dominicains : les os de leur fondateur, saint Dominique. Le sculpteur et architecte Nicola Pisano réalise à partir de 1264 le magnifique tombeau, dont les bas-reliefs illustrent la vie du grand patriarche. Du temps du frère Corradino, le chef du saint avait déjà été séparé du corps et placé dans un imposant reliquaire, dessiné et ciselé en 1383 par l’artiste bolognais Jacopo Roseto. De 1377 à 1413, les travaux de construction de la chapelle Saint-Dominique s’étendent : c’est en ce lieu que la communauté vient prier chaque soir aux pieds de leur père après les complies – le dernier office chanté au chœur. C’est là que nous pouvons venir, nous aussi : l’endroit nous sera familier, bien que le décor de la chapelle ait été modifié au XVIIIe siècle.

En 1469, le sarcophage de Nicola Pisano est placé dans la construction architectonique déjà existante, embellissant le tombeau de saint Dominique. Le projet est confié au sculpteur Nicola dell’Arca (Nicola da Puglia). Il est plus que probable que la réalisation d’un tel monument à la gloire du fondateur de l’ordre, voulu par les sénateurs de la ville (c’est-à-dire le conseil souverain de la cité) témoigne de la reconnaissance émue de toute la cité envers un des meilleurs fils de saint Dominique, le père Corradino, décédé un an plus tôt.


Aller plus loin :

Domenico Maria Marchese, O.P., Sagro diario domenicano, vol. II (Mesi di Marzo e Aprile), Napoli, 1670, p. 203-204. Disponible en ligne.


En savoir plus :

  • Stefano Bottari, L’Arca di S. Domenico in Bologna, Bologna, Patron, 1964.
  • Une vidéo présente (en italien) la célèbre bibliothèque du couvent de Bologne, ouverte au public. Le bibliothécaire actuel en raconte l’histoire et en détaille le patrimoine toujours remarquable, malgré les confiscations advenues lors des épisodes de suppression des congrégations religieuses (au XIXe siècle).
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